Affaire Faisán
L'affaire Faisán (en espagnol caso Faisán) est une enquête judiciaire menée en Espagne sur un réseau d'extorsion d'ETA dirigé depuis le bar Faisán situé à Irun (Guipuscoa). Dirigée par le juge de l'Audience nationale Baltasar Garzón, plus tard remplacé par le juge Pablo Ruz, l'enquête conduit au procès de 24 personnes, impliquées dans l'envoi de lettres d'extorsion réclamant le paiement à ETA du dit « impôt révolutionnaire » destinées à des entrepreneurs basques ou à la gestion des fonds ainsi obtenus entre et [1].
L'affaire acquiert une grande importance médiatique en raison d'un signalement[2] reçu le par Joseba Elosua, propriétaire du bar et considéré comme membre du réseau, qui le prévient du coup de filet que va mener la police[3]. L'enquête sur cette infiltration, instruite séparément de la cause principale, également par le juge Garzón[1], et plus tard confiée au juge Fernando Grande-Marlaska, se trouve encore partiellement couverte par le secret judiciaire.
EnquĂŞte relative Ă l'infiltration
Le , le parquet de l'Audiencia Nacional d'Espagne demande au juge GarzĂłn de classer sans suite l'enquĂŞte ouverte sur l'infiltration, estimant que, après plus de trois ans, il n'avait pu ĂŞtre Ă©tablies de preuves dĂ©montrant de façon claire l'hypothèse selon laquelle VĂctor GarcĂa Hidalgo (es), alors directeur de la Police, serait Ă l'origine du signalement[4] - [5]. Le Parti populaire (PP) annonce dès lors qu'il se portera partie civile[6] - [7]. L'association Dignidad y Justicia demande Ă©galement au juge GarzĂłn de ne pas classer l'affaire et exige que celle-ci soit menĂ©e par la Garde civile[8]. Le , le journal El Mundo prĂ©sente dans son Ă©ditorial une sĂ©rie d'hypothèses selon lesquelles les auteurs du signalement n'ont pu ĂŞtre retrouvĂ©s car ils auraient menĂ© eux-mĂŞmes l'enquĂŞte[9]. Dans leur rapport prĂ©sentĂ© le , les parties civiles soutiennent que le film de surveillance de l’entrĂ©e du bar Faisán rĂ©alisĂ© par la Police contient des coupures, Ă des moments clefs du signalement de l'opĂ©ration[10].
Le , le juge Pablo Ruz, remplaçant de GarzĂłn, ordonne de rouvrir l'enquĂŞte[11] - [12]. En fĂ©vrier, la Garde civile lui remet un rapport dans lequel l'origine accidentelle des coupures figurant sur la vidĂ©o de l’entrĂ©e du bar est Ă©cartĂ©e. En première instance, l'enquĂŞte avait conclu que les coupures avaient Ă©tĂ© causĂ©es par « des agents externes, accidentellement ou par dĂ©tĂ©rioration ». Le second rapport indique au contraire que la coupure a eu lieu au moment mĂŞme de l’enregistrement, les agents de police chargĂ©s d'assurer l'opĂ©ration ayant eux-mĂŞmes arrĂŞtĂ© et remis plus tard en marche la camĂ©ra[13]. Le , après avoir Ă©tĂ© interrogĂ© par le juge Ruz sur demande du parquet, l'un des policiers inculpĂ©s dans l'affaire admet qu'il Ă©tait prĂ©sent dans le bar au moment du signalement. Sa prĂ©sence est Ă©galement corroborĂ©e par diffĂ©rents rapports d'experts Ă©laborĂ©s Ă partir des enregistrements de la police scientifique, par le service de criminologie de la Garde civile et par une unitĂ© compĂ©tente de l'universitĂ© autonome de Barcelone[14]. Le mercredi , le juge Ruz procède Ă l'inculpation de l’ancien directeur de la Police, GarcĂa Hidalgo, du chef supĂ©rieur de la Police au Pays basque, Enrique PamiĂ©s et de l'inspecteur JosĂ© MarĂa Ballesteros pour un dĂ©lit de rĂ©vĂ©lation de secret et de collaboration ou couverture d'un groupe armĂ©[15] - [16] - [17].
RĂ©percussions politiques
L'avertissement s'Ă©tant produit en , quelques mois après la trĂŞve d'ETA survenue dans le cadre de nĂ©gociations menĂ©es par le gouvernement de JosĂ© Luis RodrĂguez Zapatero, le PP, principal parti d'opposition, demande au gouvernement, dans le cadre d'une sĂ©rie de 25 questions prĂ©sentĂ©es au Congrès en , s'il y a eu des instructions politiques dans l'affaire en rapport au groupe terroriste, et signale des irrĂ©gularitĂ©s dans le dĂ©roulement de l'enquĂŞte qui mĂ©ritent, selon lui, des explications[18]. D'autres dirigeants du PP accusent le ministère de l'IntĂ©rieur d'ĂŞtre directement Ă l'origine du signalement. C'est notamment le cas de Juan JosĂ© GĂĽemes (en)[19], ainsi que d'Esteban González Pons qui accuse Alfredo PĂ©rez Rubalcaba, alors ministre de l'IntĂ©rieur, d'ĂŞtre lui-mĂŞme Ă l'origine de la dĂ©cision d'avoir prĂ©venu le groupe armĂ©[20].
En , El Mundo publie un document d'ETA, qui aurait été saisi en France le , consistant en un compte-rendu de négociation daté du , affirmant que le signalement est une décision politique résultant d'une volonté du gouvernement d'éviter les détentions[21]. Pour sa part, le secrétaire d'État à la Sécurité, Antonio Camacho, met en doute la véracité de ce compte rendu en mettant en cause la crédibilité d'ETA[22].
Thèse de l'infiltration policière
L'idée est par ailleurs répandue que le signalement a été une action de la Police nationale pour protéger l'un de ses infiltrés dans le système d'extorsions d'ETA, ainsi que le suggère Jesús Eguiguren (en), président du Parti socialiste du Pays basque-PSOE à la Cadena SER[23] ou comme le laisse entendre un communiqué du Syndicat unifié de la Police[24].
Notes et références
- El PaĂs, « GarzĂłn imputa a 24 personas vinculadas a la red de extorsiĂłn etarra del bar Faisán »,
- Cet avertissement est généralement désigné sous le terme de « chivatazo » (littéralement et familièrement « [coup de] balance »/« délation ») dans les médias espagnols.
- ABC, « Marlaska ordena a la Guardia Civil la investigación del chivatazo policial al cobrador de la red de extorsión de ETA »,
- El PaĂs, « La fiscalĂa pide el archivo del chivatazo policial a la red de extorsiĂłn de ETA »
- LaRioja.com, « La FiscalĂa pide a GarzĂłn que archive el chivatazo a los recaudadores de ETA »
- Site officiel du Parti populaire, « El PP se persona como acusación popular en el caso Faisán »
- El Correo, « El PP irá a los tribunales para evitar que se cierre el caso Faisán »
- El Mundo, « Dignidad y Justicia pide al juez Garzón que no archive el chivatazo »
- El Mundo, « Editorial una hipótesis diabólica para el caso Faisán »,
- ABC, « DyJ denuncia cortes en el vĂdeo del bar Faisán en momentos clave del chivatazo »
- Europa Press, « El juez Ruz ordena nuevas diligencias en el caso 'Faisán' »,
- Juzgado Central de Instrucción nº 5 de Madrid, « Diligencias previas 59/2007. Auto incoación de sumario »,
- RTVE, « La Guardia Civil descarta que el corte del vĂdeo del 'caso Faisán' sea accidental »,
- EFE, « Un policĂa imputado admite su presencia en el bar Faisán durante el "chivatazo" a ETA »,
- Cadena SER, « Procesados tres mandos policiales por el chivatazo a ETA »,
- El PaĂs, « http://politica.elpais.com/politica/2011/07/13/actualidad/1310550825_477281.html »,
- ABC, « El juez Ruz procesa a los tres cargos policiales imputados por el chivatazo a ETA »,
- Libertad Digital, « ÂżHa habido alguna instrucciĂłn polĂtica en el chivatazo a ETA? »
- Telemadrid, « Juan JosĂ© GĂĽemes, en "El CĂrculo a primera hora" »,
- Terra Noticias, « González Pons no descarta querellarse contra Rubalcaba por el caso Faisán »,
- « Acta de negociación de ETA »,
- Europa Press, « Camacho elude pronunciarse para no dar publicidad a ETA y cuestiona la "veracidad" de las actas de la banda »,
- « Eguiguren sugiere que habĂa un infiltrado en el Faisán y niega que se negociara con ETA »
- « SUP: acusar a policĂas de colaborar con banda armada es una infamia judicial »