Adhyatma yoga
Adhyatma Yoga (sanskrit Adhi (« au sujet de, en direction de », et atma (« le Soi »)) signifie le yoga tourné vers le Soi. Au xxe siècle, ce yoga, issu de la tradition philosophique hindoue[1] et fort ancien — l'expression figure déjà dans la Kaṭha Upanishad ((I, 2,12)[2] — a été transmis par Swami Prajnanpad à des disciples indiens ainsi que français (parmi lesquels Arnaud Desjardins, Frédérick Leboyer, Daniel Roumanoff, Olivier Cambessédès[3]).
L'Adhyatma Yoga permet, par une compréhension du monde, de renvoyer la personne à ses propres imperfections et de s'en libérer. Inversement, par une meilleure connaissance de soi-même, il permet d'apprécier le monde à sa juste valeur. Dans cette voie spirituelle, l'intellect mène à la porte de la libération, mais la connaissance réelle passe par un vécu supra-intellectuel.
Le mental, l'égo
Le mental agit comme un filtre qui empêche de voir le monde tel qu'il est. Il est animé par des empreintes ou des « mémoires » appelées vasana et samskara, et par une mauvaise interprétation des lois de la vie.
L'égo est au fond le sentiment de séparation vis-à-vis du reste du monde, la sensation d'être un individu particulier et non un autre, l'identification à un corps, à un nom. Il est donc, dans cette perspective, une illusion qui nous sépare de la réalité du monde.
Vasana
Il s'agit d'un terme sanskrit qui signifie « dynamismes latents » ou schèmes. Ce sont les réactions types que l'on a face à un motif, à une situation. Ils sont issus de l'éducation et ont pour conséquence de faire agir l'homme en fonction de son passé et non en fonction de la situation présente. Les actions qui en découlent sont appelées réactions. L'individu qui réagit est l'esclave de son mental, au sens où il ne peut pas ne pas lui obéir car son mental est inconscient. L'être ordinaire est ainsi persuadé d'être libre alors qu'il ne l'est pas.
Samskara
Ce terme sanskrit désigne les traces laissées en nous par le passé.
Le monde est fait d'éléments, vivants ou non, qui forment ensemble des situations. Ces situations n'ont en elles-mêmes que des qualités objectives : volume sonore, nombre d'objets ou de personnes, paroles prononcées. En tant qu'être humains ordinaires, nous apposons des jugements de valeur à ces situations : bonnes ou mauvaises, favorables ou défavorables, intéressantes ou ennuyeuses. Ce qui est bien procure du plaisir, du contentement, et on le recherche. Ce qui est mal procure un déplaisir et on essaie de le fuir ou de le faire disparaître.
Ordinairement, notre éducation nous apprend que c'est la situation elle-même qui procure le plaisir ou le déplaisir. Ce yoga adopte un point de vue radicalement différent : nous sommes les créateurs de notre bien-être ou de notre mal-être. La situation est ce qu'elle est, donc neutre en elle-même.
Les concepts mentaux erronés
Le mental est composé également de concepts erronés et de la méconnaissance des lois de la vie, ce qui accentue la différence entre le monde individuel et le monde réel.
Les lois de la vie
La différence
Deux choses sont toujours différentes.
Le changement
Tout est changement, rien n'est permanent.
L'interdépendance
Toute chose est en relation avec le reste du monde.
La causalité
Le monde n'est qu'une immense et complexe succession de causes et de conséquences.
La voie
Le disciple
Le disciple est une personne qui s'engage vis-à-vis d'elle-même à échapper à ses conditionnements et à rechercher la libération. Pour cela, il cherche un maître ayant lui-même déjà atteint l'éveil spirituel. C'est dans un processus de questions-réponses que le maître voit alors apparaître chez le disciple ce qui compose son mental. Il fonctionne alors comme un miroir en montrant au disciple ce qu'il est vraiment et non ce qu'il croit être.
L'acceptation
L'acception peut se résumer en une phrase: « oui à ce qui est ». Il s'agit d'être émotionnellement d'accord avec tout ce que la vie donne à vivre. Cette acceptation s'entend précisément au niveau des émotions. Il n'est pas question d'être résigné, ni indifférent, ni d'accepter toute transaction dans le monde physique. Accepter, c'est aimer.
La vigilance
La vigilance est nécessaire pour enrayer les processus automatiques du mental et vivre consciemment les désirs ou les peurs.
La destruction du mental
La destruction du mental se fait par l'intellect, par une analyse objective de la vie.
L'érosion des désirs
Dans l'adhyatma yoga, pour atteindre la libération, il est nécessaire de se libérer de ses désirs. Les désirs sont considérés comme une tension vers l'avenir, un manque qu'il faut combler. Pour se libérer des désirs, il faut les vivre pleinement et consciemment.
L'éveil, la libération
La libération ne peut être décrite par des mots, elle passe nécessairement par un vécu. L'intellect peut néanmoins s'en faire une idée, un concept.
Il s'agirait du relâchement complet de toutes les tensions physiques, émotionnelles et mentales. Sans égo, le sage est devenu un Homme accompli. Il ne ressent plus la peur. Il est un avec le monde, au sens où il n'y a plus d'identification à soi en tant qu'individu. Le sage est devenu le monde. Il ne ressent plus qu'amour et compassion. Il ne perçoit plus le temps avec un passé et un futur, il vit un éternel présent. Il a atteint le Soi, l'Atman, la pure conscience.
Bibliographie
- Arnaud Desjardins, À la recherche du soi, quatre volumes; tome 1: Adhyatma yoga, La Table Ronde, 1986 / Réédition Pocket, 2011
- Daniel Roumanoff, Svâmi Prajnânpad, un maître contemporain, trois tomes, Paris, La Table Ronde, 1989, 1990 et 1991. / Réédition sous le même titre en deux volumes, Paris, Albin Michel, 2009, 928 p.
- R. Srinivasan, Entretiens avec Svâmi Prajnânpad, Ed. Accarias-L'Originel, 2005.
Notes et références
- (en) Georg Feuerstein, The yoga tradition: Its History, Literature, Philosophy and Practice, Delhi, Motilal Banarsidass, 2002 (ISBN 978-81-208-1923-8) p. 181
- Pierre Feuga, Tara Michaël, Le yoga, Paris, PUF, coll. « Que sais-je? », 2012 (ISBN 978-2-130-59242-6), chap. 1,III (emplacement Kindle n° 233)
- Pour la liste des disciples indiens et français voir cette page du site de C. et D. Roumanoff