Accumulateur sodium-ion
Un accumulateur sodium-ion (ou batterie sodium-ion) est un type d'accumulateur électrique, utilisant un sel de sodium pour stocker de l'énergie électrique.
Cette batterie pourrait être une alternative moins chère aux accumulateurs lithium-ion.
Principes
Comme toutes les batteries, la batterie sodium-ion stocke de l'énergie électrique via des liaisons chimiques qui peuvent se faire et se défaire côté anode. Quand la batterie est en charge des ions Na+ se « désintercalent » et migrent vers l'anode. Durant le temps d'équilibrage de charge, des électrons migrent de la cathode vers l'anode à travers le circuit externe contenant le chargeur. Lors de la décharge le processus s'inverse[1].
Les matériaux d’électrode positive
Un matériau d'électrode positive pour les batteries sodium-ion est un matériau qui peut réagir de manière réversible avec le sodium à un potentiel haut et présentant une capacité spécifique élevée. La réversibilité est importante afin que de nombreux cycles puissent être réalisés sans perte de capacité.
Phosphates
Les phosphates constituent une famille de matériaux très étudiée en tant que matériau d'électrode positive pour les batteries sodium-ion. L'avantage de ces matériaux est que les ions polyatomiques PO43− ont un fort effet inductif sur le métal de transition, ce qui diminue l'énergie de transition du couple redox du métal et par conséquent crée un potentiel électrochimique élevé. Ils sont de plus très stables[2]. Les matériaux dits NASICON (Na superionic conductor) ont une formule AxMM’(XO4)3. Leur comportement et leur structure sont bien connus car ils ont longtemps été étudiés comme électrolytes solides (notamment pour les systèmes sodium-air et sodium-soufre). Delmas et al. ont tout d'abord démontré que NaTi2(PO4)3 pouvait être électrochimiquement actif de façon réversible avec le sodium[3] - [4]. Na3V2(PO4)3 a été testé récemment et montre 2 paliers à 1,63 et 3,40 V correspondant respectivement aux transitions V2+/V3+ et V3+/V4+[5]. La capacité spécifique est d'environ 60 mAh/g pendant 50 cycles. À la suite de cela, de nombreuses publications sur ce matériau[6], ou sur des composés qui s'en rapprochent avec un métal de transition différent[7], montrent qu'il était possible d'améliorer leurs caractéristiques. Ainsi, Saravanan et al. ont réussi à obtenir, avec ce matériau, une capacité spécifique supérieure à 40 mAh/g pendant plus de 10 000 cycles[8]. Le fait que ce matériau fonctionne sur deux plateaux de potentiels distincts de près de 2 V a permis le développement de batteries symétriques tout-solide[9].
Coûts
Ses promoteurs espèrent qu'une fois produite en masse, elle sera beaucoup moins chère que son alternative à base de lithium, du fait du faible coût du sodium[2] - [10] et d'un assemblage plus simple[3] - [11].
Le sodium est beaucoup plus abondant que le lithium : on trouve 2,6 % de sodium dans la croûte terrestre, contre 0,06 % de lithium ; de plus, le sodium se trouve partout sur la planète, notamment dans l'eau de mer, sous forme de chlorure de sodium (NaCl) alors que les ressources en lithium sont très localisées dans quelques régions du globe : Argentine, Chili et Bolivie détiennent les deux tiers des ressources mondiales[12].
La combinaison des deux technologies (sodium et lithium) pourrait peut-être permettre de produire des batteries très efficientes et moins chères[4] - [13].
Recherche et développement
En 2007, des cellules sodium-ion se sont montrées capables d'entretenir une tension de 3,6 volts (pour 115 Ah/kg) après 50 cycles de charge/décharge, soit une énergie spécifique à la cathode équivalent à environ 400 Wh/kg[14], mais leur performance pour ce qui est du nombre de cycles n'atteint pas à ce jour celles des batteries de type non-aqueux Li-ion commercialisées.
Les recherches à l'université de Tokyo ont conduit à un prototype en [5] - [15].
En 2014, Aquion énergie a réussi à produire une batterie hybride lithium-ion / sodium-ion commercialement disponible avec un coût et des capacités (en kWh) semblables à ceux d'une batterie plomb-acide, et pouvant être utilisée comme source d'alimentation de secours pour des micro-réseaux électriques (microgrids)[6] - [16]. Malgré ces résultats prometteurs, Aquion a déposé son bilan en [17].
Une autre société (Faradion) produit une gamme de matériaux « sodium-ion » à faible coût, qui sont une alternative aux technologies lithium-ion. Contrairement aux batteries sodium-soufre[7], des batteries aux ions sodium peuvent être portables et fonctionner à température ambiante (environ 25 °C). Par rapport aux modèles « lithium-ion », les accumulateurs sodium-ion offrent aussi des fonctionnalités améliorées en matière de sécurité et de transport. Faradion affirme avoir amélioré le nombre de cycles de recharge complète d'un accumulateur Na-ion en utilisant une cathode en oxyde lamellaire[18].
Dans les batteries qui doivent rapidement se charger/décharger, les anode rigides posent problème : elles sont souvent trop fragiles pour résister aux cycles de rétractions/gonflements induits par les flux d'ions qui vont et viennent lors des cycles de charge/décharge. Une étude récente a montré que le remplacement de telles anodes par des anodes en bois recouvert d'étain pourrait être intéressant : les anodes souples de bois étamé ont ainsi résisté à plus de 400 cycles de charge. Après ces centaines de cycles, le bois ridé était presque intact. Les modèles informatiques indiquent que ces types de rides peuvent réduire efficacement le stress pendant la charge et la décharge. Les ions Na se déplacent à travers les parois des cellules fibreuses et diffuse au (Sn) surface du film d'étain[19] - [20].
Une autre étude a testé la possibilité d'utiliser un composite MoS2/papier graphène comme une électrode, en réussissant à produire 230 Ah/kg avec un rendement de Faraday atteignant environ 99 %[21] - [22] - [23].
Fin 2015, le réseau français RS2E a présenté un prototype de batterie sodium-ion 18650 avec 90 Wh/kg, dont la durée de vie (nombre maximum de cycles de charge et de décharge) dépasse les 2 000 cycles[24].
En , la start-up Tiamat est créée pour concevoir, développer et produire cette batterie sodium-ion qui aurait plus de 10 ans d'espérance de vie contre 3-4 ans pour celles au lithium dans des conditions d'usage continu, et des charges et des recharges 10 fois plus rapides ; elle espère lancer la production à grande échelle d'ici 2020 ; les marchés visés sont le stockage stationnaire (stockage de masse des énergies renouvelables intermittentes, éolienne ou solaire) et le stockage mobile pour des véhicules électriques (bus rechargeables en fin de ligne, aux flottes de véhicules en location)[12]. En , Tiamat lève 3,6 millions d'euros pour finaliser la mise au point de ses batteries sodium-ion en testant ses prototypes directement chez ses clients ; une fois ces tests achevés, d'ici à dix-huit mois, elle pourra lancer la phase d'industrialisation en installant en 2020 un démonstrateur produisant les premières séries de batteries[25]. Fin 2019, Tiamat annonce des cellules pouvant être chargées en 5 minutes et ayant une durée de vie de 5 000 cycles (en gardant 80 % de leur capacité) mais une capacité inférieure de 40 % aux lithium-ion (en augmentation de 30 % sur les deux dernières années)[26] - [27] - [28].
En mai 2021, l'université Washington de Saint-Louis a développé une batterie sodium-ion sans anode qui aurait la même densité que les batteries lithium-ion, tout en étant moins chère et plus légère (du fait de l'absence d'anode)[29].
En juillet 2021, la fabricant de batteries chinois CATL (30 % du marché mondial) présente une nouvelle batterie sodium-ion qui offre une meilleure capacité de recharge et une stabilité thermique améliorée ; la densité énergétique reste toutefois limitée à 160 Wh/kg contre 285 Wh/kg pour une batterie au lithium. Mais CATL promet que la densité de ses batteries au sodium atteindra bientôt 200 Wh/kg. Du fait de ce manque de densité, la technologie sodium-ion pourrait mieux convenir aux véhicules de faible gabarit. CATL présente aussi une batterie mixte qui combine des cellules sodium-ion et des cellules lithium-ion afin de bénéficier des avantages de chaque technologie, l'ensemble étant contrôlé par un algorithme de précision. Le déploiement des batteries sodium-ion a déjà débuté et CATL compte les industrialiser à grande échelle dès 2023[30].
Commercialisation
Tiamat s’apprête à lancer la production de petites séries en 2020 avec une commercialisation prévue dans toute l’Europe. Ces batteries seront destinées aux applications nécessitant une forte puissance spécifique et une charge rapide : scooters et trottinettes électriques, ou stockage statique de l’électricité (de type powerwall), où le poids n’est pas vraiment un problème. En effet, Tiamat annonce une charge 10 fois plus rapide et une durée de vie beaucoup plus élevée, mais une densité d’énergie plus faible, donc un poids plus important, à capacité de stockage égale, que les batteries lithium-ion (Li-ion)[31].
CATL, le plus grand fabricant mondial de batteries, a commencé à commercialiser des batteries sodium-ion en 2021. Le quatorzième plan quinquennal chinois promeut leur développement. Leur densité d'énergie est inférieure de près de moitié à celle des batteries lithium-ion. Elles sont donc adaptées à des utilisations pour lesquelles la densité d'énergie n'est pas critique, par exemple les véhicules urbains ou le stockage d'énergie de réseau. CATL prévoit aussi de combiner des cellules lithium-ion (Li-ion) et sodium-ion (Na-ion) dans une même batterie. L'avantage majeur de la batterie sodium-ion est de n'utiliser que des matériaux abondants et peu coûteux : sodium, fer, azote et carbone pour la cathode, aluminium pour l'anode[32].
En janvier 2023, Tiamat lance la recherche d'investisseurs pour réunir un financement de 100 millions d'euros afin de construire d'ici à 2025 une usine capable de produire plus de 500 000 batteries par jour, probablement à Amiens, dans la Somme[33].
Le producteur de batteries chinois Farasis Energy annonce en août 2022 la construction à Ganzhou d'une usine de batteries sodium-ion d'une capacité annuelle de 30 GWh. Il vendra ses batteries à Jiangling Motors Electric Vehicle (JMEV), une coentreprise chinoise dont Renault est actionnaire majoritaire, pour équiper de batteries de 32 kWh sa citadine EV3 à partir de juin 2023[34].
En avril 2023, au salon de Shanghai, plusieurs constructeurs chinois annoncent leur intention d'utiliser des batteries sodium-ion sur les véhicules d’entrée de gamme, car elles ont l'avantage d'un coût inférieur de 20 %, au prix d'une densité énergétique inférieure d'environ 20 %. CATL confirme que le premier client de ses batteries sodium-ion sera Chery. JMEV et JAC confirment le lancement de véhicules à batteries sodium-Ion avant la fin de 2023. BYD, le plus grand constructeur de voitures électriques, n'a pas encore confirmé son intention d'utiliser des batteries sodium-ion sur sa nouvelle Seagull ; il préparerait une offre de batterie mixte : une partie des cellules en sodium-ion, une autre en lithium-fer-phosphate[35].
Notes et références
- Zumdahl, Steven (3 December 2007). Chemical Principles. Cengage Learning. p. 495. (ISBN 0-618-94690-X).
- Palomares, V., Serras, P., Villaluenga, I., Hueso, K.B., Carretero-Gonzalez, J. and Rojo, T. Energy & Environmental Science, 2011, 5, 588
- Delmas, C., Nadiri, A. and Soubeyroux, J.L. Solid State Ionics, 1988, 28, 419.
- Delmas, C., Cherkaoui, F., Nadiri, A. and Hagenmuller, P. Materials Research Bulletin, 1987, 22, 631.
- Jian, Z., Zhao, L., Pan, H., Hu, Y.-S., Li, H., Chen, W. and Chen, L. Electrochemistry Communications, 2011, 14, 86.
- Jian, Z., Han, W., Lu, X., Yang, H., Hu, Y.-S., Zhou, J., Zhou, Z., Li, J., Chen, W., Chen, D. and Chen, L. Advanced Energy Materials, 2013, 3, 156.
- Chihara, K., Kitajou, A., Gocheva, I.D., Okada, S. and Yamaki, J.-I. Journal of Power Sources, 2012, 227, 80.A536-A543.
- Saravanan, K., Mason, C.W., Rudola, A., Wong, K.H. and Balaya, P. Advanced Energy Materials, 2012, 3, 244.
- Noguchi, Y., Kobayashi, E., Plashnitsa, L.S., Okada, S. and Yamaki, J.-i. Electrochimica Acta, 2013, 101 59. [18] Plashnitsa, L.S., Kobayashi, E., Noguchi, Y., Okada, S. and Yamaki, J.-i. Journal of The Electrochemical Society, 2009, 157, A536-A543.
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- CATL présente une batterie sodium-ion très prometteuse, automobile-propre.com, 30 juillet 2021.
- Batteries et véhicules électriques : l’essentiel de l’actu – Novembre 2019, automobile-propre.com, 12 novembre 2019.
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- Tiamat veut mobiliser 100 millions pour sa première usine de batteries, Les Échos, 19 janvier 2023.
- Renault entame la production de voitures électriques à la batterie révolutionnaire, automobile-propre.com, 2 mars 2023.
- CATL, Chery, BYD, JAC, JMEV : les batteries au sodium arrivent en Chine avant la fin de l’année, automobile-propre.com, 26 avril 2023.