Accords BĂ©rard-Jordana
Les accords Bérard-Jordana, conclus entre la France et l'Espagne à Burgos, siÚge du gouvernement nationaliste, le , concernent officiellement une déclaration de bon voisinage. Diplomatiquement, cet accord est signé afin d'obtenir la neutralité espagnole en échange de la reconnaissance de la légitimité de Franco sur l'Espagne.
Signé |
Burgos, Ătat espagnol |
---|
Parties | RĂ©publique française | Ătat espagnol |
---|---|---|
Signataires | Léon Bérard | Général Jordana |
Préambule
Depuis le , lâEspagne est plongĂ©e dans une guerre civile, qui oppose les forces du gouvernement rĂ©publicain issu des Ă©lections du aux Nationalistes, dirigĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Franco.
En 1939, la guerre est entrée dans sa phase finale au profit des forces nationalistes.
La bataille de l'Ăbre sâest achevĂ©e en novembre 1938 par une dĂ©faite rĂ©publicaine.
L'offensive de Catalogne, commencĂ©e le , voit lâeffondrement rĂ©publicain avec la chute de Barcelone le .
Les Nationalistes achÚvent, du 5 au 10 février, l'occupation de la Catalogne et poussent devant eux le gouvernement républicain et 450 000 Espagnols à se réfugier en France.
Contexte politique
La France doit répondre à deux problÚmes :
- Celui des réfugiés, qui causera la mise en place des camps.
- Celui de ses relations avec le trĂšs probable vainqueur, Franco.
La France se trouvait donc devant un choix stratégique :
- Venir en aide dâune façon plus rĂ©solue aux RĂ©publicains.
- ReconnaĂźtre le gouvernement rebelle du gĂ©nĂ©ral Franco pour obtenir sa neutralitĂ© lors dâun conflit Ă©ventuel avec lâAllemagne et lâItalie.
Câest cette derniĂšre orientation qui est retenue par le ministre des affaires Ă©trangĂšres, Georges Bonnet, et le gouvernement dâĂdouard Daladier, qui choisit comme nĂ©gociateur LĂ©on BĂ©rard.
Les Nationalistes jouant sur la force de leurs alliĂ©s, en particulier de lâAllemagne nazie[1] et sur la faiblesse de la France. Ils obtiennent satisfaction sur tous les points[2]. Les putschistes acceptaient simplement de recevoir un ambassadeur de France Ă Burgos[3].
Contenu
Texte de la déclaration politique
Au moment oĂč le gouvernement français, dĂ©sireux de poursuivre ses relations officielles avec lâEspagne, se dispose Ă nouer des relations diplomatiques avec le gouvernement du "gĂ©nĂ©ralissime" Franco, les deux gouvernements croient devoir dĂ©finir les principes qui rĂ©gleront les rapports qui vont sâĂ©tablir entre eux.
Le gouvernement français, convaincu que le gouvernement dictatorial dâEspagne rĂ©unit toutes les conditions nĂ©cessaires pour reprĂ©senter officiellement l'Ătat espagnol, prend acte, Ă la suite des entretiens de Burgos, que les dĂ©clarations rĂ©itĂ©rĂ©es du gĂ©nĂ©ralissime Franco et de son gouvernement expriment fidĂšlement les principes qui inspirent la politique internationale du gouvernement de lâEspagne.
En consĂ©quence les deux gouvernements affirment leur volontĂ© dâentretenir des relations amicales, de vivre en bon voisinage et de pratiquer au Maroc une politique de franche et loyale collaboration pour des intĂ©rĂȘts coloniaux communs.
Texte de la déclaration de bon voisinage
Comme consĂ©quence de la rĂ©solution quâils ont prise, dâentretenir entre eux des rapports de bon voisinage, les deux gouvernements sâengagent Ă prendre toute mesure propre Ă surveiller Ă©troitement, chacun sur son territoire, toute activitĂ© dirigĂ©e contre la tranquillitĂ© et la sĂ©curitĂ© du pays voisin.
Le gouvernement français prendra notamment les mesures nécessaires pour interdire au voisinage de la frontiÚre toute action de ressortissants espagnols qui serait contraire à la disposition ci-dessus.
Assurances verbales
- Assurances verbales données par le général Jordana sur le problÚme des réfugiés.
Le gĂ©nĂ©ral Jordana et les hauts fonctionnaires du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres de lâEspagne putschiste ont dĂ©clarĂ© formellement que leur gouvernement Ă©tait disposĂ© Ă "recevoir" tous les rĂ©fugiĂ©s, sans distinction, hommes, femmes, enfants qui sâĂ©taient rendus en France. La frontiĂšre de leur pays est ouverte sans rĂ©serve, il est cependant certain que celles et ceux qui ont fui l'Espagne franquiste avaient des raisons de craindre d'ĂȘtre amenĂ©s devant des tribunaux de guerre franquistes ou d'ĂȘtre fusillĂ©s ou exterminĂ©s de façon arbitraire et sommairement.
Le gouvernement de Burgos autorise le gouvernement français à faire usage de ces déclarations.
Texte sur les avoirs espagnols
- Texte de la DĂ©claration sur les avoirs espagnols en France
Au moment oĂč vont se nouer des relations diplomatiques entre le gouvernement français et le gouvernement du "gĂ©nĂ©ralissime" Franco, ce dernier rappelle lâimportance toute particuliĂšre quâil attache au retour de la nation espagnole de tous les avoirs qui se trouvent actuellement en France et dont la restitution Ă leur lĂ©gitime propriĂ©taire, quâil sâagisse de lâĂtat, des Corporations, des SociĂ©tĂ©s ou des particuliers est considĂ©rĂ©e par lui comme juste et nĂ©cessaire.
Le gouvernement français reconnaissant lâĂ©quitĂ© de cette demande, sâengage Ă sâemployer par tous les moyens qui relĂšvent de son pouvoir Ă assurer Ă la Nation espagnole le retour des biens dont il sâagit dans les dĂ©lais les plus brefs.
Le gouvernement espagnol prĂ©cise quâil sâagit notamment des biens suivants :
1° - Lâor dĂ©posĂ© comme gage dâun emprunt Ă la Banque de France de Mont-de-Marsan.
2° - Les armes et le matériel de guerre de toute catégorie appartenant au gouvernement ennemi ou qui lui était destiné.
3° - Le bĂ©tail de toute espĂšce entrĂ© dâEspagne en France contre le grĂ© des lĂ©gitimes propriĂ©taires.
4° - Toute la flotte marchande ou de pĂȘche sans discrimination du port dâenregistrement en Espagne.
5° - Tout le patrimoine artistique espagnol exporté depuis le , contre la volonté des légitimes propriétaires ou possesseurs.
6° - Les dĂ©pĂŽts dâor, de bijoux et de pierres prĂ©cieuses, du numĂ©raire, billets, monnaie, valeurs, titres, actions ou obligations etc. appartenant Ă lâĂtat espagnol depuis le [4], contre la volontĂ© de leurs lĂ©gitimes propriĂ©taires ou possesseurs.
7° - Tous véhicules sans distinction ni de nature ni de propriétaire, immatriculés en Espagne et détournés par exportation en France au préjudice de leurs légitimes propriétaires.
La situation spĂ©ciale dans laquelle se trouve le gouvernement espagnol Ă la suite de la guerre lâoblige Ă remettre Ă un examen ultĂ©rieur le rĂšglement de toutes les questions non mentionnĂ©es dans le paragraphe prĂ©cĂ©dent, qui seront traitĂ©es de part et dâautre dans un esprit de conciliation.
Signé, Léon Bérard et Jordana
Conséquences
- Le , la France et le Royaume-Uni reconnaissent Franco, signant ainsi l'arrĂȘt de mort de la RĂ©publique espagnole.
- Le 1er avril 1939 : Franco fait diffuser depuis Burgos l'Ăltimo parte, communiquĂ© de victoire dĂ©clarant que les armĂ©es putschistes ont atteint tous leurs objectifs militaires et que la guerre est terminĂ©e.
- Le , Philippe PĂ©tain est nommĂ© ambassadeur Ă Burgos pour surveiller, entre autres, le rapatriement des rĂ©serves dâor de la Banque dâEspagne et des toiles du musĂ©e du Prado.
- Ces engagements permettent de ne pas avoir Ă surveiller la frontiĂšre des PyrĂ©nĂ©es entre le et lâinvasion de 1940.
- Ces engagements sont une des raisons pour lesquelles le , lors de l'entrevue dâHendaye, Franco refuse Ă Hitler d'ouvrir ses frontiĂšres Ă leur passage vers Gibraltar et l'Afrique du Nord, ce qui ruine le plan d'invasion du Gibraltar.
- L'ambigĂŒitĂ© du positionnement espagnol permet pendant lâoccupation allemande Ă certains Français, Juifs, rĂ©fugiĂ©s et Ă©vadĂ©s de toutes nationalitĂ©s de se sauver ou de continuer le combat en traversant l'Espagne.
Notes et références
- Annexion de lâAutriche le 12 mars 1938, les accords de Munich le 30 septembre 1938 et lâannexion des SudĂštes n'ont eu comme rĂ©action britannique ou française que trĂšs modĂ©rĂ©ment, les deux pays signant les accords.
- Les Nationalistes espagnols exigeaient la restitution des navires républicains réfugiés dans les eaux françaises et celle des trésors d'art et de l'argent qui se trouvaient en France. Les Nationalistes refusaient de participer à l'entretien des réfugiés républicains espagnols ou de donner leur accord au gouvernement français pour récupérer ses dépenses sur les avoirs espagnols qu'il détenait.
- Burgos Ă©tait la capitale des Franquistes.
- 18 juillet 1936, date du putsch militaire, mené par Franco, Mola et Queipo de Llano qui marque le début de la Guerre civile espagnole
Voir aussi
Bibliographie
- Michel Catala, « L'ambassade espagnole de PĂ©tain (mars 1939-mai 1940) », VingtiĂšme SiĂšcle : Revue d'histoire, no 55,â , p. 29-42 (lire en ligne).