Éthologie équine
L'éthologie équine est la branche de l'éthologie, science du comportement, qui étudie les chevaux, aussi bien en ce qui concerne le comportement en milieu naturel que les relations intra-spécifiques (entre chevaux) et inter-spécifiques (avec les autres espèces), parfois en milieu non-naturel. Cette science étudie notamment le comportement du cheval en rapport avec l'être humain mais, paradoxalement, l'éthologie appliquée au cheval domestique n'est étudiée que depuis peu.
Les très nombreuses publications sur le dressage du cheval domestique en sont sans doute les principales raisons. Le premier manuscrit pouvant être qualifié de manuel d'équitation et de soins, L'art de soigner et d'entrainer les chevaux est l’œuvre de Kikkuli, un hittite, en 1500 ACN[1]. Depuis, le nombre de publications croît de façon exponentielle. Le fruit de ces recherches commence à influencer le monde équestre.
Il faut distinguer l'éthologie équine de l'équitation éthologique, qui n'est pas une science mais une méthode de dressage inspirée de l'éthologie équine[2]. L'éthologie est confondue avec l'équitation des nouveaux maîtres[Note 1]
Mise en garde
Un travers fréquent des relations être humain-cheval est l'anthropomorphisme : c'est le fait de projeter ses propres sentiments-idées sur le cheval. Un des principes fondateurs de la psychologie et de l'éthologie est le fameux rasoir d'Occam : l'explication la plus simple est la meilleure. La dérogation à cette loi entraîne une stagnation autojustifiée des relations être humain-cheval. Le couple être humain-cheval doit développer un langage commun conforme à l'éthologie du cheval. L'éthologie donne des clefs qu'il faut être capable d'utiliser. La première de celles-ci est l'observation, bien avant les théories. C'est pourquoi l'expérience du maître ou, à défaut, la qualité de l'encadrement pédagogique est primordiale.
Il ne faut pas confondre Béhaviorisme (John Broadus Watson, Burrhus F. Skinner et Edward Thorndike) et éthologie. Si les deux disciplines étudient bien le comportement, elles se basent sur des concepts radicalement différents : le mesurable (l'apprentissage excluant les notions de conscience) pour les behavioristes et l'observation (et la comparaison des comportements entre espèces, l'inné et l'acquis s'intégrant dans le psychisme) pour les éthologues. Cependant, il serait réducteur de considérer que l'éthologie rejette le béhaviorisme, puisqu'elle reconnaît la modification des comportements par l'apprentissage. La psychologie cognitive, discipline fille de l'éthologie et du cognitivisme, intègre d'ailleurs ces deux courants de pensées, mais l'application au cheval en est à ses balbutiements[3]. Une bonne connaissance des principes d'apprentissages décrits par les behavioristes (conditionnement opérant) est indispensable aux enseignants d'équitation éthologique autant qu'à l'équitation classique. Mais la théorie brute du conditionnement opérant est difficile d'application, surtout lorsqu'on prend en compte les capacités sensorielles du cheval, notablement différentes des capacités humaines. Il faut aussi ajouter le degré de compétence du cavalier, quelle que soit la discipline qu'il pratique. Cela justifie l'importance de l'encadrement pédagogique de ces disciplines.
Histoire
Les bases de l'éthologie moderne ont été fondées vers 1925 par Konrad Lorenz, Karl von Frisch et Nikolaas Tinbergen, cobénéficiaires du prix Nobel de médecine de 1973. Mais les éthologues ne se sont intéressés à l'étude des chevaux dans leur milieu naturel qu'à partir des années 1970 : James Feist et son observation des chevaux sauvages du Nevada, Stephanie Tyler avec les poneys New Forest en Angleterre[4]. En France, Patrick Duncan et son équipe ont observé pendant près de 10 ans des chevaux à station biologique de la Tour du Valat, en Camargue[4]. ces différents travaux ont permis de décrire la structure sociale suivie par les chevaux sauvages.
La médecine équine a longtemps eu pour unique but de soigner les maladies et les blessures, les aspects psychologiques du cheval n'ont été pris en compte que récemment[5].
Dans les années 2000, les éthologues s'orientent vers le cheval domestique[6]. L'éthologie équine moderne a désormais des applications pratiques : étude de tempérament en vue d'optimiser l'utilisation du cheval dans chaque discipline[7], réintroduction du Cheval de Przewalski[8] et bien être en élevage[9] - [10]
Des congrès pour tout public existent sur le sujet tel le colloque d'éthologie du cheval[11]. Il existe aussi des diplômes d'éthologie équine, par exemple, le Diplôme d’Université éthologie du cheval de l'université de Rennes, niveau bac +2[12]. D'autres écoles proposent des cursus équivalents[13]. Cependant, comme le dit Hélène Roche, les contrats de travail d'éthologues sont peu nombreux et il faut « créer son emploi ».
En France, les recherches en éthologie équine sont effectuées principalement par trois laboratoires : le CNRS de Rennes, L'Inra de Nouzilly, et la station biologique de la Tour du Valat[6].
Le comportement du cheval en liberté
Alimentation
Le cheval est un herbivore non ruminant. Cela implique un rendement digestif faible et l'obligation de pâturer longtemps afin de trouver l'énergie nécessaire à sa vie. Il passe ainsi environ 15 heures par jour pour les juments et 13 heures par jour pour les mâles à manger tout en se déplaçant au pas ralenti (à comparer aux 8 heures de pâture des herbivores ruminants). Les besoins alimentaires des juments sont plus élevés pour la gestation et la lactation[14].
Lors des hivers rigoureux, le temps passé à brouter augmente en raison des besoins énergétiques accrus pour lutter contre le froid. Ses dents "avancés" et son appareil digestif de petite taille sont adaptés à cette activité, son intestin de petite taille n'est pas prévu, au contraire des ruminants pour stocker de la nourriture en grande quantité et lui impose donc de prendre des repas plus petits et plus nombreux, chose qu'il fait en broutant continuellement.
Une autre activité importante pour le cheval est la recherche de nourriture, en effet, il doit changer de lieu de pâture lorsque l'herbage vient à manquer et parcourt ainsi des distances très importantes avec sa harde. Le cheval en liberté doit aussi trouver de quoi assouvir sa soif. Un cheval boit 20 à 40 litres d'eau par jour et parfois plus en fonction des conditions climatiques (température, vent, humidité...), de sa taille, des efforts fournis et de la nature de son alimentation.
Repos
La deuxième activité en durée est le repos (5 à 7 heures par jour[14]) un peu plus chez les mâles. Le repos peut aussi bien avoir lieu aux heures chaudes que la nuit. Le cheval ne dort que par petites périodes. Le cheval a la capacité de dormir debout, mais ce sommeil n'est que très léger. Il n'atteint le sommeil profond qu'allongé. Il a besoin d'une heure de ce sommeil par jour. Tous les chevaux d'un même troupeau ne dorment pas en même temps , de façon qu'il y en ait toujours au moins un qui veille sur les autres en restant debout, et les prévienne si un danger se présente. Un cheval couché qui reste couché trop souvent peut éventuellement être malade.
Déplacement
Les chevaux consacrent environ 2 heures par jour à se déplacer[15], dans la grande majorité des cas au pas, pour accéder à un point d'eau, à une zone de pâture, à un endroit abrité, etc. Les déplacements se font en groupe, les chevaux se suivant en file indienne.
Surveillance de l'environnement
Les chevaux passent 1 à 2 heures par jour en vigilance, chacun à son tour. Les mâles passent deux fois plus de temps à surveiller l'environnement que les juments[14].
Autres activités
Enfin, le reste de temps est dévolu aux activités diverses telles que se rouler, boire et interactions sociales. Le cheval est actif autant de jour que de nuit. Sa vision nocturne est d'ailleurs meilleure que celle de l'être humain. On peut ainsi comprendre que le cheval dans son boxe nourri aux concentrés s'ennuie au point parfois de développer des comportements indésirables[16].
Organisation sociale
Le cheval est un animal social, grégaire. Il a le statut de proie, dont il conserve l’instinct de fuite. Être en groupe lui permet d'assurer constamment une surveillance face au prédateurs[17]. Il forme des groupes stables (harde) de type familial (harem) ou de mâles célibataires. Exceptionnellement, ils peuvent vivre en solitaire. Il s'agit souvent de vieux mâles fatigués ou de jeunes mâles en attente de former leur propre harde. Cette structure permet d'assurer une surveillance face aux prédateurs, d'augmenter l'efficacité de la gestion des ressources (nourriture, boisson), d'optimiser la reproduction et les apprentissages des poulains (survie, sociabilité...). Dans la nature, le harem compte généralement de trois à dix individus. Un étalon (rarement deux, voire plus) entouré d'une à trois juments et de leurs poulains[18] jusqu'à deux ans.
Les chevaux n'aiment pas rester seuls et ont besoin de congénères avec lesquels ils peuvent se flairer, se toucher, et communiquer. Ces besoins éthologiques sont tellement importants que les tics (tic à l'appui, tic à l'air, tic à l'ours et parfois même agressivité) n'apparaissent que chez des chevaux en boxes, privés de contact sociaux[19]. Ces besoins peuvent parfois être compensés par une relation extra-spécifique: l'être humain ou un autre animal (chèvre, mouton, lapin...) suffit à compenser le manque de congénères.
Au sein d'un même groupe
La jument la plus vieille est souvent dominante. C'est elle qui accède en premier aux ressources limitées (nourriture, boisson). Dans le groupe existe une hiérarchie de type dominant/dominé, établie en fonction de l'âge des individus et de leur tempérament. Cette hiérarchie est cependant parfois difficile à cerner. En général, la hiérarchie est linéaire (A domine B, qui domine C, qui domine D...). Cependant, des hiérarchies triangulaires apparaissent : A domine B, B domine C, mais C domine A[20]. Le plus souvent, les plus vieux dominent les plus jeunes jusqu'à ce que ceux-ci arrivent à trouver leur place dans le groupe et à se faire respecter.
Entre différents groupes
Les différentes hardes voisines se connaissent, ce qui facilite dans une certaine mesure ces échanges. Il existe aussi une hiérarchie entre groupes, dans le cas d'accès à une même ressource limitée (par exemple un point d’eau) : certains groupes s'écartant spontanément à l'arrivée de la famille dominante[18]. On peut parfois observer l'étalon d'un harem arrivant chasser la harde présente ou au contraire attendre à distance raisonnable que la première harde ait achevé son activité et s'éloigne.
Degré de centralité
Le degré de centralité indique si un individu est plus ou moins proche des autres membres du groupe. Ainsi, indépendamment des relations hiérarchiques, le cheval adulte a très souvent des relations privilégiées avec un ou deux autres congénères avec qui il entretient des relations étroites faites de toilettage (allogrooming), de veille pendant le sommeil et surtout de recherche active de présence. On pourrait qualifier cette relation particulière de sous-groupe.
Développement du poulain
Le lien entre la jument et son poulain s’établit au travers des premières séances de léchages, pendant les 30 premières minutes après la naissance[21] - [22], grâce à des comportements d’exploration visuels, ofltactifs(odeur des enveloppes fœtales) et tactiles. L’attachement du poulain pour sa mère n’est pas complet avant sa deuxième semaine[23]. Le poulain est myope, les muscles entourant le cristallin sont faibles. En conséquence, l'exploration visuelle du poulain se fait lorsque les deux individus sont très proches. Le poulain s’attache et suit le premier objet de grande taille proche de lui. Sa mère devient très rapidement protectrice, garde son poulain proche d'elle et lui interdit le contact avec tout autre individu pendant les premiers jours[24]. Après ces quelques jours, les poulains que la mère a eu les années précédentes peuvent s'approcher. Au bout de deux semaines, le poulain peut faire la connaissance de son père et des autres poulains du troupeau[25]. À partir de 2 mois, le poulain se sociabilise, en interagissant de plus en plus avec les membres du groupe familial. À partir de 4 mois, il développe son indépendance[25].
Le poulain semble marquer un attachement tout particulier à sa mère, l’une ou l’un de ses frères et sœurs, voire à l’étalon dominant du troupeau[26]. L’étalon joue un rôle important dans l’éducation des poulains, surtout après leur première semaine de vie, il lui arrive même de jouer avec eux[26] et de les toiletter[25].
Les poulains sont nourris par leur mère jusqu'à l'âge d'un an environ. Peu avant la naissance du poulain suivant, la jument sèvre doucement mais fermement son dernier-né. Il garde des relations privilégiées avec sa mère jusqu'à l'âge de deux ans environ[23], tout en développant ses compétences sociales avec tout le groupe.
Les jeunes chevaux quittent alors le groupe tantôt de leur apparente initiative, tantôt repoussés par la mère ou l'étalon[4], ce qui limite fortement les risques de consanguinité.
- Les juments quittent souvent la famille lors de leurs premières chaleurs, vers l'âge de 3 ans, pour rejoindre un mâle célibataire ou un autre harem. Il arrive qu’elles restent au sein de leur harem d’origine, en particulier si l’étalon chef de famille n’est pas leur père.
- Les mâles sont chassés par l'étalon vers l’âge de deux ou trois ans, ou partent d'eux-mêmes pour créer leur propre harde et assurer leur descendance[27].
Groupe de mâles célibataires
Lorsqu'ils quittent la harde, les jeunes chevaux se regroupent par groupes de 2 à 15, voire plus[28]. Ils y restent jusqu'à l'âge de 5 ou 6 ans environ. Les mâles profitent de cette période pour mesurer leurs forces entre eux lors de jeux de combats et de rituels entre étalons. Ils établissent ainsi leur rang social[25]. Il se crée parfois des alliances entre étalons, caractérisées par une affinité particulière et une coopération pour tenter de récupérer des juments[25].
Combats entre étalons
Quand les mâles ont pris assez d'assurance, ils essayent d'acquérir leur propre harem. Pour ce faire, ils provoquent en duel d'autre mâles et s'ils gagnent le combat, ils repartent avec les femelles dont ils ont gagné le respect et fondent ainsi leurs propres familles.
Habituellement, le combat suit les étapes ritualisées suivantes[26]:
- une étape d’observation et d’intimidation mutuelle.
Les protagonistes adoptent en premier lieu une posture d’alerte, ils peuvent gratter le sol. Ils adoptent des allures relevées souples et cadencées : démarche altière, encolure arquée, queue haute.
- une étape d’investigation olfactive.
Les étalons se flairent les naseaux, et démarrent l'investigation olfactive de l’avant vers l’arrière main. Un hennissement aigu peut alors être émis. Les oreilles se couchent vers l’arrière progressivement au fur et à mesure de la progression l’inspection. Des manifestations autour d’un tas de crottins ont lieu.
À chaque étape les deux étalons peuvent se séparer. Ces étapes se répètent avec une intensité croissante, et suffisent en général à régler le conflit. Elles se poursuivent rarement par une étape non ritualisée, le combat à proprement parler[15].
Majoritairement, un combat se termine par un consensus entre les deux étalons qui rejoignent leur groupe d’origine. Moins fréquemment, un des étalons est poursuivi et chassé par celui qui a pris le dessus[15]. Parfois ces tentatives de prise de pouvoir se terminent par le détournement plus ou moins discret d'une ou plusieurs juments : l'étalon célibataire tente d'emmener de jeunes juments à la périphérie des groupes familiaux, ou de voler une partie des juments adultes en les rassemblant, dans une attitude de conduite caractéristique, tête au ras du sol, oreilles couchées, avec éventuellement des morsures[29]. Il arrive aussi qu'un étalon victorieux ne soit pas accepté par les juments, celles-ci évoluant alors sans étalon jusqu'à ce qu'un prétendant plus apprécié se présente[15].
Territorialité et déplacements
Le cheval n'est pas une espèce territoriale, bien qu'il soit attaché à son domaine vital. Ainsi, les différentes hardes se côtoient plus ou moins suivant la structure géographique et les ressources[18]. Il n'est pas rare de voir plusieurs hardes rassemblées, par exemple, autour d'un point d'eau ou dans les grandes migrations (chose devenue impossible dans nos sociétés modernes et clôturées). Cependant, les contacts entre groupes sont sévèrement encadrés par les chevaux adultes et les groupes ne se mélangent normalement pas. L’étalon, sans défendre un territoire bien spécifique, veille à préserver une aire dans laquelle évolue son troupeau[26].
La taille du domaine vital dépend de la disponibilité des ressources est donc très variable, pouvant aller de 1 km2 à 80 km2[18].
Le cheval est aidé par son excellente mémoire géographique qui lui permet de trouver le chemin vers les différentes ressources dont il a besoin : pâture, boisson, zones d'ombre, zones de roulage, abris pour la pluie ou contre les insectes... L'étalon marque son passage par des tas de crottins dans un cérémonial d'alternance de flairage, flehmen et de dépôt de crottins. Ces dépôts qui ont lieu en général sur des lieux de grand passage servent de moyen de communication ou de signalisation entre groupes. Les hardes tracent des chemins dégagés à force de passage aux mêmes endroits.
Les groupes se mettent en route à l'initiative du ou des plus motivés et marchent au pas en files ordonnées jusqu'à leur destination. Le départ est parfois initié par l'étalon qui adopte alors la posture de guidage par l'arrière, tête basse presque au ras du sol et oreilles en arrière, les poulains désobéissants se voyant parfois gratifiés d'une morsure en rappel à l'ordre. Ce comportement est surtout observé en réaction à l'apparition d'un danger(prédateur). Les départs pour, par exemple, une autre zone de pâturage, une zone d'ombre ou une aire d'abreuvement sont plutôt initiés par les juments et en particulier par la plus âgée, souvent dominante, l'étalon suivant ou précédant de manière plus ou moins éloignée le reste du groupe. Il existe des aires de roulage, zones où les chevaux préfèrent se rouler, comportement visant à se débarrasser des parasites. Ces aires sont partagées par les différents groupes et ont probablement aussi une vocation de communication. Les chevaux flairent parfois longuement la zone avant de se décider à se rouler.
Comportements agonistiques : combattre ou fuir, moyens de survie
Dépourvu de crocs, de cornes ou de griffes, le cheval est une proie. Sa première stratégie de défense est l'évitement, la fuite. Le cheval est une espèce nidifuge. Quelques heures après sa naissance, le poulain est déjà capable de suivre sa mère au galop. La vitesse est une des clefs de sa survie.
Effrayé, sa première défense est la fuite. Au moindre danger, que les chevaux qui "guettent" peuvent percevoir à des centaines de mètres, le cheval prendra instinctivement la fuite, étant physiquement adapté pour cela. Cependant, la fuite étant très gourmande en énergie, le cheval est capable d'organiser une défense active contre certains prédateurs : étalon en chasse et juments en rond prêtes à ruer, têtes vers l'intérieur avec les poulains au centre[30].
Comme la plupart des espèces prédatées, les yeux du cheval sont placés sur les faces latérales de la tête et non sur le devant comme chez l'être humain (voir schéma ci-contre). Le cheval bénéficie donc des avantages de la vision binoculaire de manière très restreinte. Cette disposition permet par contre de détecter facilement tout mouvement à presque 360° autour de lui grâce à la posture d'alerte, tête au vent et oscillant de gauche à droite, qui permet de compenser l'angle mort situé derrière la tête.
La communication
La communication implique l'émission d'un message à destination d'un autre individu. Notons que le cheval utilise les mêmes signaux que ce soit vers sa propre espèce ou vers une autre espèce (être humain, par exemple).
Les sens du cheval sont particulièrement développés, notamment la vue, l'odorat, l'ouïe et le toucher. Ces quatre sens lui permettent de communiquer avec ses congénères.
Communication auditive
Le cheval utilise 7 sons différents, parfois en combinaison[31]:
- Le hennissement est un signal à longue distance audible parfois à plus d'un kilomètre émis surtout en cas de perte de contact visuel avec ses congénères. Le cheval l'utilise aussi pour signaler sa présence à l'approche d'une zone où il sait que se trouvent d'autres chevaux.
- Le couinement est un son émis en cas de rencontre rapprochée de deux chevaux souvent en palettant (lancer de l'antérieur vers l'avant). Il est parfois aussi émis lors de jeux particulièrement intenses.
- L'appel sourd ou appel de contact est une espèce de grognement de bienvenue ou d'appel émis particulièrement par la jument vis-à-vis de son poulain mais aussi du cheval vers son soigneur qui apporte la nourriture
- Le gémissement est un grondement sourd et gémissant émis lors d'effort physique ou de conflit mental. On peut souvent l'entendre lorsque le cheval se couche.
- Le souffle est une expulsion violente et brève d'air par les naseaux audible à distance moyenne. Il est utilisé en cas de danger ou lorsqu'une odeur particulière est découverte. Il serait un signe que la jument émettrait pour signaler au poulain une plante toxique.
- L'ébrouement est une expulsion d'air rythmique par les naseaux émise lorsque les naseaux sont irrités ou pour exprimer nervosité et impatience.
- Le ronflement est une inspiration d'air vibrante par les naseaux émis en signal d'alarme audible à faible distance
Communication olfactive
C'est un sujet difficile à appréhender. Le cheval a un excellent odorat. Il l'utilise systématiquement lors de rencontre par un contact nez à nez. Cela lui sert probablement autant à identifier son vis-à-vis que la vue et l'ouïe. L'étalon examine systématiquement les crottins des autres chevaux avant de les recouvrir de ses propres crottins. Tous les chevaux reniflent longuement le sol des aires de roulage avant de se décider à s'y rouler à leur tour.
Le flehmen est un comportement particulier de flairage permettant l'activation de l'organe voméro-nasal qui a la particularité de détecter les phéromones, sorte de message chimique volatil renseignant sur l'état de réceptivité sexuelle et le statut social de son émetteur. Le cheval lève la tête en repliant le bout du nez sur les naseaux découvrant ainsi ses incisives, il fait voyager l'air dans ses fosses nasales et expulse enfin doucement l'air de ses naseaux. On peut parfois observer un léger jetage nasal qui est le résultat de l'expulsion des sécrétions de l'organe voméro-nasal.
Communication tactile
Les contacts tactiles sont peu nombreux entre chevaux si l'on excepte le contact de la mère avec son poulain. Ils sont de deux natures :
- les contacts agonistiques (agressifs) : morsure, coup de pied, bousculades.
- Le toilettage mutuel (allogrooming), observé surtout entre partenaires préférentiels, a une fonction hygiénique (surtout en période de mue) et d'apaisement social[31]. La fréquence des toilettage est plus grande après une période de conflits.
Les congénères présentant une affinité vont aussi s’adonner à d’autres contacts : le chanfrein contre la croupe ou le flanc de l’autre, la tête sur la croupe[31], la pratique du chasse-mouche tête bêche[18].
Communication visuelle
C'est la plus importante des communications chez le cheval. La posture (position de tout le corps : oreilles, yeux, naseaux, bouche, port de tête, queue, membres, tonus musculaire...) et ses variations (mouvements divers) expriment de manière très subtile les émotions et intentions du cheval (langage corporel). Ces postures varient très vite en fonction du contexte environnemental et social. Cette subtilité est telle que l'être humain doit l'apprendre objectivement pour savoir l'interpréter. Cela est d'autant plus vrai que le groupe est stable, les chevaux ayant alors appris à réagir entre eux au plus petit signal. Le cheval interprète des variations très fines de la posture qu'elle soit équine ou d'une autre espèce. Nous savons depuis le cas de Hans le Malin que le cheval est capable de distinguer les mouvements du visage humain de l'ordre du millimètre. Il est ainsi possible d'imaginer les possibilités fantastiques de discrimination posturale du cheval.
Il suffit bien souvent d'apercevoir leur silhouette pour reconnaître une attitude caractéristique. Par exemple, lorsqu'il se veut agressif, le cheval couche les oreilles, montre les dents, tend l'encolure, fouette de la queue plutôt haute et menace de donner des coups de pied, voire fait mine de charger. Les adultes dominés s'éloignent tout simplement, tête semi-basse, queue rentrée et oreilles neutres à attentives. Dans un groupe familial stable, la hiérarchie s'établit doucement et les combats sont rares sauf entre étalons se disputant les faveurs des femelles. L'agressivité est cependant fréquente entre chevaux ne se connaissant pas et mis par l'être humain en contact rapproché, surtout sur des animaux privés de contact sociaux (boxe...). Le poulain abordant un adulte effectue de grands mouvements de mastication, lèvres retroussées et tirées vers l'arrière et tête relativement basse : le snapping[18]. Le snapping est une attitude caractéristique du poulain qui tend à disparaître à l'âge adulte.
Les chevaux utilisent le langage corporel par "étapes". Par exemple, deux chevaux qui mangent la même ration de foin entrant en conflit ne vont pas avoir la même façon de réagir. En ce qui concerne le cheval dominant :
1. Il couche les oreilles en arrière
2. tourne la tête rapidement oreilles en arrière vers son congénère
3. recommence bouche ouverte dents découverte
4. tente de le mordre
Cette séquence peut être interrompue à tout moment par le départ du dominé. Plus les chevaux se connaissent plus la séquence est courte. Le dominé réagissant au premier coucher d'oreille ou peu après.
L'équitation éthologique
L'équitation dite éthologique est l'équitation qui s'inspire de la connaissance scientifique et de l'observation de l'animal afin d’améliorer la relation et la performance dans la pratique de celle-ci.
Notes et références
Notes
- Une recherche internet sur "éthologie équine" ne donne pour résultat que des sites de nouveaux maîtres alors qu'une recherche sur "éthogramme cheval" donnera des résultats beaucoup plus pertinents sur la science proprement dite.
Références
- , L'art de soigner et d'entrainer les chevaux de Kikkuli
- , commentaire de Daniel Goffaux sur l'éthologie et les méthodes de dressages.
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- Éthologie, à la rencontre du cheval : Pendant ce temps, la recherche avance..., coll. « Cheval Magazine hors-série » (no 19), , p. 13
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Annexes
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
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- Michel-Antoine Leblanc, L'esprit du cheval : introduction à l'éthologie cognitive du cheval, Paris, Belin, , 367 p. (ISBN 978-2-7011-5568-5)
- Michel-Antoine Leblanc, The mind of the Horse An Introduction to equine Cognition, Harvard University Press, 2013 (édition revue et mise à jour) (ISBN 9780674724969)
- collectif, La Grande Encyclopédie Fleurus Cheval, Paris, Fleurus, (réimpr. 2007) (ISBN 978-2-215-05494-8)
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