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Érosion spatiale

L'érosion spatiale est un terme générique définissant différents processus qui agissent sur un corps exposé à l’environnement spatial. La surface des astres dépourvus d’atmosphère tels que la Lune, Mercure, les astéroïdes, les comètes ou encore certains satellites naturels subissent différents processus d'érosion provenant :

L'érosion spatiale a une incidence notable sur les propriétés physiques et optiques de la surface de nombreux corps planétaires. Aussi est-il important d'en comprendre les effets afin d’interpréter correctement les données mesurées.


Une illustration de l'érosion spatiale sur différents composants.

Histoire

L'essentiel des connaissances relatives à l'érosion spatiale provient de l'étude des échantillons lunaires rapportés par le programme Apollo, et en particulier du régolite. Le flux constant de particules de haute énergie et de micrométéorites broie, fond, pulvérise et vaporise les composants du sol lunaire.

Les premiers produits de l'érosion spatiale qui ont été reconnus dans les sols lunaires étaient des « agglutinates ». Il s'agit de matériaux créés lorsque les impacts de micrométéorites fondent une petite quantité de verre et y intègrent des fragments de minéraux environnant dans un agrégat dont la taille varie de quelques micromètres à quelques millimètres. Les agglutinates sont très communs dans le sol lunaire, où ils représentent de 60 à 70 % des sols qui ont été exposés suffisamment longtemps au vent solaire[1] Ces particules complexes et aux formes irrégulières apparaissent noires à l'œil humain, principalement à cause de la présence de nanoparticules de fer.

L'érosion spatiale engendre aussi des produits tel que des éclaboussures de verre, des implants d'hydrogène, d'hélium et d'autres gaz, ainsi que composés agrégés tel que des nanoparticules de fer. Il a fallu attendre les années 1990 pour que de nouvelles techniques et de nouveaux instruments tel que les microscopes électroniques à transmission permettent de découvrir les patines ou des rebords très minces (60-200 nm). Sur le sol lunaire, ce sont les impacts de micrométéorites qui engendrent un matériau pulvérisé et des vapeurs qui se redéposent en surface ensuite[2]

Ces processus d'altération ont des effets importants sur les propriétés spectrales des sols lunaires, en particulier dans les longueurs d'onde de l'ultraviolet, la visible et le proche infrarouge. Ces variations spectrales ont été largement attribuées à l'inclusion de « particules de fer nanométriques » qui est une composante omniprésente de deux agglutines[3]. Ces très petites (de un à quelques centaines de nanomètres de diamètre) bulles de fer métallique sont créés lorsque minéraux ferrifères (e.g. olivine et pyroxène) sont vaporisés et que le fer est libéré et redéposé dans sa forme pure

Image d'un rebord érodé d'un grain du sol lunaire produite par un microscope électronique à transmission.

Effets sur les propriétés du spectre

Les conséquences sur les propriétés spectrales de l'érosion spatiale sont de trois ordres : les surfaces altérées deviennent plus sombres (leur albédo est réduit), plus rouge (leur réflectance augmente avec la longueur d'onde), et la profondeur de ses bandes d'absorption est réduite[4]. Ces effets sont essentiellement dus à la présence de fer dans les agglutines et dans les agrégats autour de grains individuels. Les effets d'assombrissement induits par l'érosion spatiale sont faciles à observer par l'étude des cratères lunaires. Les cratères récents ont des systèmes de rayons clairs, parce qu'ils exposent du matériel non altérée, mais au fil du temps ces rayons disparaissent car le processus d'érosion obscurcit la matière.

Érosion spatiale sur les astéroïdes

L'érosion spatiale est aussi supposée se produire sur les astéroïdes[5], bien que l'environnement soit très différent de celui de la Lune. Les micrométéorites qui impactent les corps de la ceinture d'astéroïdes sont plus lentes, et fondent moins la matière en surface, produisant aussi moins de vapeurs. En outre, le nombre de particules du vent solaire qui atteignent la ceinture d'astéroïdes est moins important que celui observé sur la Lune. Et enfin, une moindre gravité des corps (car ils sont plus petits que la lune) a pour conséquence de réduire l'érosion en comparaison de ce qui est observé sur la surface lunaire. L’érosion est plus lente, et d'un degré moindre sur la surface des astéroïdes.

Cependant, des preuves d'Ă©rosion spatiale ont Ă©tĂ© observĂ©es sur les astĂ©roĂŻdes. Pendant des annĂ©es, le fait que les spectres des astĂ©roĂŻdes ne correspondent pas aux spectres des collections de mĂ©tĂ©orites qui leur Ă©taient associĂ©s resta Ă©nigmatique. En particulier, les spectres des astĂ©roĂŻdes de type S, le type le plus abondant, ne correspondent pas Ă  des spectres du type le plus abondant de mĂ©tĂ©orites, les chondrites ordinaires. Les spectres d'astĂ©roĂŻdes ont tendance Ă  ĂŞtre plus rouges avec une courbure abrupte dans le visible. Toutefois, Binzel et al.[6] ont identifiĂ© près de la Terre des astĂ©roĂŻdes aux propriĂ©tĂ©s spectrales couvrant la gamme de type S avec des spectres semblables Ă  ceux des mĂ©tĂ©orites OC, suggĂ©rant un processus continu qui altère les astĂ©roĂŻdes de type S jusqu'Ă  un spectre de matĂ©riau pouvant ressembler Ă  des chondrites ordinaires. D'autres preuves de l'altĂ©ration du rĂ©golite ont Ă©tĂ© produites lors des survols de Gaspra et d'Ida par Galileo. Les cratères rĂ©cents (prĂ©sentant des matĂ©riaux qui n'ont que rĂ©cemment fait surface) possèdent des diffĂ©rences spectrales notables avec le reste de la surface des astĂ©roĂŻdes. Avec le temps, les spectres d'Ida et de Gaspra rougissent et perdent leur contraste spectral. Les mesures des rayons X faites par la sonde NEAR Shoemaker indiquent qu'Eros est composĂ© de chondrite ordinaire en dĂ©pit d'un spectre de type S prĂ©sentant une pente dans le rouge, ce qui suggère lĂ  aussi que certains processus ont altĂ©rĂ© les propriĂ©tĂ©s optiques de la surface. les rĂ©sultats de la sonde Hayabusa sur l'astĂ©roĂŻde Itokawa indiquent aussi une composition de chondrite ordinaire et identifient les produits de l'Ă©rosion spatiale. En effet, Itokawa est très petite (550 m de diamètre), sa faible gravitĂ© ne permet pas le dĂ©veloppement d'un rĂ©golite mature. Cependant, il semble que les patines de l'altĂ©ration due Ă  l'Ă©rosion spatiale se soient dĂ©veloppĂ©es sur les surfaces rocheuses de l'astĂ©roĂŻde[7].

Érosion spatiale sur Mercure

L'environnement de Mercure diffère aussi sensiblement de celui de la Lune. D'une part, il est nettement plus chaud en journée (La température de surface diurne est d'environ 100 °C pour la Lune alors qu'elle atteint 425 °C sur Mercure) et plus froid la nuit, ce qui altère les effets de l'érosion spatiale. D'autre part, en raison de sa place dans le système solaire, Mercure est également soumis à un flux de micrométéorites légèrement plus important et avec une vitesse d'impact beaucoup plus élevées que celui qui parvient sur la Lune. Ces deux facteurs se combinent sur Mercure pour produire de façon beaucoup plus efficace que sur la Lune des vapeurs et matériaux fondus. Par unité de surface, les impacts sur Mercure devraient produire 13,5 fois plus de matière fondue et 19,5 fois plus de vapeur que sur la Lune[8].

Le spectre ultraviolet et visible de Mercure, tel qu'il est observé par les télescopes depuis la Terre, est à peu près linéaire avec une pente dans le rouge. Il n'y a pas de bandes d'absorption lié aux minéraux ferreux, tels que le pyroxène. Cela signifie que soit il n'y a pas de fer à la surface de Mercure, soit que le fer contenu dans les minéraux ferrifères a été altéré. Une surface altérée expliquerait alors la pente dans le rouge du spectre[9]. .

Références

  1. (en) Grant Heiken, Lunar sourcebook : a user's guide to the moon, Cambridge u.a., Cambridge Univ. Press, , 1. publ. Ă©d., 736 p. (ISBN 978-0-521-33444-0, lire en ligne)
  2. (en) L. P Keller et D. S. McKay, « The nature and origin of rims on lunar soil grains », Geochimica et Cosmochimica Acta, vol. 61, no 11,‎ , p. 2331–2341 (DOI 10.1016/S0016-7037(97)00085-9, Bibcode 1997GeCoA..61.2331K)
  3. (en) Sarah Noble, C. M. Pieters et L. P. Keller, « An experimental approach to understanding the optical effects of space weathering », Icarus, vol. 192,‎ , p. 629–642 (DOI 10.1016/j.icarus.2007.07.021, Bibcode 2007Icar..192..629N)
  4. C. M. Pieters, E. M. Fischer, O. Rode et A. Basu, « Optical Effects of Space Weathering: The Role of the Finest Fraction », Journal of Geophysical Research, vol. 98, no E11,‎ , p. 20,817–20,824. (ISSN 0148-0227, DOI 10.1029/93JE02467, Bibcode 1993JGR....9820817P)
  5. Clark R. Chapman, « Space Weathering of Asteroid Surfaces », Annual Review of Earth and Planetary Sciences, vol. 32,‎ , p. 539–567 (DOI 10.1146/annurev.earth.32.101802.120453, Bibcode 2004AREPS..32..539C).
  6. R.P. Binzel, S.J. Bus, T.H. Burbine et J.M. Sunshine, « Spectral Properties of Near-Earth Asteroids: Evidence for Sources of Ordinary Chondrite Meteorites », Science, vol. 273, no 5277,‎ , p. 946–948 (PMID 8688076, DOI 10.1126/science.273.5277.946, Bibcode 1996Sci...273..946B)
  7. Takahiro Hiroi, M. Abe, K. Kitazato, S. Abe, B. Clark, S. Sasaki, M. Ishiguro et O. Barnouin-Jha, « Developing space weathering on the asteroid 25143 Itokawa », Nature, vol. 443, no 7107,‎ , p. 56–58 (PMID 16957724, DOI 10.1038/nature05073, Bibcode 2006Natur.443...56H)
  8. Mark J. Cintala, « Impact-Induced Thermal Effects in the Lunar and Mercurian Regoliths », Journal of Geophysical Research, vol. 97, no E1,‎ , p. 947–973 (ISSN 0148-0227, DOI 10.1029/91JE02207)
  9. Bruce Hapke, « Space Weathering from Mercury to the asteroid belt », Journal of Geophysical Research, vol. 106, no E5,‎ , p. 10,039–10,073 (DOI 10.1029/2000JE001338, Bibcode 2001JGR...10610039H)

Voir aussi

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