Énergie osmotique
L’énergie osmotique, ou énergie bleue, est l'énergie dégagée lors de la rencontre entre deux eaux avec des concentrations en sel différentes (entre l'eau de mer et l'eau d’une rivière par exemple). À l’issue du processus ne reste que de l'eau saumâtre.
Cette énergie a été inscrite en 2022 dans la directive RED II de l’Union européenne, comme une source d’énergie renouvelable au même titre que d’autres énergies renouvelables telles que l’énergie solaire ou éolienne.
Potentiel
À l'échelle mondiale, bien que pouvant théoriquement produire 30 000 TWh par an[1], compte tenu des contraintes techniques son potentiel ne serait plus que de 5 200 TWh par an et que de 520 TWh par an compte tenu des contraintes écologiques des estuaires fragiles[2], soit la production d'un pays comme la France.
Technologies
Deux technologies, l'électrodialyse inverse (RED) et l'osmose à pression retardée (PRO) font l'objet d'un usage commercial aux Pays-Bas (RED)[3] et en Norvège (PRO)[4].
En , des chercheurs de l'École polytechnique fédérale de Lausanne publient une étude montrant qu'il serait théoriquement possible, avec une membrane de disulfure de molybdène épaisse de trois atomes dont 30 % de la surface serait couverte de nanopores, de générer théoriquement une puissance électrique d'1 MW/m2. Jusqu’à présent, les chercheurs ont travaillé sur une membrane dotée d’un seul nanopore, mais si le potentiel de cette technologie était confirmé, l’énergie osmotique pourrait jouer un rôle majeur dans la production d’énergie renouvelable car, contrairement à l’éolien et au solaire, elle peut être produite en continu[5].
Diffusion nano-osmotique
Nanotubes en nitrure de bore
En 2013, une équipe de recherche française du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), menée par le professeur Lydéric Bocquet, a construit un système expérimental utilisant le nitrure de bore qui a produit une puissance bien supérieure aux différentes méthodes antérieures[6]. Pour ce faire, elle a utilisé une membrane imperméable et électriquement isolante percée par un seul nanotube de nitrure de bore d'un diamètre externe de quelques dizaines de nanomètres. Cette membrane séparant un réservoir d'eau salée et un réservoir d'eau douce, l'équipe a donc mesuré le courant électrique traversant la membrane à l'aide de deux électrodes immergées dans le fluide de part et d'autre du nanotube.
Les résultats ont montré que le dispositif était capable de générer un courant électrique de l'ordre du nanoampère, environ mille fois supérieur à celui des autres techniques connues de récolte de l'énergie osmotique.
Mise Ă l'Ă©chelle de la technologie
La société française Sweetch Energy, fondée en 2015, a par la suite racheté le brevet du CNRS afin de continuer à améliorer le processus de captation de l’énergie osmotique. Aujourd’hui, la société affirme[7] avoir réussi à créer un système industrialisable. En effet, le système breveté de Sweetch Energy associe les récentes avancées de la science nanofluidique à des matériaux peu coûteux et respectueux de l'environnement pour créer des membranes de nouvelle génération, ainsi que des électrodes spécialement conçues. Ainsi, la voie vers une industrialisation à grande échelle de la filière osmotique est aujourd'hui possible.
L’énergie captée a l’avantage d’être entièrement renouvelable et non intermittente, ce qui est rare en matière d’énergie renouvelable[8]. Actuellement en collaboration avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR), premier producteur français d'énergie verte[9], Sweetch Energy conçoit la première station osmotique[10]compétitive dans le delta du Rhône, dans l’écluse de Barcarin. La station est située à l'embouchure du Rhône, dont le potentiel exploitable d'ici 2030 atteint 4 TWh[11] d'électricité par an, soit environ l’équivalent de la consommation électrique des habitants de l’agglomération de Marseille ou de Montréal (~1,9 millions de personnes)[12].
Notes et références
- Lea Delpont, « Le premier pilote industriel de centrale osmotique dans le delta du Rhône », sur Les Echos, (consulté le ).
- (en) Peter Stenzel et H. Wagner, « Osmotic power plants: Potential analysis and site criteria », 3rd Int Conf Ocean Energy,‎ (lire en ligne).
- (en) « Dutch King opens world's first RED power plant driven on fresh-salt water mixing », (consulté le ).
- (en) « Norway's Statkraft opens first osmotic power plant », sur BBC, (consulté le ).
- Lionel Pousaz et Aleksandra Radenovic, « De l'électricité générée par de l'eau, du sel et une membrane épaisse de 3 atomes », Medicaom, École polytechnique fédérale de Lausanne,‎ (lire en ligne).
- (en) Alessandro Siria, Philippe Poncharal, Anne-Laure Biance et Rémy Fulcrand, « Giant osmotic energy conversion measured in a single transmembrane boron nitride nanotube », Nature, vol. 494, no 7438,‎ , p. 455–458 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/nature11876, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Sweetch Energy, « Sweetch Energy secures €5.2m investment to develop its breakthrough osmotic energy technology » [PDF], sur sweetch.energy, (consulté le )
- Jean-Louis Bobin, Hubert Flocard, Jean-Pierre Pervès et Bernard Tamain, « La contribution des énergies intermittentes à l'amélioration du bilan carbone: », Annales des Mines - Responsabilité et environnement, vol. 69, no 1,‎ , p. 43–49 (ISSN 1268-4783, DOI 10.3917/re.069.0043, lire en ligne, consulté le ).
- « CNR, le 1er producteur français d’électricité 100% renouvelable », sur CNR (consulté le ).
- (en) « CNR and Sweetch Energy to launch in 2023 the first pilot plant for large-scale production of osmotic electricity in the Rhone delta » [PDF], sur sweetch.energy, (consulté le ).
- « Le premier pilote industriel de centrale osmotique dans le delta du Rhône », sur Les Echos, (consulté le ).
- « La consommation d'électricité en chiffres », sur edf.fr, (consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- [audio] Natacha Triou, « Énergie osmotique, ce rêve bleu », La Science, CQFD, France Culture, .