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Émeute de Palmasola

Le , une émeute éclate à Palmasola, prison de haute sécurité du département de Santa Cruz, en Bolivie. Elle commence avec l'attaque par les occupants d'un bloc de cellules d'une bande rivale implantée dans un autre bloc, au moyen de bouteilles de propane utilisées comme lance-flammes. 31 personnes sont tuées, dont un enfant de 18 mois qui vivait dans la prison. 37 autres personnes sont grièvement blessées. L'évènement suscite des appels à la réforme du système carcéral bolivien, marqué par la surpopulation et les lenteurs de la justice.

Émeute de Palmasola
Type soulèvement de prisonniers
Pays Drapeau de la Bolivie Bolivie
Localisation Palmasola
Date 23 août 2013
Bilan
Blessés 37
Morts 31

Contexte

La prison de haute sĂ©curitĂ© de Palmasola, dans le dĂ©partement de Santa Cruz, est, avec environ 3 500 dĂ©tenus, le plus grand Ă©tablissement pĂ©nitentiaire de Bolivie. Comme dans beaucoup de prisons d'AmĂ©rique latine, les gardiens n'exercent qu'un contrĂ´le minimum sur les activitĂ©s qui se dĂ©roulent Ă  l'intĂ©rieur du centre, souvent dĂ©crit comme une « ville-prison Â», et se concentrent sur le maintien de la sĂ©curitĂ© dans le pĂ©rimètre des Ă©quipements. D'après d'anciens pensionnaires, on peut obtenir Ă  peu près tout ce qu'on veut Ă  Palmasola. Le commerce des armes et des drogues y est florissant. ConformĂ©ment Ă  la loi bolivienne, les enfants de plus de six ans peuvent y vivre en compagnie de l'un de leurs parents. Quatre prisonniers sur cinq sont en dĂ©tention provisoire[1].

Les prisons d'AmĂ©rique latine comptent parmi les plus dangereuses au monde. Celles de Bolivie se classent au second rang par leur niveau de surpeuplement, avec un taux de suroccupation de 233 % (juste après le Salvador, Ă  299 %). Les principaux facteurs de surpopulation sont la dĂ©tention provisoire et la saturation des tribunaux. Au moins 85 % des dĂ©tenus du pays sont en attente de procès ou de jugement. Beaucoup sont emprisonnĂ©s pour des dĂ©lits mineurs, sous le coup de la loi 1008, une lĂ©gislation controversĂ©e, introduite en 1988, qui punit de lourdes peines les infractions liĂ©es aux drogues[2]. De plus, les prisons latino-amĂ©ricaines sont souvent sous le contrĂ´le de dĂ©tenus affiliĂ©s Ă  des organisations criminelles. Les chefs de bande, appelĂ©s « dĂ©lĂ©guĂ©s Â», peuvent prĂ©lever sur leurs codĂ©tenus une rĂ©tribution en Ă©change de certains avantages, comme la chambre individuelle, les visites familiales ou la tĂ©lĂ©vision. On rencontre dans les prisons boliviennes, sous le nom d'« assurances-vie Â», des pratiques d'extorsion de fonds entre dĂ©tenus qui peuvent aller de 100 $ Ă  500 $[3]. Les versements sont contrĂ´lĂ©s par les bandes et le dĂ©faut de paiement peut conduire Ă  la torture ou Ă  la mort. Aussi Ă©normes que soient ces abus, en 2013, l'influence du crime organisĂ© dans le système pĂ©nitentiaire bolivien n'atteint pas encore les niveaux observĂ©s dans de nombreuses prisons d'AmĂ©rique centrale, du BrĂ©sil ou du Venezuela, oĂą une notable proportion de la criminalitĂ© organisĂ©e est dirigĂ©e depuis l'intĂ©rieur des prisons[2].

DĂ©roulement

Le , vers 6 heures du matin, une bande établie dans le bloc de cellules B éventre le mur de séparation avec le bloc A, foyer d'une autre bande[4]. Les assaillants attaquent leurs rivaux à coup de machettes, de couteaux et de gourdins[5]. Les détenus utilisent des bouteilles de propane, d'abord pour asphyxier leurs victimes avec le gaz, ensuite en y mettant le feu pour les utiliser comme lance-flammes ou comme bombes. Des étuis retrouvés sur les lieux indiqueraient l'usage d'armes à feu, qui n'est toutefois pas avéré[4]. Le feu s'est propagé rapidement après avoir atteint les paillasses, piégeant certains prisonniers et en poussant d'autres à sauter des toits pour lui échapper[5]. Une centaine de policiers supplémentaires ont été mobilisés pour reprendre le contrôle de la prison, ce qui n'a néanmoins pu être fait qu'au bout de quatre heures[1] - [6]. D'après Maria Inez Galvez, personnalité politique locale, il n'y avait pas assez de gardiens en service pour conduire tous les blessés à l'hôpital[1].

Dommages et suites judiciaires

31 personnes sont mortes dans l'émeute, la plupart des suites de brûlures. Parmi les morts figure un enfant de 18 mois qui vivait dans la prison[5]. 37 autres détenus ont été brûlés sur 60 à 90 % de leur corps, et 256 ont été évacués[1] - [5]. L'émeute est la plus meurtrière de l'histoire des prisons boliviennes[7]. Le président Evo Morales a ordonné une enquête tandis que des parents des détenus attendaient à l'extérieur de la prison pour connaître le sort de leurs proches[5]. Ils se plaignaient que les gardiens n'aient pas fait les efforts nécessaires pour sauver les vies des détenus, laissant les blessés mourir de leurs brûlures. Les enfants qui vivaient à la prison ont été évacués après l'incendie[1]. Le , la liste des décès n'avait pas encore été publiée[5]. Plus de 50 prisonniers suspectés d'avoir fait partie des agresseurs ont été placés en isolement dans l'attente d'être interrogés[4].

Cause

L'Ă©meute aurait pour origine une bataille pour le contrĂ´le du secteur « Chonchocorito Â» de la prison[7]. La bande du bloc A aurait dĂ©tournĂ© des paiements destinĂ©s Ă  sa rivale du bloc B qui, excĂ©dĂ©e par les tentatives d'extorsion, aurait dĂ©clenchĂ© l'Ă©meute[1]. Les meneurs suspectĂ©s sont des condamnĂ©s pour meurtre et pour viol[4].

RĂ©actions

Pour l'archevĂŞque de Santa Cruz, Sergio Gualberti, l'Ă©meute souligne « la surpopulation qui existe Ă  Palmasola comme dans beaucoup de prisons du pays Â», en raison de la dĂ©faillance d'une justice qui impose des dĂ©lais interminables avant les procès[4]. Il dĂ©clare que les dĂ©tenus sont « pratiquement oubliĂ©s Â» par le système judiciaire, sans tentative de rĂ©habilitation, et critique l'Ă©chec des prisons Ă  sĂ©parer dĂ©tenus violents et non-violents. Le pire est, selon lui, la soumission des enfants aux conditions de vie de la prison. Il assure que l'Église catholique est prĂŞte Ă  fournir un soutien financier pour mettre fin Ă  cette pratique[4]. Le dĂ©fenseur du peuple a approuvĂ©, dĂ©clarant que l'incident « montre clairement la faiblesse dans la sĂ©curitĂ© de la prison, la crise qui rĂ©sulte de la surpopulation et des retards de la justice, l'insĂ©curitĂ© Ă  l'intĂ©rieur des Ă©tablissements et l'infrastructure inadaptĂ©e de la prison Â»[4]. Un reprĂ©sentant du parti Plan Progrès pour la Bolivie – Convergence nationale a accusĂ© le gouvernement de nĂ©gligence, voyant dans la prĂ©sence d'alcool, d'armes et de tĂ©lĂ©phones Ă  l'intĂ©rieur de la prison la preuve de l'absence de contrĂ´le des autoritĂ©s sur sa sĂ©curitĂ© intĂ©rieure[4].

Notes et références

  1. « At least 30 dead, 60 hurt in fiery battle between rival inmates in Bolivia prison », Washington Post,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. Miriam Wells, « Bolivian Prison Riot Highlights LatAm Penitentiary Chaos », InSight Crime,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Geoffrey Ramsey, « Overcrowding Allows Bolivia's Prison Gangs to Flourish », InSight Crime,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (es) « Mueren 29 reos y un niño en la más cruenta reyerta carcelaria en Bolivia », Bolpress,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. (en) « Bolivia prison riot death toll rises », BBC, (consulté le )
  6. (en) Pierre Meilhan, « Dozens killed in Bolivia prison fire, brawl », CNN, (consulté le )
  7. (es) « Aumenta a 31 la cifra de muertos por matanza en Palmasola » [« The death toll in Pamasola killings increases to 31 »], AP, (consulté le )
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