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Élections législatives équatoriennes de 2023

Les élections législatives équatoriennes de 2023 devraient avoir lieu le afin de renouveler les 137 membres de l'Assemblée nationale de l'Équateur. Le premier tour d'une élection présidentielle et un référendum sont organisés simultanément.

Élections législatives équatoriennes de 2023
137 sièges à l'Assemblée nationale
(majorité absolue : 69 sièges)
Union pour l'espérance – Pierina Correa
Sièges en 2021 49
Pachakutik Salvador Quishpe
Sièges en 2021 27
Gauche démocratique Wilma Andrade
Sièges en 2021 18
Parti social-chrétien Henry Kronfle
Sièges en 2021 18

Le scrutin intervient deux ans avant la date prévue sur décision du président sortant Guillermo Lasso. Confronté à une procédure de destitution initiée par l'Assemblée nationale, celui ci a en effet recours à la procédure dite de « mort croisée », qui entraine la fin anticipée de son mandat et de celui de l'assemblée.

Contexte

Les législatives de février 2021 sont largement remportées par les forces de gauches, conduisant à une situation de cohabitation du fait du résultat de l'élection présidentielle organisée simultanément. Celle ci voit la victoire au second tour du candidat du Mouvement CREO,Guillermo Lasso, après deux tentatives infructueuses. Le président sortant, Lenín Moreno, n'est alors pas candidat à sa réélection du fait d'une impopularité record dans un contexte de dissensions avec son influent prédécesseur Rafael Correa et d'un programme d'austérité ayant provoqué d'importantes manifestations en 2019[1] - [2] - [3].

Soutenu par Correa qui ne peut se présenter lui même du fait d'accusations de corruption [4], l'ancien directeur de la banque centrale Andrés Arauz échoue au second tour face à Guillermo Lasso, mais c'est sa formation, l'Union pour l'espérance, qui arrive largement en tête des élections législatives organisées simultanément. Le Mouvement CREO n'arrive que cinquième du scrutin, tandis que l'Alianza País de Lenín Moreno s'effondre et perd toute représentation à l'Assemblée nationale. Le double scrutin place ainsi en situation de cohabitation le nouveau président, libéral-conservateur, face à une assemblée largement dominée par les forces de Gauche. Celle ci comporte notamment le parti Pachakutik, dont le candidat Yaku Pérez avait manqué de très peu de se qualifier pour le second tour en lieu et place de Guillermo Lasso, ainsi que le Parti de la gauche démocratique de Xavier Hervas, arrivé quatrième[5].

Le nouveau président fait rapidement face à l'hostilité marquée des parlementaires, à laquelle s'ajoutent des grèves et de violentes manifestations d'Amérindiens protestant contre les conditions des classes défavorisées et l'expansion des activités minières et pétrolières sur leur terres ancestrales. Ces manifestations font six morts et des centaines de blessés, avant la conclusion d'un accord avec le gouvernement fin juin 2022[6] - [7]. L'opposition lance à cette occasion une première tentative de destitution, qui échoue faute de soutien suffisant[8]. Fragilisé, Lasso tente fin 2022 de reprendre la main en convoquant un référendum constitutionnel le 5 février 2023 afin de soumettre au vote populaire huit amendements relatifs à la sécurité, l'organisation des pouvoirs publics et l'environnement. Cette mise à référendum intervient dans la lignée de nombreux recours au vote populaire sous les gouvernements précédents, notamment en 2017 par Rafael Correa et en 2018 par Lenín Moreno[9]. A l'inverse de ses prédécesseurs, la tentative du président Lasso s'avère cependant un échec, aucune des propositions ne recueillant le soutien d'une majorité des suffrages. Il s'agit d'une sévère défaite pour le président, qui la reconnait le lendemain. L'échec dans les urnes se manifeste également aux élections locales organisées le même jour, qui voient la défaite du Mouvement CREO[10] - [11].

Procédure de destitution de 2023

Guillermo Lasso témoignant devant l'assemblée lors du procès en destitution, le 16 mai 2023.

Entretemps, en pleine campagne référendaire, le journal en ligne La Posta publie le 9 janvier 2023 un article intitulé El Gran Padrino (« Le Grand Parrain ») dans lequel est dénoncé l'existence d'un réseau de corruption impliquant des compagnies publiques, l'entrepreneur Rubén Cherres Faggioni et Danilo Carrera Drouet. Beau-frère et associé de Guillermo Lasso, ce dernier avait largement financé ses campagnes électorales avant de le remplacer à la tête de la banque Guayaquil après l'élection de Lasso à la présidence[12]. Danilo Carrera Drouet est accusé d'avoir en échange de Pot-de-vin organisé l'attribution à grande échelle de contrats publics à des entreprises de Rubén Cherres Faggioni dans plusieurs secteurs dont celui de la distribution d'électricité. Danilo Carrera Drouet aurait agit avec la complicité de fonctionnaires de haut rang dont Hernán Luque Lecaro, président de la Société Coordinatrice des Entreprises Publiques (EMCO), qui auraient ainsi falsifier des documents afin de favoriser des entreprises sans aucune expérience. Ces pratiques auraient été héritées des gouvernements précédents de Rafael Correa et Lenín Moreno selon Leonardo Cortázar, à l'origine de divulgations ayant conduites à l'article El Gran Padrino. L'affaire prend initialement le nom de l'article, avant d'être connue sous le nom d'« Affaire Encuentro »[13] - [14].

Est notamment mis en cause contrat entre une entreprise publique de transport maritime et une compagnie de transport pétrolier. Le président l'ayant approuvé malgré des irrégularités, celui ci est accusé de l'avoir fait en connaissance de cause afin de couvrir son beau frère[14]. Bien que ne détenant pas de position officielle au sein du gouvernement, celui ci aurait tenu une position de conseiller de l'ombre auprès du président, l'accompagnant dans plusieurs déplacements officiels[15].

Le 18 janvier, l'assemblée nationale ouvre une commission d'enquête sur ces allégations de corruption. Considéré comme un témoin clé de l'enquête, Rubén Cherres disparaît trois jours plus tard[15]. Le 24 février, le procureur général annonce l'ouverture d'une enquête sur les liens entre Danilo Carrera et Rubén Cherres, ainsi qu'entre ce dernier et un réseau de trafic de drogue surnommé la « mafia albanaise ». Le procureur accuse dans la foulée Guillermo Lasso d'avoir exercé des pressions sur les dirigeants de la police nationale et de celle spécialisée dans la lutte contre les trafics de drogue afin de faire enterrer le rapport d'une précédente enquête[15] - [16] - [17].

Le rapport de la Commission, approuvé par 104 des 137 membres de l'assemblée, conclu finalement à l'implication du président dans des crimes contre la sûreté de l'état et de l'administration publique. L'opposition vote par ailleurs la déclassification des documents liés à l'enquête, sans que ces derniers n'implique toutefois le président ni les membres de sa famille[18]. Le rapport permet néanmoins à 59 députés d'initier le 4 mars une procédure de destitution à l'encontre du président de la république pour corruption et détournement de fonds, la procédure requérant le vote en ce sens d'au moins un tiers du total des députés, soit 47[19]. Le 29 mars, la Cour constitutionnelle rejette la mise en accusation pour corruption, mais valide celle pour détournement de fonds. Pour aboutir, la procédure de destitution nécessite le vote à la majorité qualifiée des deux tiers du total des membres de l'assemblée, soit 92 voix sur 137. L’Équateur n'a connu qu'une seule fois une telle destitution de son chef de l’État, avec celle en 1933 du président Juan de Dios Martínez Mera[20] - [8]. L'affaire s'aggrave avec la découverte fin avril du corps de Rubén Cherres[15].

L'Assemblée nationale débute le 16 mai les audiences du procès en destitution, au cours desquelles le président nie en bloc les accusations portées à son encontre, qu'il juge politiquement motivée[21] - [8]. Devant la probabilité très élevé du vote de sa destitution par l'alliance de l'opposition pro-Corréa et du Pachakutik, le président a recours le lendemain même à la procédure de « mort croisée », qu'il justifie par l'existence d'une « sévère crise politique ». Ce recours à la dissolution simultanée des institutions met automatiquement fin à la procédure de destitution[8] - [22].

Recours à la « Mort croisée »

C'est alors la première fois que la procédure de mort croisée (en espagnol, « muerte cruzada ») est utilisée. Inscrite dans l'article 148 de la constitution, celle ci permet au président de la république de dissoudre l'Assemblée nationale tout en lui imposant de remettre également fin à son propre mandat par la convocation d'élections législatives et présidentielle anticipées. Il ne peut recourir à cette procédure qu'une seule fois, dans les trois premières années de son mandat. Le décret présidentiel de dissolution est suivi dans les sept jours de la convocation des élections à une date conjointe par le Conseil électoral national (CNE). Comme toutes élections anticipées en Équateur, ces dernières doivent être organisées dans les 90 jours[23] - [24]. Le CNE évoque rapidement la date du 20 aôut 2023 pour le premier tour, et celle du 15 octobre pour un éventuel second tour[25]. Si le président sortant ainsi que les députés de la législature sortante sont rééligibles, ces élections ne visent cependant à les remplacer que pour la durée restante seulement du mandat de quatre ans en cours au moment de la dissolution. Des élections devraient donc avoir lieu comme prévues en 2025 à l'issue du mandat commencé en 2021[23] - [24].

Le président sortant assure l'intérim. Ses pouvoirs sont cependant fortement réduits, celui ci devant se cantonner à des décrets-lois dans des domaines économiques urgents, qui sont soumis à l'approbation de l'assemblée[23]. Le 18 mai, Lasso annonce ne pas être candidat à sa réélection[26].

L'utilisation de la mort croisée par Lasso est vivement contestée par l'opposition, qui introduit un recours auprès de la Cour constitutionnelle, arguant de l'absence d'une crise urgente justifiant l'utilisation de l'article 148[27]. Le recours est rejetté le soir mêmepar la cour à l'unanimité[28].

Système électoral

Sièges par province.

L'Assemblée nationale (Asamblea Nacional) est un parlement unicaméral composé de 137 sièges pourvus pour quatre ans selon un mode de scrutin mixte principalement proportionnel.

Sur ce total, 116 sièges sont pourvus au scrutin proportionnel plurinominal avec listes ouvertes dans 31 circonscriptions de 2 à 6 sièges appelés districts. Chacune des 24 provinces correspond à un district à l'exception des trois plus peuplées Guayas, Pichincha et Manabí , qui sont subdivisées en plusieurs districts : quatre pour les provinces du Guayas et du Pichincha, deux pour la province du Manabí. Le nombre de sièges par province varie ainsi entre 2 pour les provinces les moins peuplées et 20 pour la Province du Guayas. Après décompte des suffrages, les sièges sont répartis à la proportionnelle dans chaque district selon la méthode d'Hondt. A ces sièges s'ajoutent 15 autres également pourvus au scrutin proportionnel plurinominal dans une unique circonscription nationale, répartis selon la méthode de Sainte-Laguë. Enfin, 6 sièges réservés à la diaspora des équatoriens vivant à l'étranger sont pourvus dans trois circonscriptions de deux sièges chacune au scrutin majoritaire plurinominal. Les électeurs disposent de deux voix qu'ils attribuent à raison d'une voix par candidats. Après décompte des suffrages, les deux candidats arrivés en tête dans chaque circonscription sont élus[29].

Les listes doivent obligatoirement alterner entre candidats de chaque sexe. Les députés sont par ailleurs limités à un maximum de deux mandats, consécutifs ou non[30]. L'âge minimum ouvrant le droit de vote est de 16 ans, et le vote est obligatoire de 18 à 65 ans[31].

Résultats

Résultats des législatives équatoriennes de 2023
Parti Voix % +/- Sièges
N P E Total +/-
Union pour l'espérance (UNES)
Pachakutik (MUPP-NP)
Parti de la gauche démocratique (ID)
Parti social-chrétien (PSC)
Mouvement CREO (CREO)
Alliance honnêteté (AH)
Autres partis
Indépendants
Suffrages exprimés
Votes blancs
Votes nuls
Total 100 15 116 6 137 en stagnation
Abstentions
Inscrits / Participation

Notes et références

Notes

    Références

    1. Référendum en Equateur: la présidentielle de 2021 en ligne de mire pour Correa RFI
    2. (es) Javier Montenegro, « Encuestadora: la popularidad de Lenín Moreno toca fondo », sur expreso.ec, (consulté le ).
    3. « Équateur : face à la contestation, le président quitte la capitale », sur france24.com, (consulté le ).
    4. (en) « Who Is Andrés Arauz, Rafael Correa's Pick to Lead Ecuador? », sur americasquarterly.org (consulté le ).
    5. « Présidentielle en Équateur : le socialiste Andrés Arauz en tête du premier tour », sur france24.com, (consulté le ).
    6. Équateur : signature d’un accord entre le gouvernement et les indigènes, fin des manifestations
    7. Le président équatorien annonce un référendum sur la sécurité et les institutions
    8. « Équateur : nouvelle procédure de destitution contre le président Lasso », sur Le Figaro.fr, Le Figaro, (ISSN 0182-5852, consulté le ).
    9. Ecuador's President Plans Referendum On Security, Politics And Environment
    10. Courrier international, « Politique. En Équateur, double défaite cinglante pour le président Lasso », sur Courrier international, (consulté le ).
    11. (en) « A Tale of Failed Reforms: the Ecuadorian Referendum and Political Fallout », sur ConstitutionNet (consulté le ).
    12. (es) José Hernández, « La versión desolada de El Padrino », sur 4pelagatos, 4Pelagatos4, (consulté le ).
    13. (es) « ¿Quién es Leonardo Cortázar, el delator de la presunta red de corrupción en empresas públicas? Está implicado en otras polémicas », sur www.vistazo.com, $ (consulté le ).
    14. (es) Redacción, « Tres instancias siguen la pista de la denuncia de una supuesta red de corrupción en empresas públicas », sur El Universo, eluniversoec, (consulté le ).
    15. « Ecuador: Murder of Key Witness in Investigation of President Lasso, Others, Raises More Questions ».
    16. (es) Redacción, « Fiscalía solicita a juez de Manta reabrir investigación sobre Rubén Cherres y Danilo Carrera », sur El Universo, eluniversoec, (consulté le ).
    17. (es) Redacción Primicias, « Lasso sabía de la investigación policial sobre narcotráfico que fue archivada », sur Primicias, PrimiciasEcuador, (consulté le ).
    18. (en) Alexandra Valencia, « Declassified documents do not mention Ecuador's Lasso -regulator », sur Reuters, (consulté le ).
    19. (en) Alexandra Valencia, « Ecuador assembly backs report calling for Lasso impeachment process », sur Reuters, (consulté le ).
    20. (en) Reuters, « Ecuador's top court says Lasso impeachment hearings can proceed », sur Reuters, (consulté le ).
    21. (en) « Ecuador’s President Dissolves Congress Amid Impeachment Trial », sur The New York Times, (consulté le ).
    22. « Le président de l’Équateur, menacé de destitution, dissout le Parlement ».
    23. (en) « Ecuador: Constitution, 2008 », sur pdba.georgetown.edu (consulté le ).
    24. (es) Alejandro I. López, « Qué es la muerte cruzada, el decreto de Guillermo Lasso que disuelve el Congreso y convoca a nuevas elecciones en Ecuador », sur El País, elpaisinternacional, (consulté le ).
    25. (es) Redacción Expreso, « Ecuador irá a las urnas el próximo 20 de agosto, según Diana Atamaint », sur www.expreso.ec, (consulté le ).
    26. (es) El Telégrafo, « Presidente Guillermo Lasso reveló que no será candidato en estas elecciones », sur El Telégrafo, (consulté le ).
    27. (es) Redacción, « PSC presentará demanda de inconstitucionalidad al decreto de muerte cruzada de Guillermo Lasso », sur El Universo, eluniversoec, (consulté le ).
    28. Ecuador court rejects lawmakers' challenges to president's disbanding of National Assembly
    29. « Loi électorale », sur cne.gob.ec (consulté le ).
    30. (es) « Ecuador: Sistemas Electorales / Electoral Systems », sur pdba.georgetown.edu (consulté le ).
    31. Asamblea Nacional (Assemblée nationale) Union Interparlementaire
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