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Économie de l'information

L'Ă©conomie de l'information a plusieurs sens :

Ainsi, il convient de distinguer l'information dans le marché et l'information comme (secteur de) marché économique à part entière.

L’information comme facteur d’orientation économique

En tant que domaine de la science économique, l’économie de l’information vise à expliquer des phénomènes auparavant inexpliqués ou attribués à des causes externes, en particulier l’interférence des gouvernements.

Il s’agit d’une science en développement. Son apparition remonte aux travaux réalisés dans les années 1970 par Michael Rothschild (en), Joseph Eugene Stiglitz, Michael Spence et George Akerlof[1]. Ces trois derniers ont été récompensés en 2001 par le « prix Nobel » d’économie pour leurs analyses du marché en situation d’asymétrie d’information.

Cette branche se fonde notamment sur la théorie du screening, qui vise à obtenir de l’information privée de la part d’un agent économique, comme le montrent les exemples étudiés des lemons d’Akerlof, de l’effet signal de Spence, ou du métayage par Joseph Stiglitz. Le postulat est que l’information est par nature imparfaite, les asymétries d’information jouent un rôle fondamental et l’information elle-même a un coût.

L'information comme secteur important de l'Ă©conomie

Concernant la deuxième acception, on retrouve l'appellation économie de l'information dans les travaux de Marc Uri Porat en 1977 traitant de l'ampleur des nouvelles technologies dans les économies particulièrement et généralement dans le monde. Depuis, ses travaux ont été largement cités et désignés comme le premier emploi marquant du terme « économie de l’information ». Ainsi se construit la définition de ce concept autour de la Nouvelle économie[2].

Une économie devient une économie de l’information quand le travail en rapport avec l’information devient plus important que le travail en rapport avec les autres secteurs. Selon les évaluations de Porat, ce phénomène s’est produit en 1967, quand 53 % de la main d’œuvre américaine s’est trouvé impliqué dans le « travail de l’information ».

On voit également fleurir en France des expressions comme "marché privé de l’information"[3], ou "industrie de l’information"[4]. Ces thèmes, encore peu explorés, semblent cependant porteurs et traduire une réalité importante du monde économique moderne. Un article publié en 2019 sur le site Infoguerre, la notion de « marché privé de l’information »[5], tente d’ailleurs de formaliser ce sujet.

Une économie immatérielle ?

Une opinion couramment rĂ©pandue est que l'Ă©conomie de l'information serait « immatĂ©rielle[6] Â», avec le remplacement massif de l'information sur support papier par de l'information sur support Ă©lectronique, particulièrement dans le secteur des services. Pourtant, force est de constater que les productions de biens matĂ©riels ont continuĂ© Ă  augmenter en volume dans les pays dĂ©veloppĂ©s. D'autre part, les produits Ă©lectroniques sont eux-mĂŞmes matĂ©riels. On a donc complexifiĂ© l'Ă©conomie, on ne l'a pas rendue immatĂ©rielle.

Des Ă©tudes montrent que l'Ă©conomie « dĂ©matĂ©rialisĂ©e » continue d'avoir des effets importants sur l'environnement[7].

Une Ă©conomie politique de l'information

Quand on parle de l’économie de l’information, on fait rĂ©fĂ©rence surtout Ă  l’information en tant que marchandise, capable de gĂ©nĂ©rer de la valeur, ou comme instrument qui permet la diminution des asymĂ©tries informatives. En rĂ©alitĂ©, l’économie de l’information peut ĂŞtre aussi considĂ©rĂ©e comme une forme d’économie politique, qui vise Ă  la gestion du commun informationnel, qui est, par nature, non-rival et difficilement excluable. Le phĂ©nomène de la dĂ©matĂ©rialisation a permis une augmentation de la rapiditĂ© de la circulation de l’information, qui s’inscrit dans la vision de l’Internet en tant que openness. Ce concept souligne la conception de l’Internet comme système ouvert, fondĂ© sur un environnement commun et interopĂ©rable, capable de promouvoir la connexion entre les individus et d’abolir les barrières Ă  l’accès Ă  l’information[8]. Si auparavant l’exigence fondamentale Ă©tait la libertĂ© d’information, dĂ©finie comme le droit d’avoir accès Ă  l’information dĂ©tenue par des organismes publics[9], Ă  l’ère d’Internet c’est l’information qui devient un instrument pour garantir la libertĂ©[10]. La libertĂ© par l’information vise Ă  la redistribution de l’information entre les membres de la communautĂ©, tout en Ă©liminant les asymĂ©tries d'information existantes, qui sont les rĂ©sultats des coĂ»ts d’accès Ă  l’information mĂŞme. C’est ainsi que B. Loveluck (2012) dĂ©signe le concept de libĂ©ralisme informationnel, comme philosophie sous-jacente Ă  la structure d’Internet, capable de favoriser « l’auto-organisation de la sociĂ©tĂ© civile Â». L’information, valorisĂ©e grâce Ă  la numĂ©risation, revient alors Ă  sa conception de commun informationnel; malgrĂ© la critique menĂ©e par Hardin (1968), qui soutient la non viabilitĂ© de l’exploitation d’un bien mis en commun par la communautĂ©, Heller (1998) rĂ©fute cette thèse, en dĂ©montrant comme  la crĂ©ation de règles d’utilisation, partagĂ©es et respectĂ©es par la communautĂ©, permet une utilisation plus efficace de la ressource. Dans le point de vue du libĂ©ralisme informationnel, cela signifie que « plus les biens communs sont nombreux, plus l’autonomie individuelle s’accroĂ®t Â» [11].  

Les formes d’auto-organisation du libĂ©ralisme informationnel    

Ă€ partir de cette conception de l’information comme commun informationnel[12], on peut tracer les diffĂ©rents modèles d’économie politique, rĂ©sultants de la volontĂ© de crĂ©er une forme d’auto-organisation, nĂ©cessaire pour le bon fonctionnement de la circulation et de l’échange de l’information[13].

L’ordonnancement algorithmique

La première forme d’autogestion est la captation qui, Ă  travers la recentralisation des flux de donnĂ©es, permet une sĂ©lection endogène de l’information et une simplification de la recherche. Ces nouvelles donnĂ©es, ainsi construites, sont traitĂ©es par des algorithmes qui les redistribuent selon l’exigence du consommateur final. D’oĂą la naissance des grandes plateformes intermĂ©diaires de l’information, tel que Google, qui appliquent des algorithmes pour « optimiser Â» et « personnaliser Â» la demande Ă  l’offre, au coĂ»t d’une centralisation de l’information.

La distribution radicale

La dissĂ©mination « […] vise au contraire Ă  dĂ©concentrer les flux d’information Ă  partir d’un retour aux ambitions qui ont animĂ© l’internet des origines en tant que rĂ©seau distribuĂ©, tout en les radicalisant Â»[13]. Ce modèle, dĂ©finit comme un « anarco-mutualisme libĂ©ral Â» (Benkler, 2013) vise Ă  la maximisation de la libre circulation de l’information, en Ă©liminant toute forme d’asymĂ©trie informative. C’est le cas, notamment, des services fondĂ©s sur la diffusion de contenus Ă  travers le système peer-to-peer, tel que BitTorrent.

La gouvernance processuelle

En fin, il y a tous les systèmes qui mieux incarnent la conception d’information en tant que commun, c’est-Ă -dire qui promeuvent la crĂ©ation et l’amĂ©lioration de l’information, en garantissant la libre circulation. Les logiciels en open source et Wikipedia en sont l’exemple emblĂ©matique ; ils visent Ă  fonder « a political economy - that is, a system of sustainable value creation  and a set governance mechanisms»[14]. L’auto-institution reprĂ©sente la forme d’économie politique capable d’assurer la viabilitĂ© d’une mise en commun de la gestion de la libre circulation de l’information ; grâce Ă  un système de contrĂ´le par la communautĂ© mĂŞme, elle assure le respect des règles fondamentales pour l’autonomie de l’information.

Notes et références

  1. « G. Akerlof, M. Spence, J. Stiglitz : l’asymétrie d’information au cœur de la nouvelle microéconomie », Problèmes économiques, no 2734,‎ , p. 19-24.
  2. Concept utilisé largement par Joseph E. Stiglitz dans son livre Principes d'économie moderne, publié en 2004 par De Boeck
  3. « Publication – Le marchĂ© privĂ© de l’information : enjeux et perspectives - Formations Intelligence Ă©conomique Cyber SĂ»retĂ© », sur www.ege.fr (consultĂ© le )
  4. « GFII - Les acteurs du marché de l'information et de la connaissance », sur www.gfii.fr (consulté le )
  5. Yvan Failliot, « La notion de « marché privé de l’information » », Infoguerre,‎ (lire en ligne)
  6. La nouvelle économie de l'immatériel
  7. La dématérialisation de l'économie : mythe ou réalité ? par Jean-Marc Jancovici, président de X-Environnement
  8. (en) « The Value of Openness for a Sustainable Internet | Internet Governance | Governance », sur Scribd (consulté le )
  9. « Liberté d’information | Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture », sur www.unesco.org (consulté le )
  10. B. Loveluck, La liberté par l’information: généalogie politique du libéralisme informationnel et ds formes d’auto-organisation sur internet »,,
  11. Y. Benkler, La Richesse des réseaux. Marchés et libertés à l’heure du partage social,
  12. B. Coriat, Des communs fonciers aux communs informationnels. Traits communs et différences,
  13. B. Loveluck, Internet, une société contre l’Etat? Libéralisme informationnel et économies politiques de l’auto-organisation en régime numérique,
  14. S. Weber, The success of Open Source,

Voir aussi

Articles connexes

Auteurs

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