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Yvelyne Wood

Yvelyne Wood, née à Paris en 1956, est une sculptrice, plasticienne et scénographe, franco-suisse installée à Genève, dont les œuvres sont notamment connues pour avoir été exposées sous l'égide d'organisations des Nations unies.

Yvelyne Wood
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Biographie
Naissance
Activités

Abordant les thèmes liés à la violence de la guerre, des crimes contre l'humanité (génocides, exactions) ou le déplacement forcé, ses installations monumentales entendent contribuer à la pérennisation de la mémoire collective, en particulier des événements historiques les plus tragiques de l'époque contemporaine. Son engagement déborde du cadre artistique puisqu'elle est aussi connue pour être la fondatrice et présidente actuelle d'UniRef, une ONG humanitaire dédiée à la mission d'enseignement supérieur des réfugiés victimes des conflits armés.

Engagement artistique

Son travail artistique englobe divers thèmes rattachés au traumatisme de la guerre dont elle est ou se fait le témoin indirect en partant à la rencontre de ses victimes. Elle se présente d'ailleurs comme un « capteur de mémoire »[1]. Ses œuvres chargées métaphoriquement ou littéralement de témoignages personnels apparaissent étroitement liées aux causes humanitaires puisqu'elles dénoncent les évènement les plus atroces de la guerre, les atteintes à la dignité humaine et, en premier lieu, celle des femmes[2]. Elle déclare d'ailleurs sur les onde la radio France Culture : « Tout mon travail de plasticienne est autour de la mémoire des guerres et en particulier des femmes »[2] mettant en exergue les conséquences tragiques : « Dans la guerre il n'y a rien de positif »[1]. Souvent présentée dans les médias comme une artiste engagée et se reconnaissant d'ailleurs en tant que telle, elle ne croit pas pour autant que l'Art doit nécessairement être engagé car « L'Art est à facettes. Chacun prend celle qui lui convient. » déclare-t-elle au micro de Franceinfo[1].

DĂ©marches artistique et technique

Comme l'a suggéré l'historien de l’art Sylvain Dubeau, commentant L’Espace d’un instant (2010), Yvelyne Wood milite ouvertement contre les oublis de la mémoire collective[3]. Exploitant des archives historiques, travaillant des matériaux ayant une certaine authenticité, représentant ses propres souvenirs ou ceux qu'elles s'approprient au gré de ses rencontres[1], la démarche d'Yvelyne Wood pourrait s'interpréter comme la construction symbolique de passerelles entre la subjectivité du vécu (la "petite histoire") et l'Histoire. Dans ses entretiens donnés à la presse écrite, à la radio ou à la télévision, l'artiste a affirmé régulièrement son intention de redonner une place, dans ses expositions, à des récits de vie par lesquels transitent des faits sociaux totaux, comme par exemple la Shoah, tant qu'il peuvent encore être sauvegardés. D'ailleurs « les premiers témoignages [qu'elle a] recueilli étaient les témoignages de femmes qui [...] venaient des camps »[4].

L'Histoire, même capturée par l'objectif des caméras - comme les « films vidéo projetés sur des plaques de métal oxydées qui reprennent des archives soit de l'AFP, soit des archives qui [lui] ont été communiquées part le Haut-Commissariat aux Réfugiés »[1], est saisie dans le cadre subjectif de l'expérience individuelle du témoin appareillé de ses capteurs, qu'ils soient sensoriels ou instrumentaux. Les témoignages extraits des archives écrites sont souvent reproduits avec fidélité comme par exemple lors de l'exposition Chair de la Guerre. Dans l'une des installations sont reproduits par impression sur des robes les « témoignages de jeunes filles qui ont pour la plupart été violées dans les guerres - que ce soit en Tchétchénie, en Somalie, en Libye » issu des archives du UNHCR mais qui sont « signés, à la première personne dans les langues d'origine que parlent ces jeunes filles »[4].

La présentatrice Edwige Coupez compare ainsi au « travail de journaliste et d'historienne [qu'elle fait] en amont » l'enquête que l'artiste a réalisé sur les exactions dont été victimes les femmes pendant la guerre de Bosnie. Elle répond d'ailleurs : « Je m'appuie toujours sur des archives, je rencontre des historiens [...] et c'est très important. C'est un travail qui n'a pas la place pour la fantaisie de la création »[5].

Yvelyne Wood déclare dans un reportage pour le journal d'Arte que « Tous les matériaux ont une histoire. Ils ont leur propre histoire qui s'ajoutent à mon histoire et qui s'ajoute aux archives de guerre »[4]. Toutefois, l'authenticité historique du matériau qu'elle recherche à collecter n'est pas une fin en soi[1].

Au-delà de la dimension mémorielle de son œuvre, il y aurait, selon l'historien de l'art Jean-Paul De Roche, une expression visant à sublimer esthétiquement les souvenirs à travers des propositions souvent dérangeantes qui ne sont pas sans rappeler le symbolisme baudelairien[3]. En même temps, comme le suggère l'essayiste et critique d'art, Donald Kuspit (en) qui suit son œuvre depuis sa première exposition à la galerie Stendhal à New York, celle-ci serait la poursuite d'un illusio par lequel se dénouerait un conflit interne qui porte sur les représentations du monde[6].

Subvertir la violence et la terreur

Plus que la violence ou la mort, c'est leur emploi terrifiant pour soumettre qui est convoqué. En effet, bien que beaucoup de témoignages personnels soient mis à l'honneur, c'est la volonté d'exterminer ou d'humilier qui, dans ses conséquences individuelles, est fustigée comme un phénomène impersonnel, social de domination. L'affirmation de Hobsbawm, selon laquelle le siècle dernier constitue l'apogée de la violence dans toute l'histoire de l'humanité marqué par la constance de l'Holocauste, raisonne dans l'intégralité de l'œuvre de Wood selon Donals Kuspit[7]. Elle explore une série des événements les plus sombres qui se sont produits dans les temporalités encadrants la vie de l'artiste comme la Shoah, les guerres du Vietnam et du Cambodge, les génocides du Rwanda et du Kosovo[7].

La "mémoire en flammes" de l'Holocauste

Selon le commissaire de son exposition et conservateur du musée, Stéphane Ceccaldi, lors de l'installation Mémoires en flammes présentée en 2012 dans la bibliothèque de la Grande Loge de France, l'artiste donne à réfléchir sur la place de la culture. Il y a dans l'œuvre d'Yvelyne Wood le postulat halbwachsien selon lequel la culture constitue le vecteur d'une mémoire collective que se transmet à elle-même l'humanité. Mais ce dernier bien que salutaire, constituerait un héritage fragile comme l'illustre le rapport entre l'autodafé et l'Holocauste présenté dans son l'exposition Mémoire en Flammes[8]. Selon Donald Kuspit, Yvelyne Wood dans son exposition Burning Memory (Mémoire en Flammes) entend renverser ce sacrilège en consacrant les victimes[7] :

« The victims of history become sacred in memory - what we would prefer to forget becomes unforgettable: eternal. Wood’s work is double-edged, for what has been lost is found again in memory indeed, remains fixed and felt in memory, an idea fix of feeling given memorable form – even as memory shows that it is dead. Wood’s work burns itself into our memory, even as it tells us that memory is the corpse of history. »

Selon Kuspit, la métaphore du phœnix serait présente dans ses œuvres dans la mesure où celles-ci ressuscitent symboliquement certains faits dont les souvenirs, comme les flammes, consument les témoins mais peuvent rester vifs, émancipés de la finitude organique[7].

Les guerres de Yougoslavie

Au cours de son voyage en Bosnie, l'artiste a collecté et ramené des matériaux et des archives dont certaines sont issues directement de témoignages qu'elle a recueilli auprès de victimes de la guerre de Bosnie. Elle a par exemple « extrait d'un reliquaire les 7 102 noms des hommes qui ont été assassinés en deux jours à Srebenica » lors du massacre éponyme et dont elle a « recopié le nom avec leurs dates de naissance »[1]. L'originalité de cette exposition sous l'égide des Nations unies par rapport aux installations précédentes est sa focalisation sur la place particulière occupée par les femmes parmi les victimes des conflits armés, "vivant la guerre dans leur chair" expression que consacre le titre de l'exposition[4]. L'exposition est ainsi moins dédié à la guerre de Yougoslavie qu'aux femmes qui ont été victimes de ce conflit ou d'autres à travers le monde.

La place des femmes dans la guerre

Le travail d'Yvelyne Wood touche notamment à la place de la femme dans les conflits armés et a contribué à assurer une médiation sensible et symbolique de ce fait social[2] alors que la sphère académique tardait à s'en saisir[9]. Le fruit de sa recherche sur la violence faite aux femmes pendant la guerre fut exposé d'abord à Genève au siège du Haut Commissariat Des Nations-Unies aux Réfugiés (UNHCR), puis, sous l'égide de cette agence, pendant un mois à partir du 14 mars lors de son exposition à La Sorbonne "Chair de la guerre"[4] - [10] et, enfin, au Conseil Général du Tarn et Garonne. Cette dernière exposition, dont le vernissage s'est tenu à Montauban le 12 décembre 2012 lors d'un colloque sur ce thème à l'Université de Toulouse-I-Capitole[9], est issue de sa rencontre à Sarajevo de six femmes ayant subi le siège ou le massacre de Srebenica lors du conflit mettant fin à la République de Yougoslavie. Elle a rapporté le destin de ces femmes victimes de viol systématique employé comme arme de guerre dans les camps dont elles étaient prisonnières[10]. Elle témoigne, par exemple, le 11 novembre 2012 sur France Culture[2] :

« Ces femmes étaient dans des camps, elles étaient sous-alimentées, elles étaient victimes de violences sexuelles, elles étaient battues. On leur a arraché souvent leurs enfants des bras ou leurs enfants ont été torturés devant elles »

Grâce à l'exposition médiatique dont Yvelyne Wood a pu jouir, elle a pu sensibiliser l'opinion publique sur des enjeux sociétaux de la mémoire alors encore relativement méconnus, en attirant son attention sur la place particulière des femmes dans la guerre. En ayant pu inviter l'une d'entre elles dans le cadre de l'exposition à Montauban qu'elle leur dédie, Yvelyne Wood s'est employée à montrer qu'il est possible de "leur donner une reconnaissance publique" et de "les sortir de la honte"[1].

Engagement pour les réfugiés et le projet UniRef

Le travail artistique d'Yvelyne Wood est directement relié à son expérience (familiale) ou à ses immersions dans les désastres engendrés par les conflits armés caractérisés par le non respect des droits individuels les plus élémentaires et de la dignité humaine, révélant une sensibilité pour les causes humanitaires[11].

C'est dans ce cadre que la « satisfaction d'être une artiste reconnue a vite été obscurcie par le sentiment étreignant de ne plus être finalement qu'une spectatrice des drames qui se jouent un peu partout dans le monde » aurait conduit l'engagement d'Yvelyne Wood à passer du registre artistique à celui de l'action humanitaire en faveur des réfugiés (au sens statutaire qu'en donne la convention des Nations-Unies du 28 juillet 1951)[12]. C'est ainsi qu'elle co-fonde en 2013 l’association humanitaire Swiss International Humanitarian Organization (Siho) qui deviendra plus tard UniRef dont elle emprunte le nom au premier projet mis en œuvre dans le camp du UNHCR de Musasa au Burundi[13].

Articles connexes

Référence

  1. « Yvelyne Wood porte le témoignage des femmes qui vivent la guerre », sur Franceinfo, (consulté le )
  2. « Yvelyne Wood », sur France Culture (consulté le )
  3. Sylvain Dubeau, « Les fantômes d'Auschwitz », Le Petit Journal de l'Exposition, Association Musée Archives et Bibliothèque (M.A.B.),‎
  4. "Expo - La chair de la guerre", Journal, sur Arte (reportage télévisé), 26 mars 2012
  5. « Femmes d'exception, émission radio de France Info en replay », sur Franceinfo (consulté le )
  6. Association Musée Archives et Bibliothèque (M.A.B.), « Qui est Yvelyne Wood? », Le Petit Journal de l'Exposition,‎ 20.11.10 - 15.01.11
  7. (en) Donald KUSPIT, « Yvelyne Wood’s Auschwitz », sur Stendhal Gallery Online Archive
  8. Stéphane Ceccaldi, « Mémoire en flammes (2010-2011) d’Yvelyne Wood », Le Petit Journal de l'Exposition, association Musée Archives et Bibliothèque (M.A.B.),‎ 2010-2011
  9. Hiam Mouannes, « La femme dans la guerre du 13 avril 1975 au Liban », dans Le cœur de la guerre, une histoire de femmes (colloque),
  10. L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, « Inauguration en Sorbonne d'une exposition sur la violence contre les femmes réfugiées », sur UNHCR (consulté le )
  11. Alain Jourdan, « Yvelyne Wood, l’artiste engagée pour les réfugiés », sur Tribune de Genève, (consulté le )
  12. Alain Jourdan, « Yvelyne Wood, l’artiste engagée pour les réfugiés », sur La Tribune de Genève, (consulté le )
  13. « Une université va ouvrir ses portes dans le camp de Musasa au Burundi », sur France 24, (consulté le )
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