Vol parabolique
Le vol parabolique est un moyen de créer une situation de micropesanteur pendant une vingtaine de secondes. C'est un moyen relativement moins coûteux que les autres et permettant l'utilisation de matériel de laboratoire. En outre, il permet d'embarquer les expérimentateurs avec leurs expériences, ce qui est impossible en tour de chute ou dans les stations orbitales par exemple. Les inconvénients sont la faible durée, la qualité (0,01 g d'accélération résiduelle).
Pour le vol parabolique, on parle de situation de micropesanteur.
Principe
Un objet est soumis à l'impesanteur lorsque l'ensemble des forces gravitationnelles et inertielles auxquelles il est soumis possÚde une résultante et un moment résultant nuls. Si l'on néglige les forces de frottements, un solide se déplace vers le centre de la terre avec une accélération selon le carré du temps en seconde indépendamment de sa masse. Cette situation est aussi appelée chute libre. Dans un référentiel galiléen, cela signifie qu'un objet en chute libre accélÚre en fonction du temps et du corps qui l'attire comme celle d'une planÚte par exemple.
Le principe du vol parabolique est de reproduire une trajectoire la plus proche possible de la parabole décrite par un objet lancé à la vitesse de l'avion, afin que les expériences situées à l'intérieur de l'avion soient en état de micropesanteur. Il faut un pilotage fin qui nécessite trois pilotes, l'un agissant sur le tangage (pilotage de l'assiette), l'autre maintenant l'inclinaison nulle (axe de roulis) tandis que le dernier contrÎle le régime moteur et vérifie les paramÚtres de vol.
Trajectoire et phases des parcours paraboliques[1]
Pour chacune des quinze paraboles parcourues :
Premier trajet horizontal
L'avion se positionne tout d'abord similairement Ă un vol commercial de voyage, Ă une altitude d'environ 6 000 mĂštres Ă vitesse constante de 800 km/h.
Dix minutes au plus tard avant la premiÚre parabole, les participants sont invités à quitter leur siÚge pour rejoindre la zone expérimentale recouverte de tapis mousse, de « free-floating »). Les annonces informent le décompte à rebours avant l'injection.
Propulsion Ă 0,8 g vers le haut (passagers Ă 1,8 g)
L'avion effectue une phase de propulsion en se cabrant vers le haut, puis en s'inclinant de plus en plus, procurant ainsi une accélération positive constante d'environ 0,8 g, soit 8 m/s2, appelée « ressource », durant environ 20 secondes de montée.
Les passagers et le matĂ©riel sont en hyperpesanteur, trĂšs alourdis Ă une force de 1,8 g, pesant 1,8 fois leur poids par rapport au sol de l'avion et tenus ou « collĂ©s » sur le plancher de l'avion par la force centrifuge due Ă l'augmentation continuelle d'inclinaison. Il leur est conseillĂ© de rester assis voire allongĂ©s, la position debout Ă©tant presque impossible sans flĂ©chir les jambes, en maintenant la tĂȘte droite pour Ă©viter l'Ă©cĆurement du « mal des transports ».
Le pilote annonce l'inclinaison de 30°, puis 40° enfin « injection » vers 47°.
Apesanteur en chute libre (passagers Ă 0 g)
Ayant atteint un angle d'environ 47°, subitement l'avion coupe les gaz, puis les remet progressivement vers le bas pour compenser le freinage de l'air en restant à 0 g (en chute libre), durant une phase d'airtime en « micropesanteur », proche de l'apesanteur, durant environ 25 secondes, correspondant à 12 secondes de chute libre en montée, puis 12 secondes de chute libre en descente. C'est la phase d'injection. Puis le pilote annonce de nouveau 20°, 30°, puis « ressource ».
Les passagers sont allĂ©gĂ©s Ă 0 g (d'oĂč l'appellation « avion zĂ©ro g ») et de poids nul, par rapport Ă l'avion et se mettent Ă flotter Ă l'intĂ©rieur, en quittant le sol Ă la moindre impulsion d'Ă©lan par leur bras ou jambes. Les passagers peuvent s'amuser aussi Ă tourner sur eux-mĂȘmes, ou diverses autres expĂ©riences liĂ©es aux sensations fortes de ces airtimes prolongĂ©s. Plusieurs expĂ©riences d'apesanteur sont rĂ©alisĂ©es, la premiĂšre Ă©tant bien sĂ»r celle d'un liquide sortant d'un verre se mettant en boule par force capillaire, en l'avalant ensuite.
Une campagne consiste en quinze paraboles et dure trois heures. La premiĂšre simule la pesanteur martienne Ă environ 0,38 g, la seconde la pesanteur lunaire Ă environ 0,165 g (le 1/6e de la pesanteur terrestre) et les treize suivantes proches de 0 g.
Retour vers l'horizontale Ă 0,8 g vers le haut (passagers Ă 1,8 g)
Avant cette phase, les passagers sont prévenus de rejoindre le plancher de l'appareil afin d'éviter le choc éventuel d'une chute de toute la hauteur.
L'avion remet les gaz vers le haut en effectuant une nouvelle phase de propulsion d'accélération positive constante d'environ 0,8 g, soit 8 m/s2, durant environ vingt secondes de freinage de descente, afin de poursuivre sa trajectoire horizontalement avant la parabole suivante. Les passagers et le matériel sont de nouveau alourdis à une force de 1,8 g, pesant 1,8 fois leur poids par rapport au sol de l'avion.
Transition horizontale
à la fin de la « ressource », le pilote annonce « une minute », temps total approximatif de toute la parabole.
L'avion a alors repris une trajectoire horizontale sans accĂ©lĂ©ration, permettant de laisser un laps de temps de « trĂȘve » de repos aux passagers entre chaque parabole. Celle-ci est d'environ cinq minutes.
Trajectoire formant des paraboles
Si l'on considÚre que la composante horizontale de la vitesse de l'avion est constante, y compris durant toutes ses accélérations verticales, la trajectoire décrite est donc similaire à celle de la courbe d'un corps en accélération constante au cours du temps. Verticalement, en positif comme en négatif, la vitesse augmente donc proportionnellement au temps et le trajet parcouru augmente proportionnellement au carré du temps.
La courbe du trajet vertical en fonction du temps et donc aussi la trajectoire dĂ©crivent donc pour chacune des phases une parabole incurvĂ©e vers le haut lors des deux accĂ©lĂ©rations positives Ă +0,8 g, et une double parabole incurvĂ©e vers le bas avec un sommet lors de l'accĂ©lĂ©ration nĂ©gative Ă â1 g, d'oĂč l'appellation de « vol parabolique ».
La composante horizontale de la vitesse reste Ă peu prĂšs constante durant toute la phase Ă 0 g, soit environ 370 km/h.
Par contre, durant les propulsions à 1,8 g, la composante horizontale de la vitesse n'est pas constante, afin de maintenir les passagers sur le sol de l'avion sans glisser vers le fond lorsque l'avion est incliné, grùce à la force centrifuge due à la forme incurvée de la parabole qui s'ajoute à une décélération augmentant au cours de l'inclinaison : en effet, la vitesse linéaire (horizontale) au départ et à la fin de la parabole est de 825 km/h, puis décroit durant le cabrage de l'avion, n'étant plus que de 530 km/h à inclinaison maximale de 45°, la composante horizontale étant de (530 * sinus 45°) = 370 km/h.
L'avion passe en phase de 0 g, la vitesse linéaire décroissant, et celle horizontale restant à 370 km/h tout en réduisant naturellement son inclinaison jusqu'au sommet de la parabole (vitesse verticale devenue nulle), puis s'incline naturellement de plus en plus vers le bas. La vitesse linéaire réaugmente jusqu'à 530 km/h à son inclinaison maximale de 45° vers le bas, tout en conservant une vitesse horizontale de 370 km/h.
L'avion remettant les gaz, les passagers inclinés à 45° sont de nouveau soumis à une force positive constamment perpendiculaire à l'avion leur évitant de glisser vers le fond, en raison de la force centrifuge de la forme incurvée de la parabole, ajoutée à une accélération de l'avion repassant progressivement de 530 à 825 km/h, jusqu'à ce que l'inclinaison repasse à 0°.
La courbe est donc plus aplanie en bas qu'une parabole, et l'avion effectue donc horizontalement une dĂ©cĂ©lĂ©ration durant la montĂ©e et accĂ©lĂ©ration durant la descente, cette force permettant justement d'ĂȘtre centrifuge pour permettre aux passagers d'ĂȘtre soulevĂ©s perpendiculairement au sol malgrĂ© l'inclinaison.
Dans la pratique, pour obtenir les accélérations désirées, les pilotes possÚdent un accéléromÚtre d'indication afin qu'ils maintiennent l'avion à 1,8 g par rapport au sol puis à 0 g au cours de leur trajectoire.
Contrairement aux parachutistes durant leur chute, l'avion continue de cabrer à 0 g malgré la résistance de l'air arrivé à une certaine vitesse négative, en compensant par des gaz accélérant l'avion vers le bas. Les passagers n'ont quant à eux pas de résistance de l'air puisqu'ils sont à l'intérieur de l'avion pressurisé.
Ces chiffres sont indicatifs de valeur moyenne, car si le principe parabolique de la trajectoire reste identique, selon les avions toutes ces valeurs diffĂšrent un peu.
Certains « top hat » de montagnes russes, ont été profilés de maniÚre ressemblante proche d'une double parabole pour procurer aux passagers des accélérations aux sensations similaires, en tenant compte aussi de la réduction de vitesse au sommet de la bosse.
Vitesses et altitudes atteintes[2]
L'altitude de l'avion Ă l'horizontale est d'environ 6 300 mĂštres (vitesse verticale = 0). Lors de sa premiĂšre propulsion de ressource vers le haut Ă 0,8 g, soit environ 8 m/s2, sa vitesse verticale atteint donc v = 8 t = 160 m/s, en pratique environ 590 km/h et il s'est Ă©levĂ© de h = 4 tÂČ = 1 600 Ă 2 000 m, Ă©tant en pratique vers 7 700 mĂštres.
DĂ©bute la phase de 20 Ă 25 s en apesanteur : durant les douze premiĂšres secondes, l'avion dĂ©cĂ©lĂšre en montĂ©e de â1 g, et sa vitesse de montĂ©e se rĂ©duit jusqu'Ă 0, atteignant un sommet de hauteur environ 8 700 mĂštres, puis poursuit son accĂ©lĂ©ration de â1 g cette fois en chute libre en descente.
La perte d'altitude Ă©tant proportionnelle au carrĂ© du temps (h = 5 tÂČ), c'est la raison pour laquelle par sĂ©curitĂ©, cette deuxiĂšme moitiĂ© Ă zĂ©ro g est limitĂ©e Ă environ douze secondes aussi, l'avion remettant ensuite les gaz de propulsion vers le haut freinant la descente jusqu'Ă retrouver l'altitude horizontale de dĂ©part, la hauteur totale de chaque parabole parcourue par l'avion Ă©tant donc d'environ 2 400 mĂštres.
Centre national d'Ă©tudes spatiales (CNES)
En France, le CNES est responsable de l'organisation de campagnes de vols paraboliques depuis 1989. La filiale Novespace a été fondée en 1986, afin de développer l'expérimentation en impesanteur en Europe.
L'avion utilisé est tout d'abord une Caravelle jusqu'en 1995[3]. Un Airbus A300 immatriculé F-BUAD la remplace dÚs 1997[4]. Il est appelé A300 ZERO-G. AprÚs dix-sept ans de carriÚre et plus de 13 000 paraboles, il est remplacé en 2014 par un A310-304. F-WNOV effectue, aprÚs sa conversion en Allemagne, son premier vol parabolique le .
Depuis 2013, des vols paraboliques sont proposés au grand public. Ils sont réalisés par Novespace, filiale du CNES, depuis l'aéroport de Bordeaux - Mérignac à une quarantaine de passagers chaque trimestre environ. Ils sont commercialisés sous la marque Air Zero G, en partenariat avec la société Avico[5].
Jean-François Clervoy était PDG de Novespace jusqu'en 2019. Lui et Jean-Pierre Haigneré ont été à l'origine du programme des vols paraboliques en Europe. Thierry Gharib lui a succédé en qualité de PDG en 2019.
Au CNES, l'activité est sous la responsabilité de Sébastien Rouquette, ingénieur chargé de développement d'expériences en impesanteur au sein du CADMOS[6].
Sûreté
Les vols paraboliques sont effectuĂ©s depuis soixante-dix ans dans le monde. Sur les centaines de milliers de paraboles, aucun accident n'est Ă dĂ©plorer. Ils peuvent ĂȘtre effectuĂ©s Ă partir de l'Ăąge de 8 ans, et le passager le plus ĂągĂ© a Ă©tĂ© Buzz Aldrin. Par contre, un bon Ă©tat de santĂ© est nĂ©cessaire, avec un certificat mĂ©dical d'un cardiologue aprĂšs tests. Des chats et souris ont effectuĂ© l'expĂ©rience Ă bord.
Pour Ă©viter le mal des transports, un mĂ©dicament voire une piqĂ»re anti-nausĂ©e peuvent ĂȘtre administrĂ©s prĂ©alablement.
IntĂ©rĂȘts scientifiques
La micropesanteur permet de révéler des phénomÚnes habituellement masqués par la gravité sur Terre. Le vol parabolique est donc utilisé pour des expériences de physique des matériaux, biologie, chimie, astrophysique ou physiologie, grùce aux conséquences immédiates de la micropesanteur, à savoir une absence de :
Elle présente aussi l'amplification des phénomÚnes de :
Autres possibilités d'apesanteur
D'autres moyens usuels pour simuler ou bĂ©nĂ©ficier de la micropesanteur peuvent ĂȘtre :
- la tour d'impesanteur ;
- la fusée-sonde (tir balistique) ;
- le module réutilisable ;
- le laboratoire permanent ;
- les navettes spatiales
Personnalités ayant effectué un vol parabolique
De nombreuses personnalités ont eu l'occasion d'effectuer déjà l'expérience d'un vol parabolique. Des étudiants universitaires ont aussi eu l'occasion d'effectuer ce vol. Certains mariages ont eu lieu pendant un vol. Plusieurs séquences de films spatiaux (science-fiction...) y ont été tournées.
Notes et références
- « 2. Les vols paraboliques », Lycée Léon-Gontran Damas.
- « ParamĂštres d'un vol parabolique effectuĂ© par l'Airbus "ZĂ©ro G" », Ăduscol (voir archive).
- « La micropesanteur en France et dans le monde », CADMOS (consulté le ).
- « zero G », sur www.capcomespace.net (consulté le )
- « Vol Zéro G : le tourisme en apesanteur » [archive du ] (consulté le )
- « Présentation du CADMOS », CNES, .
Annexes
Bibliographie
- Franck Lehot, Voler en apesanteur - Un rĂȘve dĂ©sormais possible !, Ăd. Vuibert, 2012, (ISBN 978-2-3110-1194-4), [prĂ©sentation en ligne], 238 pages.
Articles connexes
Liens externes
- Site officiel du CADMOS - CNES (responsable des campagnes de vols paraboliques françaises).
- Novespace, filiale du CNES, exploitant l'AIRBUS A310 ZERO-G et proposant les vols pour le grand public sous la marque Air Zero G.
- AirZeroG, qui propose la réalisation de vols paraboliques Zero G au grand public.