Virus oncogĂšne
Les virus oncogĂšnes sont des virus ayant la capacitĂ© de rendre cancĂ©reuse la cellule quâils infectent. Le mot « oncogĂšne » est issu du grec oncos, qui signifie « tumeur ».
De façon gĂ©nĂ©rale, ils sont responsables de 15 % des cancers. Ces virus possĂšdent globalement les mĂȘmes caractĂ©ristiques que les autres virus (mode dâaction, structure, compositionâŠ) et ont la facultĂ© dâinfecter aussi bien lâhomme que dâautres espĂšces (animales ou vĂ©gĂ©tales). Pour que le caractĂšre tumoral ait lieu, il faut que le virus entre en cycle abortif et sâintĂšgre au gĂ©nome cellulaire, ce qui nâest pas systĂ©matique, car il peut entrer en cycle lytique et provoquer la lyse de la cellule.
Ces virus sont classifiés en six catégories :
- HerpĂšsvirus (ADN), ex. : Epstein-Barr (cancer du pharynx, des voies nasales) ;
- Adénovirus (ADN), ex. : Adénovirus type 12 (cancer des voies respiratoires, tube digestif) ;
- Papovavirus (ADN), ex. : Papillomavirus humain, SV40 (cancer du col de l'utĂ©rusâŠ) ;
- Hépadnavirus (ADN), ex. : Hépatite B (carcinome hépatique) ;
- RĂ©trovirus (ARN), ex. : ALV (Avian Leukosis Virus) (leucĂ©mie aviaire), HTLVâŠ
- Hepacivirus (ARN), ex. : HĂ©patite C.
à noter que le VIH n'est pas un oncovirus, l'immunodépression qu'il induit permet justement aux virus oncogÚnes de provoquer des cancers.
Notons que le papillomavirus, le virus de l'hépatite B et celui de l'hépatite C sont les principaux virus associés à l'apparition de cancer (en nombre de nouveaux cas).
Comme tous les virus, leurs gĂ©nomes prĂ©sentent de multiples possibilitĂ©s structurales, cependant on peut diffĂ©rencier 2 grands mĂ©canismes gĂ©nĂ©raux dâinfection selon le support de lâinformation gĂ©nĂ©tique : ADN ou ARN.
Oncovirus Ă ADN
Les oncovirus Ă ADN prĂ©sentent le gĂšne oncogĂšne dans leur gĂ©nome et vont pouvoir lâexprimer en sâintĂ©grant partiellement ou entiĂšrement et de façon alĂ©atoire dans le gĂ©nome de la cellule infectĂ©e. Les produits de ce gĂšne oncogĂšne vont modifier le dĂ©veloppement normal de la cellule et la transformer. Ces produits peuvent intervenir dans la rĂ©plication, ĂȘtre des rĂ©presseurs transcriptionnels, se lier Ă dâautres protĂ©ines de la celluleâŠ
Lors du cycle abortif, le virus accĂ©lĂšre lâentrĂ©e de la cellule en phase S ce qui lui permet de se rĂ©pliquer plus rapidement car le mĂ©tabolisme nuclĂ©otidique est amplifiĂ©. En temps normal le cycle cellulaire est contrĂŽlĂ© en phase G1 par la protĂ©ine pRb qui forme un complexe avec E2F et bloque lâexpression des gĂšnes du cycle cellulaire. En effet, E2F est liĂ© Ă lâADN avec DP1 (facteur de transcription) et Ă eux deux induisent lâexpression de cycline E et A nĂ©cessaire au passage en phase S. Un deuxiĂšme contrĂŽle a lieu au niveau de la protĂ©ine p53 qui empĂȘche la phosphorylation de pRb restant ainsi liĂ© Ă E2F. De plus, la combinaison de lâinduction de p53 et lâexpression de E2F tendent Ă induire lâapoptose.
Câest donc sur ces 2 protĂ©ines lĂ que vont agir les produits de traduction de gĂšnes oncogĂšnes (protĂ©ines prĂ©coces). Exemple : dans le cas du SV40 le facteur transformant est lâantigĂšne T qui Ă lui seul permet dâimmortaliser et transformer les cellules par fixation de pRb et p53. Pour que lâinfection abortive soit persistante il faut quâil y ait expression continue de ces facteurs transformants. Selon le type viral ces facteurs sont diffĂ©rents mais lâon note une certaine convergence Ă©volutive.
Autre exemple : dans le cas des papillomavirus humains (HPV) à haut risque, E6 se lie à p53 et induit sa dégradation en recrutant l'ubiquitine ligase E6AP, et E7 se lie à pRb et induit sa dégradation via sa polyubiquitinylation par CUL2.
Oncovirus Ă ARN
Les virus oncogĂšnes Ă ARN sont appelĂ©s oncornavirus, ils font partie de la famille des rĂ©trovirus. Ils possĂšdent des propriĂ©tĂ©s communes au niveau de lâenveloppe externe qui est dĂ©rivĂ©e de la membrane cytoplasmique et hĂ©rissĂ©e de spicules glycoprotĂ©iques (fonctionnent comme un rĂ©cepteur glycoprotĂ©ique membranaire) mais Ă©galement leur noyau contient une nuclĂ©oprotĂ©ine avec une organisation hĂ©licoĂŻdale, leur gĂ©nome est diploĂŻde avec 2 molĂ©cules identiques dâARN monocatĂ©naire reliĂ©es en plusieurs points par des ponts hydrogĂšne. Chacune de ces molĂ©cules contient toute lâinformation nĂ©cessaire Ă la rĂ©plication du virus, notamment 3 gĂšnes essentiels Ă cette rĂ©plication :
- le gÚne gag (code les protéines de la nucléocapside) ;
- le gĂšne pol (code la transcriptase inverse) ;
- le gĂšne env (code les protĂ©ines de lâenveloppe virale).
Certains virus possĂšdent un gĂšne supplĂ©mentaire qui est un gĂšne oncogĂšne[1]. La rĂ©plication des oncornavirus est trĂšs particuliĂšre, elle passe via la transcriptase inverse par la fabrication dâune copie dâADN monocatĂ©naire puis par synthĂšse du brin complĂ©mentaire pour ensuite pouvoir sâintĂ©grer dans le gĂ©nome cellulaire grĂące Ă une intĂ©grase. Par la suite, le mĂ©canisme de transformation cellulaire sera similaire Ă celui des virus Ă ADN.
Certains virus oncogĂšnes ARN ne possĂšdent pas de gĂšnes oncogĂšnes Ă leur entrĂ©e dans la cellule pourtant ils provoquent les mĂȘmes effets que les virus possĂ©dant le gĂšne oncogĂšne.
Cela sâexplique par le fait que la cellule possĂšde ce gĂšne oncogĂšne appelĂ© proto-oncogĂšne, qui rĂ©gule la croissance de la cellule. Le virus va activer ou surexprimer le proto-oncogĂšne par insertion dâun promoteur viral et le transformer en gĂšne viral. Les structures du proto-oncogĂšne et de lâoncogĂšne ont Ă©tĂ© analysĂ©es et leurs sĂ©quences nuclĂ©otidiques ne diffĂšrent que par une base. Ainsi une mutation ponctuelle peut donc transformer un proto-oncogĂšne en oncogĂšne et faire entrer la cellule en phase tumorale. Le SRAS-CoV-2 a Ă©galement Ă©tĂ© supposĂ© ĂȘtre associĂ© au cancer [2].
Préventions primaires et secondaires
Lorsquâil y a apparition dâun processus tumoral, via une infection virale, le seul traitement possible est de lutter contre le cancer par les traitements classiques : exĂ©rĂšse, chimiothĂ©rapie⊠Une autre possibilitĂ© consiste Ă lutter contre lâinfection responsable grĂące Ă un vaccin antiviral mis au point Ă partir de particules virales non-infectantes. Câest le cas du vaccin contre le cancer du col de lâutĂ©rus (papillomavirus dit HPV), oĂč lâon injectera au patient des particules virus-like L1 ou VLP.
Mais la grande instabilitĂ© gĂ©nomique des virus empĂȘche la mise au point dâun vaccin efficace sur le long terme. De plus, dĂšs que le virus a pĂ©nĂ©trĂ© dans la cellule, les dĂ©fenses immunitaires deviennent moins efficaces.
Notes et références
- « VIRUS », sur EncyclopÊdia Universalis (consulté le ).
- (en) Parham Habibzadeh, Hassan Dastsooz, Mehdi Eshraghi et Marek J. Ćos, « Autophagy: The Potential Link between SARS-CoV-2 and Cancer », Cancers, vol. 13, no 22,â , p. 5721 (ISSN 2072-6694, DOI 10.3390/cancers13225721, lire en ligne, consultĂ© le )
Voir aussi
Article connexe
Sources
- Marc Vasseur : Virus oncogĂšnes, introduction Ă la biologie molĂ©culaire du cancer Hermann, Ăditeurs des sciences et des arts, 1989, pages 1-27, 185-253, 279-310
- Jean-Marie Huraux, Jean-Claude Nicolas, Henri Agut : Virologie, de la biologie Ă la clinique, Flammarion MĂ©decine-sciences, 1985, pages 293-317
- Marc Girard, Léon Hirth, GeneviÚve Lebeurier, Jean Witz : Virologie moléculaire, Doin, 1989, pages 409-444, 461-480
- http://membres.multimania.fr/neb5000/VirologieI/oncogenese/oncogenese1.htm