Villa Epecuén
Villa Epecuén est une ancienne ville touristique située en Argentine dans la province de Buenos Aires, à 7 km au nord de Carhué. Célèbre station thermale sud-américaine créée en 1920, elle accueille des bourgeois et des aristocrates pendant l'entre-deux-guerres et se démocratise après la Seconde Guerre mondiale, attirant les classes moyennes. Elle est submergée par une crue en 1985 et réapparait progressivement la décennie suivante, au fur et à mesure que l'eau se retire, offrant depuis un paysage de ruines.
Histoire
Station thermale
Les eaux de la lagune Epecuén possèdent un haut degré de salinité, comparable à celui de la mer Morte, ce qui a déclenché dans la région un intérêt médical et touristique pour ses vertus curatives. En langue mapuche, une tribu indigène, Epecuén signifie : « la brûlure que laisse le sel sur la peau ». Au début du XXe siècle, la lagune commence à attirer des Argentins malades, qui s'enduisent de « fango », la boue noire du fond du lac, afin de soigner des arthrites, des rhumatismes ou encore des maladies de peau. L'arrivée du chemin de fer permet ensuite de désenclaver la région. La ville moderne a été lancée par Arturo Vatteone le , avec l'inauguration d'un premier établissement thermal et une politique de lotissements. Une luxueuse esplanade de bois est édifiée pour les baigneurs, des hôtels, une piscine d'eau douce ou encore des terrains de tennis, devenant une station thermale réputée dans toute l'Amérique du sud. La bourgeoisie et l'aristocratie s'y pressent, ainsi que des personnalités comme les acteurs Luis Sandrini (en) et Tato Bores (en), certaines s'y faisant construire des résidences secondaires, comme la princesse d'origine française Ernestina Maria Allaire, qui commande un château de style normand, avec une réplique de la grotte de Lourdes dans son jardin[1].
Après la Seconde Guerre mondiale, le régime de Juan Perón instaure les congés payés et un treizième mois, ce qui permet aux classes moyennes et aux ouvriers de venir profiter d'Epecuén. Des campings, pensions, clubs et bowlings se substituent progressivement aux hôtels de luxe. Dans les années 1960-1970 a lieu une forte expansion, la ville disposant désormais de 300 bâtiments d'hébergement et de commerce. Sa population fixe est de 1 500 personnes mais elle accueille 25 000 touristes chaque saison[1].
Submersion
Mais le régime hydraulique de la lagune était irrégulier, et des travaux projetés ont été abandonnés à l'époque de la dictature militaire, en 1976. La situation a commencé à s'aggraver en 1980, après de fortes pluies, de sorte qu'une digue fut élevée, qui protégea le site quelques années. Mais une crue importante, en , submergea totalement la ville, qui dut être évacuée, et resta engloutie par 10 mètres de fond. L'urgence de l'évènement amène certains propriétaires à emporter ce qu'ils peuvent avec eux (certaines familles partent même avec des cercueils du cimetière), mais de nombreux objets restent sur place. Aucune victime n'est cependant à déplorer mais les sinistrés se voient accorder de très faibles dédommagements. Ceux qui en ont les moyens intentent des procès aux pouvoirs publics et touchent des sommes importantes, douze années plus tard. Un certain nombre d'habitants émigrent à Carhué, où ils ouvrent des spas et des hôtels, mais n'obtiennent pas le même succès[1].
Cette catastrophe a suscité plusieurs scandales, où plusieurs personnalités se virent accusées de détournement de fonds publics.
À partir de 1993, les eaux ont commencé à redescendre et aujourd'hui, la ville fantôme est à nouveau visible : rues, édifices (comme le clocher de l'église), véhicules, arbres pétrifiés par le sel encouragent un tourisme-catastrophe. Elle sert aussi de lieu de tournage pour des films, des clips (par exemple pour la marque Red Bull en 2014) ou encore des projets cinématographiques. Un petit musée a aussi été ouvert dans l'ancienne gare routière[1].
Galerie
- Baigneurs en 1938.
- Début des années 1980.
- Inondation en 1985.
- Lagune.
- Ruines après la baisse des eaux.
- Ruines.
- Ruines.
- Ruines.
- Ruines.
- Ruines.
Notes et références
- David Breger, « Les fantômes d'Epecuen », Paris Match, semaine du 28 août au 3 septembre 2014, p. 103-106.
Bibliographie
- Aude de Tocqueville et Karin Doering-Froger, Atlas des cités perdues, Paris, Arthaud, , 143 p. (ISBN 978-2-08-131468-9), p. 42