Vilains Bonshommes
Vilains Bonshommes est le nom d'un groupe d'artistes qui s'est formé à Paris, de 1869 à 1872. Le groupe se retrouvait lors des dîners des Vilains Bonshommes qui se tenaient périodiquement en différents lieux. Le passage de Rimbaud dans cette assemblée en 1871 et 1872 a donné aux Vilains Bonshommes une grande renommée.
Historique
La création de ce groupe prendrait sa source lors de la représentation au théâtre de l'Odéon le de la pièce de François Coppée, Le Passant. Cette pièce remporta un vif succès, soutenu par une claque peut-être trop visible, que Victor Cochinat, chroniqueur du journal satirique Le Nain jaune, commenta en écrivant : « Ah ! c’était une belle réunion composée de bien vilains bonshommes ! »[1]. Saisissant l'occasion, le groupe visé s'appropria l'expression par dérision et revendiqua le titre de Vilains Bonshommes[2].
Le groupe était composé au départ de Paul Verlaine, Léon Valade, Albert Mérat, Charles Cros et ses frères Henry et Antoine, Camille Pelletan, Émile Blémont, Ernest d’Hervilly et Jean Aicard. Se joindront à eux les peintres Fantin-Latour et Michel-Eudes de L'Hay, l'écrivain Paul Bourget, le photographe Étienne Carjat, les dessinateurs humoristes André Gill, et Félix Régamey, les poètes parnassiens Léon Dierx, Catulle Mendès, Théodore de Banville, Stéphane Mallarmé et, bien entendu, François Coppée.
Orientation littéraire et activité
Si certains de ces artistes ont également appartenu, en même temps et durant l'automne 1871, au groupe dissident du Cercle des poètes Zutiques, la confusion entre les deux groupes ne doit pas être entretenue, les Vilains Bonshommes ayant des positions littéraires diamétralement opposées : les Vilains Bonshommes appartenant à la mouvance parnassienne que les Zutistes raillent allègrement[3]. Après l'épisode de la Commune, le groupe se radicalise et s'oppose désormais à Coppée, à Leconte de Lisle et aux parnassiens qui ont soutenu la répression bourgeoise.
Les dîners des Vilains Bonshommes se déroulaient périodiquement, le plus souvent une fois par mois, à partir de 1869. La guerre de 1870 les interrompit un temps et ils reprirent en août 1871 après la Commune pour se terminer fin 1872. Les convives se réunissaient en divers endroits de la capitale, à l'hôtel Camoens rue Cassette, au café des Milles Colonnes[4], et durant le repas les poètes présents déclamaient leurs derniers vers, les discussions s'enflammaient sur les nouveautés littéraires, entrecoupées de mots d'esprit et l'on buvait sec ! Composé en majorité de poètes parnassiens et de leurs admirateurs, les dîners finirent par s'embourgeoiser, ce qui entraîna, fin 1871, les railleries des membres du Cercle des Zutiques, fondé par Charles Cros, et dont certains membres participaient aussi aux dîners.
Arthur Rimbaud chez les Vilains Bonshommes
Le jeune poète, fraîchement arrivé de Charleville (Ardennes) à l'invitation de Verlaine, est introduit par ce dernier au dîner des Vilains Bonshommes le samedi [5]. Il reçoit un accueil intéressé et admiratif à la lecture de son Bateau ivre. Mais au fil des réunions, le mauvais caractère et le goût de la provocation de Rimbaud, qui d'autre part fréquentait le Cercle des poètes Zutiques, irritent les convives. Cela aboutit à un sérieux incident lors du dîner du samedi [6] durant lequel, Rimbaud ayant interrompu systématiquement une récitation d'Auguste Creissels en clamant de tonitruants « merde ! », se fait traîner hors de la salle où se déroulait le banquet. Cela se finit, dans le chahut, par un coup avec la canne-épée d'Albert Mérat[7] que donne Rimbaud à Étienne Carjat qui l'avait précédemment insulté. Ce fut la dernière apparition du poète aux dîners des Vilains Bonshommes.
Postérité
Plus récemment une association théâtrale appelée : « Les Vilainsbonzhommes », avec un "z" a vu le jour en Suisse dans le canton du Valais à Fully. Ce groupe se produit régulièrement[8].
Notes et références
- Cité notamment par Jean-Jacques Lefrère, Arthur Rimbaud, Paris, Fayard, 2001, pp. 341-342
- Denis Saint-Amand, « François Coppée ou les inimitiés électives », COnTEXTES « Varia »,‎ (lire en ligne).
- - Cette rupture est surtout affirmée au moyen de l’option parodique et s’observe dans les pages de l’Album zutique où la plupart des textes égratignent les productions de Leconte de Lisle, Louis-Xavier de Ricard, José Maria de Heredia et, surtout, François Coppée – véritable tête de Turc du cénacle pour lequel les zutistes n’ont jamais de mots assez durs. Il est important de noter que la dissension avec le Parnasse est un phénomène groupal limité au cadre de l’Hôtel des Étrangers. Les zutistes jouent un double jeu dans la mesure où, en dehors de leurs réunions, on en retrouve plusieurs en compagnie de Parnassiens, aux dîners des Vilains Bonshommes notamment. - extrait de La biographie dans l’étude des groupes littéraires, Denis Saint-Amand et David Vrydaghs, revue Contexte n°3 juin 2008 (index 39) [lire en ligne]
- Situé au 36, galerie Montpensier au Palais-Royal, ou peut-être s'agissait-il du Bal des Milles Colonnes situé rue de la Gaité ?.
- Probablement au coin des rues du Vieux-Colombier et Bonaparte, au restaurant du premier étage du marchand de vin Ferdinand Denogeant, une plaque commémorant l'évènement a été apposée à cet endroit le . Non loin de là (au coin opposé de la place Saint-Sulpice), sur le mur de la rue Férou est peint le texte intégral du Bateau ivre, inauguration le .
- Racontée sous diverses formes avec divers protagonistes l'incident du 2 mars reste l'épisode le plus célèbre des diners des Vilains Bonshommes. La plus ancienne relation écrite de la scène est due à Adolphe Racot dans une note de l'article « Un Ex-Parnassien » (Le Gaulois du ). « un tout jeune homme finit par oser lire une pièce de vers qui dépassait tout ce que les licencieux du dernier siècle avaient écrit de plus honteux. Il y eut un froid. Le photographe Étienne Carjat, qui par hasard s’était égaré là , haussa les épaules avec dégoût. Le lecteur, à l’improviste, bondit sur lui et le frappa d’un coup de couteau. La blessure n’eut aucune suite grave, mais ce dîner des Vilains Bonshommes fut le dernier. Il est à peine utile d’ajouter, pour l’honneur des poètes, que l’auteur de cette agression n’a jamais appartenu de près ni de loin à aucune école, et qu’il a plongé depuis dans le plus profond oubli. »
- - À la suite de cette mésaventure, Mérat refusa de poser et de figurer en compagnie du jeune poète turbulent sur le tableau le Coin de table d'Henri Fantin-Latour. Carjat, quant à lui, aurait, à la suite de cet incident, détruit les clichés du portrait de Rimbaud qu'il venait de réaliser.
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