Uigwe
Uigwe (en corĂ©en : ì궀) est le nom gĂ©nĂ©rique donnĂ© Ă une vaste collection d'environ 3 895 livres dĂ©crivant en dĂ©tail les cĂ©rĂ©monies et rituels royaux de la dynastie Joseon de CorĂ©e .
La collection d'uigwe a été inscrite au programme Mémoire du monde de l'UNESCO en 2007[1].
Contenu
Combinant texte et illustrations dĂ©taillĂ©es, chaque uigwe prĂ©serve les registres de la Surintendance (dogam), mis en place temporairement pour planifier et exĂ©cuter des rites d'Ătat spĂ©ciaux. Ces rites comprenaient des investitures, des couronnements, des mariages, des banquets, la peinture de portraits royaux, des funĂ©railles et des rites ancestraux. Chaque uigwe, certains en plusieurs volumes avec plusieurs exemplaires, a Ă©tĂ© Ă©crit soit Ă la main, mais le plus souvent imprimĂ© Ă l'aide de blocs de bois pour les copies des archives historiques. La plupart des uigwe, avaient une Ă©dition exclusive pour le roi, qui se distinguait par des couvertures en soie, du papier de haute qualitĂ©, une reliure, une Ă©criture manuscrite supĂ©rieure et une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale. Les couvertures en soie utilisĂ©es exclusivement pour le roi Ă©taient faites de soie de qualitĂ©, avaient des motifs supĂ©rieurs souvent de nuages et avaient gĂ©nĂ©ralement des dĂ©corations rouges autour de sa bordure. Quatre Ă neuf autres versions copiĂ©es pour les savants ont Ă©tĂ© conservĂ©es pour chacune des quatre archives d'Ătat, qui pendant la majeure partie de la pĂ©riode Joseon se trouvaient sur :
- le mont Jeongjoksan sur l'Ăźle de Ganghwa-do ;
- le mont Jeoksang dans le comté de Muju-gun, province de Jeollabuk-do ;
- le mont Odaesan dans la province de Gangwon-do ;
- le mont Taebaeksan dans le comté de Yeongwol-gun.
Le uigwe pour les funérailles et les mariages comprend de grandes images détaillées de processions, impliquant souvent des milliers de participants[2].
Pillage et rapatriement
1866 : troupes françaises
En 1782, la bibliothĂšque extĂ©rieure Gyujanggak (connue sous le nom de Oe-Gyujang-gak) a Ă©tĂ© construite dans l'ancien palais royal de l'Ăźle de Ganghwa-do pour accueillir un excĂ©dent de livres de la bibliothĂšque principale Gyujanggak du palais Changdeokgung Ă SĂ©oul, oĂč les copies royales ont Ă©tĂ© conservĂ©s et la plupart des copies y ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es[3]. En 1866, aprĂšs l'exĂ©cution d'un certain nombre de missionnaires catholiques français en CorĂ©e, un corps expĂ©ditionnaire français est venu de Chine pour demander des explications, ce qui a abouti Ă la campagne française contre la CorĂ©e. Incapables d'accĂ©der aux autoritĂ©s, les troupes ont attaquĂ© l'Ăźle de Ganghwa-do et ont saisi les livres royaux, ainsi qu'une grande quantitĂ© d'argenterie et d'autres artefacts royaux. Les livres ont Ă©tĂ© conservĂ©s Ă la BibliothĂšque nationale de France. Ils ont Ă©tĂ© largement oubliĂ©s jusqu'Ă ce que le chercheur corĂ©en Park Byeongseon les dĂ©couvre en 1975, alors qu'il y travaillait comme bibliothĂ©caire.
Ă la suite de la dĂ©couverte, le retour a Ă©tĂ© officiellement demandĂ© en 1992. En 1993, le prĂ©sident français de l'Ă©poque, François Mitterrand, en a rendu un exemplaire lors d'une visite Ă SĂ©oul pour vendre la technologie de train Ă grande vitesse (TGV) ; avec la promesse de retourner la collection restante. Le gouvernement corĂ©en a tentĂ© de rĂ©cupĂ©rer les documents royaux par le biais d'un bail permanent, car la loi française interdit la restitution des biens publics au nom de l'inaliĂ©nabilitĂ©. En 2007, l'association corĂ©enne « Action culturelle » a demandĂ© au ministre de la Culture le dĂ©classement du domaine public de ces ouvrages. Ă la suite du refus du ministĂšre, un recours administratif a Ă©tĂ© introduit par l'association, mais il a Ă©tĂ© successivement rejetĂ© par un jugement du tribunal administratif de Paris en 2009 puis par un arrĂȘt de la cour administrative d'appel de Paris en juillet 2013[4].
AprĂšs une sĂ©rie de longs diffĂ©rends et nĂ©gociations, un accord a Ă©tĂ© conclu par le prĂ©sident Lee Myung-bak et le prĂ©sident Nicolas Sarkozy lors du sommet du G-20 de SĂ©oul en 2010 pour renvoyer les documents sur une base de prĂȘt renouvelable de cinq ans[5]. D'avril Ă juin 2011, 297 volumes avec 191 uigwe diffĂ©rents ont Ă©tĂ© renvoyĂ©s en quatre versements distincts[6].
1922 : période d'occupation japonaise
En 1922, durant la colonisation japonaise de la Corée, de nombreux livres, dont 167 d'Uigwe, ainsi que quelque 1000 autres reliques, conservés à la bibliothÚque royale Gyujanggak au palais Changdeokgung et les archives historiques du temple bouddhiste du mont Odaesan ont été transférés à l'Université de Tokyo. Ils n'ont donc pas été inclus dans la liste des artefacts à restituer établie en 1965, lorsque les deux pays ont signé un traité normalisant les relations diplomatiques[7].
En novembre 2008, le conseil municipal de SĂ©oul a adoptĂ© une rĂ©solution exhortant le Japon Ă rendre les uigwe. On pense que la collection pillĂ©e a inclus le protocole funĂ©raire d'Ătat de l'impĂ©ratrice Myeongseong, qui a durĂ© environ deux ans aprĂšs son assassinat par des assassins japonais dans le palais de Gyeongbokgung en 1895[8].
En août 2010, le Premier ministre japonais de l'époque, Naoto Kan, a annoncé le retour des Uigwe pour marquer le centenaire de l'annexion japonaise de la Corée[9]. Puis, en octobre 2011, le Premier ministre Yoshihiko Noda en a rendu cinq exemplaires lors de sa visite à Séoul dans le but d'améliorer les relations. Les copies relataient les rituels royaux du roi Gojong et du roi Sunjong, les deux derniers empereurs de la dynastie Joseon et de l'Empire coréen avant l'annexion de 1910. Cela a été suivi, aprÚs un processus de 16 mois, par le retour de 1 200 volumes dont 150 uigwe en décembre 2011[7].
Collection et exposition
Les uigwe restés en Corée sont conservés dans la bibliothÚque Gyujanggak de l'université nationale de Séoul (2 940 volumes de 546 uigwe différents) et dans la collection Jangseogak de l'académie des études coréennes (490 volumes de 287 uigwe).
Musée national de Corée
Les 297 exemplaires des uigwe qui ont Ă©tĂ© renvoyĂ©s de France sont conservĂ©s au MusĂ©e national de CorĂ©e, oĂč une exposition spĂ©ciale, Le retour des Uigwe Oegyujanggak de France : archives des rites d'Ătat de la dynastie Joseon, a eu lieu Ă partir du 19 juillet au 18 septembre 2011[10].
En juin 2011, avant l'exposition, le Musée a présenté cinq exemplaires aux médias. Ils ont été sélectionnés pour leur importance historique et pour démontrer le large éventail d'activités enregistrées dans différents types d'Uigwe. Il s'agissait de :
- Uigwe pour une fĂȘte royale (1630) ;
- Uigwe pour la cérémonie de remise de noms honorifiques à la reine Jangryeol (1686) ;
- Uigwe pour les funĂ©railles d'Ătat de la reine Jangryeol (1688) ;
- Uigwe pour les funérailles d'Uiso, le petit-fils aßné du roi (1752) ;
- Uigwe pour la construction du palais de l'Ouest (1831).
Le Uigwe pour une fĂȘte royale est la plus ancienne copie pillĂ©e par les Français. Il a enregistrĂ© la fĂȘte royale organisĂ©e par le roi Injo de Joseon en mars 1630, souhaitant longĂ©vitĂ© et bonne santĂ© Ă la reine douairiĂšre Inmok. C'est aussi l'une des rares versions copiĂ©es car la plupart d'entre elles seraient des Ă©ditions originales qui auraient Ă©tĂ© exclusivement imprimĂ©es pour le roi. Le musĂ©e a dĂ©clarĂ© que trois des cinq montrĂ©es n'avaient aucune version copiĂ©e. Quelques couvertures en soie d'autres volumes ont Ă©galement Ă©tĂ© exposĂ©es sĂ©parĂ©ment, la BibliothĂšque nationale de France en ayant retirĂ© 286 pour les restaurer dans les annĂ©es 1970[11].
Musée du palais national de Corée
Les copies qui ont été retournées par le Japon sont conservées au Musée national du palais de Corée avec une exposition spéciale du 27 décembre 2011 au 5 février 2012[9].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Uigwe » (voir la liste des auteurs).
- « Uigwe: The Royal Protocols of the Joseon Dynasty », Memory of the World Programme, UNESCO, (consulté le )
- (ko) Yi SĆng-mi, Euigwe and the Documentation of Joseon Court Ritual Life, vol. 58, Archives of Asian Art, (ISSN 1944-6497, lire en ligne)
- « 1782 Kyujanggak Annex installed in Ganghwado », History, Kyujanggak Institute for Korean Studies (consulté le )
- Cour administrative d'appel de Paris, « Cour administrative d'appel de Paris, 1Úre chambre , 19/07/2013, 10PA00983, Inédit au recueil Lebon », sur legifrance.gouv.fr (consulté le )
- "Korea, France Clinch Deal on Return of Royal Archive" Chosun Ilbo 13 November 2010. Retrieved 2012-04-24
- Lee, Claire "Ancient Korean royal books welcomed back home" Korea Herald. 6 December 2011. Retrieved 2012-04-23
- Lee, Claire "Looted Korean royal texts return home" Korea Herald. 6 December 2011. Retrieved 2012-04-23
- « Seoul Seeks Return of Assets from Japan », Chosun Ilbo,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- « Looted Korean Texts Return Home from Japan », Chosun Ilbo,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- « The Return of the Oegyujanggak Uigwe from France: Records of the State Rites of the Joseon Dynasty », Special Exhibitions, National Museum of Korea (consulté le )
- « Museum shows royal books returned from France », Korea Herald,â (lire en ligne, consultĂ© le )