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Tricoteuses

Les tricoteuses sont les femmes du peuple qui, pendant la Révolution française de 1789, assistaient aux séances de la Convention nationale, des clubs populaires et du tribunal révolutionnaire tout en tricotant.

Les Tricoteuses jacobines, gouache de Jean-Baptiste Lesueur, 1793, musée Carnavalet.

Initialement surnommĂ©es « Jacobines, habituĂ©es des tribunes[1] Â», leurs appels vĂ©hĂ©ments Ă  la Terreur, leur participation Ă  la chute des Girondins leur valurent le surnom d'« enragĂ©es » ou de « furies de la guillotine Â». Ce n'est que tardivement au cours du XIXe siècle que le terme de tricoteuses dĂ©signera de façon plus gĂ©nĂ©rale toutes les femmes ayant participĂ© aux mouvements revendicatifs entre 1789 et 1795.

Naissance d'un mythe

En , l'interdiction du club des jacobins (22 brumaire An III), puis le procès de Jean Baptiste Carrier (27 frimaire An III), deviennent pour les militants populaires les signes prĂ©curseurs d'un retour de la rĂ©action et la sociĂ©tĂ© se fracture en deux partis. Les classes populaires, hommes et femmes confondus, placent immĂ©diatement les Ă©lus de la majoritĂ© de la Convention dans le parti adverse. Si dans les rapports de police elles n'apparaissent pas comme une force particulière, assez rapidement se dĂ©gage un groupe de « femmes des tribunes Â» qui soutiennent les dĂ©putĂ©s Montagnards, conspuent les tribunes des modĂ©rĂ©s, organisent la protestation et le dĂ©sordre.

Le terme de « tricoteuse Â» apparaĂ®t en 1793 et finit par dĂ©signer l'ensemble des femmes appartenant au mouvement populaire fĂ©minin de la RĂ©volution française.

Progressivement, au cours du XIXe siècle, lui sera attachĂ© l'image du sang et de la guillotine, sous l'influence notamment de Chateaubriand : « Je ne connais que la dĂ©esse de la Raison, dont les couches, hâtĂ©es par des adultères, aient eu lieu dans les danses de la mort. Il tombait de ses flancs publics des reptiles immondes qui ballaient Ă  l'instant mĂŞme avec les tricoteuses autour de l'Ă©chafaud, au son du coutelas, remontant et redescendant, refrain de la danse diabolique »[2].

Le mythe est dĂ©sormais posĂ©, une image fantasmagorique de monstre fĂ©minin assoiffĂ© de sang que l'on retrouve, 80 ans plus tard sous la plume d’Anatole France : « La grande tricoteuse, montrant du doigt un vieillard soupçonnĂ© d'ĂŞtre un moine dĂ©froquĂ©, jurait que c'Ă©tait « le capucin » qui avait fait le coup. La foule, aussitĂ´t persuadĂ©e, poussa des cris de mort[3]. »

Dans un article de 1989[4], Dominique Godineau cite plusieurs ouvrages relativement « grand public Â» parus Ă  l'occasion du bicentenaire de la RĂ©volution. Quelles que soient les sensibilitĂ©s des diffĂ©rents auteurs sur la RĂ©volution, ils associent les tricoteuses « Ă  la guillotine, au sang et Ă  la mort … C'est ainsi que, dans une certaine tradition contre rĂ©volutionnaire, « la tricoteuse Â», monstre sanguinaire, s'identifie Ă  une RĂ©volution elle mĂŞme monstrueuse. »

« Plus largement, c’est toute la Révolution qui est un « grand drame sexuel » selon une formule du docteur Cabanès célèbre, au début du XXe siècle, pour ses livres consacrés à la « névrose révolutionnaire ». C’est elle qui, comme le sous-entend, au même moment, le publiciste Georges Fleichsman, a rendu les « femmes cent fois plus cruelles » qu’auparavant. Il reprend la formule du député Philippe Drulhe, en 1793, qui sera régulièrement citée dans les deux siècles suivants pour condamner les « amazones » révolutionnaires[5]. »

Notes et références

  1. Dominique Godineau, « Le genre de la citoyenneté », Genre, femmes, histoire en Europe,‎ .
  2. Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe », sur fr.wikisource.org (consulté le ), p. 461.
  3. « Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/92 - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le ).
  4. « La « Tricoteuse » : formation d’un mythe contre-révolutionnaire », sur revolution-francaise.net (consulté le )
  5. Sur cette question voir la suite de ce paragraphe L'insoutenable violence féminine Martin Jean-Clément, « Chapitre IV. Les excès de la raison », dans : Les échos de la Terreur. Vérités d’un mensonge d’État 1794-2001, sous la direction de Martin Jean-Clément. Paris, Belin, « Contemporaines », 2018, p. 121-153.

Bibliographie

  • Dominique Godineau, « Histoire d’un mot : tricoteuse de la RĂ©volution française Ă  nos jours », Langages de la RĂ©volution, Paris, I.N.A.L.F.-Klincksieck, 1995.
  • Dominique Godineau, « « Tricoteuse » : formation d’un mythe contre-rĂ©volutionnaire» », RĂ©volution Française,L'esprit des Lumières et de la RĂ©volution,‎ (lire en ligne)
  • Dominique Godineau, Citoyennes tricoteuses : les femmes du peuple Ă  Paris pendant la RĂ©volution française, Aix-en-Provence, AlinĂ©a, coll. « Femmes et RĂ©volution », , 432 p. (ISBN 2-904631-53-4, prĂ©sentation en ligne)
    Réédition : Dominique Godineau, Citoyennes tricoteuses : les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution française, Paris, Perrin, coll. « Pour l'histoire », , 416 p. (ISBN 2-262-02257-7, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Albert Mathies, La Vie chère et le mouvement social sous la Terreur, Paris, Armand Colin, 1927. RĂ©Ă©dition : Paris, Payot, Vol. 1, Vol. 2, 1973.

Articles connexes

Liens externes

  • Charlotte DenoĂ«l, « Les tricoteuses pendant la RĂ©volution française », L'Histoire par l'image, [lire en ligne].
  • Dominique Godineau, « La « Tricoteuse » : formation d’un mythe contre-rĂ©volutionnaire », revolution-francaise.net, [lire en ligne].
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