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Transmission des ordres dans la marine à voile

La transmission des ordres dans la marine à voile, c'est-à-dire aux différentes composantes d'une Armée Navale est un problème de première importance pour son commandant. Des manœuvres de plus en plus complexes et la présence de flottes de plus en plus nombreuses va imposer l'utilisation de systèmes très élaborés de transmission des ordres.

(Pocock, 1812, Battle of Quiberon Bay, 1759. Utilisation de pavillons en tête de mât pour donner des ordres[note 1].

Au cours du XVIIe siècle, vont apparaître « les premières méthodes sérieuses de signalisation entre bâtiments à la mer »[1]. Les signaux sont faits, de jour, avec des pavillons dont la forme, le motif ou l'emplacement, indiquent la référence à un ordre, dont le libellé exact est à rechercher dans un ouvrage imprimé et distribué au préalable par le commandant en chef à tous ses capitaines.

La nuit, les signaux sont visuels ou sonores, effectués par l'intermédiaire de lanternes, de trompettes ou de coups de canons.

Le besoin

Jusqu'au XVIe siècle, le besoin de diriger les armées navales est peu criant. D'abord par le nombre de navires à diriger, ensuite par l'absence de manœuvres sophistiquées. La tactique est de se rapprocher de l'ennemi pour le combattre en mêlée.

Le développement de l'artillerie, puis l'augmentation des effectifs engagés, va développer le besoin de contrôler les mouvements des navires, de diriger leurs actions.

Dans un premier temps, les ordres de mouvements se bornent à devoir imiter ceux du navire amiral. Dans un second temps, l'organisation en plusieurs corps, comme une armée terrestre, et le besoin de leur adresser des ordres particuliers, va conduire à développer des procédures de plus en plus précises en utilisant des moyens assez rudimentaires.

Les moyens disponibles

Le porte-voix

Utilisation d'un porte-voix, en 2006, sur l'USS Constitution.

Une personne crie du bateau voisin les ordres à transmettre. Son principal avantage est de ne nécessiter aucun outil technologique. Il faut par contre que les deux interlocuteurs soient proches l'un de l'autre.

Exemples d'utilisation: transmission des ordres, contrôle à distance, communication avec une unité à proximité.

Le messager

On utilise un bateau servant à transmettre les messages d'un navire à l'autre. On utilise notamment ce moyen pour augmenter la portée à laquelle on peut envoyer les messages (notamment avec les porte-voix). Exemples de navires messagers:

  • Le canot.
  • La corvette.

Le mouvement extraordinaire

Il s'agit, dans ce cas d'effectuer une manœuvre sortant de l'ordinaire et devant attirer l'attention de celui auquel est destinée l'information. Pour donner un exemple, le 20 novembre 1759, l'escadre anglaise est à la recherche de l'escadre française, dans les parages de Belle-Île. Le signal convenu en cas de découverte par les navires éclaireurs est de laisser fasseyer les voiles de perroquet. C'est ce que fera la frégate HMS Maidstone à 8 heures 30, déclenchant l'action qui aboutira à la défaite française des Cardinaux[2].

Le pavillon

Les pavillons sont de grande taille[note 2], de différentes formes. À côté des pavillons carrés, on trouve des flammes[note 3], des pennons[note 4] voire, chez les Britanniques, des flammes nouées en leur milieu.

Dans chaque marine, la mise en œuvre est similaire. Sur la dunette, lieu où se tient le commandant, se trouve une petite armoire dans les casiers de laquelle sont rangés les pavillons. Un des officiers est chargé des signaux (observer, traduire ou envoyer) ; il est assisté par quelques matelots pour préparer et envoyer les signaux qui sont préparés à l'avance. Selon les méthodes utilisées, les pavillons sont envoyés en tête de mât ou sur tout autre emplacement désigné.

Le message est retiré quand les destinataires ont tous fait « l'aperçu », pavillon marquant que le message a été compris[note 5]. Quand le message passe par les frégates répétitrices, ces dernières vont envoyer le même message qu'elles n'affaleront que lorsque tous les destinataires auront donné l'aperçu.

Le fanal

Instrument privilégié pour la transmission des ordres pendant la nuit, le fanal est une grosse lanterne que l'on accroche à tel ou tel endroit du gréement. L'emplacement et le nombre des fanaux arborés font référence à un ordre.

Si, dans un premier temps, le fanal ne sert qu'à protéger un flambeau, l'utilisation de plaque de mica, puis de verre coloré, vont permettre d'augmenter la diversité des feux et, partant, la quantité d'ordres possibles. Selon Jean Boudriot, le fanal à signaux est garni d'une bougie, de cire jaune, d'une livre de poids[note 6] - [4].

La fusée et le feu de Bengale

Le feu de Bengale ou « faux feu » (appelé aussi « feu d'amorce » chez les Français)

Ce dispositif se compose d'une planchette au long de laquelle est creusée une gouttière, avec une cavité à son extrémité[5]. La poudre est répandue dans la cavité et la gouttière[5]. L'inflammation « provoque un nuage emflammé visible de fort loin »[5].

Une composition, anglaise, comprend une livre de poudre pour 6 onces de farine[6]. Vers la fin du XVIIIe siècle, des feux de couleur bleue sont utilisés. Ils sont fabriqués avec 7 livres de salpêtre, 1 livre douze onces de soufre et 8 onces de bleu d'orpiment[6].

La « fusée volante »

Elle se compose d'un cylindre en carton, garni d'un mélange d'artifice, et surmonté d'un pétard. La fusée est fixée sur une tige longue de 5 pieds (1.60 mètre environ)[5].

Un vaisseau de 74 canons en embarque 4 caisses de 36[5]. Il y en a de plusieurs types comme les « fusées en étoiles », les « fusées en pluie » et les « fusées en sarmentaux »[6].

Elles sont tirées à l'aide d'un chevalet composé de deux tringles, permettant de régler l'angle de tir[5]. Généralement, cela est fait du gaillard d'arrière[5].

Messages sonores

Le coup de canon, Willem van de Velde le Jeune, 1707 (Rijksmuseum).

On utilise différents instruments pour transmettre un message. Chaque marine ayant ses préférences. On trouve comme outils utilisés :

Un message pourra ainsi être codé par le nombre de notes produites ou leur fréquence, par exemple.

Le ou les coups de canons peuvent être partie intégrante de l'ordre transmis, ou servir à appuyer l'ordre. Son emploi est cependant aléatoire en cas de combat. Cela se vérifiera, entre autres, lors du combat des Cardinaux. Il est aussi prévu deux significations possibles, selon que les coups de canons sont tirés à intervalle court ou long.

Le code complexe

Il s'agit des ordres qui sont transmis en faisant appel à plusieurs modes de transmission en même temps. Un exemple peut être pris dans l'utilisation de coups de canons associés à l'envoi de pavillons ou de fanaux.

Le Scott

Il s'agit du code morse habituellement utilisé en radiotélégraphie, transmis par signaux lumineux[note 7].

Le projecteur

C'est l'outil électrique directionnel (donc discret car il n'est visible que du navire vers lequel le projecteur est dirigé) qui permet de transmettre les signaux lumineux du code morse dont la procédure lumineuse s'appelle le Scott. Les messages en Scott peuvent être aussi transmis en FVTH (Feu Visible sur Tout l'Horizon). Ce moyen de transmission optique en bout de vergue est plus rapide car il dessert plusieurs destinataires en même temps, mais moins discret car il peut être intercepté par tout navire à proximité[note 7].

Procédures utilisées

Chaque marine a ses procédures propres mais qui sont en fait des variantes d'un même système de signalisation.

Composer le message
Qui compose
Où sont les pavillons
Diffuser le message
Où sont arborés les pavillons ?
Actions postérieures à la diffusion
Répétition des signaux
Aperçu
Retrait du signal

Évolution

Avant le XVIIe siècle

Il y a peu d'exemples connus de système élaboré de transmission d'ordres jusqu'au XVIe siècle. Pour deux raisons au moins. En premier, parce que la tactique est limitée à un ensemble de combats individuels. Chaque navire se trouve un adversaire et le combat[1] - [7]. En second, parce que la taille des flottes opposées permet au vaisseau amiral d'être vu de tous[7].

  • Espagnols

Alonso de Chaves (aux environs de 1530) : « The captain-general should encourage all in the battle, and because he cannot be heard with his voice he should bid the signal for action to be made with his trumpet or flag or with his topsail »[8] - [note 8].

  • Anglais

La situation change au XVIIe siècle, quand la manœuvre et le combat en groupe deviennent la règle. Le général de l'Armée Navale a besoin d'un système de transmission des ordres à des vaisseaux qui peuvent être très éloignés. Les vaisseaux naviguent en ligne de file et, bien que l'amiral soit généralement placé au milieu de celle-ci, il faut transmettre les ordres le long de cette file longue de plusieurs kilomètres.

XVIIe siècle

Au XVIIe siècle, les amiraux ne disposent que d'un recueil d'« Instructions ». C’est-à-dire un ensemble de règles imaginées par l'amiral et présentées sous forme d'articles.

Il ne s'agit pas de documents officiels, mais chaque amiral constitue son propre recueil[9]. En 1731, Duguay-Trouin fait imprimer son propre recueil chez Mallard, imprimeur à Toulon, et en distribue un exemplaire à chacun de ses capitaines[10]. Il peut aussi reprendre un système existant en y apportant des suppléments, des commentaires.

Le principe

On fait référence à un article et les destinataires doivent en déduire la pensée de leur chef. Les références sont données par des coups de canon, selon le nombre et la fréquence, ou par des mouvements de voile (mis à contre, ferlée, etc.)

Dans les situations simples, le système est valable, mais si la situation qui se présente n'a pas été prévue au préalable, rien ne peut plus être transmis. C'est alors que l'on trouvera, dans les relations du combat, l'envoi des canots du navire amiral pour porter des ordres, voire l'appel des frégates à passer sur l'arrière dudit vaisseau pour que soit donné au passage le message, par porte-voix, qui devra ensuite être hurlé de la même façon au vaisseau destinataire[note 9].

Quelques exemples

Le comte de Tourville, vice-amiral et maréchal de France.

XVIIIe siècle

  • Généralités sur l'évolution.
  • La forme
  • La mise en Å“uvre
Richard Howe, Amiral de la Flotte, 1726-1799.

XIXe siècle

Le Victory arbore toujours le célèbre message de Nelson à Trafalgar.
  • Généralités sur l'évolution.
  • La forme
  • La mise en Å“uvre
  • Quelques exemples

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Ouvrages en français
    • Signaux généraux de Monsieur le maréchal de Tourville (1693), 1995, Éditions du Gerfaut. reproduction des 96 croquis d'origine
    • Michel Depeyre, Tactiques et stratégies navales : de la France et du Royaume-Uni de 1690 à 1815, Paris, Economica, , 450 p. (ISBN 978-2-7178-3622-6)Document utilisé pour la rédaction de l’article.
  • Ouvrages en anglais
    • (en) B&T Tunstall, Nicholas (ed.), Naval Warfare in the Age of Sail. The Evolution of Fighting Tactics, 1650-1815. Londres, 1990, (ISBN 0785814264), Document utilisé pour la rédaction de l’article.
    • (en) Michael A Palmer, Command at Sea : naval command and control since the sixteenth century, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, , 377 p. (ISBN 978-0-674-02411-3)Document utilisé pour la rédaction de l’article.
    • (en) Julian S. Corbett, Fighting Instructions 1530-1816, Naval Review, 1905. 16695. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Articles.
    • LV Mouchez, "Les signaux dans la Marine française, 1690-1900", Revue Maritime, , pages 629-658. Document utilisé pour la rédaction de l’article
    • A. R. McCracken, "Signalling in the British Navy, 1800", Proceedings Magazine[note 10], vol 58, no 1, .
    • A. P. Niblack, "Naval Signaling", Proceedings Magazine, vol 18, no 4, 1892.

Articles connexes

Notes et références

Notes

  1. Regardons en détail ce tableau : Le vaisseau qui est au centre est le « Royal George », navire amiral de Hawke. On le sait par le pavillon bleu qui est en tête du grand mât qui indique le vaisseau amiral (pourquoi bleu ? Parce que Hawke est amiral de l'escadre bleue. Les amiraux britanniques sont classés dans trois escadres fictives, la bleue, puis la blanche et enfin la rouge. Au gré de leur avancement de carrière, ils passent de l'une à l'autre). En haut du mât de misaine, on a deux pavillons. Ils montrent les ordres donnés par l'amiral. Celui du haut avec la croix rouge est celui qui a ordonné aux sept premiers vaisseaux de se placer en ligne de front pour rattraper l'escadre française. En dessous, le pavillon rouge est celui qui ordonne « chasse générale ».
  2. Selon Jean Boudriot, et en ce qui concerne le vaisseau de 74 canons qu'il étudie, les pavillons ont 18 pieds de long pour 12 pieds de haut[3].
  3. Toujours selon Jean Boudriot, les flammes, ont 42 pieds de long pour 7 de large[3].
  4. Appelés aussi « guidons », ce sont des pavillons terminés par une double pointe.
  5. Certaines marines, comme la britannique, pratiquent le double aperçu. C'est-à-dire que le pavillon correspondant est envoyé à mi-mât pour signifier que le message est vu, puis en tête de mât pour signifier que le message est compris.
  6. Pour donner un élément de comparaison, le fanal utilisé pour un combat de nuit est garni, lui, d'une bougie de cire jaune ou de suif d'un poids d'un quart de livre.
  7. Nécessitant une alimentation électrique, ceci ne concerne que l'extrême fin de la période considérée dans cet article.
  8. Traduction : « Le capitaine-général doit encourager chacun dans la bataille, et parce que sa voix ne peut porter il doit donner l'ordre d'attaque par la trompette, par le drapeau ou par la voile de hune ».
  9. Ceci sera encore pratiqué par Augustus Keppel, au combat d'Ouessant, en 1778, pour envoyer des ordres à Harland et Palliser.
  10. Il s'agit de la revue de l'US Naval Institute, à Annapolis.

Références

  1. LV Mouchez, "Les signaux dans la Marine française, 1690-1900", Revue Maritime, mai 1929, page 630.
  2. (en) Ruddock F. McKay et Jack Sweetman (dir.), The great admirals : command at sea, 1587-1945, Annapolis (Md.), U.S. Naval institute press, cop, , 535 p. (ISBN 0-87021-229-X, BNF 37057355), p. 161
  3. Jean Boudriot, Le vaisseau de 74 canons; traité pratique d'art naval, Grenoble, Editions des Quatre seigneurs, coll. « Collection Archéologie navale française », (ISBN 978-2-852-31000-1 et 978-2-852-31009-4, OCLC 750218), tome 4, chapitre XXI, page 337.
  4. J. Boudriot, op. cit., tome II, chapitre XI, page 175.
  5. J. Boudriot, op. cit., tome II, chapitre XI, page 173.
  6. (en) Brian Tunstall et Nicholas Tracy, Naval warfare in the age of sail : the evolution of fighting tactics, 1650-1815, Annapolis, Md., Naval Institute Press, , 278 p. (ISBN 978-1-557-50601-6 et 978-0-851-77544-9, OCLC 22767315), p. 8.
  7. Palmer 2005, p. 44-45.
  8. Corbett 1905, p. 11.
  9. Depeyre 1998, p. 338.
  10. Revue Maritime, op. cit., page 636.
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