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Traité de Nymphaeon (1214)

Le TraitĂ© de Nymphaeon (ÎŁÏ…ÎœÎžÎźÎșη Ï„ÎżÏ… ÎÏ…ÎŒÏ†Î±ÎŻÎżÏ… en grec; Nymphaeon est aussi appelĂ©e NymphĂ©e en français, aujourd’hui KemalpaƟa en Turquie) est un traitĂ© de paix signĂ© en entre l’Empire de NicĂ©e, un des États successeurs de l’Empire byzantin, et l’Empire latin crĂ©Ă© par les croisĂ©s aprĂšs la quatriĂšme croisade et leur conquĂȘte de Constantinople (1204).

L’Empire latin et les États successeurs de l’Empire byzantin. La frontiĂšre asiatique est celle Ă©tablie par le TraitĂ© de Nymphaeon.

Contexte historique

À la suite de la chute de Constantinople en 1204, le territoire impĂ©rial fut partagĂ© entre le nouvel empereur latin, Baudoin IX de Flandres, lequel reçut le quart du territoire, et les VĂ©nitiens et croisĂ©s qui se rĂ©partirent les trois autres quarts. Le territoire dĂ©volu Ă  l’empereur Ă©tait composĂ© des cinq-huitiĂšmes de la ville de Constantinople[N 1], de la Thrace et de la partie nord-ouest de l’Asie mineure, de mĂȘme que diverses iles de la mer ÉgĂ©e; son territoire s’étendait ainsi de part et d’autre du Bosphore et de l’Hellespont [1] - [2].

L’expansion territoriale de la Bulgarie de Ioan Asen à Jean Kaloyan.

Cette rĂ©partition thĂ©orique ne signifiait cependant nullement possession effective de ces territoires oĂč rĂ©gnaient encore des empereurs dĂ©posĂ©s comme Alexis III Ă  Mosynopolis (Thrace occidentale) et Alexis V en Thrace orientale, ou divers gouverneurs comme Alexis ComnĂšne Ă  TrĂ©bizonde, LĂ©on Sgouros dans la rĂ©gion de Nauplie, LĂ©on Gabalas Ă  Rhodes, Sabas Asidenus Ă  PriĂšne, etc.[3]. De fait, Baudouin dut presque immĂ©diatement rĂ©primer une rĂ©volte en Thrace oĂč le mĂ©pris affichĂ© par les Latins Ă  l’endroit de leurs nouveaux sujets avait poussĂ© ceux-ci Ă  appeler le souverain bulgare, Jean Kaloyan (r. 1197 – 1207), Ă  leur aide. À la fin de la mĂȘme annĂ©e, le frĂšre de Baudouin, Henri de Flandre, entrepris la conquĂȘte de l’Asie mineure ayant comme but la ville de NicĂ©e attribuĂ©e par le traitĂ© au comte Louis de Blois. Avec des forces infĂ©rieures en nombre, ThĂ©odore Laskaris, gendre et hĂ©ritier prĂ©somptif d’Alexis III installĂ© depuis la dĂ©position de son beau-pĂšre d’abord Ă  Brousse, puis Ă  NicĂ©e dut affronter les forces latines et fut dĂ©fait lors de la premiĂšre bataille de PoimanĂ©on Ă  la suite de quoi la plupart des villes de Bythinie tombĂšrent aux mains des Latins[4] - [5].

Le , Baudoin fut fait prisonnier par Kaloyan lors de la bataille d’Andrinople (aujourd’hui Edirne en Turquie), alors que Louis de Blois, qui devait selon l’entente gouverner NicĂ©e, fut tuĂ©; Baudouin devait pĂ©rir mystĂ©rieusement peu aprĂšs en prison[6] - [4]. Les Latins qui avaient besoin de toutes leurs forces pour combattre les Bulgares quittĂšrent l’Asie mineure ne gardant que la ville de PĂ©gai (aujourd’hui Biga en Turquie)[5]. ThĂ©odore Laskaris, devenu l’alliĂ© du nouveau sultan seldjoukide Kay Khusraw Ier, mit Ă  profit ce rĂ©pit pour imposer son pouvoir Ă  divers seigneurs en passe de crĂ©er des mini-États dans la rĂ©gion comme ThĂ©odore Mangaphas Ă  Philadelphie, Manuel Maurozomis dans la vallĂ©e du MĂ©andre, Sabas AsidĂ©nos Ă  Sampson, prĂšs de Milet. Par ailleurs, les frĂšres David et Alexis ComnĂšne avaient Ă©tabli un nouvel empire Ă  TrĂ©bizonde, lequel cherchait Ă  Ă©tendre ses frontiĂšres vers l’ouest Ă  travers la Paphlagonie [7] - [8] - [9].

Les ravages causĂ©s par les Bulgares en Thrace produisirent un changement d’attitude des populations grecques de la rĂ©gion; Henri de Hainaut, frĂšre de Baudoin, nommĂ© rĂ©gent de l’empire aprĂšs la capture de l’empereur, put ainsi facilement reconquĂ©rir Andrinople, repousser les Bulgares[5] et tourner son attention vers l’Empire de NicĂ©e oĂč ThĂ©odore, couronnĂ© entretemps empereur en 1208 par le nouveau patriarche Michel IV Autoreianos, avait rĂ©ussi Ă  mettre un terme Ă  une invasion seldjoukide en 1211, tuant le sultan en combat singulier[10]. Craignant que ThĂ©odore ne se tournĂąt contre Constantinople, Henri envahit l’Empire de NicĂ©e en 1211 et remporta une importante victoire contre ThĂ©odore le sur les bords de la riviĂšre Rhyndakos (aujourd’hui MustafakemalpaƟa Çayı) Ă  la suite de quoi il poursuivit son avance vers Pergame et Nymphaeon[11]. Les Latins prenaient le contrĂŽle de la cĂŽte nord-ouest de l’Asie Mineure depuis NicomĂ©die jusqu’à Adramyttion, coupant ainsi les communications entre NicĂ©e et Smyrne[12] - [13] - [14]. Toutefois, la guerre de guĂ©rilla menĂ©e par ThĂ©odore ne lui permit pas de continuer son avance. Les deux parties Ă©tant Ă©puisĂ©es par leurs guerres respectives[15], un traitĂ© fut signĂ© Ă  Nymphaeon.

Le traité et ses conséquences

L’Empire de TrĂ©bizonde peu aprĂšs la fondation de l’Empire latin en 1204. Elle inclut les brĂšves conquĂȘtes de David ComnĂšne en Anatolie occidentale, rapidement conquises par l’Empire de NicĂ©e.

Par ce traitĂ©, les deux empires reconnaissaient leur existence mutuelle, aucun des deux n’étant suffisamment fort pour dĂ©truire l’autre. De plus il fixait les frontiĂšres entre eux : les Latins gardaient l’angle nord-ouest de l’Asie Mineure jusqu’à Adramyttion au sud, alors que l’Empire de NicĂ©e conservait le reste du pays jusqu’à la frontiĂšre seldjoukide. En 1219, ThĂ©odore Laskaris scella ce traitĂ© en Ă©pousant en troisiĂšmes noces Marie, fille de Yolande, une niĂšce des deux premiers empereurs latins[16] - [17]. Les deux empires Ă©taient ainsi pratiquement Ă  force Ă©gale, Ă©tat qui devait bientĂŽt ĂȘtre modifiĂ© en faveur de l’Empire de NicĂ©e.

La rupture de l’alliance entre l’Empire latin et l’Empire de TrĂ©bizonde constitue Ă©galement une consĂ©quence importante du traitĂ©. En 1205 ou 1206, David ComnĂšne avait fait alliance avec Henri de Hainaut, priant celui-ci de considĂ©rer son empire comme « partie des territoires latins » [18]. AprĂšs quoi, David franchit le fleuve Sangarios avec quelque 300 soldats latins, et ravagea les villages avoisinants. Satisfait, il arrĂȘta son avance, mais les soldats francs continuĂšrent jusqu’à ce qu’Andronic Gidos, gĂ©nĂ©ral de Laskaris, les mette en dĂ©route dans les cols de montagnes prĂšs de NicomĂ©die [18]. Deux ans plus tard, ThĂ©odore devait reprendre l’offensive contre David ComnĂšne lequel convainquit Henri de venir Ă  son aide et d’occuper NicomĂ©die causant de sĂ©rieuses pertes Ă  ThĂ©odore lorsqu’il dut retraverser le fleuve Sangarios alors en crue[19]. Les rigueurs de l’hiver en Bithynie empĂȘchĂšrent cependant Henri de poursuivre son avantage. En dĂ©pit de cet Ă©chec, ThĂ©odore continua ses efforts en Paphlagonie et, aprĂšs s’ĂȘtre alliĂ© avec le nouveau sultan seldjoukide, Kay KĂąwus Ier, reprit HĂ©raclĂ©e du Pont et Amastris[20] - [21]. La disparition de David ComnĂšne vers 1212 ou 1214, permit Ă  ThĂ©odore de reprendre les territoires situĂ©s Ă  l’ouest de Sinope, gagnant ainsi accĂšs Ă  la mer Noire[22]. L’Empire de TrĂ©bizonde n’était plus qu’une mince bande de terre, coupĂ©e de l’Asie mineure occidentale par Sinope dorĂ©navant aux mains des Seldjoukides[23] Les prĂ©tentions de l’Empire de TrĂ©bizonde comme État successeur de l’Empire byzantin s’évanouissaient[24].

Une troisiĂšme consĂ©quence fut que ThĂ©odore, maintenant libĂ©rĂ© de la menace que faisaient peser les Latins, put consolider la frontiĂšre orientale de son empire qui demeura stable jusqu’à la fin du siĂšcle.

La suite des Ă©vĂšnements

Jean III Doukas Vatatzùs d’aprùs un manuscrit du XVe siùcle.

ThĂ©odore Laskaris s’éteignit en . Son successeur fut Jean III Doukas VatatzĂšs (r. 1221-1254), membre de la noblesse militaire de Thrace, Ă©tabli Ă  la cour de ThĂ©odore aprĂšs la chute de Constantinople et gendre de Jean III. Ceci dĂ©clencha une querelle dynastique : Alexis et Isaac Laskaris, frĂšres de ThĂ©odore, revendiquĂšrent le trĂŽne, estimant qu’ils avaient davantage de droits Ă  la succession que le mari de la fille de l’empereur dĂ©funt. Ils firent alors appel au jeune empereur latin Robert de Courtenay (r. 1219 – 1228), lequel s’empressa de monter une expĂ©dition qui fut anĂ©antie par les forces de Jean VatatzĂšs lors de la bataille de Poimanenon (1224), l’endroit mĂȘme oĂč vingt-deux ans auparavant son beau-pĂšre avait Ă©tĂ© dĂ©fait par les Latins. À la suite de cette bataille, les territoires latins en Asie furent rĂ©duits Ă  la seule pĂ©ninsule de NicomĂ©die (aujourd’hui Izmit en Turquie)[25]; Jean III VatatzĂšs put commencer une politique d’expansion territoriale en Europe s’emparant successivement d’Andrinople et de plusieurs iles de la mer ÉgĂ©e comme Lesbos, Chios, Samos et Icarie : la voie Ă©tait ouverte pour la reprise de Constantinople en 1261[26].

Notes et références

Note

  1. Les trois autres huitiĂšmes allant Ă  Venise (Ostrogorsky [1983] p. 446)

Références

  1. Ostrogorsky (1983) p. 445
  2. LaĂŻou (2011) pp. 4-5
  3. Treadgold (1977) p. 710
  4. Ostrogorsky (1983) p. 449
  5. Treadgold (1997) p. 713
  6. Kazhdan (1991), « Baldwin of Flanders », vol. 1, p. 247
  7. Kazhdan (1991), « Nicaea », vol. 2, p. 1463
  8. Ostrogorsky (1983) p. 448 et 450
  9. LaĂŻou (2011) p. 6
  10. Kazhdan (1991) « Theodore I Laskaris », vol. 3, pp. 2039-2040
  11. Ostrogorsky (1983) p. 452
  12. AkropolitĂšs, 27
  13. Norwich (1996), p. 190
  14. Laiou (2011), pp. 7-8
  15. Treadgold (1977) p. 715
  16. AkropolitĂšs, 28
  17. Ostrogorsky (1983), pp. 452-453
  18. Miller, (1969), p. 17
  19. Bryer (1988-1989) p. 183
  20. Bryer (1988-1989) p. 185
  21. LaĂŻou (2011) p. 8
  22. Shururov (2001) p. 131
  23. Ostrogorsky (1983) p. 454.
  24. Treadgold (1977) p. 718
  25. Treadgold (1997) pp. 719-721
  26. Ostrogorsky (1983) p. 459

Bibliographie

Sources primaires

  • L’Histoire de NicĂ©tas ChoniatĂšs dĂ©crit la pĂ©riode des derniers ComnĂšnes et des Anges. Elle s’étend jusqu’à 1206 et fut terminĂ©e Ă  NicĂ©e, aprĂšs la prise de Constantinople.
  • Viennent ensuite les Chroniques de Georges Acropolite. Compagnon d’études, puis maitre de ThĂ©odore II Laskaris, il fut Ă  la fois un intellectuel et un fonctionnaire de haut rang, ayant exercĂ© la fonction de grand logothĂšte ou premier ministre. Il est l'auteur d'une Chronique (Î§ÏÎżÎœÎčÎșÎź ÏƒÏ…ÎłÎłÏÎ±Ï†Îź), qui est conçue comme la continuation de l'ouvrage de NicĂ©tas ChoniatĂšs et raconte l'histoire de l'empire depuis 1203, veille de la prise de Constantinople par les Latins, jusqu'Ă  la reprise de cette ville par Michel PalĂ©ologue en 1261.
  • Au dĂ©but du XIVe siĂšcle, NicĂ©phore GrĂ©goras consacre un grand ouvrage Ă  la pĂ©riode allant de 1204 Ă  1359. Il traite en particulier de la pĂ©riode de l’Empire de NicĂ©e et des premiĂšres annĂ©es qui suivirent la restauration byzantine.
  • ThĂ©odore II Laskaris a Ă©galement Ă©crit de nombreuses lettres qui nous renseignent sur son Ă©poque.

On pourra consulter Ă  ce sujet :

  • NicetĂŠ ChoniatĂŠ Historia, ed. J.P. Migne (Patrologia Graeca vol. 140); reproduit le texte et la traduction antĂ©rieurs de Wolf. (PDF).
  • Georgii Acropolitae opera recensuit Augustus Heisenberg ; editionem anni MCMIII correctiorem curavit Peter Wirth (t. 1 : Historia, Breviarium historiae, Theodori Scutariotae additamenta ; t. 2 : Scripta minora), Teubner, Stuttgart, 1978.
  • George Akropolites. The History, intr. and comm. Ruth Macrides, coll. Oxford Studies on Byzantium. Oxford, Oxford University Press, 2007.

Sources secondaires

  • (en) Bryer, Anthony . "David Komnenos and Saint Eleutherios", Archeion Pontou, 42 (1988-1989). p. 183
  • (fr) BrĂ©hier, Louis. Vie et mort de Byzance, Paris, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanitĂ© », 1969 [1946].
  • (fr) Ducellier, Alain. Byzance et le monde orthodoxe, Paris, Armand Colin, 1986, (ISBN 2200371055).
  • (en) Kazhdan Alexander (ed), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, 1991, , 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6).
  • (fr) Laiou, Angeliki et CĂ©cile Morrisson, Le Monde byzantin III, L’Empire grec et ses voisins, XIIIe-XVe siĂšcle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « L’Histoire et ses problĂšmes », 2011, (ISBN 978-2-130-52008-5).
  • (fr) Longnon, J. L’empire latin de Constantinople et la principautĂ© de MorĂ©e. Paris, 1949.
  • (en) Miller, William. Trebizond: The last Greek Empire of the Byzantine Era: 1204-1461. Chicago, Agronaut, 1969 [1926 - (OCoLC)567790414]. (ISBN 978-0-824-40112-2).
  • (en) Norwich, John Julius. Byzantium, The Decline and Fall, New York, Alfred A. Knopf, 1996 [ 1995], (ISBN 0679416501).
  • (fr) Ostrogorsky, Georges. Histoire de l’État byzantin, Paris, Payot, 1983 (ISBN 2228070610).
  • (en) Rosser, John H. The A to Z of Byzantium, Lanham, Maryland, The Scarecrow Press, coll. « The A to Z Guide Series, No.16 », 2006, (ISBN 978-0-810-85591-5).
  • (en) Shukurov, "The Enigma of David Grand Komnenos", Mesogeios, 12, 2001.
  • (en) Treadgold, Warren. A History of the Byzantine State and Society, Stanford, California, Stanford University Press, 1997, (ISBN 0804726302).

Voir aussi

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