Traité byzantino-bulgare (816)
Le traitĂ© byzantino-bulgare de 816 (en bulgare : ĐĐŸĐłĐŸĐČĐŸŃ ĐŸŃ 816) est un accord dâune durĂ©e de trente ans signĂ© Ă Constantinople par le khan bulgare Omourtag et lâempereur byzantin LĂ©on V lâArmĂ©nien.
Type de traité | Accord sur les frontiÚres et les prisonniers de guerre |
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Signé |
816 Constantinople |
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Expiration | 846 |
Premier empire bulgare | Emperire byzantin | |
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Signataires | Omourtag | Léon V l'Arménien |
Le contexte
Le rĂšgne du khan Krum (r . entre 796 et 803 â 814) devait ĂȘtre marquĂ© par les derniers conflits dâune guerre commencĂ©e en 756 entre les empires byzantin et bulgare. Pendant un peu plus dâune dĂ©cennie et jusquâĂ sa mort en 814, Krum remporta une sĂ©rie de victoires sur lâEmpire byzantin incluant la prise de lâimportante ville de Serdica (aujourdâhui Sofia en Bulgarie) en 809 dont il rasa les murs et massacra la garnison. En guise de reprĂ©sailles, lâempereur byzantin NicĂ©phore Ier (r. 802-811) marcha contre la capitale Pliska dont il sâempara en 811[1]. Ce devait ĂȘtre sa seule victoire. Au cours de son retour vers Constantinople, lâempereur tomba dans une embuscade dans le dĂ©filĂ© de la VÄrbitza; son armĂ©e fut dĂ©truite et lui-mĂȘme y trouva la mort.
Michel Ier RhangabĂ© (r. 811-813) devait lui succĂ©der. Profitant de lâincertitude rĂ©gnant Ă Constantinople Ă la suite du coup dâĂtat qui avait menĂ© lâempereur au pouvoir, Krum entreprit de nouvelles campagnes en Thrace et dans la vallĂ©e du Strymon avant de proposer une paix qui fut refusĂ©e par lâempereur byzantin « sur lâavis, nous dit ThĂ©ophane, de ses ignobles conseillers ». Toutefois les vraies raisons de ce refus doivent plutĂŽt ĂȘtre cherchĂ©es dans le paragraphe 3 du traitĂ© de 716 qui stipulait que « les rĂ©fugiĂ©s (Ă©migrants et dĂ©serteurs) des deux camps devraient ĂȘtre remis Ă leurs autoritĂ©s respectives sâils complotaient contre celles-ci »[2]. Cet article sâĂ©tait avĂ©rĂ© fort utile pour les Byzantins tant que leurs empereurs Ă©taient en position de faiblesse, mais la situation sâĂ©tait inversĂ©e aprĂšs la crise de lâempire bulgare au milieu du VIIIe siĂšcle[3]. En , les armĂ©es byzantine et bulgare se trouvĂšrent face Ă face aprĂšs avoir convergĂ© vers Andrinople (aujourdâhui Ădirne en Turquie). En dĂ©pit de leur nette supĂ©rioritĂ© numĂ©rique, les Byzantins furent dĂ©faits lors de la bataille de Versinikia[4] - [5].
Les deux pays, Ă©puisĂ©s Ă la suite de lâeffort de guerre soutenu au cours des derniĂšres annĂ©es, entreprirent des nĂ©gociations en vue dâun traitĂ© de paix.
La signature de lâaccord
Successeur de Krum, Omourtag (r. 814-831) envoya en 816, des ambassadeurs Ă Constantinople en vue de nĂ©gocier un accord de paix. La cĂ©rĂ©monie de signature eut lieu en prĂ©sence de nombre de dignitaires et revĂȘtit un caractĂšre solennel. Aux termes de lâaccord lâempereur byzantin devait prononcer un serment selon la coutume des Bulgares paĂŻens alors que les Ă©missaires bulgares le feraient selon la tradition chrĂ©tienne. Les historiens byzantins de lâĂ©poque furent scandalisĂ©s par la chose[6]. Ils rapportĂšrent avec horreur que lââempereur trĂšs chrĂ©tienâ sâĂ©tait vu obligĂ© de rĂ©pandre lâeau dâune coupe sur la terre, de tourner par 180 degrĂ©s la selle dâun cheval, de toucher une triple bride et de lever une motte de terre dans les airs[7] Un autre historien rapporte que l'empereur byzantin dut sacrifier des chiens pour confirmer ce serment[8].
Les termes de lâaccord
En vertu de cet accord, le Grand Balkan redevenait la frontiĂšre naturelle entre les deux empires et Byzance recouvrait les villes de la mer Noire quâelle avait perdues; les Bulgares pour leur part obtenaient satisfaction sur la question des Ă©changes de prisonniers[9]. Les termes de lâaccord ne sont pas parvenus jusquâĂ nous tels quâenregistrĂ©s du cĂŽtĂ© byzantin. Toutefois, nous connaissons deux des quatre articles quâil contenait grĂące Ă texte en grec trouvĂ© sur une colonne, dite de « Syuleymankyoy », du nom du village oĂč elle fut trouvĂ©e (aujourdâhui Sechishte en Bulgarie)[10] - [11].
- Article premier : La frontiĂšre entre la Bulgarie et Byzance. Commençant Ă DĂ©bĂ©lt (sud-est de lâactuelle Bulgarie) prĂšs de la mer Noire, elle suivait la tranchĂ©e dâErkesiya jusquâau cours supĂ©rieur de la riviĂšre Choban Azmak, un tributaire du Tundzha. De lĂ , elle rejoignait le fleuve Maritsa au nord de lâactuelle ville dâHarmanli, prĂšs de lâancienne ville de Constantia et continuait Ă lâouest jusquâau village dâUzundzhovo[12]. De lĂ , la frontiĂšre se dirigeait vers une montagne non identifiĂ©e, trĂšs probablement situĂ©e sur les contreforts des Rhodopes orientaux. DâaprĂšs cette inscription, la frontiĂšre Ă©tait ainsi dĂ©finie jusquâĂ cette montagne. Selon les historiens, la rĂ©gion de Philippopolis (aujourdâhui Plovdiv) devait ĂȘtre transfĂ©rĂ©e Ă la Bulgarie quelques annĂ©es plus tard lorsque les garnisons byzantines qui y Ă©taient stationnĂ©es se seraient retirĂ©es; dâici lĂ , la frontiĂšre devait suivre lâancien tracĂ© jusquâĂ la chaine de la Sredna Gora au centre de la Bulgarie actuelle[13]. Les Bulgares continuĂšrent Ă occuper diverses forteresses autour dâAndrinople pour garantir la cession de Philippopolis, laquelle fut effectivement rendue Ă Byzance lorsque le khan Malamir (r. 831-836) prit possession de la citĂ©[14]. Cet article reconnaissait officiellement lâexpansion de la Bulgarie vers le sud[8], les Bulgares devant remettre aux Byzantins certaines des villes quâils occupaient dont Andrinople.
- Article deux : Ăchange de prisonniers de guerre. Les Bulgares sâengageaient Ă remettre les prisonniers capturĂ©s lors de la dĂ©sastreuse campagne menĂ©e par lâempereur NicĂ©phore Ier en 811, ainsi que les populations faites prisonniĂšres lors des campagnes subsĂ©quentes de Krum. Les Byzantins pour leur part devaient relĂącher les Slaves faits prisonniers par LĂ©on V, de mĂȘme que tous ceux qui habitaient les rĂ©gions frontaliĂšres de lâEmpire byzantin prĂšs de Strandzha et des Rhodopes mĂȘme si certains dâentre eux nâavaient jamais Ă©tĂ© sujets des khans bulgares. Lâarticle se poursuivait en spĂ©cifiant les modalitĂ©s des Ă©changes. Ainsi, les Byzantins ne sâengageaient pas seulement Ă faire un Ă©change de prisonniers, un pour un, mais devaient aussi donner deux tĂȘtes de bĂ©tail pour chaque soldat byzantin relĂąchĂ© Ă la condition que ces soldats retournent chez eux. De cette façon les Bulgares sâassuraient que les garnisons byzantines aux frontiĂšres seraient rĂ©duites[15].
Les conséquences
Ce traitĂ© avantageait manifestement la Bulgarie; toutefois il offrait Ă©galement un rĂ©pit aux Byzantins qui devaient rĂ©organiser leurs forces aprĂšs une sĂ©rie de dĂ©faites hors de leurs frontiĂšres et devaient faire face Ă un renouveau de lâiconoclasme dans lâempire. La Bulgarie faisait Ă©galement face Ă des problĂšmes religieux, le nombre de chrĂ©tiens allant croissant pour le plus grand dĂ©plaisir du khan Omourtag qui lança une persĂ©cution dont fut victime son propre fils, Enravota[16]. Ils devaient Ă©galement remettre sur pied leur Ă©conomie aprĂšs les conflits meurtriers qui avaient appauvri le pays au cours de la premiĂšre dĂ©cennie du siĂšcle alors que leur capitale, Pliska, Ă©tait toujours en ruines. Lâaccord devait ĂȘtre reconduit en 820 lorsque Michel II (r. 820-829) sâempara du trĂŽne Ă Constantinople. Omourtag et Michel II agrĂ©Ăšrent de plus de se porter secours mutuel en cas de danger[8]. FidĂšle Ă sa parole, Omourtag devait obliger le rebelle Thomas le Slave, rĂ©voltĂ© contre Michel II, Ă lever le siĂšge quâil avait commencĂ© devant Constantinople[17].
Bibliographie
Sources primaires
- Georges CédrÚne. Synopsis historion (aussi appelé : BrÚve histoire du monde).
- Ignatii Diaconi. Vita Nicephori in appendices to Nicephori Opuscula historica, ed. C. de Boor, Lipsiae, 1880.
- Theophanes Continuatus (ThĂ©ophane ContinuĂ©), « Chronographia », Patrologia GrĂŠca, vol. 109, Ăd. J. P. Migne, Paris, 1863.
- Jean Zonaras. ĂpitomĂ© historion, (abrĂ©gĂ© de lâhistoire du monde de la CrĂ©ation Ă 1118.)
Sources secondaires
- (en) Andreev, J. The Bulgarian Khans and Tsars (Balgarskite hanove i tsare, ĐŃлгаŃŃĐșĐžŃĐ” Ń Đ°ĐœĐŸĐČĐ” Đž ŃĐ°ŃĐ”), Veliko Tarnovo, 1996, (ISBN 954-427-216-X).
- (fr) Aslanian, Dimitrina. Histoire de la Bulgarie, de l'Antiquité à nos jours. Trimontium, 2004 (ISBN 2951994613).
- (fr) BrĂ©hier, Louis. Vie et mort de Byzance, coll. LâĂvolution de lâHumanitĂ©, Paris, Albin Michel, 1969.
- (fr) Cheynet, Jean-Claude. Le Monde byzantin, vol. 2, LâEmpire byzantin (641-1204). Paris, Presses universitaires de France, 2006. (ISBN 978-2-130-52007-8).
- (fr) Ducellier, Alain. Byzance et le monde orthodoxe. Paris, Armand Colin, 1986. (ISBN 2-200-37105-5).
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- (en) Madgearu, Alexandru. The wars of the Balkan Peninsula: their medieval origins. Martin Gordon, Publisher Scarecrow Press, 2008, (ISBN 0-8108-5846-0).
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- (fr) Petit, Paul. Histoire générale de l'Empire romain, Paris, Seuil, 1974, 800 p. (ISBN 978-2-02-002677-2).
- (en) Sheppard, Jonathan (ed). The Cambridge History of the Byzantine Empire, c. 500-1492. Cambridge, Cambridge University Press, 2008. (ISBN 978-0521-83231-1).
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- (af) Zlatarski, Vasil (1971) [1927]. "Part I. The Huno-Bulgarian dominance (679-852). II. Territorial expansion and rising of political importance. 2. Change of the foreign and domestic policy of Bulgaria". History of the Bulgarian state in the Middle Ages. Volume I. History of the First Bulgarian Empire, (2 ed.). Sofia: Nauka i izkustvo. OCLC 67080314.
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Byzantine-Bulgarian treaty of 815 » (voir la liste des auteurs).
- Fine (1991) pp. 95-96
- Theophanes Continuatus, Chronographia,p. 497
- Theophanes Continuatus, Chronographia, p. 499
- Cedrenos, ed. Bon., II,p. 54
- Zonaras, ed. Dindorfi, III, p. 381
- Ignatii Diaconi. Vita Nicephori, in appendices to Nicephori Opuscula historica, pp. 206â207
- Voir Andreev, p. 58 : Le serment paĂŻen des Bulgares avait une puissante valeur symbolique. RĂ©pandre de lâeau par terre Ă©tait un rappel que, si lâaccord Ă©tait violĂ©, le sang pourrait ĂȘtre rĂ©pandu. De mĂȘme la rotation de la selle dâun cheval Ă©voquait le fait que celui qui violerait lâaccord ne pourrait plus diriger son cheval et tomberait mort en bas de celui-ci pendant une bataille. La triple bride symbolisait la force de lâaccord et la levĂ©e dâune motte de terre rappelait que lâherbe ne pousserait plus dans le pays ennemi si la paix Ă©tait violĂ©e. Le sacrifice de chiens Ă©tait une coutume habituelle parmi les populations turques et devait renforcer le traitĂ©.
- Andreev (1996) p. 58
- Fine (1991) p. 106
- Zlatarski (1927) p. 385
- Kazdhan (1991) « Proto-Bulgarian Inscription », vol. 3, p. 1744
- Pour lâinterprĂ©tation des lieux gĂ©ographiques, voir Zlatarski, Notes pour les Bulgares, pp. 67-68
- Zlatarski (1927) p. 387
- Zlatarski (1927) pp. 429-430
- Zlatarski (1927) p. 389
- Treadgold (1997) p. 132
- Treadgold (1997) p. 434