Traboule
Les traboules sont des passages piĂ©tons Ă travers des cours d'immeuble qui permettent de se rendre d'une rue Ă une autre dans certaines villes françaises. Les plus connues sont Ă Lyon. Mais elles se trouvent aussi Ă Villefranche-sur-SaĂŽne, MĂącon, ChambĂ©ry, Saint-Ătienne, Louhans, Chalon-sur-SaĂŽne, Grenoble, Schiltigheim, Vienne, Tournus ou encore LavoĂ»te-Chilhac. Celles de Lyon sont aussi surnommĂ©es « Les RĂ©moulades »[1].
Il en existe de plusieurs types :
- traboule directe : on voit la sortie dÚs l'entrée ;
- traboule en angle : traversant deux ou plusieurs bĂątiments Ă l'angle de deux rues ;
- traboule rayonnante : une cour au cĆur d'un Ăźlot d'habitations comportant plusieurs accĂšs ;
- traboules à détours.
Certaines comportent des escaliers car elles relient des rues ayant un fort dénivelé, d'autres cumulent ces différentes caractéristiques.
Ătymologie
Le mot traboule, dâorigine lyonnaise, est le dĂ©verbal de trabouler[2], qui ne se trouvait initialement que dans la locution « allĂ©e qui traboule », variante de « allĂ©e qui traverse »[3].
Selon un postulat trĂšs rĂ©pandu et couramment imputĂ© Ă lâarchĂ©ologue Amable Audin, trabouler serait issu dâun verbe trabulare, contraction en latin vulgaire dâun hypothĂ©tique transambulare, composĂ© de trans- (« Ă travers ») et ambulare (« se promener »). Cependant, cette hypothĂšse, que nâenvisage pas le TrĂ©sor de la langue française, nâest pas non plus retenue par le Dictionnaire des rĂ©gionalismes de France, pour lequel trabouler est simplement dâ« origine obscure ». Le linguiste Xavier Gouvert lâestime invraisemblable pour des raisons phonĂ©tiques[4].
Pour Xavier Gouvert, il sâagirait dâune crĂ©ation lexicale de type argotique rĂ©sultant dâun croisement entre traverser et dĂ©bouler (dĂ©rivĂ© de bouler, « tomber en roulant »), qui renverrait Ă un sens primitif « traverser en descendant » explicable par le contexte topographique prĂ©sumĂ© de son apparition (les traboules descendant des pentes de la Croix-Rousse).
La premiĂšre trace Ă©crite de « allĂ©e qui traboule » remonte Ă 1875, mais lâ« ancien patois lyonnais » auquel elle se rĂ©fĂšre suggĂšre que lâusage de ce verbe pourrait ĂȘtre sensiblement antĂ©rieur :
« La rue Saint-Dominique â ouverte en 1562 par le fameux baron des Adrets, lors de lâoccupation de Lyon par les Protestants â nâa eu longtemps dâautre dĂ©bouchĂ© sur la place des CĂ©lestins quâun petit passage obscur, une allĂ©e de traverse ou, comme disait lâancien patois lyonnais, « une allĂ©e qui traboule ». Cette allĂ©e Ă©tait reliĂ©e Ă la place des CĂ©lestins par la rue Saint-Louis, rue fort peu connue, qui va de la rue Pazzi Ă la rue dâAmboise. »[5]
Traboule est une expression lyonnaise étendue notamment au parler stéphanois. On utilise également le verbe « trabouler » pour signifier se déplacer dans un dédale.
On dit aussi « allĂ©e » tout court. Des passages similaires existent aussi Ă ChambĂ©ry, oĂč ils peuvent Ă©galement ĂȘtre dĂ©nommĂ©s passages ou allĂ©es, mĂȘme si le terme traboule reste sans doute le plus utilisĂ© de façon populaire.
Localisation
à Lyon, on dénombre environ 500 traboules. Elles se situent majoritairement dans les quartiers du Vieux Lyon (215 cours et traboules recensées), de la Croix-Rousse (163 cours et traboules recensées sur les pentes) et de la Presqu'ßle (130 cours et traboules)[6].
Ă Saint-Ătienne le rĂ©seau - probablement plus restreint quâĂ Lyon - a Ă©tĂ© largement dĂ©tĂ©riorĂ© par l'amĂ©nagement des espaces privĂ©s. Aujourd'hui deux quartiers historiques, Saint Jacques et le CrĂȘt de Roc, possĂšdent leurs traboules. Le modĂšle fut repris jusqu'au XIXe siĂšcle lors de l'amĂ©nagement des immeubles Ă cour (recettes) du centre-ville afin d'assurer la circulation entre les Ăźlots.
Vieux Lyon (Saint-Jean)
Les traboules de ce quartier datent de la Renaissance. Elles ont été construites suivant le modÚle du patio romain, avec ses galeries et le puits dans la cour.
Croix-Rousse
à la Croix-Rousse, les traboules sont plus récentes puisque issues de la construction des immeubles des ouvriers de la soie (les canuts), au XIXe siÚcle. Les traboules permettent également, depuis les « pentes », de gagner rapidement la Presqu'ßle en ligne droite, via des raccourcis. Ainsi, un grand nombre de traboules permettent d'accéder à la montée de la Grande CÎte.
C'est dans ce quartier que se trouve une des plus célÚbres traboules, la Cour des Voraces, considérée comme lieu de mémoire (révolte des Canuts, Résistance, etc.). Mais également le remarquable Passage Thiaffait, devenu une vitrine commerciale du savoir-faire lyonnais en matiÚre de création.
Utilité
On pense que les premiÚres traboules ont été construites au IVe siÚcle. Les habitants de Lugdunum manquant d'eau, ils se sont installés au bord de la SaÎne (dans la « ville basse », au pied de la colline de FourviÚre). Les traboules servaient alors à rejoindre rapidement la SaÎne. En outre, les traboules servaient aussi aux canuts, installés sur la colline de la Croix-Rousse pour rejoindre rapidement les marchands de tissus installés au bas de la colline[7].
De nos jours, les traboules se visitent, une quarantaine étant gratuitement ouvertes au public dans le cadre d'accords passés entre la commune et les particuliers. La ville de Lyon participe aux charges d'entretien, de nettoyage d'éclairage et à hauteur de 70 % aux travaux de restauration soumis par les propriétaires en échange d'une servitude de passage car ces lieux, la plupart du temps, demeurent privés[8].
RĂŽles historiques
Ces chemins de traverse sont l'outil idéal pour se déplacer dans la ville à l'abri des autorités, souvent ignorantes de leur configuration exacte. Jusqu'à l'invention du digicode, elles ont servi d'abri et de chemin pour les mouvements populaires, par exemple :
- Les traboules ont été utilisées par les canuts lors de leur révolte (voir l'article sur la Révolte des Canuts)[7].
- Elles ont également été utilisées par les résistants lors de la Seconde Guerre mondiale[9].
Photographies (traboules lyonnaises)
- Une traboule typique.
- La longue traboule reliant les rues Saint-Jean et du BĆuf.
- Traboule dans le Vieux-Lyon.
- Un avertissement aux visiteurs.
- Traboule dans le Vieux-Lyon.
- Traboule menant Ă la Cour des Voraces.
Ćuvres et cinĂ©ma
Les traboules de Lyon, en dĂ©cors dâarriĂšres plan, ont fait l'objet d'un tournage pour la sĂ©rie Draculi & Gandolfi de Guillaume Sanjorge[10].
Notes et références
- Traboules du Vieux Lyon et ses secrets
- Pierre Rézeau (dir.), Dictionnaire des régionalismes de France, De Boeck, , p. 997-999.
- Nizier du Puitspelu (Clair Tisseur), Le littrĂ© de la GrandâCĂŽte, Lyon, (lire en ligne), pages 311-312.
- Xavier Gouvert, « Le traitement étymologique des "franco-provençalismes" dans le Trésor de la langue française - ProblÚmes méthodologiques et études de cas », in Pierre Rézeau (dir.), Richesses du français et géographie linguistique, De Boeck, , p. 379-380.
- « Chronique : Lyon et le RhĂŽne », Le Salut public,â , p. 2.
- Site de la ville de Lyon
- Dominique Veillon, « La ville comme creuset de la RĂ©sistance », Bulletins de l'Institut d'Histoire du Temps PrĂ©sent, vol. 8, no 1,â , p. 135â148 (DOI 10.3406/ihtp.1995.1925, lire en ligne, consultĂ© le )
- Ville de Lyon, « Convention de restauration et de droit de passage : cour, traboule » [PDF], sur https://www.lyon.fr, (consulté le )
- Blanchard, N., « Analyse d'une forme urbaine spĂ©cifique Ă Lyon: la traboule », The Bulletin of the Institute of Human Sciences, no 13,â , p. 45-63 (lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
- « Le Studio Phocéen en tournage dans les Traboules de Lyon », sur Studio Phocéen, (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- [Nicolas Blanchard 2011] Nicolas Blanchard, « Analyse d'une forme urbaine spĂ©cifique Ă Lyon : la traboule », æ±æŽć€§ćŠäșșéç§ćŠç·ćç 究æçŽ, UniversitĂ© TĆyĆ, no 13,â , p. 45-63 (ISSN 1349-2276, lire en ligne, consultĂ© le )
- [SĂ©golĂšne Cognat 1999] SĂ©golĂšne Cognat, La protection juridique du passage dans les traboules et les cours Ă Lyon : MĂ©moire de D.E.A. de droit de lâenvironnement sous la direction de Philippe Billet, Lyon, UniversitĂ© Jean Moulin Lyon III, Institut de Droit de l'Environnement, , 99 p. (lire en ligne)
- [Curvat, Domenach, Duprat, Guillin & Hours 2003] Serge Curvat, Denise Domenach-Lallich, Chantal Duprat-Odet, François-Yves Guillin et Henri Hours, Les lieux secrets de la RĂ©sistance : Lyon, 1940-1944, Lyon, Ăditions Xavier Lejeune, , 304 p. (ISBN 978-2-907608-41-1)
- [René Dejean 1997] René Dejean, Traboules de Lyon : Histoire secrÚte d'une ville, Lyon, Le ProgrÚs, , 196 p. (ISBN 2-904899-01-4, présentation en ligne)
- [GĂ©rald Gambier 2005] GĂ©rald Gambier, Cours et traboules de Lyon, Lyon, Ăditions la Taillanderie, coll. « Pluriels », , 64 p. (ISBN 2-87629-264-5)
- [GĂ©rald Gambier 2012] GĂ©rald Gambier, 200 cours et traboules dans les rues de Lyon, Lyon, Ăditions la Taillanderie, , 120 p. (ISBN 978-2-87629-414-1)
- [Marie-Antoinette Nicolas 2002] Marie-Antoinette Nicolas, Le Vieux-Lyon et ses traboules. 5 circuits, Lyon, Ăditions lyonnaises d'art et d'histoire, , 4e Ă©d. (ISBN 978284147083-9)
Liens externes
- Cartes des traboules les plus connues du Vieux-Lyon, de la Presqu'Ăźle et de la Croix-Rousse
- Site personnel trÚs documenté et richement illustré sur les traboules de la Croix-Rousse
- Site personnel proposant différents circuits de visites des traboules des quartiers de Saint-Jean, la Croix-Rousse et la Presqu'ßle