Timothée de Gaza
TimothĂ©e de Gaza (en grec ancien ΀ÎčÎŒÏΞΔοÏ) est un grammairien grec de la fin de l'AntiquitĂ© qui Ă©tait actif sous le rĂšgne de l'empereur Anastase, entre 491 et 518. De sa vie, trĂšs peu de traces ont survĂ©cu. Lâentomologiste F. S. Bodenheimer (1897-1959) rapporte dans son livre Timotheus of Gaza on animals que ce dernier aurait Ă©tĂ© lâĂ©lĂšve de Horapollon, un philosophe Ă©gyptien. Il mentionne Ă©galement un lexique byzantin, datant du milieu du Xe siĂšcle, Ă©voquant TimothĂ©e comme un homme instruit et auteur dâune tragĂ©die portant sur la prĂ©lĂ©vation dâune taxe importante sur les artisans et les commerçants[1].
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IVe siĂšcle- |
Ćuvres
TimothĂ©e de Gaza Ă©tait l'auteur d'un manuel d'orthographe conservĂ© au moins en partie (ÎαΜÏÎœÎ”Ï ÎșαΞολÎčÎșÎżáœ¶ ÏΔÏ᜶ ÏÏ ÎœÏÎŹÎŸÎ”ÏÏ, Kanones katholikoi peri suntaxeĂŽs). Ce manuel sâinscrit dans le courant de perfectionnement de la grammaire observĂ©e lors de la pĂ©riode impĂ©riale. Il est Ă©galement auteur d'un discours aujourd'hui perdu sur l'impĂŽt de la patente Ă l'attention de l'empereur (΀ÏαγῳΎÎčα ÏΔÏ᜶ ÏοῊ ÎŽÎ·ÎŒÎżÏÎŻÎżÏ ÏοῊ ÎșÎ±Î»ÎżÏ ÎŒÎÎœÎżÏ ÏÏÏ ÏαÏÎłÏÏÎżÏ , TragĂŽdia peri tou dĂšmosiou tou kaloumenou khrusargurou), et d'un traitĂ© Sur les animaux (ΠΔÏ᜶ ζῳÏÎœ, Peri zĂŽĂŽn) en quatre livres, dont on a conservĂ© des fragments substantiels dans la SyllogĂ© Constantini[2] - [3].
Le Sur les animaux
Une partie du texte du traitĂ© Sur les animaux nous est parvenu sous forme d'extraits dans un ouvrage zoologique patronnĂ© par Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte. Une autre partie provient d'une version condensĂ©e du traitĂ© datant du XIe siĂšcle. Il nâexiste pas de copie des documents originaux Ă©crits par TimothĂ©e de Gaza, seuls des extraits sont repris dans des textes dâorigine grecs et arabes. Sur les 16 extraits attribuĂ©s Ă TimothĂ©e, 13 lui sont nommĂ©ment attachĂ©s. ParticuliĂšrement des fragments de son poĂšme Sur les animaux (Peri zĂŽĂŽn) sont intĂ©grĂ©s dans une encyclopĂ©die produite sous Constantin VII au Xe siĂšcle appelĂ©e SyllogĂ© Constantini. Le poĂšme suit la mĂȘme classification que les Ă©crits dâAritophane de Byzance en dĂ©butant avec la description des anges, des humains, des quadrupĂšdes, des oiseaux, puis de quelques poissons[4]. Bien quâil y ait un risque de rĂ©Ă©criture par les auteurs mĂ©diĂ©vaux, les extraits attribuĂ©s Ă TimothĂ©e de Gaza sont considĂ©rĂ©s comme relativement proche de lâoriginal[5].
Un siĂšcle plus tard, une version condensĂ©e byzantine prĂ©sente dâautres extraits. Câest dâailleurs de cette derniĂšre que provient la traduction anglaise des zoologues Bodenheimer et Rabinowitz dans leur ouvrage Timotheus of Gaza, On animals : peri zĆĆn : fragments of a byzantine paraphrase of an animal-book of the 5th century A.D. publiĂ© en 1949. Finalement, entre les Xe et XIIe siĂšcles, on retrouve plusieurs mentions de son travail dans la littĂ©rature arabe. Notamment dans une encyclopĂ©die du philosophe Al-TawhÄ«dÄ«, ainsi que dans le traitĂ© du mĂ©decin perse Al-MarwazÄ«[5].
Les mentions de son ouvrage chez les auteurs arabes, et chez certains grecs, montrent la valeur attribuĂ©e Ă ses Ă©crits. Tenu en grande estime, TimothĂ©e Ă©tait considĂ©rĂ© comme une autoritĂ© en zoologie aux cĂŽtĂ©s dâOppien dâApamĂ©e et dâĂlien, dit le Sophiste dans les Ă©crits du grammairien Johannes Tzetzes (XIIe s.)[6]. Le traitĂ© sâinspire dâailleurs allĂšgrement des travaux dâOppien, qui est considĂ©rĂ© comme un auteur fantaisiste[7]. Bien que les fragments retrouvĂ©s soient rudimentaires, Bodenheimer et Rabinowitz estiments les entrĂ©es beaucoup plus nombreuses dans lâĆuvre original, supposant quâelle Ă©tait probablement utilisĂ©e comme matĂ©riel de classe[1].
Contenu de l'Ćuvre
LâĆuvre de TimothĂ©e se divise en quatre volumes portant principalement sur les mammifĂšres, les oiseaux et les reptiles. Son espace dâĂ©tude se situe couvre une partie de lâAfrique, du Proche-Orient et de lâInde[8]. De ce qui a survĂ©cu, on constate un manque dâinformation sur les oiseaux et la faune sous-marine. Il nây a pas dâinformation sur les invertĂ©brĂ©s comme les insectes ou les arachnides, les fragments les mieux prĂ©servĂ©es portent surtout sur les quadrupĂšdes. Par exemple, TimothĂ©e explique la dentition dâun crocodile comme Ă©tant deux choses opposĂ©es, mais sâimbriquant lâune dans lâautre comme des mĂąchoires (ÎŹÎœÏÎŻÏΔÏηγÏÏÎ”Ï ÎŹÎ»Î»ÎźÎ»ÏÎčÏ ÎżÎŻ á»ÎŽĂłÎœÏΔÏ)[9]. On y voit Ă©galement une description de lâĂ©lĂ©phant qui serait dotĂ© de parole. Un autre extrait de lâĆuvre note lâexistence de deux races diffĂ©rentes de panthĂšres, notion prĂ©sentĂ©e uniquement chez TimothĂ©e et Oppien dâApamĂ©e[10]. Ces deux races pourraient par contre venir dâune erreur de nomenclature entre la panthĂšre (pardalis) et le guĂ©pard (panthĂȘr) qui sont en rĂ©alitĂ© dans deux sous-familles distinctes dans la classification des espĂšces. Le guĂ©pard est dâailleurs considĂ©rĂ© comme un âsuper-hybridâ, car il proviendrait de plus de deux espĂšces. Son nom (panthĂȘr) signifie tout animal, ce qui explique le mythe qui lâindique venant de l'hyĂšne, la panthĂšre, le lion, le liĂšvre, le chamois et la gazelle[5].
Un passage en particulier attire lâattention, soit lâexplication de lâorigine hybride de la girafe. TimothĂ©e de Gaza est lâun des trois auteurs grecs Ă avancer lâhypothĂšse que lâanimal serait le rĂ©sultat dâune union entre le chameau et la panthĂšre[6]. Cette notion est reprise par Al-QazwÄ«nÄ« qui cite lâauteur sous le nom de áčŹihmÄn le Sage. Lâauteur Ă©voque le rĂ©cit dâanimaux se rencontrant aux oasis afin de se dĂ©saltĂ©rer. Aux points dâeau, certains pourraient sâaccoupler avec dâautres espĂšces, crĂ©ant ainsi les hybrides, comme la girafe, ou encore le simÊż (croisement dâune hyĂšne mĂąle et dâune louve). Si le principe dâhybridation remonte aux Ă©crits dâAristote, le zoologue arabe attribue Ă TimothĂ©e de Gaza le cas spĂ©cial de la girafe<refBuquet 2013, p. 127.</ref >. Le rĂ©cit de la rencontre aux points dâeau semble toutefois ĂȘtre un ajout dâAl-QazwÄ«nÄ«, car il nâest pas prĂ©sent dans les extraits retrouvĂ©s du traitĂ© Sur les animaux. Dâautres hybrides sont mentionnĂ©es comme le lĂ©opard qui serait le rĂ©sultat dâune union entre une panthĂšre mĂąle et une lionne. Cet exemple prĂ©cis remonte aux Ă©crits de Pline lâancien qui dĂ©nonçait lâadultĂšre des deux animaux, notion reprise chez TimothĂ©e de Gaza, ce qui donne un indice des sources sur lesquelles il sâest basĂ© pour composer son traitĂ©[5].
Lâextrait sur la girafe comporte des mentions de vraies bĂȘtes amenĂ©s Ă Constantinople, ce qui est unique Ă cette entrĂ©e. Les autres explications sur les grands et petits fĂ©lins ne parlent pas directement dâanimaux observĂ©s et mĂȘlent mythes et folklore dans leurs descriptions. De plus, Thierry Buquet rapporte quâ« il nây a aucun renvoi aux termes vernaculaires employĂ©s dans lâAntiquitĂ© tardive ou dans la pĂ©riode mĂ©dio-byzantine[11] ». Le traitĂ© de TimothĂ©e de Gaza implique donc davantage des animaux philologiques quâune zoologie rĂ©aliste. Ăgalement, certains extraits sont citĂ©s dans les Ă©crits du mĂ©decin et zoologue perse Al-MarwazÄ«. Ses documents datant du XIIe siĂšcle portent principalement sur les mammifĂšres comme le lion et le rhinocĂ©ros. Il reprend la rencontre de girafe aux oasis, mais sans lâhypothĂšse dâunion entre deux espĂšces. On retrouve Ă©galement des mentions de crĂ©atures fabuleuses, comme le catoblĂ©pas, sorte de buffle avec un cou inclinĂ© vers lâavant Ă cause de sa tĂȘte trop lourde. MalgrĂ© les multiples mentions chez diffĂ©rents auteurs, il nây a pas de traduction arabe des Ă©crits de TimothĂ©e retrouvĂ©e Ă ce jour[12].
Un dĂ©tail linguistique interpelle dans une des entrĂ©es du traitĂ©, soit celle concernant le bison, animal observĂ© dans le territoire de Thrace. MentionnĂ© chez plusieurs auteurs antiques, on remarque lâemploi de multiples variantes du mot qui semblent malgrĂ© tout dĂ©signer le mĂȘme animal. Chez les auteurs latins, la dĂ©nomination uison sâinspire du mot germanique wisund, alors que le mot grec semble sâinspirer dâune langue locale de PĂ©onie, donnant ÎČÎŻÏÏÎœ. Les mentions grecques sont plus rĂ©centes que celles latines, se situant du IIe siĂšcle avec le voyageur Pausanias au IIIe siĂšcle avec Oppien. TimothĂ©e de Gaza est la derniĂšre occurrence avec lâutilisation du nominatif singulier (ÎČÎŻÏÏÎœ)[13].
Différences avec Oppien
Dans un extrait de TimothĂ©e de Gaza sur les chevaux, il explique que, lorsque les Ă©leveurs souhaitent un cheval avec une robe noire tachetĂ©e de blanc, ils mettaient une image dâun tel animal prĂšs de lâabreuvoir afin que les juments puissent la regarder lorsquâelles buvaient. Oppien rapporte lâhistoire diffĂ©remment, un Ă©talon vivant avec la robe souhaitĂ©e est amenĂ©, plutĂŽt quâune simple image. Certains auteurs, soutenant lâhypothĂšse quâOppien fut une inspiration majeure pour TimothĂ©e, supposent que ce dernier a mal transcrit lâhistoire de la reproduction des chevaux. Toutefois, un document attribuĂ© Ă Julius Africanus (IIe-IIIe s.) rapporte la mĂȘme version que le grammairien grec, ce qui penche en faveur des auteurs, comme M. Wellmann, qui soutiennent que TimothĂ©e et Oppien sâinspirent plutĂŽt de sources plus anciennes[14].
Dâautres arguments sont mis de lâavant quant Ă lâindĂ©pendance de TimothĂ©e par rapport Ă Oppien. Dans les Ă©crits de ce dernier, cinq espĂšces de loups sont mentionnĂ©es, mais la derniĂšre ne comporte pas de nom spĂ©cifique. Dans lâouvrage de TimothĂ©e, toutes les espĂšces sont nommĂ©es, de mĂȘme que la cinquiĂšme, il ne pouvait donc pas dĂ©pendre de son prĂ©dĂ©cesseur[15]. Finalement, il est rapportĂ© lâhistoire dâun Ăąne sauvage qui castrait les garçons naissants ar jalousie. Cette histoire est prĂ©sente dans le bestiaire chrĂ©tien Physiologus datĂ© entre le IIe et le IVe siĂšcle, ainsi que dans une Ćuvre dâOppien. Une version quelque peu diffĂ©rente est montrĂ©e dans les rĂ©cits dâĂlien (IIe-IIIe siĂšcle) oĂč les bĂ©bĂ©s sont tuĂ©s par lâĂąne. TimothĂ©e connaissant les deux versions, il nâest donc pas possible quâil puisse avoir tirĂ© cette histoire dâOppien[16].
Le traitĂ© Sur les animaux sâinspire donc dâOppien sans en faire une copie simplement remaniĂ©e. Ă travers son ouvrage, on constate que TimothĂ©e se base davantage sur lâHistoire des animaux Ă©crit au IVe siĂšcle AEC par Aristote, il le paraphrase Ă plusieurs reprises et mentionne directement le philosophe grec. Il est Ă©galement possible de voir lâinfluence des Ă©crits dâĂlien, mais il est difficile de dĂ©terminer ce qui vient directement de cet auteur alors que plusieurs autres ont Ă©crit sur un sujet similaire et pendant la mĂȘme pĂ©riode[17].
Ćuvres
- (la) Timothée de Gaza, Anecdota Parisiensa IV, texte édité par A. Cramer, 1841 (réédité en 1967), p. 239-244.
- (en) Timothée de Gaza, On Animals. Fragments of a Greek paraphrase of an animal-book of the 5th century A.D., texte traduit, commenté et annoté par F.S. Bodenheimer et A. Rabinowitz, Paris/Leiden, Académie internationale d'histoire des sciences/E.J. Brill éditeurs, 1949.
Notes et références
- Tetry 1950, p. 293.
- F.S. Bodenheimer et A. Rabinowitz (1949).
- Buquet 2013, p. 127.
- Wellmann 1927, p. 180.
- Buquet 2012, p. 3.
- Buquet 2012, p. 130.
- Puech AimĂ©, « Compte-rendu de Pierre Bourdeau, Oppien d'ApamĂ©e, La Chasse », Revue des Ătudes Grecques,â , p.87 (lire en ligne)
- Kruk 2001, p. 355.
- Young 1941, p. 138.
- Young 1941, p. 128.
- Buquet 2012, p. 10.
- Kruk 2001, p. 356.
- GĂ©rald Prunelle, « Le nom du bison en grec et en latin », Latomus,â , p.570 (lire en ligne)
- Wellmann 1927, p. 18-186.
- Wellmann 1927, p. 187-188.
- Wellmann 1927, p. 188.
- Wellmann 1927, p. 190-192.
Bibliographie
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- Gérald Prunelle, « Le nom du bison en grec et en latin », Latomus, t. 52, 1993, p. 567-580. [lire en ligne]
- (en) L. Kopf, "The Zoological Chapter of the Kitab al-Imta' wal-Mu'anasa of Abu Hayyan al-Tauhidi (10th Century)", dans Osiris (revue d'histoire des sciences), University of Chicago Press, n°12, 1956, p. 390â466.
- (de) M. Wellmann, « Timotheos von Gaza », Hermes, no 2,â , p.179-204 (lire en ligne).
- Puech AimĂ©, « compte-rendu de Pierre Bourdeau, Oppien d'ApamĂ©e, La Chasse », Revue des Ătudes Grecques, t. 3, 1910, p. 87. [[www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1910_num_23_101_6558_t1_0087_0000_2 lire en ligne]]
- (en) Remke Kruk, « Timotheus of Gazaâs On Animals in the Arabic Tradition », Le Museon,â , p.355-387 (lire en ligne)
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- (en) Rodney S. Young, « ANTIÎ HÎ : A Note on the Ion of Euripides », Hesperia: The Journal of the American School of Classical Studies at Athens,â , p.138-142 (lire en ligne)
- (en)The Oxford Dictionnary of Byzantium, New York, Oxford University Press, 1991 (vol. 1-2-3), 2286 p.[lire en ligne]
- Thierry Buquet, « Les lĂ©gendes relatives Ă lâorigine hybride et Ă la naissance des girafes selon les auteurs arabes », Bulletin dâĂtudes Orientales, Institut Français du Proche-Orient (IFPO), t. 62,â , p.125-147 (lire en ligne).
- Thierry Buquet, « Les panthĂšres de TimothĂ©e de Gaza dans lâencyclopĂ©die zoologique de Constantin VII », Rursus - PoiĂ©tique, rĂ©ception et rĂ©Ă©criture des textes antiques,â (lire en ligne).
- Wolfgang Buchwald, Armin Hohlweg, Otto Prinz, Dictionnaire des auteurs grecs et latins de l'AntiquitĂ© et du Moyen Ăge, traduit et mis Ă jour par Jean Denis Berger et Jacques Billen, Brepols, 1991 (Ă©dition originale : Tusculum-Lexikon griechischer und lateinischer Autoren des Altertums und des Mittelasters, Artemis Verlag, 1982).