Thuy Phap
Le Thuy Phap est un art martial traditionnel vietnamien (voir : arts martiaux vietnamiens dont le nom signifie, littĂ©ralement, la MĂ©thode de lâEau.
Thuy Phap
| |
Logo du Thuy Phap | |
Autres noms | La MĂ©thode de l'eau |
---|---|
Domaine | Art martial interne |
Pays dâorigine | Vietnam Vietnam |
Fondateur | MaĂźtre Huynh Chieu Duong |
Sport olympique | non |
Fédération mondiale | Lien Doan Vo Thuat Co Truyen Viet Nam [1] et Fédération de Vo Co Truyen Vietnam de France [2] |
Le Thuy Phap est une pratique ancestrale des Vietnamiens Ă la recherche du bien ĂȘtre au quotidien, enseignĂ©e depuis plusieurs annĂ©es en France, en Belgique et au ViĂȘt Nam par MaĂźtre Huynh Chieu Duong, .
Le programme dâenseignement est divisĂ© en deux branches : les exercices Ă©nergĂ©tiques et les techniques de combat, les deux devant ĂȘtre pratiquĂ©s dans lâesprit du doux et de lâinterne. Le programme comprend :
- huit enchaĂźnements Ă mains nues (Thao quyĂȘn) permettant dâexplorer toutes les techniques des arts martiaux traditionnels (Tan/positions ; Thu/mains nues ; Cuoc/coup de pied ; âŠ)
- une sĂ©rie dâexercices de respiration (le Thuy Phap HĂŽ HĂąp thuĂąt)
- un Khi Cong Thuy Phap (travail de lâĂ©nergie de la MĂ©thode de lâEau).
- les Ă©lĂšves suffisamment expĂ©rimentĂ©s peuvent Ă©galement sâadonner Ă la pratique des armes : Ă©pĂ©e, bĂąton long ou Ă©ventails.
- enfin, lâĂ©cole Thuy Phap initie Ă©galement les pratiquants qui le souhaitent au tronc commun du Vo Co Truyen.
La pratique du Thuy Phap se base sur le fait que la masse liquide, Ă lâintĂ©rieur du corps humain, est supĂ©rieure Ă la masse solide. Les pratiquants du Thuy Phap apprennent Ă maĂźtriser et utiliser cette masse liquide comme force dâĂ©nergie vitale. Ainsi, grĂące Ă lâenchaĂźnement de mouvements circulaires et simples, mais bien coordonnĂ©s selon lâharmonie du Am et du Duong (yin et yang), et effectuĂ©s fluidement en veillant Ă la justesse de la respiration, la pratique du Thuy Phap vise Ă faire circuler les flux de lâĂ©nergie vitale Ă travers le corps, « dĂ©bouchant » les mĂ©ridiens et renforçant le mĂ©tabolisme. De ce point de vue, le Thuy Phap se prĂ©sente comme une mĂ©thode prophylactique, anti-stress, et mĂȘme source dâallĂ©gresse : le « bien-ĂȘtre en mouvement »âŠ
Dâun pur point de vue martial, le Thuy Phap propose une approche particuliĂšre, assez rare dans le panorama (actuel) des arts martiaux en prĂ©fĂ©rant la juste libĂ©ration de lâĂ©nergie Ă la puissance de la force musculaire.
La méthode de l'eau
L'eau et le feu
Dans le monde des arts martiaux asiatiques (Chine, CorĂ©e, Japon, ViĂȘt Nam, etc.), on peut distinguer deux approches, deux maniĂšres diffĂ©rentes dâexprimer ses compĂ©tences.
Dâun cĂŽtĂ©, les « arts martiaux externes » pratiquent le « dur », le « fort ». Ces styles et Ă©coles (Karatedo, Taekwondo, et tous les styles de Shaolin) visent Ă dĂ©velopper lâaptitude au combat en utilisant la force musculaire dans leurs techniques (capacitĂ© Ă frapper lâadversaire). Lâaccent est mis sur la rapiditĂ©, la puissance.
Dâun autre, les « arts martiaux internes » pratiquent le doux, le lisse. Ces styles et Ă©coles (AĂŻkido, Tai Chi Chuan, Wu Tang) visent plutĂŽt Ă canaliser et faire circuler lâĂ©nergie (interne : le « Khi ») et utilisent, dans le combat, la souplesse face Ă la force, retournant vers lâadversaire sa propre puissance (capacitĂ© Ă contrĂŽler son adversaire et soi-mĂȘme). Lâaccent est mis sur la fluiditĂ©, lâĂ©quilibre, la justesse.
En ce qui concerne le ViĂȘt Nam, les Ă©coles de style Feu comme le Viet Vo Dao, Qwan Ki Do, Tinh vo dao sont bien connus Ă lâĂ©tranger et appartiennent au premier groupe ; le Thuy Phap appartient, bien sĂ»r, au second.
Lâeau et le ViĂȘt Nam : aspect culturel
Le Vietnam nâest ni une Ăźle ni un archipel, mais il est entourĂ© dâeau. Seulement 1,650 km du Nord au Sud Ă vol dâoiseau, et le ViĂȘt Nam possĂšde 3,120 km de front de mer. Deux riviĂšres Ă©normes, la riviĂšre Rouge et le MĂ©kong, avec de nombreux mĂ©andres, divisent le territoire en canaux et en morceaux de terre. De lâaube au coucher du soleil, les Vietnamiens voient de lâeau, utilisent de lâeau, travaillent dans lâeau, ajustent leur vie au rythme de lâeau.
Lâhistoire du ViĂȘt Nam est faite dâune sĂ©rie de guerres. Lâart martial national, au dĂ©but, Ă©tait une technique militaire de combat. Les guerriers vietnamiens ont dĂ» apprendre, en premier lieu, comment se dĂ©placer et mener le combat dans lâeau et sous lâeau. Par la suite, en temps de paix, les enseignants dâarts martiaux Ă©tudiĂšrent le comportement des pĂȘcheurs et des paysans afin de se perfectionner. Par exemple, comment un cultivateur peut-il rester toute une journĂ©e dans un champ de riz, sans avoir froid, comment travaille-t-il dans la boue sans glisser, et comment utilise-t-il la force de lâeau pour amĂ©liorer son efficacitĂ©, sa force et sa santĂ© ?
Les Arts martiaux vietnamiens, et le Thuy Phap tout particuliĂšrement, ont intĂ©grĂ© ces enseignements : il s'agit de suivre le « bon sens » du corps. En outre, la gestuelle de la MĂ©thode de lâEau sâenjolive des formes circulaires et symboliques de lâeau, pluie, geyser ou jet dâeau, cascades, courants, vagues, douches ou chutes, gouttes, etc., voire sâinspire des comportements des poissons et des nageurs.
Ainsi, profondĂ©ment attachĂ© aux caractĂ©ristiques gĂ©ographiques, historiques et culturelles qui lâont vu naĂźtre, le Thuy Phap sâinscrit avec respect dans la tradition vietnamienne et veille Ă prĂ©server une rĂ©elle authenticitĂ© nationale. Il ne s'agit en aucune façon dâun vain « folklore », mais bien plutĂŽt de la (nĂ©cessaire) sauvegarde dâune richesse ancestrale -formelle, technique & spirituelle- menacĂ©e dâoubli Ă la suite des Ă©vĂ©nements qui ont affectĂ© le ViĂȘt Nam au XXe siĂšcle.
Lâeau et le corps : aspect mĂ©dical
Dans le cadre conceptuel mĂ©dico-philosophique de lâAsie sinisĂ©e, le corps humain contient plus de Yin (5/6) que de Yang (1/6), donc plus de liquide que de solide. Les mĂ©decins, sâintĂ©ressant au corps en mouvement, pensaient que la masse liquide circulant dans le corps humain (plus de 60 %) contribue Ă la circulation de lâĂ©nergie vitale. En effet, lâeau transporte le « khi » (qi, dans lâorthographe chinoise) Ă travers les mĂ©ridiens (« canaux » en rĂ©seau dans lâensemble du corps, en surface en en profondeur, et connectant les organes les uns aux autres).
Leurs Ćuvres ont jetĂ© les bases de la pensĂ©e mĂ©dicale dans les arts martiaux tels que le Thuy Phap. Outre le fait que cette pratique martiale amĂ©liore lâorganisme par le renforcement musculaire et lâassouplissement des articulations, elle favoriserait donc aussi la bonne circulation de lâĂ©nergie vitale, la fluiditĂ© des mouvements externes affectant positivement la croissance et le dĂ©veloppement de chaque organe interne. De plus, des cinq Ă©lĂ©ments constitutionnels du cosmos, lâĂ©lĂ©ment EAU correspond Ă lâĂ©lĂ©ment OS dans le corps, dâoĂč une recherche de complĂ©mentaritĂ© entre le « souple » et le « rigide ».
Le Thuy Phap intĂšgre dans sa pratique ces apports de siĂšcles de pensĂ©e mĂ©dicale. Comme lâindique son nom, la masse de liquide du corps humain joue un rĂŽle clĂ© dans le Thuy Phap. Ainsi, lors de lâexĂ©cution dâun quyĂȘn Thuy Phap, le principe fondamental est de transfĂ©rer le poids de droite Ă gauche et vice-versa, et dâexĂ©cuter tous les mouvements circulaires tranquillement et sans interruption, comme lâeau qui coule. En outre, la coordination des muscles et le rythme de la respiration doivent ĂȘtre synchronisĂ©s. Cela permet Ă lâĂ©nergie vitale dâentrer et sortir du Dantian naturellement (le Dantian Ă©tant le centre dâoĂč Ă©mane le Khi, situĂ© dans la partie infĂ©rieure de lâabdomen). Lorsque le corps tout entier est en mouvement continu, lâĂ©nergie vitale circule librement le long de tous les canaux dâacupuncture bien connectĂ©s, se renforce et efface les petites tensions accumulĂ©es, les points de blocage. Il en rĂ©sulte une sensation dâharmonie, de dĂ©tente, de calme profond, et cela contribue Ă rĂ©sister plus efficacement aux ingĂ©rences de lâextĂ©rieur, et Ă renforcer la santĂ©.
La force de lâeau : aspect martial
Au niveau des techniques de combats aussi, le Thuy Phap puise son inspiration dans la puissance de lâeau.
Niveau défensif
Comme l'eau, insaisissable, dont le mouvement est continu, les techniques Thuy Phap visent à de se rendre insaisissable par des mouvements circulaires (cercles et spirales), continus et souples, et par des esquives. Mais avant tout, il s'agit de parvenir à parer et à bloquer les attaques de l'adversaire sans recourir à la force. Par exemple, on peut chercher à parer ou dévier un coup de poing par une gifle lourde (inertie d'un mouvement circulaire et relùché) ou bien en s'appuyant de tout son poids (avec tout son corps) sur le bras de l'adversaire, plutÎt qu'en cherchant à opposer la force de mon bras à celle de mon adversaire.
Niveau offensif (plus exactement, il s'agit de riposte)
La puissance nâest pas recherchĂ©e dans la force musculaire, mais comme rĂ©sultant d'un mouvement de l'ensemble du corps et de l'inertie du mouvement. Les mouvements circulaires et souples (par exemple, le mouvement circulaire d'un bras relĂąchĂ©, pareil au mouvement d'un pantin), par l'inertie qu'ils induisent, offrent une puissance qui n'est pas celle de la force : les frappes de type eau sont des frappes lourdes, comme une claque par exemple, et que l'on peut comparer au choc d'une chute d'eau ou d'une vague que nous recevrions en pleine figure.
Au niveau défensif comme au niveau offensif, le Thuy Phap présente des mouvements circulaires, souples et relùchés (relùché ne veut pas dire mou) inspirés du mouvement de l'eau et dont le but est de pouvoir se défendre contre plus fort que soi, donc sans utiliser de force (historiquement, l'une des origines du Thuy Phap vient de ce que les vieux maßtres voulaient pouvoir se défendre contre des adversaires bien plus jeunes).
Un Art martial inscrit dans la tradition vietnamienne
Les AMV : aperçu historique
(pour un historique plus complet, consulter la page « Arts martiaux vietnamiens »)
Le ViĂȘt Nam est situĂ© dans la partie infĂ©rieure de la pĂ©ninsule indochinoise, au carrefour de deux civilisations : lâInde et la Chine. Lâhistoire des arts martiaux vietnamiens affirme que les anciens boxeurs savaient se battre comme les Indiens, et que les moines sont allĂ©s en Birmanie pour Ă©tudier la philosophie, les techniques de combat et le systĂšme de respiration du yoga (ce dernier nâĂ©tant plus perceptible aujourdâhui que dans le Khi Cong vietnamien).
Lâart du combat servait aux cultivateurs et paysans de moyen de dĂ©fense et de survie Ă un niveau local, dâabord, et ensuite, du fait de la situation gĂ©ographique du ViĂȘt Nam, devint un vĂ©ritable « art martial »(« Vo Thuat », en vietnamien) pour lutter contre les multiples tentatives dâinvasion et dâoccupation de leurs belliqueux voisins : la Chine, surtout, mais aussi les Mongols par exemple, et ensuite, bien plus tard, la France, le Japon et les Ătats-Unis enfin. Câest au cours de cette histoire, dans ce creuset particulier quâest le ViĂȘt Nam, que le peuple vietnamien a crĂ©Ă© et enrichi ses propres techniques, dans un mouvement dâinfluences rĂ©ciproques.
Sâil est indĂ©niable que les arts chinois, principalement, ont influencĂ© la pratique martiale au ViĂȘt Nam (de mĂȘme que le Karatedo japonais, le taekwondo corĂ©en, etc., qui se sont inspirĂ©s du Wu Shu pour amĂ©liorer leurs propres compĂ©tences traditionnelles), le Vo Thuat ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un pĂąle ersatz des arts martiaux chinois. Suivant le vieil adage « Ajouter, modifier, assimiler, ne jamais sâassujettir », les maĂźtres vietnamiens ont nourri leur pratique des apports chinois, mais en adaptant tous ces enseignements aux us et coutumes vietnamiens.
Ainsi, le Vo Thuat peut se targuer dâune rĂ©elle authenticitĂ©, ancrĂ©e dans une mentalitĂ© spĂ©cifique, une culture riche, et une histoire bien particuliĂšre.
Le Thuy Phap et les AMV contemporains
TrĂšs souvent au cours de lâhistoire du ViĂȘt Nam, la pratique des arts martiaux fut interdite par le pouvoir en place, et son enseignement dut se faire en secret. Ce fut Ă nouveau le cas, et de maniĂšre sans doute plus radicale encore, au XXe siĂšcle. Un grand nombre de Vietnamiens sâexilĂšrent, et, parmi eux, beaucoup de maĂźtres en arts martiaux, qui rouvrirent leurs Ă©coles dans leurs pays dâaccueil.
Lorsque, dans les annĂ©es '60, lâinterdiction fut levĂ©e, une Ă©cole en particulier fut promue par les autoritĂ©s vietnamiennes, inquiĂštes de voir la jeunesse se tourner vers la pratique dâarts martiaux Ă©trangers (judo, karatĂ©, âŠ) : le Vovinam Viet Vo Dao, crĂ©Ă© dans les annĂ©es '30 par maĂźtre Nguyen Loc dans le but dâopĂ©rer une synthĂšse de tous les arts martiaux vietnamiens. A lâĂ©tranger aussi, et en France particuliĂšrement, cette Ă©cole connut un grand succĂšs, au point dâentraĂźner un malentendu, les occidentaux prĂ©sumant que tous les arts martiaux vietnamiens relevaient de cette appellation.
Peu Ă peu, cependant, des maĂźtres dâautres Ă©coles, d'autres styles, sortirent du silence (ou des camps de rĂ©Ă©ducation...) ou se firent reconnaĂźtre depuis lâĂ©tranger. Les vietnamiens purent alors redĂ©couvrir toute la variĂ©tĂ© et la richesse des arts martiaux traditionnels (« Vo Co Truyen »), richesse au niveau des techniques (de dĂ©fense et de combat) mais aussi, et peut-ĂȘtre surtout, richesse culturelle. En effet, le Vo Thuat sâest nourri, pendant des siĂšcles, des apports de professeurs et dâexperts de boxe, de mĂ©decins et praticiens, de stratĂšges militaires, de philosophes, etc., avec pour rĂ©sultat dâen faire une pratique combinant le sport, des idĂ©es philosophiques, et des thĂ©ories mĂ©dicales.
Ă notre Ă©poque, oĂč lâapprentissage dâun art martial ne repose plus essentiellement sur un impĂ©ratif de survie, cette approche plus large, plus riche, intĂ©resse de plus en plus de gens, au ViĂȘt Nam comme en Occident ; on perçoit tout lâintĂ©rĂȘt dâune pratique martiale qui combine plusieurs aspects positifs : exercice physique, self-dĂ©fense, renforcement de la santĂ©, amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie, loisir, ⊠En outre, la pratique de lâart martial ne nĂ©cessite pas dâĂ©quipement coĂ»teux, seulement des vĂȘtements dĂ©contractĂ©s et un peu dâespaceâŠ
Câest dans cette histoire, et dans cet esprit, que sâinscrit lâĂ©cole Thuy Phap fondĂ©e par MaĂźtre Huynh Chieu Duong, dĂ©sireux de sauvegarder la spĂ©cificitĂ© de ce style « doux », rare, prĂ©cieux et menacĂ© dâoubli. Sans pour autant dĂ©laisser tout Ă fait le style « cuong » (dur) de sa famille, originaire de Binh Duong et de Cu ChiâŠ
Le Conseil International du Thuy Phap ouvrit sa premiĂšre Ă©cole en Belgique en 2002. LĂ , le programme Thuy Phap est enseignĂ© dans son ensemble et de maniĂšre traditionnelle. Par ailleurs, MaĂźtre Huynh dispense aussi de nombreuses formations dans dâautres Ă©coles, en France et en Belgique, et au ViĂȘt Nam oĂč il retourne rĂ©guliĂšrement, en particulier dans des Ă©coles de type « feu » qui se montrent intĂ©ressĂ©es par la complĂ©mentaritĂ© des approches. LâĂ©cole Thuy Phap fait partie de la FĂ©dĂ©ration des Arts Martiaux Vietnamiens (oĂč il est Ă lâĂ©tude dâintĂ©grer un Quyen Thuy Phap au tronc commun), et de la FĂ©dĂ©ration Française de Vo Co Truyen ; son enseignement est inscrit au programme de la Licence en Arts Martiaux de lâUniversitĂ© Hong Bang.
LâentraĂźnement
Les Ă©lĂšves ont le choix entre la branche Ă©nergĂ©tique (interne) et la branche externe. En choisissant les deux, les Ă©lĂšves augmentent leur aptitude au combat en Ă©quilibrant les aspects Yin et Yang de leur pratique. Cependant, contrairement Ă lâhabituelle « carriĂšre » du pratiquant en arts martiaux qui passe au doux une fois que le corps est trop usĂ©, abĂźmĂ©, par le dur (et le tempsâŠ), la tradition est ici de commencer par le doux. Le pratiquant assimile ainsi les justes techniques (postures, dĂ©placements, âŠ) qui lui permettront de progresser sans forcer ni contraindre son corps, donc sans sâabĂźmer ni se blesser.
Pour une formation complĂšte (Ă©tant entendu que nous parlons ici de mĂ©morisation et pratique des techniques, non dâune maĂźtrise pleinement aboutie qui, bien entendu, est un idĂ©al Ă trĂšs long termeâŠ), le pratiquant doit, en moyenne, Ă©tudier quatre ans, Ă raison de deux heures par semaine au minimum. Il doit maĂźtriser huit « thao quyĂȘn » (enchaĂźnements Ă mains nues), des exercices de respiration et de khi cong (mieux connu sous le nom « Qigong » dans les pays occidentaux). Au-delĂ de cette « base », il doit aussi explorer les autres techniques traditionnelles de la mĂ©thode de lâeau : combats Ă deux, maniement des armes (Ă©pĂ©e, bĂąton de bambou, Ă©ventail), techniques dâautodĂ©fense, etc.
Techniques et « formes » de base
Dans un premier temps, les débutants apprennent les positions de base et les déplacements.
- Positions
Le systÚme de Thuy Phap comprend 9 positions appelées « Tan » (Tan Binh Trung, Xa Tùn Dinh Tùn, etc.).
- les mains
Les pratiquants du Thuy Phap sont habitués à un large panel de formes de la main : le poing, paume de sabre (doigts collés ensemble), le crochet, la paume du tigre ou du dragon, etc.
- poings et pieds
En Thuy Phap, il y a tous les types de coups de poing, comme dans les autres styles dâarts martiaux asiatiques. Quant aux coups de pied, ils dĂ©passent rarement le niveau du genou, conformĂ©ment au flux de la mer qui noie les nageurs en leur coupant les jambes au niveau du mollet, le tibia, la cheville.
Les quyĂȘn
Ensuite, lâĂ©lĂšve mĂ©morise et pratique les 8 thao quyĂȘn, qui mettent lâaccent sur le renforcement physique, le geste artistique et la vertu mĂ©dicale.
Un quyĂȘn Thuy Phap est, en gĂ©nĂ©ral, assez long et rĂ©pĂ©titif pour permettre Ă lâĂ©quilibre Yin/Yang de sâinstaller dans tout le corps. Cette particularitĂ© permet lâuniformitĂ© symĂ©trique (gauche/droite). Un quyĂȘn Thuy Phap doit ĂȘtre exĂ©cutĂ© lentement et doucement, toujours au mĂȘme rythme et sans arrĂȘt, sursaut brutal ou saut.
Et pourquoi seulement huit quyĂȘn ? La thĂ©orie mĂ©dicale traditionnelle dâAsie repose sur la corrĂ©lation entre les principaux organes du corps humain et les huit trigrammes, dans le concept Yin/Yang. Ainsi, la pratique des arts martiaux observe toujours la corrĂ©lation entre les huit trigrammes qui assurent lâĂ©quilibre du Yin et le Yang, point crucial pour lâamĂ©lioration de la vie.
Une anecdote : le peuple chinois pense que le chiffre huit porte bonheur. Pour les taquiner, les Vietnamiens ont choisi le numĂ©ro neuf pour talisman parce que câest le chiffre le plus Ă©levĂ© aprĂšs le huit, et parce quâils pensent quâun nombre impair lance un mouvement dynamique alors quâun nombre pair Ă©tablit lâĂ©tat statique. En consĂ©quence, on soupçonne quâun neuviĂšme quyĂȘn Thuy Phap existerait et demeure secret. On rĂȘve de dĂ©couvrir un jour le livre cachĂ© qui rĂ©vĂšle le mystĂ©rieux neuviĂšme quyen et le sens de son nom mystique « Vu Dang Thuy Che Quyen » (La chute de la derniĂšre pluie, encore en vol).
Les noms des quyĂȘn sont poĂ©tiques et font toujours rĂ©fĂ©rence Ă lâeau : « Song Ngu Lac Thuy Quyen » signifie « La ronde des deux carpes », ou « Binh Duong Minh Hai Quyen » qui dĂ©crit le lever du soleil sur lâocĂ©an pacifique.
Certains quyĂȘn racontent des histoires comme des piĂšces de thĂ©Ăątre : le « Thuy Tinh Kiem » (lâEsprit de lâeau), par exemple, met en scĂšne le combat lĂ©gendaire entre lâEsprit de la Montagne et lâEsprit de la Mer.
- Lâouverture des sources (Khoi Thuy Khai Ba QuyĂȘn)
Ce quyĂȘn fait travailler les mouvements des bras en cercles intĂ©rieurs et extĂ©rieurs, les deux positions de base Dinh Tan et Trung Binh Tan, et les dĂ©placements linĂ©aires Ă gauche et Ă droite. Sur le plan de la santĂ©, ce quyen vise le dĂ©blayage des mĂ©ridiens, la stimulation aponĂ©vrotique, et la rĂ©partition du Yin et du Yang Ă travers le corps. Sur le plan des techniques de combat, le Khoi Thuy Quyen habitue le pratiquant aux rĂ©flexes de dĂ©fense et Ă la fluiditĂ© des mouvements.
- La ronde des deux carpes (Song Ngu Lac Thuy QuyĂȘn)
AppelĂ© encore Am Duong Quyen (lâenchaĂźnement du Yin et du Yang), il applique les mouvements des bras en sens inverse, et enseigne le pivotement sur soi-mĂȘme Ă lâaide du Xa Tan. En termes de santĂ©, ce quyĂȘn dĂ©place lâĂ©nergie vers le systĂšme nerveux, pousse le corps vers un dĂ©blocage en spirale. En art martial, le pratiquant apprend Ă contrer les coups de pied de lâadversaire, Ă lâattaquer par des coups cachĂ©s et finalement Ă lâencercler.
- L'enchaĂźnement de la mĂ©lopĂ©e des quatre pluies (Tu Vu LiĂȘn Khuc QuyĂȘn)
DĂ©veloppe les mouvements conjoints des bras en forme de 8, et le dĂ©placement en Dinh Tan circulaire, ainsi que les parades appelĂ©es Hat Suong Sa (la tombĂ©e de la rosĂ©e). Ladite technique de Hat Suong Sa, par cette utilisation spĂ©cifique, introduit doucement le processus dâactivation des quatre premiers LuĂąn Xa (« chakras » ou centres dâĂ©nergie vitale), Ă savoir Trung TĂąm Sinh Luc CĂŽ, TTSL Tim, TTSL Mat Troi, TTSL Ha Vi, correspondant Ă peu prĂšs au plexus cervical, au plexus cardiaque, au plexus solaire et au plexus hypogastrique. Le Tu Vu Quyen ramĂšne lâeau (lâĂ©nergie) vers le bassin dans le but de bien refixer le corps sur le sol comme une riviĂšre qui creuse son lit, et en mĂȘme temps fait bouger omoplates et clavicules pour rendre toute la souplesse au haut du corps. Ici, le quyĂȘn aide le pratiquant Ă dĂ©faire un encerclement.
- Le long fleuve nourricier (Truong giang thu gian quyĂȘn)
Un assez long quyĂȘn qui harmonise toutes les techniques de base apprises jusquâici, en ouvrant la voie vers le travail de lâĂ©nergie. Un bon rĂ©veil corporel qui revitalise le mĂ©tabolisme, qui constitue un rĂ©sumĂ© gestuel et qui forme le pratiquant Ă lâexercice de respiration afin de bien se ressourcer et de rester en mouvement le plus longtemps possible sans se fatiguer.
- Remarque :
AprĂšs lâapprentissage du quatriĂšme quyĂȘn, le pratiquant dont lâobjectif est la recherche du bien-ĂȘtre au quotidien pourrait ignorer les quatre derniĂšres Ă©tapes (4 derniers QuyĂȘns) pour sâinitier directement au KHI CONG THUY PHAP (Travail dâĂ©nergie de la MĂ©thode de lâEau).
- Le serpent des marécages
DĂ©veloppe la souplesse. Tel un serpent, s'enrouler autour du cou de son adversaire afin de l'Ă©touffer. Le combat s'arrĂȘte lorsque l'adversaire est inanimĂ©.
- La Petite Fleur Jaune Traverse lâOcĂ©an (Mai hoa qua hai quyen)
Une petite fleur frĂȘle vogue, dandine au rythme des vagues, soutenue par de puissants courants tourbillonnant aux trĂ©fonds de lâocĂ©an. Le corps du pratiquant se divise en trois parties : le haut qui sâarrĂȘte Ă 5 cm en dessous du plexus solaire, le milieu tourne autour du Dan Dien, et le bas Ă partir du bassin. Le haut reprĂ©sente la fleur jaune, et le bas, les courants⊠Les « Thu bĂŽ » sont amples et sâĂ©tirent vers lâinfini tandis que les « TĂąn bĂŽ » doivent ĂȘtre solides et nets. Sur le plan biomĂ©canique, le cinquiĂšme quyĂȘn dĂ©bloque le bassin et affine les muscles des membres infĂ©rieurs ; il dĂ©veloppe aussi la transmission Ă©nergĂ©tique latĂ©rale de la main droite Ă la main gauche via la cage thoracique par de grands Ă©tirements des bras. « Mai Hoa qua hai quyĂȘn » oblige le pratiquant Ă travailler les coups de pied spĂ©cifiques Ă lâĂ©cole Thuy Phap, Ă savoir les « da dap nĂŽi, da dap ngoai » qui ne dĂ©passent pas le niveau des genoux de lâadversaire. Il introduit Ă©galement la stratĂ©gie des mirages (ao anh) qui mĂ©langent faux et vrais coups. La « garde du scorpion » sây applique frĂ©quemment. Le « quyĂȘn lĂŽ » (le trajet dâĂ©volution de lâenchaĂźnement) dessine une fleur au bout dâune tige, lâimage mĂȘme de la fleur jaune couchĂ©e sur le sol.
- Les Neuf Dragons Semeurs dâAlluvions (Cuu Long phu sa quyĂȘn)
Si le quatriĂšme quyĂȘn raconte lâhistoire du MĂ©kong en tant que fleuve, le sixiĂšme quyĂȘn conte la lĂ©gende des neuf dragons mythiques qui se transforment en de multiples mĂ©andres du MĂ©kong alors que ce dernier pĂ©nĂštre le sol vietnamien. Les neuf dragons labourent le delta du Sud, lâinondent de temps en temps mais le fertilisent toujours par un apport constant dâalluvions⊠Lâouverture de la main dite « patte de dragon » (Long chuong) est de mise ainsi que les « xa tĂąn » et « kiĂȘm ma tĂąn ». Le « quyĂȘn lĂŽ » suit une trajectoire en spirale et souligne le caractĂšre « non forme » de lâespace qui symbolise le nĂ©ant bouddhiste. Le « Cuu Long Phu sa quyĂȘn » rĂ©partit lâĂ©nergie vers les organes digestifs.
- Les Mirages du Fleuve Rouge (Hong ha ao anh quyĂȘn)
- Douce Aurore OcĂ©ane (Binh duong minh hai quyĂȘn)
La respiration & le Khi Cong Thuy Phap
Il y a des exercices de respiration Ă la fin de chaque leçon, afin de relĂącher la tension musculaire et de rĂ©duire le stress. Les Ă©tudiants avancĂ©s peuvent pratiquer le Khi Cong Thuy Phap pour ĂȘtre en parfaite santĂ© ; câest un quyĂȘn sans mouvement de combat qui vise Ă dĂ©velopper une coordination de haut niveau des postures corporelles avec diffĂ©rents niveaux de respiration. Ce faisant, il amĂ©liore la souplesse des articulations, la rĂ©silience, le calme mental et les compĂ©tences de combat. Le Khi Cong Thuy Phap est considĂ©rĂ© davantage comme maintien de la santĂ© que comme une intervention thĂ©rapeutique ou un culte mĂ©taphysique.
Le combat
LâĂ©lĂšve est libre de mettre toutes sortes de techniques en pratique : frapper avec les coudes, les genoux, perforer (de diverses maniĂšres), presser, gifler, pousser, bloquer, maintenir, etc. En dĂ©pit de toutes ces techniques violentes, la bonne façon de neutraliser lâadversaire consistera Ă dĂ©tecter la libĂ©ration de sa puissance et de lâutiliser aussi rapidement que possible contre lui. AĂŻkido, Taiji, Thuy Phap sont friands de cette technique.
Dans le cadre du combat, le Thuy Phap implique un large Ă©ventail de coups de poing et coups de pied, hĂ©ritĂ©s des diffĂ©rentes Ă©coles dâarts martiaux, mais les caractĂ©ristiques sont conformes Ă la thĂ©orie de la mĂ©thode de lâeau : le pratiquant se dĂ©place en continu et en douceur, en faisant varier le poids du corps en permanence de gauche Ă droite et vice-versa, Ă©vite les positions statiques, les sauts ou les mouvements rapides et puissants. Il Ă©pouse les mouvements de lâadversaire et exploite chaque changement dâĂ©nergie pour absorber et neutraliser les coups. Il attaque seulement quand il sent que lâadversaire se retire. Par consĂ©quent, ce travail du combat renforce la capacitĂ© du pratiquant Ă lâauto-dĂ©fense ; son but nâest pas de blesser ou de tuer lâadversaire, mais de le soumettre. La morale de lâĂ©cole Thuy Phap est de respecter lâintĂ©gritĂ© de lâĂȘtre humain, de rester en harmonie avec lâenvironnement, et de se tenir Ă lâĂ©cart des bagarres autant que possible.
Les armes
Les élÚves les plus avancés peuvent aussi utiliser des armes: épée, éventail et le bùton de bambou.
Le maniement du bĂąton de bambou est tout Ă fait spĂ©cifique. Le bĂąton doit ĂȘtre long et mince, et il est utilisĂ© comme un fouet.
LâĂ©pĂ©e se pratique avec le fourreau.
Il existe des enchaĂźnements Ă lâĂ©ventail simple ou double.
Jusquâau XXe siĂšcle, les Vietnamiens de la haute sociĂ©tĂ© se devaient dâĂ©tudier la philosophie, la littĂ©rature, la poĂ©sie, la musique, la peinture et les arts martiaux. Cette classe sociale nâaimait pas le Vo Thuat dur, et seul le Thuy Phap, plus doux, Ă©tait adaptĂ© Ă leur Ă©tude du combat. Pour parader, ils sortaient avec une Ă©pĂ©e prĂ©cieuse Ă la main, mais lors des cĂ©rĂ©monies en prĂ©sence de lâempereur ou des mandarins ils nâĂ©taient pas autorisĂ©s Ă porter des armes, et ils sâarmaient donc dâĂ©ventails pour se protĂ©ger. Ils tenaient Ă©galement au maniement du bĂąton, symbole de lâĂȘtre humain juste. Ils ont, par respect pour leur condition, conçu des QuyĂȘns dâarme gracieux, dĂ©monstration dâune connaissance profonde des arts martiaux vietnamien combinĂ©e avec lâattitude zen. La discipline des armes enseignĂ©e aujourdâhui dans lâĂ©cole Thuy Phap est un hĂ©ritage de cette pĂ©riode Ă tendance austĂšre, et est trĂšs diffĂ©rente de la formation aux armes dispensĂ©e dans les autres Ă©coles vietnamiennes, plutĂŽt inspirĂ©e par les habitudes militaires.
La sphĂšre spirituelle
La mĂ©thode de lâeau rĂ©fute toute appartenance Ă une religion, et toute corrĂ©lation avec les approches mĂ©taphysiques.
Ainsi, les motifs Yin / Yang du Thuy Phap se rĂ©fĂšrent plus Ă la mĂ©decine traditionnelle quâĂ ses implications philosophiques (taoĂŻsme). De la mĂȘme maniĂšre, le Thuy Phap refuse tout lien avec des pratiques de la mĂ©ditation impliquant le culte dâune puissance transcendantale, et la pratique du khi cong nâest considĂ©rĂ©e que comme mĂ©thode de gestion du stress.
Dernier exemple, le « Cuu Long Phu Sa quyen » (Les neuf dragons semeurs dâalluvions), en provenance de la communautĂ© bouddhiste, est pratiquĂ© en hommage Ă lâexcellent savoir-faire des moines dans les arts martiaux, et non pas en raison du bouddhisme lui-mĂȘmeâŠ
Notes et références
Notes
Références
- Lien Doan Vo Thuat Co Truyen Viet Nam (vn)
- « Fédération de Vo Co Truyen Viet Nam de France »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?)
Bibliographie
- PhÆ°ÆĄng Táș„n, « Những ngÆ°á»i má» ÄÆ°á»ng ÄÆ°a vĂ” thuáșt ra tháșż giá»i », nhĂ xuáș„t báșŁn VÄn hĂła-VÄn nghá», Há» ChĂ Minh ville - 2012 (en/vie) ("Les pionniers des AMV dans le monde", Collection Art & Culture)
- MaĂźtre Huynh ChiĂȘu-Duong, Van Impe S. et Malvolti C., "Thuy Phap - La MĂ©thode de l'eau", (ISBN 978-2-9601286-0-4) - 2013