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TĂŞte d'Arles

La « TĂŞte d'Arles Â» (anciennement « TĂŞte de Livie Â» ou « TĂŞte au nez cassĂ© Â») est un fragment d'une statue romaine en marbre prĂ©vue en deux parties, dont il ne reste que le buste, reprĂ©sentant probablement VĂ©nus (Aphrodite), dĂ©couvert dans les ruines du théâtre antique d'Arles en 1823 lors du dĂ©senclavement de ce dernier. Elle serait la copie romaine d’un original grec du IVe siècle av. J.-C.[1].

TĂŞte d'Arles
La Tête d'Arles, ornait probablement le Théâtre antique de manière symétrique à la Vénus d'Arles
La Tête d'Arles, ornait probablement le Théâtre antique de manière symétrique à la Vénus d'Arles
Inventaire FAN.92.00.405
Matériau Marbre
Période Fin Ier siècle av. J.-C.
Culture Époque classique, Grèce antique (copie romaine)
Date de découverte 1823
Lieu de découverte Théâtre antique d'Arles
Conservation Musée départemental Arles antique

La tête d'Arles représente un type iconographique appelé plus complètement Aspremont-Lynden/Arles. Elle fait partie de l'exposition permanente du Musée départemental Arles antique sous le numéro d'inventaire FAN.92.00.405.

Fragment d'un ornement théâtral homogène

La sculpture d'origine Ă©tait en deux parties, biaisĂ©e au niveau de la poitrine, la partie supĂ©rieure s'insĂ©rant dans la partie infĂ©rieure selon un procĂ©dĂ© dĂ©jĂ  observĂ©[2]. Le buste qui nous est parvenu, d'une hauteur de 58 cm, Ă©tait vraisemblablement enchâssĂ© dans un corps entièrement drapĂ©, dont l'attitude lĂ©gèrement dĂ©hanchĂ©e permettait au chitĂ´n de glisser de l'Ă©paule gauche pour la dĂ©couvrir[3]. Comme de coutume, la statue devait ĂŞtre colorĂ©e et la chevelure en particulier Ă©tait probablement recouverte d'or[4].

On découvre le buste en 1823, en même temps qu'un bas-relief représentant Apollon et Marsyas, dans une simple tranchée faite dans une rue étroite à l'emplacement du Théâtre antique d'Arles[5]. Compte tenu du lieu de sa découverte, la statue devait faire partie de la décoration du postscaenium ornant la scène du théâtre antique, vraisemblablement dans une des niches situées de part et d'autre de la porte royale (valva regia), à sa gauche, de manière symétrique à la Vénus d'Arles retrouvée également proche de cet endroit, près de deux siècles plus tôt, comme la statue monumentale d'Auguste en Apollon auquel le théâtre était dédié, que les deux Vénus devaient encadrer[6]. Comme la Vénus d'Arles, la tête d'Arles présente en outre une perforation sur le devant du crâne, probablement pour l'adjonction d'une pièce rapportée en métal, une étoile ou un diadème, une singularité qui, en appui de leur identification respective (infra), confirmerait que les deux statues ont bien été conçues dès l'origine comme des parèdres[7].

Maquette du théâtre antique d'Arles donnant une idée du postscaenium dont la statue supportant la tête d'Arles devait occuper l'une des niches (Musée de l'Arles antique).

Les deux statues[8], ainsi que celle d'Auguste, font partie des collections permanentes du MusĂ©e de l'Arles antique depuis sa crĂ©ation en 1995. AntĂ©rieurement, elles Ă©taient exposĂ©es au MusĂ©e lapidaire d'Arles[9]. La tĂŞte d'Arles, connue alors comme la « TĂŞte sans nez Â» fut prĂ©sentĂ©e Ă  l'exposition des Beaux-Arts de Marseille en 1861[10].

Datation et classification

En dehors de la qualitĂ© plastique « exceptionnelle Â» que l'on peut reconnaĂ®tre Ă  ce buste[11], l'Ă©tude de la tĂŞte (photo), marquĂ©e par une coiffure de tresses en bandeaux rĂ©unies en chignon bas, particulièrement stricte, des traits rĂ©guliers, un bas de visage lourd et une partie orbitale fortement ombrĂ©e, laisse apparaĂ®tre des similitudes avec les statues grecques de la fin du Ve ou du dĂ©but du IVe siècle av. J.-C., vraisemblablement prĂ©-praxitĂ©lienne selon CĂ©cile Carrier[12], rejoignant en cela Salomon Reinach[13], bien que certains auteurs comme Antonio Corso associent ce buste Ă  la PhrynĂ© de la triade de Thespies sculptĂ©e par Praxitèle[14].

Profil droit de la TĂŞte d'Arles.

En outre, les auteurs restent également partagés sur la datation exacte de cette interprétation romaine, soit l'époque antonine plus récente, soit plutôt l'époque augustéenne (Ier siècle av. J.-C.) comme le suggère Cécile Carrier[12].

La tĂŞte d'Arles, anciennement identifiĂ©e comme la reprĂ©sentation de l'impĂ©ratrice Livie, l'Ă©pouse d'Auguste ultĂ©rieurement divinisĂ©e (dite « tĂŞte de Livie Â» Ă  l'Ă©poque[15] bien que dĂ©nommĂ©e diversement[16]), incarne un type iconographique qui, selon CĂ©cile Carrier, s'apparenterait plutĂ´t Ă  une VĂ©nus Genitrix (gĂ©nitrice), la dĂ©esse victorieuse invoquĂ©e par CĂ©sar[12].

L'emploi du type Vénus Genitrix, créé par Arkésilaos pour le temple du forum de César à Rome, pourrait dès lors s'interpréter comme un geste de piété filiale d'Auguste envers Jules César, son père adoptif, mais aurait aussi une symbolique plus locale, en hommage à la fondation de la colonie d'Arles par César, souligné par Auguste quand il a renommé celle-ci Colonia Julia Paterna[17] - [18]. Comme les deux autres statues qui ornaient le postscaenium du théâtre antique, celle d'Auguste divinisé en Apollon et la Vénus d'Arles qui pourrait représenter Vénus Victrix, la tête d'Arles-Vénus Genitrix suivrait ainsi les types statuaires établis depuis la fin de l'époque républicaine, particulièrement diffusés à l'époque augustéenne, dans le respect de l'iconographie officielle[18].

Avec la tête d'Arles qui en est la meilleure illustration, le type Aspremont-Lynden/Arles comprend un ensemble de répliques statuaires dont on ne conserve que les têtes[19] à Vienne (Tête Aspremont-Lynden)[20], Athènes (Tête de la Tour des Vents)[21], Boston (Tête de Chios)[22] et Civitavecchia (Tête féminine)[23]. D'autres rapprochements sont possibles[24].

Notes et références

  1. Cf Notice du Musée de l'Arles antique (pdf)
  2. Ce procédé, ainsi que le traitement de l'épaule gauche d'où glisse le tissu, rapproche l'Aphrodite arlésienne d'une sculpture acéphale dite "Aphrodite à la tortue", conservée à Berlin où le buste était séparé du corps de la même façon, selon « Patrimoine de la ville d'Arles : Buste d'Aphrodite »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?). Voir également la légende sous le buste au Musée de l'Arles antique : Illustration sur Wikimédia Commons
  3. Selon CĂ©cile Carrier qui fait cette hypothèse, dont elle livre une interprĂ©tation illustrĂ©e, en se basant sur les modèles de la statuaire grecque, dĂ©veloppĂ©es Ă  partir du milieu du Ve siècle av. J.-C., en rĂ©fĂ©rence aux reprĂ©sentations d'Aphrodite et d'ArthĂ©mis sur le fronton du ParthĂ©non in « Sculptures augustĂ©ennes du théâtre d'Arles Â», Revue archĂ©ologique de Narbonnaise, 2005, volume 38, No 38-39, p. 375
  4. Louis Jacquemin relève que, comme celle de la Vénus d'Arles, elle garde des traces d'un apprêt rouge qui servait à l'époque de mordant à l'or pour le marbre (« Monographie du théâtre antique d'Arles », Typographie Dumas et Dayre, Arles, tome II, Chapitre VI, 1863, p. 371)
  5. Frères Champollion, Bulettin des sciences historiques, antiquité, philologie, Journal des débats, 5 mars 1826, t. 5, Paris, Imprimerie de Fain, 1826, p. 301
  6. Jules FormigĂ©, « Note sur la VĂ©nus d'Arles Â», dans Comptes-rendus de l'AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres no 39 (1911), p. 663. En ce sens Ă©galement, CĂ©cile Carrier, op. cit., p. 377
  7. Voir CĂ©cile Carrier, op. cit., p. 377
  8. La Vénus d'Arles est une copie en plâtre de la statue originale dans son état initial, sans bras. L'œuvre d'origine en marbre est au Louvre, avec les bras que lui a notamment rajouté Girardon
  9. Elle Ă©tait exposĂ©e avec la copie de la VĂ©nus d'Arles, dans la nef de l'ancienne Ă©glise, de part et d'autre du tombeau d'Yppolyte. Cf. AN.-E Agard, « Le MusĂ©e Lapidaire d'Arles Â», Imprimerie gĂ©nĂ©rale du Sud-Ouest - J. Castanet, janvier 1924, p. 16 « Lire en ligne »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
  10. Louis Jacquemin, op. cit., p. 382. Voir aussi : Marius Chaumelin, Les TrĂ©sors d’art de la Provence exposĂ©s Ă  Marseille en 1861 (Paris, 1862) et Concours rĂ©gional, 1861. Exposition des beaux-arts. Marseille. Livret des tableaux, dessins, gravures, sculptures et curiositĂ©s, Éditeur Galerie de l'Exposition, 1861. Traitant de cette exposition, FrĂ©dĂ©ric Mistral Ă©voque la « tĂŞte sans nez Â» dans la revue Armana prouvençau de 1862, p. 40-50
  11. Selon : « Patrimoine de la ville d'Arles : buste d'Aphrodite »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?). Pour sa part, Louis Jacquemin qui fait l'Ă©loge au XIXe siècle de ce buste, juge qu'il est un « prodige de science sculpturale (qui fait) l'admiration des connaisseurs Â» et le qualifie de « chef-d'Ĺ“uvre de l'art grecque Â» dont les dĂ©tails sont « parfaits Â», op. cit., p. 382. On retrouve pareille sentence dans le Bulletin des sciences historiques, antiquitĂ©, philosophie des frères Champollion : « Elle est comparable Ă  tout ce que le ciseau grec a produit de plus beau et de plus fini, et Ă  la fois de plus vigoureux Â» (op. cit., p. 301)
  12. Voir Cecile Carrier, op. cit., p. 375
  13. Salomon Reinach, « Recueil de têtes antiques idéales ou idéalisées » Gazette des Beaux-Arts, 1903, pl. 136 et p. 105
  14. (en) Antonio Corso, « The art of Praxiteles. The development of Praxiteles'workshop and its cultural tradition until the sculptor's acme Â», (364-1 BC), Rome, L'Erma de Bretchneider, 2004, p. 257-280 - Voir aussi implicitement : Emmanuel DaydĂ©, « Exposition. Praxitèle aphrodisiaque Â» in Artabsolument, n0° 21, Ă©tĂ© 2007, p. 45 Lire en ligne
  15. Selon Jean-Julien Estrangin, « Ă‰tudes archĂ©ologiques, historiques et statistiques sur Arles Â», Aubin Ă©diteur, 1838, p. 116-118. Voir Ă©galement : Louis Jacquemin, op. cit., p. 299 ; Jules FormigĂ©, op. cit., p. 663. Ă€ noter qu'en 1826, les frères Champollion (op. cit, p. 301) et en 1828 AndrĂ© FĂ©russac (Bulletin des sciences historiques, antiquitĂ©s, philologie, Paris, p. 446) pensaient qu'il s'agissait d'une Diane
  16. « TĂŞte sans nez Â» (supra) ou « TĂŞte au nez cassĂ© Â» (Par exemple : Arles par L.-G. PĂ©lissier ; Vicissitudes d’un théâtre antique par Claude Sintès, p. 3-4 ; « Jean-Marie Rouquette, Les tumultueuse amours du patrimoine in Bulletin des Amis du Vieil Arles, No 105, dĂ©cembre 1999, p. 14) »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
  17. Le décor sculpté des monuments de spectacles de la ville d'Arles sur patrimoine.ville-arles.fr
  18. Voir CĂ©cile Carrier, op. cit., p. 376
  19. Cécile Carrier énumère les quatre exemples qui suivent, op. cit, p. 376
  20. Étude par Francis Croissant, Une Aphrodite méconnue du début du IVe siècle, in Bulletin de correspondance hellénique, 1971, Vol. 95, No 95-1, p. 65-107
  21. Études par H. Lauter, « Der praxitelische Kopf Athen Â», Nationalmuseum 1762, Antike Plastik, 19, 1988, p. 21-29 ; C. Picard, « Manuel d'archĂ©ologue grecque Â». La sculpture. Tome 3 : PĂ©riode classique, IV° s., Paris, 1948-1966, 4 vol., p. 486-488 ; B. S. Ridgway, « The Aphrodite of Arles Â», in American Journal of Archæology, vol. 80, no 2, 1976, p. 153-154 - Illustration sur Wikimedia Commons
  22. Étude par H. Lauter, op. cit, p. 24
  23. Étude par H. Lauter, op. cit., p. 21, 23-29
  24. Par exemple avec la tête Kaufmann (Le Louvre) voire, avec la tête Leconfield (Petworth House), notamment si l'on retient la thèse praxitélienne et, ce faisant, avec la tête au nez cassé, type Aphrodite de Cnide, également conservée au Louvre (Illustration sur wikimédia Commons) et la Tête Martres-Tolosane (Toulouse) (Illustration sur le site du Musée Saint-Raymond)

Bibliographie

  • Fernand Benoit, « Le musĂ©e lapidaire d'Arles Â», Henri Laurens Ă©diteur, 1936
  • CĂ©cile Carrier
    • « Programmes iconographiques dans les monuments publics de Gaule narbonnaise (Ier siècle av. J. C. - IIe siècle après J. C.) Â», Thèse doctorat, UniversitĂ© de Provence, Aix-Marseille 1, 2000 (sous dir. Pierre Gros)
    • « Sculptures augustĂ©ennes du théâtre d'Arles Â» in Revue archĂ©ologique de Narbonnaise, 2005, volume 38, no 38-39, p. 374-377 [lire en ligne].
  • MM. Champollion, Bulettin des sciences historiques, antiquitĂ©, philologie, Journal des dĂ©bats, 5 mars 1826, T. 5, Paris, Imprimerie de Fain, 1826, p. 301
  • (en) Antonio Corso, « The triad of Thespiae Â» in « The art of Praxiteles. The development of Praxiteles'workshop and its cultural tradition until the sculptor's acme Â», (364-1 BC), Rome, L'Erma de Bretchneider, 2004, p. 257-280.
  • Francis Croissant, « Une Aphrodite mĂ©connue du dĂ©but du IVe siècle Â», in Bulletin de correspondance hellĂ©nique, 1971, Vol. 95, no 95-1, p. 65-107 [PersĂ©e.fr lire en ligne]
  • Marius Chaumelin, « Les TrĂ©sors d’art de la Provence exposĂ©s Ă  Marseille en 1861 Â», Paris, 1862
  • Jean-Julien Estrangin, « Études archĂ©ologiques, historiques et statistiques sur Arles », Aubin Ă©diteur, 1838, notamment p. 116-118 [lire en ligne]
  • Jules FormigĂ©, « Note sur la VĂ©nus d'Arles », dans Comptes-rendus de l'AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres no 39 (1911), notamment p. 663. [PersĂ©e.fr lire en ligne]
  • Louis Jacquemin, « Monographie du théâtre antique d'Arles Â», Typographie Dumas et Dayre, Arles, tome II, Chapitre VI, 1863, p. 299, 371 et 382 [lire en ligne]
  • (de) Hugh Lauter, « Der praxitelische Kopf Athen Â», Nationalmuseum 1762, Antike Plastik, 19, 1988, p. 21-29
  • Charles Picard, « Manuel d'archĂ©ologue grecque Â». La sculpture. Tome 3 : PĂ©riode classique, IVe siècle, Paris, 1948-1966, 4 vol., p. 486-488
  • Salomon Reinach, « Recueil de tĂŞtes antiques idĂ©ales ou idĂ©alisĂ©es » Gazette des Beaux-Arts, 1903, pl. 136 et p. 105
  • (en) Brunilde Sismondo Ridgway, « The Aphrodite of Arles Â», in American Journal of Archæology, vol. 80, no 2, 1976, p. 153-154

Voir aussi

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