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Stades isotopiques de l'oxygĂšne

Les stades isotopiques de l'oxygĂšne (SIO, ou pour l'anglais « OIS Â» oxygen isotope stages, plus souvent dĂ©signĂ©s par « MIS Â» : Marine isotope stages), selon la chronologie isotopique, sont des Ă©pisodes climatiques dĂ©finis Ă  partir du rapport entre les isotopes de l'oxygĂšne de masses atomiques 16 et 18 au sein de prĂ©lĂšvements dans les sĂ©diments marins ou dans les calottes glaciaires. Ce rapport est liĂ© Ă  la tempĂ©rature locale ainsi qu'au volume global de glace sur les continents. Au cours du Quaternaire, les variations cycliques de ce rapport traduisent des changements climatiques liĂ©s au forçage orbital du climat (voir thĂ©orie astronomique des palĂ©oclimats).

Isotopes de l'oxygĂšne

L'atome d'oxygĂšne (O) a trois isotopes stables : 16O, 17O et 18O oĂč 16, 17 et 18 reprĂ©sentent les nombres de masse. L'isotope le plus abondant est 16O (99,8 % environ), avec un faible pourcentage de 18O (environ 1 atome sur 500) et un pourcentage encore plus faible de 17O. L'utilisation la plus commune des isotopes de l'oxygĂšne est basĂ©e sur le rapport entre les quantitĂ©s de 18O et de 16O de la glace issue de carottages glaciaires ou de carbonates issus de forages sĂ©dimentaires.

La composition isotopique d'un échantillon ('ech') est mesurée relativement à un standard ('std') de composition connue. On exprime classiquement cette composition comme une déviation relative à ce standard, par la notation géochimique delta :

dans laquelle les rapports isotopiques sont en nombres d'atomes (abondance isotopique).

Comme ce delta est petit (en gĂ©nĂ©ral ±0,01 Ă  ±0,001), on l'exprime en pour mille (plutĂŽt qu'en pour cent). Par exemple une valeur ÎŽ18O = −0,01 est notĂ©e −10 ‰.

Fractionnement isotopique entre calcaire et eau

Le calcaire rĂ©sulte de l’accumulation de calcite provenant des coquilles de microorganismes marins ou lacustres. La calcite, ou carbonate de calcium (CaCO3) se forme Ă  partir des ions carbonates dissous dans l'eau (HCO3− et CO32−). Comme ces ions sont en Ă©quilibre avec la forme hydratĂ©e (CO2 + H2O), un Ă©quilibre isotopique est rapidement atteint entre l'oxygĂšne de l'eau et celles des carbonates dissous. Compte tenu du trĂšs grand rapport (~104) entre le nombre de molĂ©cules d'eau et de carbonates, c'est l'eau qui impose aux carbonates dissous sa composition isotopique. Équilibre isotopique ne veut pas dire que les compositions isotopiques sont identiques : un fractionnement isotopique entre les oxygĂšnes de l'eau et des carbonates entraĂźne une diffĂ©rence de composition isotopique de ces molĂ©cules. Ce fractionnement est de l'ordre de 3 %[1], et dĂ©pend de la tempĂ©rature. Pour une composition isotopique donnĂ©e de l'eau, celle des carbonates dĂ©pend donc de la tempĂ©rature : ce principe est Ă  la base du thermomĂštre isotopique.

Fractionnement isotopique entre vapeur et eau liquide

L’isotope 18O comporte deux neutrons de plus que 16O, de sorte que la molĂ©cule d’eau qui le contient est plus lourde d’autant. Son Ă©vaporation nĂ©cessite donc plus d’énergie qu’une molĂ©cule contenant du 16O et Ă  l’inverse sa condensation implique moins de perte d’énergie. Le rapport 18O/16O de la vapeur est ainsi environ 1 % plus faible[2] que celui de l'eau en Ă©quilibre (Ă©vaporation ou prĂ©cipitation).

En période de refroidissement important du climat, de l'eau est stockée sur les continents dans des glaciers (calottes polaires). Ce stockage se fait à partir de vapeur qui a un rapport 18O/16O plus faible que celui des océans : ceci augmente donc le rapport 18O/16O des océans, et donc le rapport des carbonates marins.

Le lien entre température locale et rapport 18O/16O des précipitations (notamment de la neige, archivée dans les glaciers) est un peu plus compliqué. Pour des nuages qui transportent de la vapeur de l'océan aux glaciers, chaque condensation et précipitation d'une partie des nuages diminuent le rapport 18O/16O de la vapeur qui reste. La neige qui grossit les glaciers a donc un rapport 18O/16O plus faible (de 1 à 3 %) que celui de la vapeur initiale. Lorsque le climat refroidit, la quantité de neige qui atteint les glaciers est plus faible et son rapport 18O/16O diminue. Il a été montré empiriquement que la relation entre Ύ18O de la neige et température locale est à peu prÚs linéaire[3] : il s'agit d'un autre thermomÚtre isotopique (cette fois pour la neige et la glace).

Relation entre isotopes et climat

Les rapports 18O/16O de la glace et des carbonates marins ont ainsi le potentiel d'enregistrer la tempĂ©rature locale et le volume global de glace dans le passĂ©. De nombreuses mesures rĂ©alisĂ©es Ă  partir des annĂ©es cinquante[4] ont montrĂ© la concomitance des variations de 18O/16O dans les diffĂ©rentes archives, et donc leur signification climatique[5]. Les stades isotopiques sont basĂ©s sur ces variations retrouvĂ©es dans toutes les rĂ©gions de la Terre. Ils correspondent Ă  des alternances glaciaires-interglaciaires, connues par ailleurs dans d'autres archives (terrasses glaciaires; assemblages polliniques dans des carottes sĂ©dimentaires; composition isotopique de spĂ©lĂ©othĂšmes; etc). Des travaux postĂ©rieurs ont permis de sĂ©parer ces deux composantes tempĂ©rature-volume de glace[6]. L'identification de diffĂ©rents stades isotopiques globaux a permis d’identifier les diffĂ©rentes phases glaciaires et d’établir une chronologie isotopique.

Dans le cas d'un refroidissement global du climat (variations symétriques dans le cas d'un réchauffement) :

  • le rapport 18O/16O de la neige diminue, en relation avec le refroidissement local ;
  • le rapport 18O/16O des carbonates augmente Ă  cause (1) d'un fractionnement entre l'eau et les carbonates augmentĂ© par le refroidissement, et (2) l'augmentation du rapport 18O/16O de l'eau de mer due au stockage de glace sur les continents.

Ces alternances glaciaires-interglaciaires ont connu une trĂšs forte amplitude au cours du Quaternaire ou PlĂ©istocĂšne, mais des alternances entre des conditions relativement plus chaudes et plus froides sont bien connues sur les derniers millions d'annĂ©es et mĂȘme au-delĂ .

La datation prĂ©cise des variations isotopiques quaternaires[7] a dĂ©montrĂ© leur pilotage par les variations de l'orbite de la Terre. Ces variations orbitales ont toujours existĂ©, mais leur impact climatique a Ă©tĂ© plus ou moins important, notamment selon l'existence de calottes de glace (rĂ©troaction de l’albĂ©do).

Numérotation et chronologie isotopique

La compilation de mesures isotopiques, notamment rĂ©alisĂ©e par le groupe SPECMAP pour l'ocĂ©an[8], a permis de dĂ©finir une alternance de stades froids et tempĂ©rĂ©s au cours du Quaternaire. À partir des mesures isotopiques ocĂ©aniques ont Ă©tĂ© dĂ©finis les stades isotopiques marins (en anglais Marine Isotopic Stage - MIS), numĂ©rotĂ©s Ă  partir du stade tempĂ©rĂ© actuel ou stade 1 (l'HolocĂšne), en remontant dans le temps. Les stades froids portent des numĂ©ros pairs (2, 4, 6, etc) et les stades tempĂ©rĂ©s portent des numĂ©ros impairs (1, 3, 5, 7, etc). À cause de la mauvaise datation initiale de ces stades, ils correspondent non seulement Ă  des phases glaciaires et interglaciaires mais aussi Ă  des Ă©pisodes intermĂ©diaires, appelĂ©s interstades. Par exemple la derniĂšre pĂ©riode glaciaire (le WĂŒrm en Europe) correspond approximativement aux stades isotopiques 2, 3, 4, avec son maximum au stade 2, tandis que le stade 5 correspond Ă  l'avant-derniĂšre pĂ©riode interglaciaire (Éémien en Europe). Lorsque des stades importants ont Ă©tĂ© mis en Ă©vidence par rapport aux premiĂšres dĂ©finitions, des subdivisions ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es, avec la mĂȘme logique sur la numĂ©rotation (par exemple 5.1 est un stade chaud, et 5.2 un stade plus frais, de la pĂ©riode tempĂ©rĂ©e 5). Une chronologie isotopique marine continue existe actuellement pour les derniers 5 millions d'annĂ©es[9].

Notes et références

  1. Kim, S.-T. & O'Neil, J.R. (1997). Equilibrium and nonequilibrium oxygen isotope effects in synthetic carbonates, Geochimica et Cosmochimica Acta 61, p. 3461-3475
  2. Majoube, M. (1971). Fractionnement en oxygÚne 18 et en deutérium entre l'eau et sa vapeur. Journ. Chim. Phys. 68, p. 1423-1436
  3. Dansgaard, W., S.J. Johnsen, H.B. Clausen, and N. Gundestrup (1973). Stable isotope glaciology, 53 pp., C. A. Reitzels Forlag, KĂžbenhavn
  4. Emiliani, C., 1955. Pleistocene temperature. J. Geology, 63, 538-578
  5. Emiliani, C. (1966), Paleotemperature Analysis of Caribbean Cores P6304-8 and P6304-9 and a Generalized Temperature Curve for past 425000 Years, Journal of Geology, 74 (2), 109-.
  6. Shackleton, N.J. (1967), Oxygen Isotopic Analyses and Pleistocene Temperatures Re-assessed, Nature, 215, 15-17.
  7. Hays, J.D., J. Imbrie, and N.J. Shackleton (1976), Variations in the Earth's Orbit: Pacemaker of the Ice Ages, Science, 194 (4270), 1121-1132.
  8. Imbrie, J., J.D. Hays, D.G. Martinson, A. McIntyre, A.C. Mix, J.J. Morley, N.G. Pisias, W.L. Prell, and N.J. Shackleton (1984), The orbital theory of Pleistocene climate: Support from a revised chronology of the marine ÎŽ18O record, in Milankovitch and Climate, edited by A.L. Berger et al., p. 269-305, D. Reidel.
  9. Lisiecki, L.E., and M.E. Raymo (2005), A Pliocene-Pleistocene stack of 57 globally distributed benthic ÎŽ18O records, Paleoceanography, 20, PA1003.

Voir aussi

Bibliographie

  • Encyclopedia Britannica under Climate and Weather, Pleistocene Climatic Change

Liens externes

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