Stèle du prêtre
La stèle du prêtre appelée aussi stèle du prêtre à l'enfant est une stèle retrouvée sur le site archéologique de Carthage, plus précisément dans le tophet, en 1921. Découverte lors de fouilles illégales, elle est le déclencheur de fouilles méthodiques au tophet de la cité punique qui se sont poursuivies pendant un demi-siècle de façon discontinue. Elle est actuellement conservée au musée national du Bardo[1]. Par une interprétation de la rare figuration humaine, un prêtre avec un enfant dans ses bras, elle a constitué une pièce à charge dans le débat qui a agité les spécialistes à propos de la question des sacrifices humains à l'époque punique et qui n'est pas encore tranchée.
Stèle du prêtre | |
Détail de la stèle avec la scène figurée. | |
Type | Stèle |
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Matériau | Calcaire |
Période | Entre le IVe siècle av. J.-C. et le IIe siècle av. J.-C. |
Culture | Civilisation carthaginoise |
Date de découverte | 1921 |
Lieu de découverte | Carthage |
Conservation | Musée national du Bardo |
Fiche descriptive | Inv. cb. 229 |
Histoire
La stèle est un monument funéraire qui surmontait une urne contenant les restes brûlés d'un défunt et accompagnés parfois de bijoux[F 1]. Nous n'avons aucune information sur l'urne qui accompagnait la stèle ni sur l'éventuel mobilier qui y était déposé.
La stèle est datée du IVe siècle av. J.-C. par Aïcha Ben Abed[H 1] et du IIIe siècle av. J.-C.-IIe siècle av. J.-C. par Abdelmajid Ennabli[A 1]. Mohamed Yacoub propose la date de la fin du IVe ou du début du IIIe siècle av. J.-C.[B 1].
Dès le milieu du XIXe siècle, des stèles sont découvertes en différents endroits du site de Carthage[F 2]. En 1921 est mise au jour la stèle dans le cadre de fouilles archéologiques clandestines, très fréquentes à l'époque[E 1], menées par un Tunisien[F 2]. Elle est proposée par un pourvoyeur à des amateurs éclairés d'antiquités en . Paul Gielly et François Icard, fonctionnaires en poste en Tunisie (le premier comme fonctionnaire municipal à Carthage et le second comme inspecteur de police) et amateurs décident de mettre fin à la clandestinité, prennent connaissance du lieu précis de la découverte de l'item à proximité du port de commerce fin [F 2]. Ils ouvrent ainsi à la recherche le tophet de Carthage, et achètent une partie du terrain[J 1]. Ils y pratiquent des fouilles jusqu'à l'automne 1922. La stèle du prêtre rejoint les collections du musée national du Bardo[F 2].
Description
La stèle en calcaire gris-bleu[J 1], en forme d'obélisque et de plus d'un mètre de haut[E 2] (1,20 m selon Hédi Slim et Nicolas Fauqué[D 1] et 1,18 m sur 0,18 m selon Slim et alii[I 1]) figure un adulte imberbe[I 1] de profil, portant un chapeau typique des kohanim (prêtres puniques), une tunique punique retenue par une ceinture et tenant dans ses bras un jeune enfant « emmaillotté »[J 1]. La main droite de l'adulte est levée en signe de prière[D 1] ou de bénédiction.
La partie supérieure présente un croissant de lune, un disque solaire, deux symboles évoquant les divinités principales du panthéon punique, Ba'al Hammon et Tanit, des rosaces et deux dauphins qui représentent l'Océan céleste[D 1].
Interprétation
La stèle du prêtre est « la plus émouvante [des] représentations » figurées sur les stèles retrouvées au tophet de Carthage[C 1] et l'une des découvertes les plus remarquables effectuées sur le site tant du fait de l'œuvre stricto sensu que de l'interprétation apportée par les spécialistes[I 1].
L'intérêt de cette pièce réside dans le fait qu'elle constitue l'unique document figuré relatif au rituel du molk et alimente la polémique sur les sacrifices des enfants par les Carthaginois, donnant une consistance archéologique aux assertions de certains auteurs antiques et des données bibliques sur la question des sacrifices humains. Les premiers fouilleurs du tophet considèrent la stèle comme « un véritable manifeste de la vocation du tophet »[G 1] ou même une « enseigne parlante d'une aire sacrificielle »[F 2]. Charles Saumagne s'insurge contre l'interprétation qui est faite de la découverte[D 2]. Le premier lien entre le tophet et les textes évoquant les sacrifices humains est fait en 1919 par Joseph Whitaker lors des fouilles de Motyé[G 2] et n'est donc pas lié à la découverte de la stèle.
Les historiens sont partagés entre d'une part les partisans de l'existence des sacrifices de jeunes enfants à Carthage, dans l'enceinte du tophet (dont Ennabli[A 1]), et d'autres qui considèrent le lieu comme le lieu d'inhumation des enfants[D 3] Le débat n'est pas encore tranché par l'analyse des restes humains présents dans les urnes et il est probable qu'il ne puisse pas l'être.
Notes et références
- Numéro d'inventaire au musée du Bardo : cb. 229.
- Carthage retrouvée
- Ennabli, Fradier et Pérez 1995, p. 68.
- Le Musée du Bardo : les départements antiques
- Yacoub 1993, p. 18-19.
- Carthage le site archéologique
- Ennabli et Slim 1993, p. 36.
- La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin
- Slim et Fauqué 2001, p. 67.
- Slim et Fauqué 2001, p. 65-66.
- Slim et Fauqué 2001, p. 66.
- La légende de Carthage
- Beschaouch 2001, p. 76.
- Beschaouch 2001, p. 77.
- Carthage
- Lancel 1992, p. 250.
- Lancel 1992, p. 249.
- Carthage et le monde punique
- Dridi 2006, p. 190.
- Dridi 2006, p. 189.
- Le musée du Bardo
- Ben Abed-Ben Khedher 1992, p. 13.
- Histoire générale de la Tunisie, vol. I : « L'Antiquité »
- Slim et al. 2003, p. 98.
- Questions sur le tophet de Carthage
- Lancel 1995, p. 41.
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Aïcha Ben Abed-Ben Khedher, Le musée du Bardo, Tunis, Cérès, , 76 p. (ISBN 9973-700-83-X). .
- Azedine Beschaouch, La légende de Carthage, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Archéologie » (no 172), , 176 p. (ISBN 2-07-053212-7). .
- Hélène Bénichou-Safar, Les tombes puniques de Carthage : topographie, structures, inscriptions et rites funéraires, Paris, Éditions du CNRS, coll. « Études d'Antiquités africaines » (no 3), , 437 p. (ISBN 2-222-02914-7, lire en ligne).
- Hélène Bénichou-Safar, « Les fouilles du tophet de Salammbô à Carthage (première partie) », Antiquités africaines, no 31, , p. 81-199 (ISSN 0066-4871, lire en ligne, consulté le ).
- Hélène Bénichou-Safar, « Iconologie générale et iconographie carthaginoise », Antiquités africaines, no 43, , p. 5-46 (ISSN 0066-4871, lire en ligne, consulté le ).
- Hédi Dridi, Carthage et le monde punique, Paris, Les Belles Lettres, , 287 p. (ISBN 2-251-41033-3). .
- Abdelmajid Ennabli, Georges Fradier et Jacques Pérez, Carthage retrouvée, Tunis, Cérès, , 151 p. (ISBN 9973-19-055-6). .
- Abdelmajid Ennabli et Hédi Slim, Carthage : le site archéologique, Tunis, Cérès, . .
- M'hamed Hassine Fantar, Carthage : approche d'une civilisation, Tunis, Alif, , 127 p. (ISBN 9973-22-019-6).
- M'hamed Hassine Fantar, Carthage : la cité punique, Tunis, Cérès, , 127 p. (ISBN 978-9973-22-019-6 et 9973-22-019-6).
- Serge Lancel, Carthage, Paris, Fayard, , 525 p. (ISBN 2-213-02838-9). .
- Serge Lancel, « Questions sur le tophet de Carthage », Dossiers d'archéologie, no 200 « La Tunisie, carrefour du monde antique », , p. 40-47 (ISSN 1141-7137). .
- Colette Picard, Carthage, Paris, Les Belles Lettres, , 100 p.
- Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, vol. I : L'Antiquité, Paris, Maisonneuve et Larose, , 460 p. (ISBN 2-7068-1695-3). .
- Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin, Paris, Mengès, , 259 p. (ISBN 2-85620-421-X). .
- Maurice Sznycer, « Carthage et la civilisation punique », dans Claude Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen, vol. 2 : Genèse d'un empire, Paris, Presses universitaires de France, (ISBN 978-2130-51-964-5), p. 545-593.
- Mohamed Yacoub, Le musée du Bardo : départements antiques, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 294 p. (ISBN 978-9973-91-712-6). .