Sphincter urinaire artificiel
Un sphincter urinaire artificiel (SUA) est un dispositif médical implantable pour traiter l'incontinence urinaire d'effort modérée à sévÚre, le plus souvent chez les hommes. Le SUA est conçu pour suppléer la fonction du sphincter urinaire naturel qui retient l'urine dans la vessie.
Organe | UrĂštre |
---|---|
Indications | Incontinence urinaire |
PremiÚre mondiale | années 1970 |
CIM-10 PCS | 0THC0LZ |
Description
Il existe deux types de sphincters urinaires artificiels:
- Le sphincter urinaire artificiel avec ballon-réservoir constitué de trois composants: Une manchette, une pompe et un ballon-réservoir. La manchette est placée autour de l'urÚtre; la pompe est placée dans le scrotum et le ballon-réservoir est implanté dans l'espace rétro-pubien, entre la vessie et la veine iliaque. Le dispositif est rempli de solution saline stérile. La pression dans le circuit hydraulique est générée par la paroi élastique du ballon-réservoir et par la pression rétro-pubienne comprimant le ballon-réservoir[1] - [2].
- Le sphincter urinaire artificiel Ă ressort est constituĂ© de deux composants: une manchette et une pompe[3] - [4]. La manchette est placĂ©e autour de l'urĂštre et la pompe est placĂ©e dans le scrotum. Le dispositif est rempli de solution saline stĂ©rile. La pression dans le circuit hydraulique est gĂ©nĂ©rĂ©e par un ressort situĂ© dans la pompe. La pression dans l'espace rĂ©tro-pubien n'a aucune influence sur ce type de sphincter dans la mesure oĂč il nây a aucun Ă©lĂ©ment Ă ce niveau.
Les Ă©lĂ©ments communs des sphincters actuellement disponibles sont la manchette gonflable remplie de solution saline stĂ©rile obstruant l'urĂštre et la pompe situĂ©e dans le scrotum permettant dâactionner lâouverture et la fermeture de la manchette. Pour le sphincter Ă trois composant, la pression de fermeture de la manchette nâest pas modifiable. Pour le sphincter Ă deux composants la pression de fermeture de la manchette est modifiable, si besoin, au niveau de la pompe intra-scrotale.
Histoire
FrĂ©dĂ©ric Foley a Ă©tĂ© le premier Ă dĂ©crire un sphincter urinaire artificiel pour traiter l'incontinence urinaire. Lâarticle a Ă©tĂ© publiĂ© en 1947[5]. En 1972, F. Brantley Scott et ses collĂšgues du Baylor College of Medicine ont conçu le premier prĂ©curseur du sphincter urinaire artificiel contemporain[6] - [7]. Le premier modĂšle de SUA mis sur le marchĂ© a Ă©tĂ© l'AMS 800 (Boston Scientific, Marlborough, MA), dĂ©veloppĂ© il y a 50 ans[8] - [9]. Il s'agit d'un dispositif Ă 3 composants avec une manchette placĂ©e autour de l'urĂštre, une pompe insĂ©rĂ©e dans le scrotum et un ballon-rĂ©servoir Ă paroi Ă©lastique, gĂ©nĂ©rateur de pression, placĂ© dans le bassin. Ce SUA se prĂ©sente sous forme dâun kit Ă prĂ©parer et Ă remplir de solution saline par le chirurgien pendant l'intervention[10].
Un autre modĂšle de SUA est le ZSI 375 (Zephyr Surgical Implants, GenĂšve, Suisse), introduit en 2008[11]. Il s'agit d'un dispositif monobloc composĂ© dâune manchette et dâune pompe Ă un ressort intĂ©grĂ©; il est livrĂ© prĂ©-connectĂ© et prĂ©-rempli[1] - [12]. Il n'y a pas de composant abdominal dans le ZSI 375, ce qui, avec sa configuration prĂȘte Ă ĂȘtre implantĂ©e, rĂ©duit le temps opĂ©ratoire[13]. De plus, comme il n'y a pas besoin de ballon-reservoir, les interventions chirurgicales dans le bassin ou l'espace rĂ©tro-pĂ©ritonĂ©al ne sont pas nĂ©cessaires. Les antĂ©cĂ©dents chirurgicaux, telles que la prostatectomie radicale, peuvent entraĂźner des cicatrices postopĂ©ratoires et une fibrose de l'espace rĂ©tropĂ©ritonĂ©al ou pelvien. Ăviter la dissection des tissus rĂ©tro-pĂ©ritonĂ©aux ou pelvien Ă©vite les risques de complications chirurgicales[14] - [15]. Un autre avantage du modĂšle ZSI 375 est la possibilitĂ© d'augmenter ou de diminuer la pression de serrage de la manchette aprĂšs l'implantation pour atteindre le taux de continence souhaitĂ© et la satisfaction du patient. Cette possibilitĂ© dâajustement de la pression permet aussi de contrĂŽler la rĂ©apparition dâune rĂ©tention aiguĂ« d'urine en cas d'atrophie urĂ©trale ou au contraire libĂ©rer une rĂ©tention dâurine (faible dĂ©bit urinaire)[16] - [17] - [13]. L'ajustement de la pression peut ĂȘtre effectuĂ©e au cabinet mĂ©dical ou en ambulatoire en ajoutant ou en retirant de la solution saline stĂ©rile dans la pompe Ă travers le scrotum[12]. En 2019, plus de 4 500 sphincters urinaires artificiels ZSI 375 ont Ă©tĂ© implantĂ©s dans le monde[11].
Pour les deux types de sphincter, une solution saline stĂ©rile Ă l'intĂ©rieur du systĂšme est utilisĂ©e pour gĂ©nĂ©rer la pression dans la manchette et comprimer l'urĂštre afin dâĂ©viter les fuites d'urines. La manchette urĂ©trale est dĂ©gonflĂ©e manuellement en appuyant sur la pompe placĂ©e dans le scrotum, la pression sur lâurĂštre cesse et le patient peut vider sa vessie. La manchette urĂ©trale se regonfle alors automatiquement pour permettre au patient de retrouver une continence[18].
La liste des modĂšles de SUA disponibles en 2020:
Produit | Entreprise | Pays dâorigine | Date dâintroduction | Type | PrĂ©-connectĂ© et prĂ©-rempli | GĂ©nĂ©rateur de pression | Pressure ajustable |
---|---|---|---|---|---|---|---|
AMS 800 | Boston Scientific (anciennement American Medical Systems) | Ătats-Unis | 1988 | 3-composants: manchette, pompe, ballon rĂ©servoir | Non | ĂlasticitĂ© du ballon-rĂ©servoir + pression intra-pelvienne | Non |
ZSI 375 | Zephyr Surgical Implants | Suisse | 2008 | 2-composants: manchette et pompe | Oui | Ressort intégré à la pompe | Oui |
Usage médical
La dĂ©ficience du sphincter urinaire intrinsĂšque conduisant Ă l'incontinence Ă l'effort est l'indication la plus courante de l'implantation dâun SUA[9]. L'Association europĂ©enne d'urologie recommande l'implantation d'un SUA pour l'incontinence Ă l'effort modĂ©rĂ©e Ă sĂ©vĂšre chez les hommes[19]. MalgrĂ© de nouvelles options de traitement (bandelettes, injections de gonflement urĂ©tral, thĂ©rapie par cellules souches), le SUA est considĂ©rĂ©e comme la prise en charge chirurgicale de rĂ©fĂ©rence pour l'incontinence Ă l'effort de lâhomme aprĂšs une prostatectomie, une cystectomie ou une rĂ©section endoscopique de la prostate[8] - [4] - [3].
Il existe plusieurs cas publiĂ©s dans la littĂ©rature dâimplantation de SUA chez les enfants Ă la suite d'une incontinence secondaire Ă une lĂ©sion urĂ©trale traumatique[20] - [21].
Les donnĂ©es sur l'utilisation du SUA chez les femmes sont limitĂ©es et tous les produits disponibles sur le marchĂ© ne sont pas conçus pour ĂȘtre implantĂ©s chez les femmes[22] - [23]. L'Association europĂ©enne d'urologie limite l'utilisation du SUA chez les femmes, affirmant que bien que la guĂ©rison soit possible, le risque de complication est Ă©levĂ©[19]. le SUA est Ă utiliser en dernier recours pour traiter l'incontinence urinaire chez la femme due Ă des causes congĂ©nitales et secondaire Ă des maladies neurologiques[22].
RĂ©sultats
Taux de réussite
De nombreuses Ă©tudes ont Ă©tĂ© publiĂ©es concernant les rĂ©sultats des patients ayant subi lâimplantation dâun sphincter urinaire artificiel. Le taux de rĂ©ussite, gĂ©nĂ©ralement dĂ©fini comme lâobtention dâune continence totale (pas d'utilisation de protection) ou une continence sociale (utilisation de 0 Ă une protection par jour), varie de 61% Ă 100% dans la littĂ©rature[4]. L'amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie a Ă©galement Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un succĂšs mĂȘme si plus d'une protection par jour sont nĂ©cessaires. Un taux de rĂ©ussite (continence) a Ă©tĂ© rapportĂ© Ă 78% avec un suivi de 3 ans[24], et Ă plus de 72% avec 5 Ă 7 ans de suivi[25]. Dans une Ă©tude rĂ©cente, un taux de rĂ©ussite 79% a Ă©tĂ© rapportĂ© pour une pĂ©riode de suivi allant de 5 mois Ă 16 ans[26]. Une Ă©tude comparative chez des patients implantĂ©s avec diffĂ©rents modĂšles de sphincter urinaire artificiel et ayant atteint une continence sociale n'a montrĂ© aucune diffĂ©rence entre les deux groupes de patients en ce qui concerne les tests urodynamiques: comme le dĂ©bit mictionnel, la pression urĂ©trale, etc.[2]
Satisfaction
Dans diffĂ©rentes Ă©tudes avec un suivi moyen de plus de 6 ans[27] - [28], au moins 73% des hommes porteurs d'un sphincter urinaire artificiel implantĂ© Ă©taient satisfaits ou trĂšs satisfaits du dispositif, et 10 Ă 23% se dĂ©claraient insatisfaits. Sur des pĂ©riodes de suivi plus courtes (2 Ă 4 ans), les taux de satisfaction atteignaient plus de 90%[26] - [27] - [4]. Dans une autre Ă©tude avec un suivi moyen de plus de 7 ans, le taux de satisfaction globale Ă©tait de 3,9 sur une Ă©chelle de 0 Ă 5[27]. Le taux de satisfaction des patients aprĂšs radiothĂ©rapie ne semble pas ĂȘtre dĂ©favorablement affectĂ©[29]. Pour le sphincter artificiel ZSI 375, la pression peut ĂȘtre ajustable pour amĂ©liorer le taux de satisfaction[23].
Des enquĂȘtes auprĂšs de patients implantĂ©s ont montrĂ© que plus de 90% recommanderaient cette solution Ă un ami ou Ă un parent ayant le mĂȘme problĂšme, et plus de 90% subiraient Ă nouveau l'implantation[30] - [31]. ParallĂšlement Ă cela, 14% des patients ont signalĂ©s une amĂ©lioration de leur activitĂ© sexuelle[31].
Plusieurs Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© que la qualitĂ© de vie aprĂšs l'implantation dâun SUA s'est considĂ©rablement amĂ©liorĂ©e[26] - [7]. Et la qualitĂ© de vie ne semble pas ĂȘtre affectĂ©e par les rĂ©-interventions, Ă condition que l'appareil continue de fonctionner aprĂšs sa rĂ©vision.
Réopération
Dans la plus grande sĂ©rie disponible Ă©valuant 1082 patients ayant subi lâimplantation dâun premier SUA, le taux de survie du dispositif Ă 5 ans Ă©tait de 74%, ce qui est cohĂ©rent avec les rĂ©sultats rapportĂ©s dans la littĂ©rature, allant de 59% Ă 79%[32]. Dans toutes les sĂ©ries, au fil du temps, certains patients ont dĂ» subir des chirurgies rĂ©pĂ©tĂ©es pour la rĂ©apparition de lâincontinence urinaire ou une infection du dispositif. Dans une analyse groupĂ©e des Ă©tudes disponibles, le taux de rĂ©-intervention (quelle qu'en soit la cause) Ă©tait d'environ 26%[26]. De maniĂšre significative, certaines Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© que les chirurgiens qui pratiquent cette intervention frĂ©quemment (chirurgiens Ă volume Ă©levĂ© dâimplantations) obtiennent de meilleurs rĂ©sultats que ceux qui la pratiquent moins frĂ©quemment[23]. En fait, dans cette sĂ©rie, le taux de rĂ©-opĂ©ration a diminuĂ© d'environ 50% Ă mesure que les chirurgiens atteignaient leur 200Ăšme cas, soulignant la nĂ©cessitĂ© pour les patients candidats Ă lâimplantation dâun SUA, de rechercher des chirurgiens Ă volume dâimplantation Ă©levĂ© pour amĂ©liorer leurs chances de succĂšs[23].
Complications
Les risques possibles dĂ©coulant de l'implantation dâun SUA comprennent[1]:
- Une blessure de l'urĂštre ou de la vessie pendant la mise en place du SUA;
- Des difficultés à vider la vessie nécessitant un auto-sondage temporaire;
- Une incontinence urinaire d'effort persistante;
- Une infection du SUA entraĂźnant son retrait;
- Une incontinence récurrente due à une défaillance du dispositif ou à une atrophie des tissus urétraux (auquel cas une nouvelle intervention chirurgicale permettra le remplacement du dispositif).
Le taux global de complications rapportées chez les hommes est de 37%[33]. Les complications postopératoires les plus courantes sont:
- Une défaillance mécanique (8-21%)
- Une érosion urétrale (4-15%)
- Une infection (1-14%)
- Une atrophie urétrale (4-10%)
D'autres complications moins frĂ©quentes sont l'hĂ©matome, la stĂ©nose urĂ©trale, la fistule urinaire[34]. Les dĂ©faillances mĂ©caniques et les complications non mĂ©caniques peuvent conduire Ă une reprise chirurgicale dans 8 Ă 45% et 7 Ă 17% des cas, respectivement. L'une des causes de dĂ©faillance mĂ©canique sont les complications liĂ©es au ballon-rĂ©servoir du SUA type trois composants. Le taux d'explantation global du dispositif chez les hommes serait de 16 Ă 20â%[35].
Il a Ă©tĂ© rapportĂ© que 26â% des hommes porteurs d'un SUA implantĂ© nĂ©cessitaient une rĂ©-intervention aprĂšs 10 ans de suivi, afin de rĂ©guler la pression Ă l'intĂ©rieur du dispositif.
Suivi
AprĂšs la sortie de lâhĂŽpital
Les rapports sexuels doivent ĂȘtre Ă©vitĂ©s pendant les 6 premiĂšres semaines aprĂšs l'intervention pour permettre une cicatrisation correct des tissus[36]. Les activitĂ©s physiques qui exercent une pression directe sur la zone dâintervention, comme l'Ă©quitation et le vĂ©lo, doivent Ă©galement ĂȘtre Ă©vitĂ©es pendant au moins 6 semaines voir abandonnĂ©es. Les patients peuvent se voir prescrire un support scrotal Ă porter pendant 1 semaine aprĂšs lâintervention[37].
Soins Ă distance de lâintervention
Pour minimiser le risque de dommages sur le SUA ou sur lâurĂštre, il est indispensable que le patient informe le mĂ©decin ou lâinfirmiĂšre qu'il a un SUA avant toute pose dâune sonde vĂ©sicale, une cystoscopie ou toutes autres interventions mĂ©dicales sur les voies urinaires[38]. La dĂ©sactivation du SUA la nuit peut ĂȘtre proposĂ©e aux patients qui nâavaient pas de fuite la nuit avant lâintervention, cela afin de minimiser les risques d'atrophie urĂ©trale[39] - [36].
Galerie d'images
- CT Scan (reconstruction coronal) montrant un AMS 800 chez une femme
- Radiographie d'un ZSI 375 implanté. Le dispositif est désactivé: le ressort est sous le sommet du cylindre. Le patient est incontinent.
- Radiographie d'un ZSI 375 implanté. Le dispositif est activé: le ressort est au niveau du sommet du cylindre. Le patient est continent.
- Animation montrant la constriction de l'urĂštre par la manchette
Voir aussi
Références
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