Soyouz-5 (fusée)
Soyouz-5 (également connues sous les appellations Feniks, Sunkar et Irtysh) est un projet de lanceur moyen (environ 15 tonnes en orbite basse) russe développé par le constructeur TsSKB Progress. L'objectif de ce projet, dont le développement a débuté en 2015, est de remplacer dès que possible la fusée Zenit dont il reprend les dimensions, le système propulsif et les installations de lancement. Soyouz-5 doit lancer le nouveau vaisseau spatial Oriol (anciennement Federatsiya). Après de nombreux reports, le premier vol de Soyouz-5 est programmé en 2024[1].
Soyouz-5 Lanceur | |
Maquette de Soyouz-5 (à droite) au MAKS 2021. | |
Données générales | |
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Pays d’origine | Russie |
Constructeur | RKK Energia |
Premier vol | 2024 (prévision) |
Période développement | Depuis 2015 |
Statut | Étude |
Hauteur | 61,8 m |
Diamètre | 4,1 m |
Masse au décollage | 574 t |
Étage(s) | 2 |
Base(s) de lancement | Baïkonour |
Charge utile | |
Orbite basse | 18 tonnes |
Motorisation | |
Ergols | kérosène et oxygène liquide |
1er étage | 1 RD-171MV |
2e étage | 2 RD-0124MS |
3e étage | Bloc DM-03 (en) (option) |
Contexte
Le lanceur Soyouz-5, dont la première épure est publiée en 2013, a une genèse complexe dans laquelle entrent de nombreux facteurs à la fois techniques et politiques[2] :
- La quasi disparition d'un lanceur de capacité intermédiaire à la suite des problèmes rencontrés par la fusée Zenit dont les capacités se situent entre celles des fusées russes Soyouz et Proton/ Angara (remplaçante du Proton). Le lanceur Zenit présente l'inconvénient d'être assemblé depuis l'éclatement de l'Union soviétique en Ukraine avec lequel la Russie est en conflit depuis 2014. Les principaux débouchés du lanceur étaient les lancements des satellites de télécommunications commerciaux mais cette filière s'est tarie depuis la faillite de la société Sea Launch.
- Le développement problématique du lanceur polyvalent Angara chargé notamment de lancer le futur vaisseau russe Federatsia qui, du fait de sa masse (15 tonnes), ne pourra pas être lancé par la fusée Soyouz. Le lanceur Angara-5P envisagée pour ce rôle et dont le développement est en cours présenterait l'inconvénient d'être beaucoup plus coûteux.
- La nécessité de trouver un successeur au lanceur Soyouz en service depuis les années 1960.
- La concurrence sur le marché du lancement commercial des satellites de télécommunications du lanceur Falcon 9 dont les tarifs rejoignent ceux des lanceurs russes les privant d'un marché lucratif.
- La volonté politique de disposer d'un lanceur lourd (au moins 100 tonnes) pour permettre la réalisation d'un programme spatial habité ambitieux même si celui-ci reste flou et nécessite un budget qui semble difficilement compatible avec la situation économique de la Russie. Le premier étage du lanceur Angara, d'un diamètre trop faible ne permet pas de développer une version ayant cette capacité.
- L'existence d'au moins deux constructeurs de lanceurs russes ayant leurs entrées au sein de la sphère des dirigeants russes : RKK Energia/TsSKB Progress qui porte le projet Soyouz-5 et GKNPZ Khrounitchev, fabricant de la famille de fusées Angara.
- La volonté de réduire le coût de développement du nouveau lanceur intermédiaire en reprenant les principaux composants (propulsion, structure des étages, installations de lancement) du lanceur Zenit.
Le cahier des charges du lanceur Soyouz-5 comprend les objectifs suivants :
- Remplacer le lanceur Zenit
- Prendre en charge le lancement du futur vaisseau russe Federatsia
- Lancer des satellites commerciaux en affichant un tarif concurrentiel par rapport aux nouveaux lanceurs américains.
- Servir de base pour la réalisation d'un lanceur super-lourd.
Historique
Sélection du lanceur Angara pour le lancement de Federatsia
Le développement du vaisseau spatial Federatsia qui doit remplacer le vaisseau Soyouz chargé de la relève des équipages des stations spatiales débute en 2009. Il est prévu que Federatsia soit placé en orbite par un nouveau lanceur Rus-M décollant depuis une nouvelle base de lancement : le cosmodrome Vostotchny situé dans le sud de la Sibérie orientale. Fin 2011, l'agence spatiale russe décide d'abandonner le développement de la fusée Rus-M au profit d'une version dédiée (5P) de la famille de lanceurs Angara dont le développement a débuté 20 ans auparavant. Le premier vol d'un lanceur de cette famille n'aura lieu qu'en 2014. Ce changement de plan nécessite la construction à Vostochny d'un nouvel ensemble de lancement pour la fusée Angara 5P qui n'était jusque là pas prévu. Le premier vol de Federatsia, sans équipage, depuis Vostochny est planifié en 2021 et le premier équipage doit décoller en 2023[2].
Le projet Feniks successeur du lanceur Soyouz
En parallèle, le constructeur de la fusée Soyouz TsSKB Progress travaille sur le successeur de son lanceur. En , l'entreprise dévoile les plans d'un lanceur complètement nouveau baptisé Soyouz-5. Cette fusée bi-étages doit remplacer toutes les versions de la fusée Soyouz hormis la plus légère (version légère Soyouz-2-1v). Il utilise de nouveaux moteurs brûlant un mélange de méthane et d'oxygène liquide et son lancement se fait depuis Vostochny. Le recours au méthane rend la réutilisation des moteurs plus facile. Dans sa version de base baptisée Soyuz-5.1, le lanceur peut placer 9 tonnes en orbite basse, soit la capacité de la plus puissante des Soyouz. L'objectif affiché est de produire un lanceur dont le coût est concurrentiel par rapport à la Falcon 9. Le lanceur doit être modulaire : en utilisant 1 ou 2 propulseurs d'appoint identiques au premier étage, le lanceur proposé permet de placer en orbite basse respectivement 16,5 et 26 tonnes. Ces versions entrent directement en concurrence avec le lanceur Angara mais le constructeur précise que l'objectif visé est la commercialisation de la version de base. Les installations de lancement sont spécifiques et nécessitent donc la refonte du pas de tir édifié à Vostochny pour le lanceur Soyouz (utilisé pour la première fois en 2016). Cette étude interne de TsSKB Progress est intégrée dès 2013 dans le programme de recherche de l'agence spatiale russe Roscosmos "Magistral-Oblik" qui a pour objectif de préparer le développement des futurs lanceurs. En , le projet est inclus dans le plan 2016-2025 du programme spatial russe et un calendrier est défini, aboutissant à un premier vol en 2025. Roscosmos affecte une ligne budgétaire de 31 milliards de roubles (sur 10 ans) pour son développement. La phase de développement est baptisée Feniks[2].
Convergence avec les caractéristiques de la fusée Zenit
À la surprise de tous les observateurs, les caractéristiques techniques du projet Feniks évoluent complètement fin 2015. Les responsables russes présentent désormais le lanceur comme un engin d'une capacité d'environ 17 tonnes en orbite basse dont les caractéristiques sont quasiment identiques à celles du Zenit y compris au niveau de la propulsion (il n'est plus question de méthane). Le président Poutine a apparemment joué un rôle moteur dans ce revirement sans doute poussé par RKK Energia qui travaille depuis 2010 sur une version modernisée des lanceurs Zenit/Energia développés en son sein dans les années 1980. En mai 2016, Roscosmos propose aux responsables du Kazakhstan de refondre le pas de tir de la fusée Zenit pour l'adapter aux spécifications du nouveau lanceur dans le cadre de la coentreprise créée initialement pour édifier un pas de tir dédié au lanceur Angara. Dans le cadre de cet accord avec le Kazakhstan, les caractéristiques et la répartition des taches sont précisées. Le nouveau lanceur, qui a été baptisé Sankar (faucon en kazakh), a désormais une capacité en orbite basse de 17 tonnes. Le diamètre, qui était de 3,9 mètres pour la fusée Zenit, passe à 4,1 m pour profiter au maximum du gabarit ferroviaire russe (à l'image de la Proton). Le premier étage, qui est allongé de 4 mètres, reçoit une version légèrement modifiée du RD-171M de la Zenit. Le deuxième étage, plus court que celui de la Zenit, est propulsé par deux moteurs-fusées RD-0124M qui remplace l'unique RD-0124[2].
Cependant, les études sur le projet de lanceur utilisant du méthane continuent sous le nom de Soyouz-7 / Soyouz-GNL / Amour.
Chargé de la mise en orbite du vaisseau Federatsia
À l'issue d'une réunion des responsables du programme spatial avec le président Poutine ayant lieu le et visant à mettre au point la stratégie de Roscosmos jusqu'à 2030, le lancement des vaisseaux Federatsia est confié au nouveau lanceur Sunkar qui remplace la fusée Angara 5P. L'argument avancé est que le nouveau lanceur sera beaucoup moins coûteux que l'Angara. Au sein des responsables du programme spatial, certains redoutent que la mise au point du nouveau lanceur retarde le premier vol de Federatsia prévu en 2021. Il est rétorqué que le nouveau lanceur présente beaucoup de points communs avec la Zenit, ce qui doit permettre de tenir le calendrier annoncé. La nouvelle fusée doit être également proposée pour les vols à partir de la plateforme Sea Launch. Le nouveau lanceur est désormais baptisé Soyouz-5 bien qu'il soit sans rapport avec le projet de remplacement du lanceur Soyouz (Feniks désigne la version lancée depuis le Kazakhstan et Feniks est l'appellation du projet de développement)[3].
Caractéristiques techniques du lanceur
Les caractéristiques techniques du lanceur Soyouz-5 sont largement calquées sur celles de la fusée Zenit (dimensions, propulsion). Selon les spécifications publiées en , la version de base du lanceur est haute de 61,8 mètres pour un diamètre de 4,1 mètres et une masse de 534 tonnes. Le lanceur comporte deux étages. Le premier étage est long de 37,1 mètres avec un diamètre de 4,1 mètres et a une masse de 398 tonnes (30,5 tonnes à vide). Il est propulsé par un unique moteur-fusée RD-171MV, brûlant du kérosène et de l'oxygène liquide. Ce moteur a une poussée de 726 tonnes, ce en fait l'engin le plus puissant qui ait jamais été développé. Celui-ci comprend 4 chambres de combustion et 4 tuyères alimentées par une turbopompe et une turbine commune. Le deuxième étage du lanceur a également un diamètre de 4,1 mètres et sa masse de 60 tonnes (6,5 tonnes à vide). Il est propulsé par deux moteurs-fusées RD-0124M ayant une poussée globale de 60 tonnes et brûlant du kérosène et de l'oxygène liquide. Le troisième étage optionnel est le Bloc DM-03 (en) déjà utilisé sur d'autres lanceurs. Son rôle est principal est d'injecter la charge utile circulant en orbite basse sur une orbite géostationnaire[4] - [5].
RKK Energia est le chef de file industriel du projet. L'établissement TsSKB Progress est chargé de la fabrication des deux étages du lanceur. NPO Energomash fournit le moteur du premier étage tandis que KB Khimautomatiki fournit la propulsion du second étage[4].
Le lanceur lourd dérivé
Le lanceur lourd étudié par RKK Energia, dont la charge utile atteint 108 tonnes dans la version la plus puissante de la fusée Energia-6KV, utilise comme premier étage 6 exemplaires du premier étage de la fusée Soyouz-5[6].
Installations de lancement
Le lanceur doit être tiré depuis l'un des pas-de-tir de la fusée Zenit du cosmodrome de Baïkonour, en l'occurrence le Site 45/1. Le pas de tir doit être adapté aux caractéristiques légèrement différentes du nouveau lanceur avec l'aide financière du Kazakhstan sur le territoire duquel se situe la base de lancement. Le contrat pour la modification du pas-de-tir a été ratifié en .
Références
- « Premier lancement de Soyouz-5: du retard mais pas trop… », sur kosmosnews.fr, (consulté le ).
- (en) Bart Hendrickx, « Russia’s evolving rocket plans (1/2) », sur The Space Review,
- (en) Bart Hendrickx, « Russia’s evolving rocket plans (2/2) », sur The Space Review,
- (en) Anatoly Zak, « Preliminary design for Soyuz-5 races to completion », sur russianspaceweb.com,
- (en) « Soyuz-5 - Vehicle Design » (consulté le )
- (en) Anatoly Zak, « Russia charts new roadmap to super-heavy rocket », sur russianspaceweb.com,