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Sondage (statistique)

Un sondage est une méthode statistique visant à évaluer les proportions de différentes caractéristiques d'une population à partir de l'étude d'une partie seulement de cette population, appelée échantillon. Les proportions sont déterminées avec des marges d'erreur, dans lesquelles se situent les proportions recherchées avec telle ou telle probabilité.

Par métonymie, le mot sondage désigne également le document présentant les résultats de l'étude par sondage.

Les sondages les plus connus du grand public portent sur des populations humaines. Ce sont en particulier les sondages d'opinion réalisés par des entreprises de sondage. Mais il ne s'agit là que d'une application particuliÚre de la technique du sondage, dont l'usage est beaucoup plus général (voir aussi échantillonnage).

Principes généraux des sondages

Pour réaliser un sondage juste et adapté à la population visée, il faut choisir la technique d'échantillonnage adéquate. Il existe en effet de nombreuses méthodes permettant de créer un échantillon représentatif de la population mÚre. Il y a dans un premier temps les techniques probabilistes puis les techniques non probabilistes. Dans le premier cas, les individus de la population sont tirés au hasard et ont par conséquent tous une probabilité, égale ou non, de figurer dans l'échantillon. Dans le cas d'un échantillonnage non probabiliste, tous les individus n'ont pas forcément une probabilité non nulle de figurer dans l'échantillon.

Fondement théorique

Soit un Ă©chantillon alĂ©atoire de grandeur et sa moyenne. Le thĂ©orĂšme central limite dit que si est grand alors suit approximativement une distribution normale avec moyenne (la moyenne dans la population) et variance oĂč est la variance des Ă©lĂ©ments de la population[1] (et son Ă©cart-type). L’intervalle de confiance Ă  95 % est . Cet intervalle peut ĂȘtre calculĂ© si on connaĂźt . L’estimateur sans biais est oĂč est la variance des Ă©lĂ©ments de l’échantillon et son Ă©cart-type. L’intervalle de confiance devient alors .

Si est petit et la population suit une loi normale alors l’intervalle de confiance est construit en utilisant la loi de Student.

Différentes applications

Parmi les premiÚres applications des sondages, on relÚve leur utilisation dans le cadre de stratégies de marketing. Les entreprises ont profité de cette technique pour optimiser le ciblage des attentes de leurs consommateurs. Avec la création de l'American Institute of Public Opinion, et un premier sondage d'intention de vote en amont de l'élection présidentielle américaine de 1936, cette technique s'affirme déjà comme un précieux outil à l'usage de la décision politique. Aujourd'hui, le monde politique ne peut plus s'en passer : le sondage est devenu l'un des principaux instruments d'aide à la décision, comme le note Brice Teinturier, directeur général délégué de l'entreprise de sondages Ipsos.

MĂ©thodologie

Réglementation française

En France, les enquĂȘtes dĂ©diĂ©es aux intentions de vote font l'objet de critiques sur leur biais de mĂ©thodologie qui « expliquerait les Ă©carts entre les sondages et les rĂ©sultats »[2] et sont encadrĂ©es par la loi du 19 juillet 1977 qui oblige Ă  les accompagner d’informations prĂ©cises sur leur Ă©laboration[3]. Leurs fiches de renseignement sont toutes disponibles sur le site de la commission des sondages[3], chargĂ©e de veiller au respect de la rĂ©glementation[3]. Les nombreux sondages effectuĂ©s sur internet, destinĂ©s Ă  de simples volontaires[3], sont rĂ©putĂ©s biaiser les rĂ©sultats[3]. MalgrĂ© cela, la plupart des instituts ne fournissent pas de chiffres bruts[3], empĂȘchant le public de savoir comment ont Ă©tĂ© « redressĂ©es » leurs chiffres, au motif du « secret industriel »[3].

Le nombre de sondages a augmentĂ© depuis le dĂ©but du millĂ©naire Ă  chaque quinquennat[3] : 193 sondages d’intentions de vote avant l’élection prĂ©sidentielle de 2002, 293 avant celle de 2007, 409 avant celle de 2012, et 560 avant celle de 2017[3], soit un quasiment triplement en quinze ans[3]. Selon Bruno CautrĂšs, chercheur au CNRS et au Cevipof-Sciences Po « l’opinion Ă©tant fluctuante, le sondage ne capte qu’un instant T. ».

Selon Nonna Mayer, directrice de recherche au CNRS, les sondeurs font face Ă  « trois difficultĂ©s : sociologique, avec le poids grandissant des prĂ©caires – prĂšs du tiers des inscrits –  ; politique, avec le nombre inhabituel d’indĂ©cis ; et technique, les “access panels” des sondeurs ne pouvant pas atteindre les non-connectĂ©s »[2]. Ils doivent depuis longtemps gĂ©rer aussi ce qu'ils appellent « l’effet dĂ©sirabilitĂ© », selon GaĂ«l Sliman, directeur de l’institut Odoxa[2] : en raison du besoin de « plaire », Ă  l’intervieweur, une partie des sondĂ©s dissimulent leur intention de vote pour les partis jugĂ©s plus proche des extrĂȘmes[2].

Spirale du silence

La sociologue Elisabeth Noelle-Neumann avait thĂ©orisĂ© dans les annĂ©es 1970 la « spirale du silence »[2] d'individus n'exprimant pas d'intention, pendant la plus grande partie de la campagne Ă©lectorale, pour « ne pas se retrouver isolĂ©s dans leur environnement social »[2]. Pour cette raison, le principal « vote sous-dĂ©clarĂ© » fut le vote communiste jusqu’en 1981[2], puis le vote Front national ensuite, selon FrĂ©dĂ©ric Dabi, de l’Ifop[2], mĂȘme si depuis les annĂ©es 2010, les instituts de sondages « ne redressent pratiquement plus » le parti de Marine Le Pen[2].

Tous les sondages doivent, selon Bruno CautrĂšs, chercheur au Cevipof, respecter la « mĂ©thode des quotas » consistant Ă  confectionner « une France en miniature rĂ©alisĂ©e Ă  partir des chiffres de l’Insee : le mĂȘme pourcentage de femmes, d’hommes, de classes d’ñge, de professions, de niveaux de diplĂŽme et de rĂ©partition gĂ©ographique »[2].

Sous-représentation de l'électorat jeune et populaire

La biais le plus souvent Ă©voquĂ© est de « sous-reprĂ©senter un Ă©lectorat moins politisĂ© et moins informĂ©, gĂ©nĂ©ralement plus jeune, qui ne se dĂ©cidera qu’au dernier moment »[3], car les instituts mesurent le plus souvent seulement les « intentions de vote »[4]. Au plan sociologique, les Ă©lecteurs « qui se dĂ©cident le plus tard sont essentiellement dans les catĂ©gories populaires »[2]. Les sondages ne portent, sauf exception, que sur les personnes « certaines » d’aller voter[4], en proposant au sondĂ© de se situer sur une Ă©chelle de 1 Ă  10[4], ce qui rĂ©duit parfois l’échantillon des rĂ©pondants de moitiĂ©[4] et le concentre sur un profil sociologique moyen plus socialement favorisĂ©[4], plus ĂągĂ©[4], et plus politiquement motivĂ© que l’ensemble de la population par la politique en gĂ©nĂ©ral ou par l'actualitĂ© du moment[4].

Par ailleurs, les diffĂ©rents instituts n'ont pas la mĂȘme dĂ©finition de la « certitude »[4] : en France, pour Ipsos-Sopra Steria et OpinionWay, seule la note 10 garantit la certitude d’aller voter[4], alors pour l'Institut Elabe c’est dĂšs le 8[4]. Les intentions de vote des Ă©lecteurs « certains » d’aller voter Ă©cartent les indĂ©cis[4], les incertains[4], et ceux qui le plus souvent, ou bien dans un contexte particulier, ne se dĂ©cident que tardivement[4]. Ainsi, « une catĂ©gorie d’électeurs passerait systĂ©matiquement sous les radars » des instituts de sondages[2].

Histoire des sondages

En 1745, l'enquĂȘte du ContrĂŽleur gĂ©nĂ©ral Orry offre un Ă©tat dĂ©taillĂ© de la population. Philibert Orry disposait d'un rĂ©seau d'intendants capables de procĂ©der Ă  un travail de dĂ©nombrement. Quelques dĂ©cennies plus tard, les cahiers de dolĂ©ances constituaient Ă©galement un outil de quantification statistique de la population. Au XIXe siĂšcle, les mouvements rĂ©volutionnaires inquiĂštent les services de police. Ainsi, QuĂ©telet mĂšne des Ă©tudes sur la consistance numĂ©rique des crimes, procĂšde Ă  des Ă©volutions dans les systĂšmes de recensement et les met Ă  la disposition de son gouvernement en standardisant la collecte et le traitement des donnĂ©es statistiques. Ainsi est nĂ©e la « physique sociale ». La notion de fait social se rĂ©pand par la presse et l'outil de recensement sert par exemple Ă  quantifier le nombre de cafĂ©s dans Paris.

La notion d'opinion publique apparaĂźt avec les « votes de paille » (straw votes). OrganisĂ©s aux États-Unis dĂšs le dĂ©but du XIXe siĂšcle, ces votes correspondaient Ă  des simulations de joutes Ă©lectorales faites par les journaux (le Harrisburg Pennsylvanian et le Raleigh Star en 1824) avant les grandes Ă©lections aux États-Unis. Ces enquĂȘtes d'intentions de vote s'adressaient Ă  leurs lecteurs, sous forme de bulletins Ă  renvoyer ou bien par le biais d'interrogations dans la rue auprĂšs de passants
 Mais ces votes avaient pour but de promouvoir les journaux plutĂŽt que d'Ă©tablir une photographie de l'opinion car les Ă©chantillons ne pouvaient pas ĂȘtre reprĂ©sentatifs. Ainsi, cette notion d'Ă©chantillon reprĂ©sentatif fut prise en compte par George Gallup fondateur de l’American Institute of Public Opinion. Lors de l'Ă©lection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 1936, la revue Literary Digest procĂšde, Ă  partir de l’annuaire tĂ©lĂ©phonique Ă  un « vote de paille », auprĂšs de 10 millions de personnes : Roosevelt est donnĂ© perdant. Au contraire, l’institut Gallup, Ă  partir d’un Ă©chantillon reprĂ©sentatif, prĂ©dit l’élection de Roosevelt avec 56 % des voix. Roosevelt obtiendra 62 % des voix et la mĂ©thode Gallup est consacrĂ©e. En 2017, des statisticiens ont constatĂ© que le « vote de paille » donnait le bon pronostic quant au vainqueur Ă  condition de redresser (pondĂ©rer) les rĂ©ponses par le vote Ă  l'Ă©lection prĂ©cĂ©dente, dont on connaĂźt le rĂ©sultat, ce qui attĂ©nue le biais dĂ» au profil des personnes ayant rĂ©pondu[5].

Le premier sondage rĂ©alisĂ© en France[6] l'a Ă©tĂ© par l'entreprise IFOP en 1938 Ă  propos de la situation internationale. Nous sommes en 1938, il s’agit des accords de Munich. À la question « Approuvez-vous les accords de Munich ? », on voit une opinion publique beaucoup plus tiĂšde (Ă  57 % de oui) que ses parlementaires (87,5 % de oui, 535 voix contre 75 lors d’un vote de la chambre des dĂ©putĂ©s).

Notes et références

  1. En statistique la population est la totalité des éléments dont on désire obtenir des informations.
  2. "PrĂ©sidentielle : les sondeurs en quĂȘte des Ă©lecteurs cachĂ©s" par ValĂ©rie de Senneville, dans Les Échos le 17 avril 2017 .
  3. "5 choses Ă  surveiller absolument lorsque vous lisez un sondage" par Lucie Alexandre le 22 octobre dans L'Obs.
  4. "Élection prĂ©sidentielle 2022 : biais et disparitĂ©s mĂ©thodologiques des intentions de vote" par Bruno CautrĂšs, chercheur au CNRS et au Cevipof-Sciences Po, dans Le Monde le 10 octobre 2021 .
  5. Jean-François Royer, « Le vote de paille, 86 ans plus tard », sur Variances.eu, (consulté le ).
  6. « TPE - Impact social de la mesure statistique », sur e-monsite.com (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jacques Desabie : ThĂ©orie et pratique des sondages, Dunod, 1966
  • Pierre Bourdieu, « L'opinion publique n'existe pas », in Temps modernes, 29 (318), janv. 73 : 1292-1309
  • Alain Girard, Jean Stoetzel : Les sondages d’opinion publique, PUF, 1979
  • Pierre Bourdieu, « Les sondages, une science sans savant », pp. 217-224 in : Choses dites, Paris : Ed. de Minuit, 1987, 229 p. ; 22 cm, (Le sens commun), (ISBN 2707311227)
  • Clairin, R. et Ph. Brion (1997), Manuel de sondages, CEPED, 2e Ă©dition
  • Patrick Champagne, Faire l'opinion. Le nouveau jeu politique, Paris, Éditions de Minuit, 1990
  • Jean-Louis Loubet del Bayle, MĂ©thodes des Sciences Sociales, L'Harmattan, 2001
  • Jacques Antoine, Histoire des sondages, Odile Jacob, 2005
  • Ardilly, P. (2006), Les techniques de sondage, Technip (2e Ă©dition)

Filmographie

  • Sondages, je t'aime moi non plus, film documentaire rĂ©alisĂ© par Nicolas Jaillard, 2007, 60'

Liens externes

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