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SiĂšge de Thessalonique (676-678)

Le siĂšge de Thessalonique de 676 Ă  678 constitua une tentative des tribus slaves voisines pour s’emparer de la citĂ© byzantine de Thessalonique profitant du fait que les autoritĂ©s de Constantinople devaient faire face au premier siĂšge arabe de la capitale. Les Ă©vĂšnements marquant de ce siĂšge sont dĂ©crits dans le second livre des Miracles de saint Demetrios.

Contexte historique

Carte des Balkans au VIe siĂšcle.

Sous le rĂšgne de Justinien Ier (r. 527 - 565), des tribus slaves, les SclavĂšnes, Ă©taient apparues aux frontiĂšres de l’empire sur le Danube [1]. Elles firent des incursions dans l’empire ravageant la Thrace en 545-546, l’Illyrie en 548, et les deux provinces en 550[2]. Certaines de ces tribus s’installĂšrent Ă  demeure dans l’empire oĂč elles tomberont Ă  partir des annĂ©es 560 sous la coupe d’un nouvel envahisseur, les Avars, qui vers la fin de la dĂ©cade contrĂŽleront la steppe de la Volga au Danube exploitant d’autant plus facilement les populations rurales sĂ©dentaires que les SclavĂšnes ne formaient pas un groupe homogĂšne mais Ă©taient divisĂ©s en une foule de clans ne reconnaissant aucune autoritĂ© supĂ©rieure. Les raids slaves et avars iront croissant en mĂȘme temps que l’implantation de colonies de peuplement, en particulier aprĂšs la capture par les Avars de citĂ©s fortifiĂ©es byzantines. Dans les annĂ©es 580, alors que les Byzantins devaient se consacrer uniquement Ă  leur guerre avec les Perses, Avars et Slaves s’enfoncĂšrent de plus en plus profondĂ©ment dans les Balkans et le sud de la GrĂšce. Ces deux dĂ©cennies devaient voir le dĂ©but d’une colonisation massive de l’arriĂšre-pays balkanique par les SclavĂšnes [3].

Ayant rĂ©ussi Ă  conclure la paix avec son adversaire perse Khosro en 591, l’empereur Maurice (r. 582-602) put se tourner vers les Balkans et lancer une sĂ©rie de controffensives qui rĂ©ussirent Ă  repousser Slaves et Avars [4]. Ce rĂ©pit fut de courte durĂ©e : l’empereur Maurice fut renversĂ© en 602 par Phocas (r. 602-610), un officier subalterne de l'armĂ©e envoyĂ©e par l'empereur Maurice dĂ©fendre la frontiĂšre du Danube contre les incursions des Avars et des Slaves. Voulant officiellement venger Maurice, Khosro partit de nouveau en guerre contre l’Empire byzantin. Cette nouvelle guerre de l’empereur Phocas contre la Perse s’étendit sur une vingtaine d’annĂ©es, soit de 602 Ă  628. Pendant ce temps la frontiĂšre le long du Danube et de la Save que Maurice avait rĂ©ussi Ă  stabiliser s’effondra et les Balkans furent Ă  nouveau ouverts aux raids slaves et Ă  l’établissement de nouvelles colonies de peuplement, ces derniĂšres se concentrant surtout dans ce qui est maintenant la Bulgarie, la Serbie, la MacĂ©doine et une partie de la GrĂšce[5].

De telle sorte que dans les annĂ©es 610, la ville de Thessalonique, deuxiĂšme plus grande citĂ© de l’empire, Ă©tait complĂštement entourĂ©e de colonies de peuplement slaves. RĂ©duite Ă  elle-mĂȘme Ă  l’intĂ©rieur de ses propres murs, elle constituait selon les mots de l’historien John Van Antwerp Fine « une ville romaine (entendre byzantine) dans un ocĂ©an slave »[6]. Le premier livre des Miracles de saint Demetros raconte les tentatives des Slaves pour s’emparer de la ville en 615 sous la conduite d’un de leurs chefs, Chatzon, puis lors d’un siĂšge conjoint entre Avars et Slaves en 617, siĂšge sans rĂ©sultat[7]. Vers le milieu du siĂšcle, les colonies de peuplement slaves (sclavinies) Ă©taient solidement implantĂ©es un peu partout Ă  travers les Balkans.

Pendant ce temps, la guerre avait repris en Orient, cette fois contre les Arabes de MuÊżawiya Ier. EmpĂȘtrĂ© dans cette guerre, affaibli Ă  l’intĂ©rieur par des conflits religieux et une rĂ©volte militaire, ce n’est qu’en 658 que l’empereur Constant II HĂ©raklius (r. 641 – 668) put se tourner vers les Balkans, faire campagne en Thrace et reprendre le contrĂŽle de nombreuses sclavinies ainsi que d’une grande partie de la MacĂ©doine. Dans le mĂȘme temps, Constant entreprit une politique de colonisation en transplantant des Slaves en Asie Mineure tandis que d'autres s'engageaient dans l'armĂ©e byzantine[8] - [9].

Causes immédiates

Le deuxiĂšme volume des Miracles de saint Demetrios dĂ©crit Perboundos, le « roi des Rhynchinoi » [N 1] comme un chef puissant ayant suffisamment assimilĂ© la culture byzantine pour parler grec, entretenir des relations avec Thessalonique oĂč il avait une rĂ©sidence et mĂȘme s’habiller Ă  la grecque[10] - [11]. Selon cette source, la paix qui existait entre les Slaves et les Byzantins aurait Ă©tĂ© compromise lorsque l’éparque de Thessalonique (dont on ne mentionne pas le nom) fut informĂ© que Perboundos planifiait s’emparer de la ville. L’éparque fit rapport Ă  l’empereur qui ordonna l’arrestation de Perboundos. Ce dernier fut alors interpelĂ© lors d’une visite dans la ville, mis aux fers et envoyĂ© Ă  Constantinople[12] - [13] - [14].

Les Rhynchines de mĂȘme qu’une autre tribu slave, celle des Strymonites qui vivaient dans la vallĂ©e du fleuve Strymon, furent profondĂ©ment offensĂ©s par cette arrestation. Une dĂ©lĂ©gation conjointe comprenant Ă©galement des reprĂ©sentants de la ville de Thessalonique se rendit Ă  Constantinople pour plaider en faveur de Perboundos, chose exceptionnelle d’aprĂšs le byzantiniste Paul Lemerle qui considĂšre qu’elle illustrait les relations de bon voisinage existant jusqu’alors entre les autoritĂ©s byzantines et les voisins mĂȘme si elles les considĂ©raient toujours comme des « barbares ». La terminologie employĂ©e dans les Miracles de saint Demetros fait clairement soupçonner que Perboundos Ă©tait coupable de quelque chose puisque la dĂ©lĂ©gation devait demander « la clĂ©mence » de l’empereur et non l’exonĂ©ration du chef slave. L’empereur, complĂštement aux prĂ©paratifs de sa guerre contre les Arabes promit de libĂ©rer Perboundos une fois celle-ci terminĂ©e. Les envoyĂ©s semblent s’ĂȘtre satisfaits de cette rĂ©ponse et retournĂšrent chez eux oĂč le calme fut rĂ©tabli du moins temporairement[15] - [16]. La suite des choses devait cependant prouver que les craintes de l’éparque Ă©taient fondĂ©es. Perboundos rĂ©ussit Ă  s’échapper avec l’aide d’un traducteur officiel chargĂ© des affaires slaves. Une imposante chasse Ă  l’homme fut organisĂ©e; l’empereur craignant une attaque slave imminente contre Thessalonique envoya prĂ©venir la citĂ©, donnant ordre Ă  ses dirigeants de prendre les prĂ©cautions nĂ©cessaires et d’emmagasiner des provisions en cas de siĂšge. Au bout de quarante jours Perboundos fut dĂ©couvert alors qu’il se cachait dans la propriĂ©tĂ© du traducteur. Ce dernier fut exĂ©cutĂ© et Perboundos fut renvoyĂ© Ă  Constantinople pour continuer Ă  y ĂȘtre dĂ©tenu en confinement. Il fit une nouvelle tentative d’évasion, proclamant publiquement son intention d’organiser une rĂ©volte de toutes les tribus slaves et de s’emparer de Thessalonique. AprĂšs cet aveu public, il fut exĂ©cutĂ©[12] - [17] - [18].

RĂ©sistance slave et siĂšge de la ville

AprĂšs avoir appris que leur roi avait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©[N 2], les Rhynchines se rĂ©voltĂšrent, bientĂŽt suivis des Strymonites et d’une autre tribu voisine, celle des Sagoudates[N 3]. Nombre de tribus refusĂšrent cependant de se joindre Ă  la rĂ©volte, certaines comme les Belegezites[N 4] faisant mĂȘme cause commune avec les Byzantins[19].

Blocus de Thessalonique

La ligue slave entreprit le blocus de Thessalonique par terre et pilla les environs, chaque tribu se voyant assignĂ© un secteur particulier : les Strymonites attaquĂšrent par l’est et par le nord, les Rhynchines par le sud et les Sagoudates par l’ouest. À un rythme de trois Ă  quatre par jour, les raids par terre et par mer se poursuivirent pendant deux ans : le bĂ©tail fut emportĂ©, l’agriculture cessa et la circulation maritime fut arrĂȘtĂ©e. Quiconque s’aventurait hors des murs de la citĂ© risquait d’ĂȘtre tuĂ© ou capturĂ© [20] - [21]. Selon l’historien Florin Curta, « les Slaves firent preuve d’une plus grande organisation que lors des siĂšges prĂ©cĂ©dents, avec une armĂ©e dotĂ©e d’unitĂ©s spĂ©cialisĂ©es d’archers et de soldats armĂ©s de frondes, de lances, de boucliers et d’épĂ©es »[19].

La ville ne pouvait compter sur l’aide de l’empereur, lequel devant faire face Ă  la menace arabe en Anatolie, ne pouvait se permettre de dĂ©tourner une partie de ses troupes [22] - [23]. La situation fut aggravĂ©e le jour prĂ©cĂ©dent le dĂ©but du siĂšge lorsque les autoritĂ©s municipales dĂ©cidĂšrent de vendre Ă  des commerçants Ă©trangers dont les bateaux Ă©taient dans le port le blĂ© stockĂ© dans les greniers sur ordre de l’empereur Ă  raison d’un nomisma pour sept modii. L’auteur anonyme des Miracles de saint Demetrios qui dĂ©crit longuement la dĂ©tresse des habitants ne tarit pas de critiques Ă  l’endroit des Ă©lites commerciales et politiques de la ville dont la rapacitĂ© et les politiques Ă  courte vue conduisirent rapidement Ă  une famine exacerbĂ©e par le manque d’eau[24].

La situation se dĂ©tĂ©riora au point que beaucoup de citoyens firent dĂ©fection et se rendirent aux assiĂ©geants, lesquels, inquiets de la prĂ©sence d’un tel nombre de Byzantins parmi eux, les vendirent comme esclaves Ă  d’autres tribus slaves Ă  l’intĂ©rieur du pays. Ce n’est qu’aprĂšs que quelques-uns de ces nouveaux esclaves aient pu s’échapper et retourner dans la ville pour y raconter leurs misĂšres que les dĂ©fections cessĂšrent[25]. Dans ce contexte l’auteur souligne la traitrise de certains Slaves, au nord de la ville, qui sous prĂ©texte de commercer avec les habitants massacrĂšrent « la fine fleur de nos plus valeureux citoyens ». Ce texte n’est pas clair. On peut y voir soit une tentative manquĂ©e de sortie par les assiĂ©gĂ©s, soit le massacre d’un groupe de citoyens ayant fait dĂ©fection pour retourner chez eux. Toutefois il fait aussi ressortir qu’au moins une partie des assiĂ©geants (d’aprĂšs l’endroit, des Strymonites) entretenait des relations avec la ville et que le blocus n’était donc pas complĂštement hermĂ©tique[26].

ArrivĂ©e d’une escadrille byzantine et assaut slave

Murailles byzantines de Thessalonique.

L’arrivĂ©e d’une escadrille de dix navires de transport armĂ©s allĂ©gea la situation. Toutefois, selon l’auteur des Miracles, les marins tirĂšrent avantage de la situation et vendirent Ă  la population le blĂ© qu’ils apportaient Ă  des prix outrageux pendant que les autoritĂ©s municipales utilisaient ces mĂȘmes marins pour dĂ©couvrir toute cache de grain dans la ville. Leur arrivĂ©e ne fut cependant pas suffisante pour empĂȘcher les Slaves d’opĂ©rer en toute libertĂ© aux abords de la ville attaquant quiconque, par terre ou par mer, s’aventurait hors des murs en quĂȘte de nourriture[27]. Ce sur quoi le conseil de la ville dĂ©cida de se servir de ces dix navires ainsi que de toute autre embarcation disponible, d’y faire monter ses citoyens les plus vigoureux comme Ă©quipage et d’aller chercher de la nourriture chez les Belegazites qui vivaient sur les bords du golfe PagasĂ©tique en Thessalie[28].

Leur absence ne manqua pas d’ĂȘtre notĂ©e par les Slaves qui dĂ©cidĂšrent d’en profiter pour lancer un assaut d’envergure contre la citĂ©. Ils sollicitĂšrent l’assistance des Drougoubites, groupe de tribus vivant au nord-ouest de Thessalonique qui savaient comment fabriquer des machines de siĂšge. On ignore si ceux-ci se bornĂšrent Ă  fournir leur savoir technique ou s’ils participĂšrent effectivement au siĂšge. Avec ces nouveaux appuis, les Slaves lancĂšrent leur assaut dĂ©cisif le 25 juillet « de la cinquiĂšme indiction » (677) [29] - [30].

D’aprĂšs le rĂ©cit qu’en fait les Miracles, la premiĂšre intervention miraculeuse de saint Demetrios obligea les Strymonites Ă  s’arrĂȘter et Ă  faire marche arriĂšre alors qu’ils se trouvaient Ă  environ cinq kilomĂštres des murs de la ville. On ignore les raisons qui conduisirent Ă  cette dĂ©fection qui ne laissait plus que les Rhynchines et les Sagoudates pour supporter le poids des combats[31]. Vu la nature hagiographique des Miracles et l’utilisation frĂ©quente de procĂ©dĂ©s littĂ©raires connus, il est difficile de retracer le dĂ©roulement des combats oĂč les machines de guerre des Drougoubites ne semblent pas avoir jouĂ© de rĂŽle particulier. Pendant trois jours, soit du 25 au 27 juillet, les Slaves lancĂšrent des attaques contre les murs de la ville, mais furent constamment repoussĂ©s par les dĂ©fenseurs, saint Demetrios intervenant rĂ©guliĂšrement en personne pour aider ces derniers. La plus notable de ses interventions se situa prĂšs d’une poterne situĂ©e sur une place du nom d’Arktos alors qu’il apparut Ă  pied et armĂ© d’une massue pour repousser une attaque des Drougoubites, un fait qui permit Ă  certains commentateurs modernes de croire que les Slaves avaient rĂ©ussi Ă  pĂ©nĂ©trer dans la ville. NĂ©anmoins, au soir du 27 juillet les Slaves abandonnĂšrent leurs assauts et se retirĂšrent emportant avec eux leurs morts, mais abandonnant leurs machines de siĂšges que les Thessaloniciens firent entrer dans la ville[20] - [32]. Quelques jours plus tard, l’expĂ©dition envoyĂ©e en Thessalie revenait, chargĂ©e de blĂ© et de lĂ©gumes secs[33].

Expédition impériale et levée du blocus

En dĂ©pit de l’échec de leur assaut et du rĂ©approvisionnement de la ville, les Slaves n’en maintinrent pas moins leur blocus et continuĂšrent leurs raids. Ils poursuivirent leurs embuscades aux abords de la citĂ©, mais leur pression se relĂącha un tant soit peu [34]. Leur attention se tourna plutĂŽt vers la mer et leurs pillages visĂšrent plutĂŽt les navires marchands qu’ils attaquĂšrent non plus seulement Ă  l’aide de leurs frĂȘles monoxyles, mais de navires capables d’affronter la haute mer. Ils Ă©tendirent leur piraterie Ă  l’ensemble du nord de la mer ÉgĂ©e, pĂ©nĂ©trant mĂȘme dans les Dardanelles et atteignant l’ile de Marmara[20] - [35].

Ceci se poursuivit jusqu’à ce que l’empereur, dĂ©livrĂ© de ses autres soucis, puisse faire marcher son armĂ©e contre les Slaves (Ă  partir de ce moment, seuls les Strymonites sont mentionnĂ©s nommĂ©ment) Ă  travers la Thrace. Lemerle s’interroge sur l’absence d’une intervention maritime vu la piraterie Ă  laquelle les Slaves venaient de se livrer, mais conclut que l’empereur voulait sans doute frapper au cƓur du problĂšme lĂ  oĂč les tribus habitaient. Les Strymonites ayant eu vent des intentions de l’empereur eurent le temps de prĂ©parer leur dĂ©fense, occupant les cols et autres endroits stratĂ©giques, tout en appelant les autres tribus Ă  les rejoindre. NĂ©anmoins, ils furent Ă©crasĂ©s par les troupes impĂ©riales et durent fuir. MĂȘme les emplacements prĂšs de Thessalonique durent ĂȘtre abandonnĂ©s et leurs occupants s’enfuir vers l’intĂ©rieur. Les Thessaloniciens affamĂ©s, y compris femmes et enfants, ne manquĂšrent pas de piller les campements abandonnĂ©s Ă  la recherche de nourriture[36] - [37]. L’empereur envoya Ă©galement un chargement de grain sous forte escorte navale apportant quelque 60 000 mesures de blĂ© pour la ville, marquant ainsi, comme le souligne Lemerle, une capacitĂ© renouvelĂ©e Ă  intervenir avec force dans les Balkans une fois passĂ© le danger arabe. Par la suite les Slaves demandĂšrent la tenue de pourparlers de paix, mais leur conclusion ne nous est pas connue[38].

Questions de chronologie

L’empereur Constantin IV et sa suite d’aprùs une mosaïque de Saint-Apollinaire-in-classe, Ravenne.

La mention de la « cinquiĂšme indiction » dans les Miracles a soulevĂ© chez les spĂ©cialistes contemporains la question de la datation prĂ©cise de ces Ă©vĂšnements. L’indiction correspondait Ă  une pĂ©riode de quinze ans correspondant dans les siĂšcles prĂ©cĂ©dents Ă  une Ă©valuation fiscale permettant de fixer un impĂŽt en nature et rĂ©visĂ©, d’abord tous les cinq ans, puis tous les quinze ans. Les annĂ©es Ă©taient ainsi numĂ©rotĂ©es de 1 Ă  15 dans chaque cycle d’indiction; toutefois, les cycles eux-mĂȘmes n’étaient pas numĂ©rotĂ©s, laissant ainsi place Ă  une certaine confusion. Par exemple, « en la huitiĂšme indiction » signifie en fait « en la huitiĂšme annĂ©e de l'indiction en cours », mais ne spĂ©cifie pas oĂč elle se place par rapport Ă  la premiĂšre indiction qui commença le Ier septembre 312.

Certains spĂ©cialistes se sont rangĂ©s Ă  la suggestion de l’historien autrichien T.L. Tafel du XIXe siĂšcle qui plaçait ces Ă©vĂšnements en 634. Toutefois cette annĂ©e-lĂ  l’empereur de l’époque, HĂ©raclius (r. 6120-640), n’était pas Ă  Constantinople et le conflit avec les Arabes n’avait pas commencĂ©[39]. HĂ©lĂšne Antoniades-Bibicou et Halina Evert-Kappesova proposĂšrent une reconstruction diffĂ©rente, situant l’arrestation de Perboundos en 644, suivie du siĂšge de deux ans de Thessalonique, le grand assaut de la « cinquiĂšme indiction » se situant en 647 et la campagne impĂ©riale contre les Strymonites en 648/649[40]. Charles Diehl et d’autres ont plutĂŽt identifiĂ© cette campagne avec celle de Constant II en 657-658[41]. Henri GrĂ©goire pour sa part met de l’avant la date de 692 pour l’assaut gĂ©nĂ©ral, mais Arabes et Byzantins Ă©taient en paix dans les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes [42]. Une autre thĂ©orie qui a la faveur entre autres de Francis Dvornik et de Konstantin Jireček identifient la campagne de la fin du siĂšge avec l’expĂ©dition lancĂ©e par Justinien II (r. 685-695; 705-711) en 687/688 alors que l’empereur en personne conduisit ses troupes Ă  travers la Thrace et la MacĂ©doine jusqu’à Thessalonique rĂ©tablissant ainsi le lien entre Constantinople et Thessalonique. Ceci placerait le siĂšge dans les annĂ©es 685-687, mais Ă  nouveau ces annĂ©es correspondaient Ă  une pĂ©riode de paix entre Byzantins et Arabes[43] - [44].

La chronologie acceptĂ©e de nos jours par la plupart des spĂ©cialistes[45] est celle proposĂ©e par Paul Lemerle dans son Ă©dition critique des Miracles, laquelle s’appuie sur un certain nombre de faits avĂ©rĂ©s. La longue pĂ©riode qui s’étend entre ce siĂšge et les prĂ©cĂ©dents suggĂ©rĂ©e par le narratif permet d’exclure les dates les plus prĂ©coces; d’aprĂšs le texte l’empereur rĂ©gnant durant le siĂšge Ă©tait le mĂȘme que celui qui rĂ©gnait lors de la compilation, ce qui exclut Justinien II puisque son arrivĂ©e en personne Ă  Thessalonique n’aurait pas manquĂ© d’ĂȘtre soulignĂ©e par le narrateur; les prĂ©occupations de l’empereur en raison de son conflit avec les Arabes empĂȘche de considĂ©rer 662 puisque les Arabes Ă©taient en paix avec Byzance en raison de la « Grande Discorde ». Ceci nous laisse 676/677 alors que les Byzantins sous Constantin IV (r. 668-685) devaient faire face Ă  la grande attaque lancĂ©e par le califat omeyade en 671/ 672 qui culmina lors du siĂšge de Constantinople de 674-678; c’est aussi la seule pĂ©riode d’une « cinquiĂšme indiction » qui permet de placer tous les faits dĂ©crits par les sources[46]. Telle que reconstruite par Lemerle, la chronologie place la deuxiĂšme arrestation et l’exĂ©cution de Perboundos au dĂ©but 676, l’alliance slave dĂ©butant le siĂšge Ă  l’étĂ© 676 et le grand assaut contre Thessalonique en juillet 677. L’expĂ©dition impĂ©riale contre les Strymonites et la levĂ©e du siĂšge se situeraient alors Ă  l’étĂ© 678 avec la destruction de la flotte arabe et la levĂ©e de la menace arabe contre Constantinople[47] - [48]. Andreas Stratos, universitaire grec, propose pour sa part une pĂ©riode encore plus longue : l’affaire Perboundos aurait eu lieu en 672-674, son exĂ©cution en 674/675 juste avant le dĂ©but vĂ©ritable du siĂšge par les Arabes, et aurait Ă©tĂ© suivie du dĂ©but des attaques slaves contre Thessalonique en 675. Pour le reste, il suit la chronologie proposĂ©e par Lemerle[48].

Notes et références

Notes

  1. Les « Rhynchines » tirent leur nom d’une riviĂšre du nom de Rhynchinos dont on ne connait pas la localisation exacte; les spĂ©cialistes contemporains croient qu’il pourrait s’agir du cours d’eau allant du lac Volvi au golfe Strymonique ( Lemerle (1981), pp. 112–113.
  2. On ignore combien de temps s’écoula entre l’exĂ©cution de Perboundos et la rĂ©volte, mais il pouvait s’agir de plusieurs mois (Stratos [1978] p. 86).
  3. Tribu slave méridionale vivant en Macédoine entre Thessalonique et Veria.
  4. Tribu slave méridionale vivant en Thessalie.

Références

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  5. Fine (1991) pp. 33-34
  6. Fine (1991) p. 31
  7. Fine (1991) pp. 41-44
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  9. Fine (1991) pp. 65-66
  10. Curta (2001) p. 61-62
  11. Lemerle (1981) pp. 111-114
  12. Prosopographie der mittelbyzantinischen Zeit, no. 5901, « Perboundos »
  13. Lemerle (1981) pp. 111-113
  14. Stratos (1978) pp. 84-85
  15. Lemerle (1981) p. 114
  16. Stratos (1978) p. 85
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  18. Stratos (1978) pp. 85-86
  19. Curta (2001) p. 112.
  20. Stratos (1998) p. 87
  21. Lemerle (1981) pp. 117, 119
  22. Lemerle (1981) p. 117
  23. Stratos (1978) p. 86
  24. Lemerle (1981) pp. 117-119
  25. Lemerle (1981) pp. 119-120
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  27. Lemerle (1981) pp. 120-121
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  30. Stratos (1978) pp. 86, 87
  31. Lemerle (1981) p. 123
  32. Lemerle (1981) pp. 123-124
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  40. Stratos (1978) pp. 88-89
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  43. Stratos (1978) p. 90
  44. Fine (1991) p. 71
  45. Korres (1999) p. 144
  46. Lemerle (1981) pp. 128-132
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Bibliographie

Sources primaires

Sources secondaires

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