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Serment d'allégeance au roi des élus au Québec

Au Québec, de même qu'à la Chambre des communes du Canada et dans les législatures des autres provinces canadiennes, il existe un serment d'allégeance au roi des élus prononcé au moment de l'entrée en fonctions de députés nouvellement élus.

Pour des raisons politiques ou idéologiques d'hostilité envers la monarchie canadienne, il est rejeté par des partis politiques, ce qui a provoqué un débat constitutionnel pour rendre le serment optionnel. Une loi en ce sens est adoptée en 2022.

Dispositions constitutionnelles qui prévoient le serment d'allégeance

Ce serment est prévu en vertu de l'article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867[1].

« 128 Les membres du Sénat ou de la Chambre des Communes du Canada devront, avant d’entrer dans l’exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire, devant le gouverneur-général ou quelque personne à ce par lui autorisée, — et pareillement, les membres du conseil législatif ou de l’assemblée législative d’une province devront, avant d’entrer dans l’exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire, devant le lieutenant-gouverneur de la province ou quelque personne à ce par lui autorisée, — le serment d’allégeance énoncé dans la cinquième annexe de la présente loi ; et les membres du Sénat du Canada et du conseil législatif de Québec devront aussi, avant d’entrer dans l’exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire, devant le gouverneur-général ou quelque personne à ce par lui autorisée, la déclaration des qualifications énoncée dans la même annexe. »

Le texte du serment est prévu à la cinquième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867 :

« Je, A.B., jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la Reine Victoria.

N.B. — Le nom du Roi ou de la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, alors régnant, devra être inséré, au besoin, en termes appropriés. »

Hostilité de certains partis politiques à la prononciation du serment d'allégeance au roi

Le serment d'allégeance au monarque ne faisait l'objet d'aucune remise en question jusqu'à l'élection des premiers représentants du Parti québécois en 1970, ces derniers refusant de prêter serment à la reine Élisabeth II[2]. En 1982, le gouvernement de René Lévesque ajoute au serment d'allégeance à la reine un serment au « peuple du Québec »[2].

Les partis politiques indépendantistes (le Parti québécois et Québec solidaire) demandent de mettre fin à la pratique du serment obligatoire d'allégeance au monarque canadien pour les élus à l'Assemblée nationale du Québec[3] - [4] - [5] - [6] - [7] - [8].

Avis d'expert quant à la constitutionnalité de l'abolition du serment

Selon le constitutionnaliste et chargé de cours en droit Frédéric Bérard, la disposition est claire et ne peut pas simplement être ignorée. Il indique qu'il existe deux thèses concurrentes au sujet de la possibilité d'abolir le serment d'allégeance au roi :

  • soit l'abolition du serment de la législature provinciale relève de la formule de modification provinciale de l'article 45 LC 1982[9] et peut donc s'effectuer par l'adoption d'une simple résolution provinciale,
  • soit l'abolition concerne la charge de la Reine, celle de gouverneur général et celle de lieutenant-gouverneur de l'article 41 a) LC 1982[10], relève de la formule de modification unanime et exige donc le consentement unanime du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province.

Il indique ensuite qu'à son avis, malgré son opposition personnelle à la monarchie, comme cela touche l'essence de la question monarchique, ce serait la formule de l'unanimité qui trouverait application[11].

Signification du mot « roi » selon la jurisprudence

Selon le professeur de droit Patrick Taillon, il existe une jurisprudence connexe[12] concernant un autre serment au roi dans les serments de citoyenneté. D'après cette jurisprudence, le mot « roi » réfère plus largement à l'État, ce n'est plus un serment d'allégeance personnelle envers le monarque au XXIe siècle, même si historiquement ce l'était quand le serment a été utilisé pour la première fois en Angleterre au XVIIe siècle[13] - [14].

Exclusion de députés qui refusent de prêter serment

Les trois élus du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, Pascal Bérubé et Joël Arseneau, ont refusé de prêter serment au roi à la suite de l’élection du 3 octobre 2022.

Le 1er novembre 2022, le président sortant de l'Assemblée nationale François Paradis a tranché que « la présidence n’a pas le pouvoir de dispenser un député d’une obligation constitutionnelle et elle ne peut juger recevable une motion qui permettrait de passer outre à cette obligation[15] […] un député qui ne prête pas serment ne peut prendre place à l’Assemblée et participer aux travaux parlementaires. Il s’agit de l’opinion unanime des auteurs de la doctrine parlementaire », écrit M. Paradis dans sa décision. Par conséquent, il a « donne l'ordre formel à la sergente d'armes de veiller à ce que la présente décision soit appliquée. Dans le cas où une personne refuserait de se plier à cette interdiction, [elle] sera légitimée de l'expulser »[16].

Loi abolissant le serment

En décembre 2022, la Coalition avenir Québec dépose le projet de loi abolissant le serment d'allégeance au roi[17]. La loi modifie unilatéralement la Loi constitutionnelle de 1867 pour déclarer que l'article 128 LC 1867 ne s'applique pas au Québec, en s’appuyant sur l’article 45 de la loi constitutionnelle de 1982 qui l’autorise à agir de la sorte.

Le projet de loi est adopté le [18]. Si la loi est ensuite contestée, un tribunal pourrait apporter une réponse à la question de savoir si une province canadienne peut abolir unilatéralement son serment d'allégeance au roi.

Notes et références

  1. Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3, art 128, canlii.ca/t/dfbw#art128, consulté le 2022-10-22
  2. Dave Noël, « Petite histoire québécoise du serment d’allégeance à la monarchie britannique », sur Le Devoir, (consulté le ).
  3. « Le serment d’allégeance à la reine restera à l’Assemblée nationale », sur La Tribune, (consulté le )
  4. « Le serment d’allégeance à la reine restera à l’Assemblée nationale », sur Le Soleil, (consulté le )
  5. Zone Politique- ICI.Radio-Canada.ca, « Pas de débat sur le serment prêté par les députés à la reine Élisabeth II », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  6. Zone Politique- ICI.Radio-Canada.ca, « Québec solidaire réclame la fin du serment à la reine pour les députés », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  7. JOCELYNE RICHER, « Le PQ veut abolir le serment à la reine », La Presse, (lire en ligne, consulté le )
  8. Geneviève Lajoie, « Serment d’allégeance à la reine: «Je m'en sens souillé à jamais» – Sol Zanetti », sur Le Journal de Québec (consulté le )
  9. Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 45, canlii.ca/t/dfbx#art45, consulté le 2022-10-22
  10. Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 41, canlii.ca/t/dfbx#art41, consulté le 2022-10-22
  11. Youtube. Frédéric Bérard. « L'histoire du serment au roi ». En ligne. Page consultée le 2022-10-22
  12. McAteer c. Canada (Procureur général), 2014 ONCA 578
  13. Radio-Canada. 20 oct. 2022. Serment d’allégeance au roi. En ligne. Page consultée le 2022-10-22
  14. Yan Campagnolo. La Conversation. « Voici pourquoi les politiciens québécois doivent prêter serment au roi — que cela leur plaise ou non ». En ligne. Page consultée le 2022-10-28
  15. Journal de Québec. Patrick Bellerose. « Refus de prêter serment au roi: solidaires et péquistes pourront être expulsés ». En ligne. Page consultée le 2022-11-01
  16. Radio-Canada. Hugo Prévost, Stéphane Bordeleau. 1er novembre 2022, Pas question de siéger sans prêter serment au roi, tranche l’Assemblée nationale. En ligne. Page consultée le 2022-11-01
  17. Journal de Montréal. 6 décembre 2022. Abolition du serment au roi: «un important geste d’affirmation nationale», dit le ministre Roberge. En ligne. Page consultée le 2022-12-07
  18. H.G. avec AFP, « L'ASSEMBLÉE DU QUÉBEC REND FACULTATIF LE SERMENT AU ROI CHARLES III », sur bfmtv.com, .
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