Seconde frappe
Dans la stratégie nucléaire, une capacité de seconde frappe est la capacité assurée d'un pays à réagir à une attaque nucléaire avec de puissantes représailles nucléaires contre l'attaquant. Avoir une telle capacité (et convaincre un adversaire de sa viabilité) est considéré comme un élément essentiel de la dissuasion nucléaire, faute de quoi l'autre partie pourrait tenter de gagner une guerre nucléaire en une premiÚre frappe massive contre les forces nucléaires de son adversaire.
Théorie
Face à la tentation de lancer une attaque nucléaire surprise pour neutraliser les capacités nucléaires d'un pays, la possession de capacités de seconde frappe permet de contrer une telle premiÚre frappe en garantissant une riposte stratégique et peut soutenir une stratégie nucléaire sans premiÚre utilisation. Les capacités réciproques de frappe secondaire donnent généralement lieu à une stratégie de défense de destruction mutuellement assurée bien qu'une des parties puisse avoir une réaction de dissuasion de niveau inférieur.
Les capacitĂ©s de seconde frappe peuvent ĂȘtre encore renforcĂ©es par la mise en Ćuvre de mĂ©canismes type "Ă©chec mortel". Ces mĂ©canismes crĂ©ent un seuil et garantissent les consĂ©quences si ce seuil est dĂ©passĂ©. Par exemple, un seuil peut ĂȘtre qu'une nation alliĂ©e ne soit pas attaquĂ©e. Si une nation rivale dĂ©passe alors ce seuil en attaquant la nation alliĂ©e, les consĂ©quences prĂ©dĂ©terminĂ©es pour cette action entrent en vigueur. Ces consĂ©quences prĂ©dĂ©terminĂ©es pourraient inclure un large Ă©ventail de rĂ©ponses, notamment une seconde frappe nuclĂ©aire de reprĂ©sailles.
Mise en oeuvre
Lâobjectif crucial du maintien des capacitĂ©s de seconde frappe consiste Ă empĂȘcher les attaques de premiĂšre frappe de dĂ©truire lâarsenal nuclĂ©aire dâun pays. De cette maniĂšre, un pays peut exercer des reprĂ©sailles nuclĂ©aires mĂȘme aprĂšs avoir subi une attaque nuclĂ©aire. Les Ătats-Unis et d'autres pays ont diversifiĂ© leurs arsenaux nuclĂ©aires dans le cadre de la triade nuclĂ©aire afin de mieux assurer la capacitĂ© de frappe de seconde frappe[1].
Les missiles balistiques lancĂ©s par des sous-marins sont la mĂ©thode traditionnelle mais trĂšs coĂ»teuse de fournir une capacitĂ© de frappe secondaire, bien quâils aient besoin dâĂȘtre appuyĂ©s par une mĂ©thode fiable permettant dâidentifier lâattaquant. L'utilisation de SLBM en tant que seconde frappe pose un grave problĂšme, les reprĂ©sailles d'un ICBM lancĂ© par un sous-marin fait en sorte que le mauvais pays pourrait ĂȘtre ciblĂ© et provoquer une escalade du conflit. Cependant, la mise en Ćuvre de la seconde frappe est essentielle pour dissuader une premiĂšre attaque. Les pays dotĂ©s dâarmes nuclĂ©aires ont pour objectif principal de convaincre leurs adversaires quâune premiĂšre frappe ne vaut pas la peine de faire face Ă une seconde frappe. Ces pays ont de nombreux mĂ©canismes de lancement, des rĂ©ponses prĂ©parĂ©es Ă divers scĂ©narios dâattaque nuclĂ©aire, des mĂ©canismes de lancement dans de nombreuses rĂ©gions du pays et des installations de lancement souterraines spĂ©cialement conçues pour rĂ©sister Ă une attaque nuclĂ©aire.
Le lancement sur alerte est une stratégie de représailles contre les armes nucléaires qui a été reconnue pendant la Guerre froide entre le bloc de l'Ouest et le bloc de l'Est. En plus de la triade nucléaire, les pays déploient un systÚme d'alerte précoce, qui détecte les missiles nucléaires qui arrivent. Cela donne à ces pays la capacité et la possibilité de lancer une seconde frappe de représailles avant que la premiÚre frappe nucléaire ne frappe l'une de ses cibles. C'est une autre méthode pour renforcer les capacités de seconde frappe et dissuader une premiÚre frappe d'une autre puissance nucléaire[2].
En raison de la faible prĂ©cision (Ă©cart circulaire probable) des missiles balistiques intercontinentaux de premiĂšre gĂ©nĂ©ration, en particulier des missiles balistiques lancĂ©s par des sous-marins, la seconde frappe nâĂ©tait initialement possible que contre de trĂšs grandes cibles Ă contre-valeur non dĂ©fendues, comme les villes. Des missiles de derniĂšre gĂ©nĂ©ration dotĂ©s d'une prĂ©cision bien amĂ©liorĂ©e ont permis des attaques de contre-force de deuxiĂšme frappe contre les installations militaires durcies de l'adversaire.
Perimeter
Perimeter, Ă©galement connu sous le nom de ĐŒĐ”ŃŃĐČĐ°Ń ŃŃĐșĐ° (« main morte ») en russe, est une dissuasion nuclĂ©aire russe dĂ©veloppĂ©e pour lancer automatiquement des missiles balistiques en guise d'attaque de reprĂ©sailles si le systĂšme de commandement et de contrĂŽle russe est dĂ©truit lors d'une attaque surprise de dĂ©capitation.
Le systĂšme remonte Ă 1974 en rĂ©ponse aux craintes de lâUnion soviĂ©tique concernant les frappes nuclĂ©aires dĂ©vastatrices des sous-marins amĂ©ricains. Il est devenu opĂ©rationnel en , avec des silos de lancement SS-17 Ă Vypolzovo (Yedrovo) et Ă Kostroma, situĂ©s respectivement Ă 100 et 150 km au nord-ouest de Moscou. Le systĂšme a Ă©tĂ© construit avec plusieurs couches de redondance, au cas oĂč plusieurs couches de communications seraient dĂ©truites lors de la frappe initiale. L'autorisation de lancement serait transmise par radio UHF par des Ă©metteurs enfouis sous terre. Le dĂ©veloppement s'est poursuivi au fil des annĂ©es, le systĂšme incorporant les nouveaux ICBM Topol-M RT-2PM2 en et d'autres perfectionnements en 1996.
Les dirigeants russes craignaient que le systÚme ne déclenche un lancement accidentel. Ils ont donc incorporé de nombreuses garanties dans sa conception :
- PremiĂšrement, le lien de commandement nuclĂ©aire Vyuga avec les dirigeants russes, et le systĂšme de communication sĂ©curisĂ© Kazbek doivent ĂȘtre interrompus. La perte simultanĂ©e des deux systĂšmes indiquerait que le poste de commandement national a Ă©tĂ© dĂ©truit et les dirigeants politiques tuĂ©s.
- DeuxiĂšmement, il aurait fallu que l'Ă©tat-major gĂ©nĂ©ral augmente suffisamment le niveau de la menace pour qu'une autorisation prĂ©alable de lancement ait dĂ©jĂ Ă©tĂ© atteinte avant la perte de communication. Si cela nâavait pas Ă©tĂ© reçu, câĂ©tait aux opĂ©rateurs de missiles dans les silos dâannuler le lancement automatisĂ©.
- TroisiĂšmement, la saisie collective des donnĂ©es provenant de divers capteurs est transmise Ă un serveur central. Cela comprenait des capteurs au sol et infrarouges conçus pour dĂ©tecter les explosions autour des stations radar dâalerte, des postes de commandement et des silos. Le systĂšme a Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment conçu pour ne pas ĂȘtre lancĂ© en cas de frappe moins importante d'alliĂ©s des AmĂ©ricains ou d'une puissance nuclĂ©aire asiatique, en raison de leur incapacitĂ© Ă mener une « guerre totale ». Le systĂšme a Ă©galement Ă©tĂ© conçu pour exclure la possibilitĂ© d'un sĂ©isme ou d'une catastrophe naturelle en se rĂ©fĂ©rant aux donnĂ©es des stations de sismographe.
MalgrĂ© les capacitĂ©s de lancement automatisĂ©es, le commandement et le contrĂŽle nuclĂ©aires russes pourraient ordonner aux missiles de s'autodĂ©truire en vol en cas de lancement accidentel. Les sous-marins russes nâauraient jamais Ă©tĂ© incorporĂ©s dans le systĂšme Ă cause des problĂšmes de communication inhĂ©rents qui pourraient en rĂ©sulter.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Second strike » (voir la liste des auteurs).
Citations
- Siracusa 2008, p. 69
- « False Alarms in the Nuclear Age â NOVA | PBS », sur www.pbs.org (consultĂ© le )
Bibliographie
- Joseph Siracusa, Nuclear weapons : a very short introduction, Oxford University Press, , 1re Ă©d. (ISBN 978-0-19-922954-3, DOI 10.1093/actrade/9780199229543.001.0001)