Scandale WE Charity
Le scandale We Charity (également appelé le scandale UNIS) est un scandale politique en cours qui implique l'attribution d'un contrat du gouvernement du Canada à WE Charity afin d'administrer le programme proposé de Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Le contrat a depuis été annulé.
Premiers événements
En 2020, le cabinet fĂ©dĂ©ral a choisi WE pour administrer la Bourse canadienne pour le bĂ©nĂ©volat Ă©tudiant, un programme de bĂ©nĂ©volat de 900 millions de dollars, pour un contrat d'une valeur de 19,5 millions de dollars. La dĂ©cision a soulevĂ© des questions sur les liens de l'organisme de bienfaisance avec la famille Trudeau et sur les raisons pour lesquelles la fonction publique fĂ©dĂ©rale ne pouvait pas administrer les fonds dans le cadre de son mandat rĂ©gulier. Le dĂ©putĂ© conservateur Dan Albas a soulevĂ© des prĂ©occupations au sujet de la responsabilitĂ©, dĂ©clarant que l'organisme de bienfaisance privĂ© ne pouvait pas ĂȘtre vĂ©rifiĂ© par le vĂ©rificateur gĂ©nĂ©ral du Canada[1]. Auparavant, l'organisme de bienfaisance avait reçu 120 000 $ dans au moins cinq contrats du gouvernement fĂ©dĂ©ral et 5,2 millions de dollars en subventions et contributions sous le gouvernement Trudeau de 2017 Ă 2020[2].
Le cofondateur de Democracy Watch, Duff Conacher, s'est dit prĂ©occupĂ© par le financement relativement soudain et important d'une organisation pour laquelle l'Ă©pouse du premier ministre, Sophie GrĂ©goire Trudeau, Ă©tait une bĂ©nĂ©vole de haut rang. BĂ©nĂ©voles Canada, un groupe national de bĂ©nĂ©voles, a rejetĂ© le fonds, affirmant qu'il paierait les bĂ©nĂ©voles moins que le salaire minimum et serait contraire Ă la loi. Craig Kielburger, le PDG de l'organisation, a qualifiĂ© le programme de moyen d'embaucher des Ă©tudiants Ă un taux rĂ©duit tout en qualifiant le programme de « subvention »[3]. L'organisme de bienfaisance lui-mĂȘme a offert 450 postes de bĂ©nĂ©volat virtuels dans le cadre du programme, ce qui soulĂšve davantage de prĂ©occupations concernant un conflit d'intĂ©rĂȘts[4]
Chronologie
Le premier ministre Justin Trudeau a dĂ©fendu la dĂ©cision initiale du gouvernement de confier le programme Ă WE Charity, affirmant que les rĂ©seaux de l'organisation Ă travers le pays en faisaient le bon choix et que WE Charity elle-mĂȘme ne profiterait pas du contrat. Le , le ministre libĂ©ral de la DiversitĂ© et de l'Inclusion et de la Jeunesse, Bardish Chagger, a annoncĂ© que WE Charity n'administrerait plus le programme de subvention canadienne pour services aux Ă©tudiants, par une « dĂ©cision mutuellement convenue » entre l'organisation et le gouvernement fĂ©dĂ©ral[5] et que WE Charity rendrait tous les fonds reçus. Bien qu'elle ait Ă©tĂ© initialement caractĂ©risĂ©e comme une dĂ©cision mutuelle, Trudeau a dĂ©clarĂ© plus tard que c'Ă©tait une dĂ©cision prise par WE que le gouvernement soutenait. Dans un communiquĂ©, les fondateurs de WE Charity, Craig et Marc Kielburger, ont confirmĂ© que la dĂ©cision d'annuler le contrat Ă©tait rĂ©ciproque entre leur organisation et le gouvernement fĂ©dĂ©ral, affirmant que s'ils regrettaient la controverse qui menaçait d'Ă©clipser l'intention du programme, ils estimaient que le gouvernement avait conclu contrat de bonne foi, et quâils « souhaitent au programme le meilleur succĂšs continu »[6].
Le , le Commissaire aux conflits dâintĂ©rĂȘts et Ă lâĂ©thique a annoncĂ© l'ouverture d'une enquĂȘte sur Justin Trudeau et la dĂ©cision de confier Ă WE Charity la gestion du programme de bourses de bĂ©nĂ©volat pour Ă©tudiants[7] - [8]. Il a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© plus tard que la mĂšre de Trudeau, Margaret et son frĂšre Alexandre avaient reçu respectivement 250 000 $ et 32 000 $ pour avoir pris la parole lors d'Ă©vĂ©nements organisĂ©s par WE Charity entre 2016 et 2020[9]. Il a Ă©galement Ă©tĂ© constatĂ© que deux des filles du ministre des Finances Bill Morneau avaient travaillĂ© dans un travail non liĂ© pour l'organisme de bienfaisance, l'une dans un poste contractuel rĂ©munĂ©rĂ© et l'autre comme bĂ©nĂ©vole non rĂ©munĂ©rĂ©e ; Bill Morneau ne s'est pas rĂ©cusĂ© de la dĂ©cision du Cabinet concernant le contrat[10]. Les partis d'opposition ont appelĂ© Ă diverses mesures, notamment la divulgation de documents liĂ©s Ă l'organisme de bienfaisance et Ă ce que des libĂ©raux de haut rang comparaissent devant les comitĂ©s parlementaires ; les conservateurs ont demandĂ© une enquĂȘte de la GRC[11].
Le , le chef du Bloc quĂ©bĂ©cois, Yves-François Blanchet, a suggĂ©rĂ© que le premier ministre Trudeau se retire « quelques mois » lors de l'enquĂȘte du commissaire Ă l'Ă©thique et « laisse les responsabilitĂ©s Ă la vice-premiĂšre ministre » Chrystia Freeland[12]. Le , lors d'une confĂ©rence de presse Ă Ottawa, Chrystia Freeland a dĂ©clarĂ© que le premier ministre avait son « entiĂšre confiance » et que « nous tous, tout le monde au sein de notre gouvernement, tout le monde au Cabinet, sommes responsables de cette situation »[13].
Le , la ministre Bardish Chagger a dĂ©clarĂ© Ă un comitĂ© parlementaire que le gouvernement Trudeau Ă©tait disposĂ© Ă payer Ă WE Charity plus de 19,5 millions de dollars si le programme de subvention canadienne pour services aux Ă©tudiants avait Ă©tĂ© mis en Ćuvre, jusqu'Ă 43,5 millions de dollars[14] - [15]. Bardish Chagger a poursuivi en disant qu'elle n'avait pas Ă©tĂ© dirigĂ©e par le premier ministre ou son personnel en suggĂ©rant que WE Charity dirige le programme, rĂ©itĂ©rant qu'il s'agissait d'une recommandation de la fonction publique non partisane. Dans son tĂ©moignage rendu le mĂȘme jour, Rachel Wernick, sous-ministre adjointe principale d'Emploi et DĂ©veloppement social Canada (EDSC), a corroborĂ© cette affirmation en disant qu'elle avait recommandĂ© Ă WE Charity d'administrer le programme, citant ses liens Ă©troits avec les jeunes et le Ă©chelle et vitesse auxquelles le programme devait ĂȘtre exĂ©cutĂ©. Wernick a en outre expliquĂ© qu'elle avait fait sa recommandation parce que la fonction publique Ă©tait surchargĂ©e de responsabilitĂ©s liĂ©es Ă la pandĂ©mie de COVID-19 et que, bien que d'autres organismes de bienfaisance aient Ă©tĂ© consultĂ©s et pris en considĂ©ration, le programme devait ĂȘtre lancĂ© rapidement et un processus d'appel d'offres ouvert aurait pris mois.
Le , le greffier du Conseil privĂ© Ian Shugart a confirmĂ© les dĂ©clarations de Rachel Wernick soutenant les affirmations du premier ministre, ajoutant qu'il n'y avait « aucune preuve » que Justin Trudeau avait eu des contacts avec WE Charity avant l'attribution du contrat et que la fonction publique et le cabinet n'ont signalĂ© aucun conflit d'intĂ©rĂȘts potentiel avec le programme. Ian Shugart a ajoutĂ© que la fonction publique administrant le programme le rendrait moins complet que s'il avait Ă©tĂ© facilitĂ© par le mĂ©canisme de prestation par des tiers proposĂ© Ă l'origine.
Le , le ministre des Finances Bill Morneau a tĂ©moignĂ© devant le ComitĂ© permanent des finances qu'il avait rĂ©cemment remboursĂ© Ă WE Charity 41 366 $ pour les dĂ©penses engagĂ©es par l'organisme pour les voyages que sa famille a effectuĂ©s au Kenya et en Ăquateur en 2017[16] - [17]. Bill Morneau a dĂ©clarĂ© que le remboursement avait Ă©tĂ© effectuĂ© aprĂšs « un examen approfondi » de ses dossiers, et que « cela aurait dĂ» ĂȘtre quelque chose que nous avons rectifiĂ© plus tĂŽt. C'Ă©tait absolument une erreur. En parcourant mes dossiers, j'ai Ă©tĂ© complĂštement surpris par la situation. »
Le , les mĂ©dias ont rĂ©vĂ©lĂ© que sur la base de documents partagĂ©s avec le ComitĂ© des finances, alors que le chiffre de 900 millions de dollars initialement annoncĂ© Ă©tait un budget maximal pour le programme, les responsables avaient Ă©laborĂ© un plan avec We Charity pour ne dĂ©penser qu'environ la moitiĂ© de ce montant. Des documents supplĂ©mentaires Ă©tayaient les affirmations du gouvernement selon lesquelles la fonction publique avait Ă©valuĂ© plusieurs autres organismes sans but lucratif, y compris Centraide et la Croix-Rouge canadienne, avant de recommander We Charity comme l'organisation idĂ©ale pour administrer la subvention canadienne pour services aux Ă©tudiants Ă la capacitĂ© et Ă l'Ă©chelle prĂ©vues, bien que certaines de ces organisations ont dĂ©clarĂ© n'avoir jamais Ă©tĂ© contactĂ©es pour discuter du programme lui-mĂȘme. Cependant, Peter Dinsdale, prĂ©sident et chef de la direction de YMCA Canada, l'une des organisations dont les documents indiquent que la fonction publique a pris en considĂ©ration, a dĂ©clarĂ© que mĂȘme si le YMCA n'avait pas Ă©tĂ© contactĂ©, il aurait pu avoir des difficultĂ©s Ă mettre en Ćuvre le programme en raison de l'impact du COVID-19 avait prĂ©sentĂ© de nouveaux dĂ©fis pour l'organisation. S'adressant Ă CTV News, Dinsdale a dĂ©clarĂ© : « Cela aurait Ă©tĂ© difficile Ă©tant donnĂ© l'Ă©tat des YMCA Ă travers le pays, Ă©tant donnĂ© l'impact du COVID - vraiment lutter pour la survie de base. En temps normal, [ces] 100 % auraient Ă©tĂ© quelque chose que nous aurions pu faire. » D'autres organisations figurant sur la liste, comme CollĂšges et instituts Canada, ont confirmĂ© avoir Ă©tĂ© approchĂ©es pour discuter du programme.
Le , Michelle Douglas, ancienne présidente du conseil d'administration de We Charity, a témoigné devant le comité des finances de la Chambre des communes. Michelle Douglas avait démissionné en , affirmant publiquement qu'elle l'avait fait en raison de « développements préoccupants » au sein de l'organisme de bienfaisance. Elle a dit au comité qu'au cours de son mandat en tant que présidente, le conseil d'administration de We Charity a fait des demandes spécifiques et a été informé que les conférenciers n'étaient pas payés pour comparaßtre aux événements de We Day. Douglas a déclaré qu'elle avait démissionné parce que l'organisation avait refusé de fournir au conseil des documents financiers ou d'accéder à son directeur financier, Victor Li, alors que le conseil examinait les licenciements massifs au sein de l'organisation. Lorsqu'on lui a demandé si elle souscrivait aux affirmations du gouvernement selon lesquelles We Charity était la seule organisation capable de fournir le programme à l'échelle et à la capacité prévues, Douglas a déclaré qu'elle ne pouvait pas spéculer sur cette perspective car elle avait démissionné des mois avant l'attribution du contrat. Répondant aux préoccupations selon lesquelles We Charity a bénéficié d'une relation étroite avec les libéraux fédéraux, elle a ajouté que le conseil d'administration considérait We Charity comme « non partisane ».
Craig et Marc Kielburger ont Ă©galement tĂ©moignĂ© devant le comitĂ© des finances le . Les frĂšres ont affirmĂ© qu'ils n'avaient pas Ă gagner financiĂšrement Ă gĂ©rer le programme et qu'ils n'avaient pas non plus exploitĂ© leurs liens avec la famille Trudeau pour conclure l'accord. InterrogĂ© sur la « proximitĂ© » de leur relation avec les Trudeau, Craig Kielburger a dĂ©clarĂ© que ni lui ni son frĂšre n'avaient jamais « socialisĂ© » avec le Premier ministre, sa femme, sa mĂšre ou son frĂšre, ajoutant qu'ils n'avaient invitĂ© que Sophie GrĂ©goire-Trudeau et Margaret Trudeau Ă des programmes de mieux-ĂȘtre en raison de leurs antĂ©cĂ©dents de dĂ©fense de la santĂ© mentale. Ils ont ajoutĂ© que des reprĂ©sentants Ă©lus de tous les partis politiques Ă tous les niveaux de gouvernement avaient participĂ© et parrainĂ© des Ă©vĂ©nements We Charity, y compris l'ancienne premiĂšre ministre nĂ©o-dĂ©mocrate de l'Alberta Rachel Notley et Laureen Harper, Ă©pouse de l'ancien premier ministre conservateur Stephen Harper, qui avait organisĂ© une rĂ©ception pour eux, au 24, promenade Sussex en 2013. Les frĂšres ont Ă©galement rappelĂ© que c'Ă©tait un membre de la fonction publique qui les avait contactĂ©s pour discuter du programme et qu'ils avaient identifiĂ© par erreur le contact comme Ă©tant du bureau du Premier ministre. Craig Kielburger a dĂ©clarĂ© qu'il regrettait que leur Ă©quipe ait rĂ©pondu Ă l'appel tĂ©lĂ©phonique de la fonction publique et qu'ils ne prĂ©voyaient pas les consĂ©quences croissantes qui en rĂ©sulteraient.
Trudeau et sa chef de cabinet, Katie Telford, ont témoigné devant le Comité des finances le jeudi [18].
Références
- (en-CA) McParland, « Trudeau drives straight into another pothole with the WE controversy », National Post (consulté le )
- (en) Nardi, « Records show charity closely linked to Trudeau has received multiple sole-source contracts from Liberal government », National Post (consulté le )
- (en) Bill Curry, « Volunteer Canada declined to work for WE Charities over wage concerns with student grant program », sur The Globe and Mail, (consulté le )
- (en) Bill Curry, « We Charity offers 450 âvirtual volunteeringâ positions at own organization while running $900-million grant program », sur The Globe and Mail, (consultĂ© le )
- (en) Smith, « Bardish Chagger's office just announced that WE will no longer be administering the Canada Student Grant programme and that the decision was âmutual.â #cdnpoli », Twitter, (consultĂ© le )
- (en) Kielburger, « Media Statement - We Charity », Newswire, (consulté le )
- (en) Peter Zimonjic, « Ethics watchdog launches probe of Trudeau over choice of WE Charity to run $900M student grant program », sur CBC News, (consulté le )
- (en) Kerri Breen, « Ethics commissioner launches investigation into Trudeau, $900M WE Charity contract », sur Global News, (consulté le )
- (en) Janyce McGregor, « PM's mother Margaret and brother Alexandre were both paid to speak at WE Charity events », sur CBC News,
- (en) Janyce McGregor, « Bill Morneau has family ties to WE Charity, did not steer clear of cabinet discussion of contract », sur CBC News,
- (en) Beatrice Britneff, « Tories ask RCMP to launch criminal probe into Trudeau familyâs WE connections », sur Global News (consultĂ© le )
- (en) Lum, « Freeland Should Act As PM While Trudeau Investigated For WE Charity Deal: Blanchet » [archive du ], sur HuffPost Canada,
- (en) Maloney, « Chrystia Freeland: âEveryone In Cabinetâ Bears Responsibility For WE Charity Controversy » [archive du ], sur HuffPost Canada,
- (en) Nardi, « Trudeau government was willing to pay WE Charity up to $43.5M to run student volunteer grant program » [archive du ], sur National Post,
- Opposition presses minister on 900M volunteer program budget... () The Canadian Press Postmedia.
- (en) Press, « Tories, NDP call on ethics watchdog to launch new probe of Morneau over WE trips » [archive du ], sur cp24.com,
- (en) Connolly, « Morneau says he's made 'significant' WE Charity donations, just repaid $41K for trips » [archive du ], sur globalnews.ca,
- (en) « Trudeau, Telford to appear before Commons committee Thursday to answer questions about WE Charity deal », sur CBC News, (consulté le )
Liens externes
- Chronologie : Roxane Trudel, « Scandale WE Charity: rappel des événements », sur journaldemontreal.com,
- Points principaux : Gabrielle Duchaine et Louis-Samuel Perron, « Le scandale WE Charity en cinq questions », sur lapresse.ca,
- « Justin Trudeau au cĆur d'une nouvelle tempĂȘte politique », sur lefigaro.fr, (consultĂ© le )