Saint-Martin (Allemagne)
La Saint-Martin est cĂ©lĂ©brĂ©e le 11 novembre en souvenir de saint Martin. La date correspond Ă la mise au tombeau de saint Martin le . En Europe centrale, la Saint-Martin sâaccompagne de nombreuses traditions parmi lesquelles on trouve la dĂ©gustation de lâoie de la Saint-Martin (Ă©galement dans les pays scandinaves, Mortensaften au Danemark, ou baltes, Martinmas en Estonie, MÄrtiĆi en Lettonie, etc.), la retraite aux flambeaux et les chants de la Saint-Martin.
Origine et symbolique
Les diffĂ©rentes pratiques dĂ©coulent de deux Ă©vĂ©nements Ă©troitement liĂ©s. Ă lâĂ©poque oĂč la chrĂ©tientĂ© se trouvait encore sous lâinfluence du Saint empire romain germanique, le jour de la Saint-Martin ouvrait la pĂ©riode de jeĂ»ne[1] qui commençait le 11 novembre et qui sâĂ©tendait sur deux semaines. Depuis le Moyen Ăge jusquâĂ lâĂšre des temps modernes et mĂȘme jusquâĂ aujourdâhui dans certaines Ăglises orthodoxes, cette pĂ©riode de jeune avait lieu avant NoĂ«l. Le jour prĂ©cĂ©dent cette pĂ©riode, on festoyait une derniĂšre fois avant de jeĂ»ner, Ă lâimage de ce que lâon avait coutume de faire lors du carnaval. Encore aujourdâhui, la nouvelle « session » du carnaval rhĂ©nan est initiĂ©e le 11 novembre. Par ailleurs, le jour de la Saint-Martin Ă©tait Ă©galement, suivant la tradition, le jour de la dĂźme. Dans le temps, on payait les impĂŽts en nature, incluant les oies, puisque lâhiver approchait et que lâentretien des animaux durant cette pĂ©riode nâĂ©tait possible quâĂ condition que leur nombre reste restreint. CâĂ©tait aussi la date Ă laquelle commençaient ou terminaient les contrats de travail et Ă laquelle les fermages, les rĂ©tributions et les intĂ©rĂȘts Ă©taient Ă©chus[2]. Aujourdâhui encore, le jour de la Saint-Martin sert de date de dĂ©but ou de fin des baux, dans la mesure oĂč ce jour correspond au dĂ©but et Ă la fin de la pĂ©riode dâexploitation naturelle. Câest la raison pour laquelle le jour de la Saint-Martin Ă©tait aussi appelĂ© le jour de payement des intĂ©rĂȘts.
Traditions
L'oie de la Saint-Martin
La tradition la plus rĂ©pandue de nos jours est la dĂ©gustation de lâoie de la Saint-Martin. On raconte que cette tradition trouve son origine dans une lĂ©gende sur la vie de Martin : en dĂ©pit des rĂ©serves Ă©mises par le clergĂ© et de sa propre volontĂ©, le peuple de Tours rĂ©clamait quâil soit nommĂ© Ă©vĂȘque. Comme il menait une vie ascĂ©tique et modeste, il se considĂ©rait indigne dâun tel honneur et se serait donc cachĂ© parmi les oies. NĂ©anmoins, les oies firent un tel vacarme que Martin fut dĂ©couvert et nommĂ© Ă©vĂȘque. Une autre lĂ©gende rapporte que les habitants de Tours eurent recours Ă une ruse : un fermier se serait rendu auprĂšs de Martin dans sa cachette et lui aurait demandĂ© de rendre visite Ă sa femme malade. La serviabilitĂ© de Martin lâaurait inĂ©vitablement poussĂ© Ă prendre ses affaires et Ă accompagner le fermier chez lui. Sans doute Ă©tait-il assez sale en sortant de sa cachette dans laquelle il avait probablement passĂ© un certain temps. Selon une autre lĂ©gende, un troupeau dâoies bruyantes se serait introduit dans lâĂ©glise et aurait interrompu la prĂ©dication de lâĂ©vĂȘque Martin. Elles auraient Ă©tĂ© capturĂ©es et servi de festin par la suite.
On avance Ă©galement lâhypothĂšse historique suivante pour expliquer la lĂ©gende de lâoie : le MartinschoĂ, un vasselage Ă©chu le jour de la Saint-Martin Ă lâĂ©poque fĂ©odale, en serait lâorigine[3]. Comme il sâagissait souvent dâune oie, elle fut qualifiĂ©e dâoie de la Saint-Martin, et comme ce jour-lĂ Ă©tait traditionnellement cĂ©lĂ©brĂ© par une kermesse ou une soirĂ©e dansante, il parut appropriĂ© de dĂ©signer lâoie comme Ă©lĂ©ment principal du festin et de la dĂ©guster dans une ambiance festive[4]. En Allemagne, il est coutume dâaccompagner lâoie de chou rouge et de quenelles ou de viande, de poisson ou de pommes de terre.
La retraite aux flambeaux de la Saint-Martin
Dans de nombreuses rĂ©gions dâAllemagne, dâAutriche, de Suisse, du Tyrol du Sud et de Haute-SilĂ©sie, il est coutume dâorganiser des processions le jour de la Saint-Martin. En mĂ©moire de Saint Martin, on organise des retraites aux flambeaux durant lesquelles les enfants sillonnent les rues des villages et des villes avec des lanternes. Ils sont souvent accompagnĂ©s dâun cavalier sur son cheval blanc, dĂ©guisĂ© en soldat romain et vĂȘtu dâun manteau rouge, qui joue le rĂŽle de Saint Martin. Ă BrĂ©gence, on qualifie cette tradition de « chevauchĂ©e de Martin » (Martinsritt) et en RhĂ©nanie, de « procession de Martin » (Martinszug). Souvent, la scĂšne oĂč Saint Martin donne la moitiĂ© de son manteau Ă un mendiant est Ă©galement jouĂ©e. On chante des chants propres Ă la Saint-Martin durant la procession. La plupart du temps, les enfants fabriquent les lanternes au prĂ©alable dans les Ă©coles maternelles et primaires. La cĂ©lĂ©bration se conclut souvent par un grand feu de la Saint-Martin. Dans de nombreuses rĂ©gions, les enfants obtiennent une pĂątisserie en forme de bonhomme, nommĂ©e Stutenkerl en Westphalie et Weckmann en RhĂ©nanie, faite de pĂąte levĂ©e et de raisins secs. En Allemagne du sud, on a coutume de manger des oies de la Saint-Martin confectionnĂ©es en pĂąte levĂ©e ou en pĂąte de sablĂ©s, mais aussi des croissants de Saint Martin et des bretzels. Dans certaines localitĂ©s situĂ©es dans la rĂ©gion de la Ruhr et le Sauerland et dans dâautres rĂ©gions dâAllemagne, on donne aux enfants un bretzel de Saint-Martin, confectionnĂ©e avec une pĂąte levĂ©e sucrĂ©e et parsemĂ©e de cristaux de sucre.
Les processions de Saint-Martin les plus importantes dâAllemagne, qui totalisent 4000 Ă 6 000 participants, ont lieu en Worms-Hochheim, Kempen et Bocholt en RhĂ©nanie du Nord-Westphalie. De nos jours, il arrive quâĂ certains endroits, les processions nâaient pas lieu le jour mĂȘme de la Saint-Martin mais Ă une date proche pour faciliter lâorganisation de ces Ă©vĂšnements. En effet, il est ainsi possible dâengager le mĂȘme acteur qui jouera Saint Martin pour plusieurs localitĂ©s. Cette tradition ne se limite pas aux rĂ©gions germanophones. Ă Stockholm, la communautĂ© allemande organise une procession de Saint Martin, et cette pratique a Ă©galement cours dans les Pays-Bas.
- RÀbeliechtli : informations concernant une tradition similaire en Suisse alémanique.
Les chants de la Saint-Martin (Martinssingen)
Dans de nombreuses rĂ©gions, on procĂšde aux chants de la Saint-Martin juste aprĂšs la procession ou Ă un autre moment dans la journĂ©e. Les enfants vont de maison en maison, chacun avec sa lanterne, Ă©galement appelĂ©e lampion, et chantent des chansons en Ă©change de sucreries, pĂątisseries, fruits ou autres prĂ©sents. En allemand, il existe de nombreux termes dĂ©signant cette tradition : en RhĂ©nanie, on parle de Kötten, Schnörzen, Dotzen ou Gribschen. On retrouve une tradition similaire en Frise orientale et autres rĂ©gions Ă©vangĂ©liques. Cette pratique des chants est appelĂ©e « Martinisingen » et se cĂ©lĂšbre le en souvenir de Martin Luther qui fut baptisĂ© ainsi le , jour consacrĂ© Ă Saint Martin de Tours (cf. FĂȘte du prĂ©nom).
La bénédiction de Saint-Martin
En Autriche de lâEst principalement, les curĂ©s ont coutume de bĂ©nir le vin nouveau (appelĂ© Heuriger), qui est ensuite dĂ©gustĂ© pour la premiĂšre fois par les patrons des enseignes gastronomiques ne servant Ă lâorigine que le vin de la derniĂšre annĂ©e Ă©coulĂ©e (Ă©galement appelĂ©es Heuriger). Cette pratique est dĂ©rivĂ©e dâune vieille tradition du Burgenland, le « Martiniloben » : autour de la pĂ©riode du , les fermiers rentraient leur bĂ©tail dans des abris hivernaux et les vignerons se rendaient pour la premiĂšre fois dans leurs caves Ă vin pour dĂ©guster le nouveau vin rĂ©coltĂ© quelques semaines plus tĂŽt [5].
Pelz-/NussmÀrtel
Dans certaines rĂ©gions dâAllemagne du Sud de tradition protestante comme le Danube-Ries, le Jura souabe, et la Moyenne-Franconnie, le PelzmĂ€rtel , aussi appelĂ© NussmĂ€rtel, apporte des cadeaux le jour de la Saint-Martin.
Char Saint Martin
Au quatorziĂšme siĂšcle, l'expression Char Saint Martin est attestĂ©e en France pour dĂ©signer la constellation de la Grande Ourse[6]. Selon GLYNNIS M. CROPP, la tradition d'associer le nom de l'empereur Charlemagne Ă la constellation de la Grande Ourse est attestĂ©e. Cependant une question demeure : " Est-ce pourtant par analogie que l'expression le char saint Martin s'est crĂ©Ă©, un saint patron de France ayant remplacĂ© lâempereur?"[7]. Pour le moment, l'Ă©tude des documents mĂ©diĂ©vaux, n'a pas permis de trancher la question.
Revendications pour un changement de nom
RĂŒdiger Sagel (de), politicien Ă la tĂȘte du parti allemand de gauche Die Linke en RhĂ©nanie du Nord-Westphalie, avait exigĂ© que le jour de la Saint-Martin soit rebaptisĂ© « FĂȘte du soleil, de la lune et des Ă©toiles » [note : en allemand, on retrouve souvent ces trois termes dans les chansons de la Saint-Martin] et de ne plus accorder une importance centrale Ă Saint Martin parce qu'il souhaite une sĂ©pĂĄration stricte de la vie publique et de la rĂ©ligion et Ă©tant donnĂ© que les membres de la communautĂ© musulmane et d'autres communautĂ©s religieuses auraient pu percevoir la cĂ©lĂ©bration de la Saint-Martin dans les Ă©coles primaires et maternelles comme discriminante. La proposition fut largement dĂ©sapprouvĂ©e, notamment par plusieurs Ă©vĂȘchĂ©s allemands et par le Conseil central des musulmans dâAllemagne. Le parti Die Linke en RhĂ©nanie du Nord-Westphalie sâest dĂ©solidarisĂ© de la revendication de son prĂ©sident.
Voir aussi
Bibliographie
- (de) Martin Happ: Alte und neue Bilder vom Heiligen Martin: Brauchtum und Gebrauch seit dem 19. Jahrhundert (Kölner Veröffentlichungen zur Religionsgeschichte. Band 37). Böhlau, Köln/Weimar, 2006, (ISBN 3-412-05706-1).
- (de) Wilhelm JĂŒrgensen: Martinslieder. Untersuchung und Texte. M.&.H.Marcus, Breslau 1909.
- (de) Karl Simrock, Heinrich DĂŒntzer: Martinslieder. Marcus, Bonn 1846.
- Académie de Versailles, Sankt Martin / Saint Martin
- Centre culturel Européen, Saint Martin de Tours
- Académie de Strasbourg, Le jour de la Saint-Martin
Notes et références
- https://journals.openedition.org/remmm/2987
- Martinstag als Zahltag bei agrarheute.de « Copie archivée » (version du 20 décembre 2014 sur Internet Archive)
- Wigandâs Conversations-Lexikon fĂŒr alle StĂ€nde. Otto Wigand, Leipzig 1849, OCLC 299984559 S. 582.
- Zeitschrift des Vereins fĂŒr hessische Geschichte und Landeskunde: Die aus der Sagenzeit der Deutschen stammenden GebrĂ€uche, namentlich der Hessen. 1. Band. Kassel 1867, S. 318.
- Martiniloben / WeinErleben in Apetlon
- Voir lâarticle de GLYNNIS M. CROPP intitulĂ© : « Le Char saint Martin: dĂ©signation de la Grande Ourse », Zeitschrift fĂŒr romanische Philologie, De GRUYTER, novembre 2009
- GLYNNIS M. CROPP, article le char Saint Martin : désignation de la Grande Ourse, page 175
GLYNNIS M. CROPP,Palmerston North, Nouvelle-Zelande titre de l'article : « Le Char saint Martin: dĂ©signation de la Grande Ourse »,revue Zeitschrift fĂŒr romanische Philologie, De GRUYTER, , pages 173-181