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Saint-Martin (Allemagne)

La Saint-Martin est cĂ©lĂ©brĂ©e le 11 novembre en souvenir de saint Martin. La date correspond Ă  la mise au tombeau de saint Martin le . En Europe centrale, la Saint-Martin s’accompagne de nombreuses traditions parmi lesquelles on trouve la dĂ©gustation de l’oie de la Saint-Martin (Ă©galement dans les pays scandinaves, Mortensaften au Danemark, ou baltes, Martinmas en Estonie, MārtiƆi en Lettonie, etc.), la retraite aux flambeaux et les chants de la Saint-Martin.

Carte postale protestante de la Saint Martin Ă  Erfurt (1913)

Origine et symbolique

Les diffĂ©rentes pratiques dĂ©coulent de deux Ă©vĂ©nements Ă©troitement liĂ©s. À l’époque oĂč la chrĂ©tientĂ© se trouvait encore sous l’influence du Saint empire romain germanique, le jour de la Saint-Martin ouvrait la pĂ©riode de jeĂ»ne[1] qui commençait le 11 novembre et qui s’étendait sur deux semaines. Depuis le Moyen Âge jusqu’à l’ùre des temps modernes et mĂȘme jusqu’à aujourd’hui dans certaines Églises orthodoxes, cette pĂ©riode de jeune avait lieu avant NoĂ«l. Le jour prĂ©cĂ©dent cette pĂ©riode, on festoyait une derniĂšre fois avant de jeĂ»ner, Ă  l’image de ce que l’on avait coutume de faire lors du carnaval. Encore aujourd’hui, la nouvelle « session » du carnaval rhĂ©nan est initiĂ©e le 11 novembre. Par ailleurs, le jour de la Saint-Martin Ă©tait Ă©galement, suivant la tradition, le jour de la dĂźme. Dans le temps, on payait les impĂŽts en nature, incluant les oies, puisque l’hiver approchait et que l’entretien des animaux durant cette pĂ©riode n’était possible qu’à condition que leur nombre reste restreint. C’était aussi la date Ă  laquelle commençaient ou terminaient les contrats de travail et Ă  laquelle les fermages, les rĂ©tributions et les intĂ©rĂȘts Ă©taient Ă©chus[2]. Aujourd’hui encore, le jour de la Saint-Martin sert de date de dĂ©but ou de fin des baux, dans la mesure oĂč ce jour correspond au dĂ©but et Ă  la fin de la pĂ©riode d’exploitation naturelle. C’est la raison pour laquelle le jour de la Saint-Martin Ă©tait aussi appelĂ© le jour de payement des intĂ©rĂȘts.

Traditions

L'oie de la Saint-Martin

Oie de la Saint-Martin accompagnée de chou rouge et de quenelles

La tradition la plus rĂ©pandue de nos jours est la dĂ©gustation de l’oie de la Saint-Martin. On raconte que cette tradition trouve son origine dans une lĂ©gende sur la vie de Martin : en dĂ©pit des rĂ©serves Ă©mises par le clergĂ© et de sa propre volontĂ©, le peuple de Tours rĂ©clamait qu’il soit nommĂ© Ă©vĂȘque. Comme il menait une vie ascĂ©tique et modeste, il se considĂ©rait indigne d’un tel honneur et se serait donc cachĂ© parmi les oies. NĂ©anmoins, les oies firent un tel vacarme que Martin fut dĂ©couvert et nommĂ© Ă©vĂȘque. Une autre lĂ©gende rapporte que les habitants de Tours eurent recours Ă  une ruse : un fermier se serait rendu auprĂšs de Martin dans sa cachette et lui aurait demandĂ© de rendre visite Ă  sa femme malade. La serviabilitĂ© de Martin l’aurait inĂ©vitablement poussĂ© Ă  prendre ses affaires et Ă  accompagner le fermier chez lui. Sans doute Ă©tait-il assez sale en sortant de sa cachette dans laquelle il avait probablement passĂ© un certain temps. Selon une autre lĂ©gende, un troupeau d’oies bruyantes se serait introduit dans l’église et aurait interrompu la prĂ©dication de l’évĂȘque Martin. Elles auraient Ă©tĂ© capturĂ©es et servi de festin par la suite.

On avance Ă©galement l’hypothĂšse historique suivante pour expliquer la lĂ©gende de l’oie : le Martinschoß, un vasselage Ă©chu le jour de la Saint-Martin Ă  l’époque fĂ©odale, en serait l’origine[3]. Comme il s’agissait souvent d’une oie, elle fut qualifiĂ©e d’oie de la Saint-Martin, et comme ce jour-lĂ  Ă©tait traditionnellement cĂ©lĂ©brĂ© par une kermesse ou une soirĂ©e dansante, il parut appropriĂ© de dĂ©signer l’oie comme Ă©lĂ©ment principal du festin et de la dĂ©guster dans une ambiance festive[4]. En Allemagne, il est coutume d’accompagner l’oie de chou rouge et de quenelles ou de viande, de poisson ou de pommes de terre.

La retraite aux flambeaux de la Saint-Martin

Procession de la Saint-Martin Ă  DĂŒsseldorf-Urdenbach, en 1948
Weckmann (bonhomme de la Saint-Martin)

Dans de nombreuses rĂ©gions d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse, du Tyrol du Sud et de Haute-SilĂ©sie, il est coutume d’organiser des processions le jour de la Saint-Martin. En mĂ©moire de Saint Martin, on organise des retraites aux flambeaux durant lesquelles les enfants sillonnent les rues des villages et des villes avec des lanternes. Ils sont souvent accompagnĂ©s d’un cavalier sur son cheval blanc, dĂ©guisĂ© en soldat romain et vĂȘtu d’un manteau rouge, qui joue le rĂŽle de Saint Martin. À BrĂ©gence, on qualifie cette tradition de « chevauchĂ©e de Martin » (Martinsritt) et en RhĂ©nanie, de « procession de Martin » (Martinszug). Souvent, la scĂšne oĂč Saint Martin donne la moitiĂ© de son manteau Ă  un mendiant est Ă©galement jouĂ©e. On chante des chants propres Ă  la Saint-Martin durant la procession. La plupart du temps, les enfants fabriquent les lanternes au prĂ©alable dans les Ă©coles maternelles et primaires. La cĂ©lĂ©bration se conclut souvent par un grand feu de la Saint-Martin. Dans de nombreuses rĂ©gions, les enfants obtiennent une pĂątisserie en forme de bonhomme, nommĂ©e Stutenkerl en Westphalie et Weckmann en RhĂ©nanie, faite de pĂąte levĂ©e et de raisins secs. En Allemagne du sud, on a coutume de manger des oies de la Saint-Martin confectionnĂ©es en pĂąte levĂ©e ou en pĂąte de sablĂ©s, mais aussi des croissants de Saint Martin et des bretzels. Dans certaines localitĂ©s situĂ©es dans la rĂ©gion de la Ruhr et le Sauerland et dans d’autres rĂ©gions d’Allemagne, on donne aux enfants un bretzel de Saint-Martin, confectionnĂ©e avec une pĂąte levĂ©e sucrĂ©e et parsemĂ©e de cristaux de sucre.

Les processions de Saint-Martin les plus importantes d’Allemagne, qui totalisent 4000 Ă  6 000 participants, ont lieu en Worms-Hochheim, Kempen et Bocholt en RhĂ©nanie du Nord-Westphalie. De nos jours, il arrive qu’à certains endroits, les processions n’aient pas lieu le jour mĂȘme de la Saint-Martin mais Ă  une date proche pour faciliter l’organisation de ces Ă©vĂšnements. En effet, il est ainsi possible d’engager le mĂȘme acteur qui jouera Saint Martin pour plusieurs localitĂ©s. Cette tradition ne se limite pas aux rĂ©gions germanophones. À Stockholm, la communautĂ© allemande organise une procession de Saint Martin, et cette pratique a Ă©galement cours dans les Pays-Bas.

Les chants de la Saint-Martin (Martinssingen)

Dans de nombreuses rĂ©gions, on procĂšde aux chants de la Saint-Martin juste aprĂšs la procession ou Ă  un autre moment dans la journĂ©e. Les enfants vont de maison en maison, chacun avec sa lanterne, Ă©galement appelĂ©e lampion, et chantent des chansons en Ă©change de sucreries, pĂątisseries, fruits ou autres prĂ©sents. En allemand, il existe de nombreux termes dĂ©signant cette tradition : en RhĂ©nanie, on parle de Kötten, Schnörzen, Dotzen ou Gribschen. On retrouve une tradition similaire en Frise orientale et autres rĂ©gions Ă©vangĂ©liques. Cette pratique des chants est appelĂ©e « Martinisingen » et se cĂ©lĂšbre le en souvenir de Martin Luther qui fut baptisĂ© ainsi le , jour consacrĂ© Ă  Saint Martin de Tours (cf. FĂȘte du prĂ©nom).

La bénédiction de Saint-Martin

En Autriche de l’Est principalement, les curĂ©s ont coutume de bĂ©nir le vin nouveau (appelĂ© Heuriger), qui est ensuite dĂ©gustĂ© pour la premiĂšre fois par les patrons des enseignes gastronomiques ne servant Ă  l’origine que le vin de la derniĂšre annĂ©e Ă©coulĂ©e (Ă©galement appelĂ©es Heuriger). Cette pratique est dĂ©rivĂ©e d’une vieille tradition du Burgenland, le « Martiniloben » : autour de la pĂ©riode du , les fermiers rentraient leur bĂ©tail dans des abris hivernaux et les vignerons se rendaient pour la premiĂšre fois dans leurs caves Ă  vin pour dĂ©guster le nouveau vin rĂ©coltĂ© quelques semaines plus tĂŽt [5].

Pelz-/NussmÀrtel

Dans certaines rĂ©gions d’Allemagne du Sud de tradition protestante comme le Danube-Ries, le Jura souabe, et la Moyenne-Franconnie, le PelzmĂ€rtel , aussi appelĂ© NussmĂ€rtel, apporte des cadeaux le jour de la Saint-Martin.

Char Saint Martin

Au quatorziĂšme siĂšcle, l'expression Char Saint Martin est attestĂ©e en France pour dĂ©signer la constellation de la Grande Ourse[6]. Selon GLYNNIS M. CROPP, la tradition d'associer le nom de l'empereur Charlemagne Ă  la constellation de la Grande Ourse est attestĂ©e. Cependant une question demeure : " Est-ce pourtant par analogie que l'expression le char saint Martin s'est crĂ©Ă©, un saint patron de France ayant remplacĂ© l’empereur?"[7]. Pour le moment, l'Ă©tude des documents mĂ©diĂ©vaux, n'a pas permis de trancher la question.

Revendications pour un changement de nom

RĂŒdiger Sagel (de), politicien Ă  la tĂȘte du parti allemand de gauche Die Linke en RhĂ©nanie du Nord-Westphalie, avait exigĂ© que le jour de la Saint-Martin soit rebaptisĂ© « FĂȘte du soleil, de la lune et des Ă©toiles » [note : en allemand, on retrouve souvent ces trois termes dans les chansons de la Saint-Martin] et de ne plus accorder une importance centrale Ă  Saint Martin parce qu'il souhaite une sĂ©pĂĄration stricte de la vie publique et de la rĂ©ligion et Ă©tant donnĂ© que les membres de la communautĂ© musulmane et d'autres communautĂ©s religieuses auraient pu percevoir la cĂ©lĂ©bration de la Saint-Martin dans les Ă©coles primaires et maternelles comme discriminante. La proposition fut largement dĂ©sapprouvĂ©e, notamment par plusieurs Ă©vĂȘchĂ©s allemands et par le Conseil central des musulmans d’Allemagne. Le parti Die Linke en RhĂ©nanie du Nord-Westphalie s’est dĂ©solidarisĂ© de la revendication de son prĂ©sident.

Voir aussi

Bibliographie

  • (de) Martin Happ: Alte und neue Bilder vom Heiligen Martin: Brauchtum und Gebrauch seit dem 19. Jahrhundert (Kölner Veröffentlichungen zur Religionsgeschichte. Band 37). Böhlau, Köln/Weimar, 2006, (ISBN 3-412-05706-1).
  • (de) Wilhelm JĂŒrgensen: Martinslieder. Untersuchung und Texte. M.&.H.Marcus, Breslau 1909.
  • (de) Karl Simrock, Heinrich DĂŒntzer: Martinslieder. Marcus, Bonn 1846.
  • AcadĂ©mie de Versailles, Sankt Martin / Saint Martin
  • Centre culturel EuropĂ©en, Saint Martin de Tours
  • AcadĂ©mie de Strasbourg, Le jour de la Saint-Martin

Notes et références

  1. https://journals.openedition.org/remmm/2987
  2. Martinstag als Zahltag bei agrarheute.de « Copie archivée » (version du 20 décembre 2014 sur Internet Archive)
  3. Wigand’s Conversations-Lexikon fĂŒr alle StĂ€nde. Otto Wigand, Leipzig 1849, OCLC 299984559 S. 582.
  4. Zeitschrift des Vereins fĂŒr hessische Geschichte und Landeskunde: Die aus der Sagenzeit der Deutschen stammenden GebrĂ€uche, namentlich der Hessen. 1. Band. Kassel 1867, S. 318.
  5. Martiniloben / WeinErleben in Apetlon
  6. Voir l’article de GLYNNIS M. CROPP intitulĂ© : « Le Char saint Martin: dĂ©signation de la Grande Ourse », Zeitschrift fĂŒr romanische Philologie, De GRUYTER, novembre 2009
  7. GLYNNIS M. CROPP, article le char Saint Martin : désignation de la Grande Ourse, page 175

GLYNNIS M. CROPP,Palmerston North, Nouvelle-Zelande titre de l'article : « Le Char saint Martin: dĂ©signation de la Grande Ourse »,revue Zeitschrift fĂŒr romanische Philologie, De GRUYTER, , pages 173-181

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