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Royaume de Gugé

Le royaume de GugĂ© (tibĂ©tain : àœ‚àœŽàŒ‹àœ‚àœșàŒ‹, Wylie : gu-ge /gouguĂ©/, Xe siĂšcle – milieu du XVIIe siĂšcle) situĂ© dans l'actuelle RĂ©gion autonome du Tibet, xian de Zanda, Ngari, abrita une civilisation brillante et fut l’une des sources de la renaissance bouddhiste au Tibet. Il connut des pĂ©riodes d’expansion qui mirent les vallĂ©es du Zanskar, du Kinnaur supĂ©rieur et du Lahaul et Spiti sous sa sujĂ©tion.

Le Bodhisattva Avalokiteƛvara, statue tibĂ©taine en alliage de laiton, (~1050), royaume de GugĂ© (Freer and Sackler Galleries Ă  Washington D.C.)
Détail architectural du monastÚre de Tholing, royaume de Gugé.

Ses capitales Ă©taient Tholing et Tsaparang[1], situĂ©es dans la vallĂ©e de la Sutlej Ă  environ 1 100 km Ă  l'ouest de Lhassa, non loin du mont sacrĂ© Kailash.

Histoire

Du Xe au XVIe siĂšcle

Kyide Nyimagon, arriĂšre-petit-fils du dernier Empereur de la dynastie Yarlung, Langdarma (803-841), dirigeant l'Empire du Tibet, annexe l'Ouest du Ngari et s'installe vers 912 dans le royaume de Purang-GugĂ© oĂč il conclut une alliance matrimoniale avec une famille issue de l'ancienne aristocratie de Zhang Zhung. Il Ă©tend rapidement sa domination Ă  l’ensemble du Ngari. Ses trois fils se partagent le pays : Palgyigon devient le souverain du Maryul (approximativement le Ladakh), capitale Leh, Krashigon hĂ©rite de Burang-GugĂ© et Detsungon obtient le Zanskar, capitale Zangla[2].

À la fin du Xe siĂšcle, le fils aĂźnĂ© du roi de GugĂ©-Pudang, Kor-re ou Srong-nge[3], plus connu comme Yeshe Ö (947-1024) se fit moine, abandonnant la direction de l’État Ă  son cadet.

Yeshe Ö a laissĂ© l’image d’un grand promoteur du bouddhisme. Il aurait envoyĂ© en Inde Lochen Rinchen Sangpo (958-1055), traducteur de textes sanskrits et fondateur de nombreux monastĂšres. Selon la lĂ©gende bouddhiste, c’est Yeshe Ö qui serait Ă  l’origine de la venue Ă  GugĂ© vers 1040 d’Atisha, initiateur de la renaissance du bouddhisme tibĂ©tain. Prisonnier des Qarakhanides, il aurait abandonnĂ© sa rançon pour que son (petit?) neveu Jangchup Ö (984-1078) l’emploie Ă  inviter le sage indien[4]. Ce qui semble sĂ»r est que Janchup Ö, qui avait dĂ©cidĂ© de se consacrer Ă  la religion, prit finalement la succession de son frĂšre le roi de GugĂ© tuĂ© par les Qarakhanides et invita Atisha[5] - [6].

Le fils de Jangchup Ö fut tuĂ© en 1088 par son neveu qui usurpa le trĂŽne de GugĂ© et Burang devint un État indĂ©pendant dirigĂ© par Logtsha Tsensong[5].

Peu avant 1137, une nouvelle invasion des Qarakhanides entraina la mort du roi Krashistse. Le roi Graspalde renforça GugĂ© Ă  partir de 1265 et soumit le royaume de Yartse. En 1240, les Mongols avaient accordĂ© une certaine autoritĂ© sur le Ngari aux Drikung qui s’étaient implantĂ©s dans la rĂ©gion, mais Ă  partir de 1277, l’influence des Sakya qui avaient obtenu la rĂ©gence du Tibet central se fit sentir jusqu’au milieu du XIVe siĂšcle.

Gugé reprit Burang vers 1378 et occupa briÚvement le Ladakh vers la fin du siÚcle. Les XVe et XVIe siÚcles connurent une activité de construction monastique importante, principalement Gelugpa[7].

Fin du royaume

Les premiers Européens à entrer dans le royaume de Gugé et visiter Tsaparang furent, en août 1624, les missionnaires jésuites Antonio de Andrade et Manuel Marques, qui y auraient vu des terres fertiles irriguées par des canaux. Andrade fut autorisé à ouvrir une chapelle dans la ville et à y entreprendre la prédication[8].

Les raisons de la disparition du royaume ne sont pas totalement Ă©claircies.

  • HypothĂšse militaire : On sait que GugĂ© fut envahi en 1630 par une armĂ©e ladakhi. Le roi du Ladakh Sengge Namgyal (1616-1642) s’efforçait alors d’étendre son territoire pour mieux rĂ©sister aux Moghols. Profitant de l'inquiĂ©tude d'un groupe de lamas alarmĂ©s par l'influence grandissante des missionnaires, il s’empara des vallĂ©es du Zanskar et du Spiti. Tsaparang tomba en 1685 et le dernier roi de GugĂ©, Khibrashis Raspalde, mourut prisonnier au Ladakh avec une partie de sa famille. Peu aprĂšs, les armĂ©es de Lobsang Gyatso, 5e dalaĂŻ-lama, attaquĂšrent le Ladakh ; repoussĂ©es, elles rĂ©ussirent nĂ©anmoins Ă  prendre GugĂ©. Le dernier descendant de la famille royale, Lozang Pema TrashidĂ© (1676-1743) rejoignit Lhassa en 1692 et y mourut en 1743[6] - [9].
  • HypothĂšse climatique : La succession d'annĂ©es inhabituellement sĂšches pourrait aussi avoir jouĂ© un rĂŽle majeur. Des analyses rĂ©centes de composition isotopique de l'oxygĂšne piĂ©gĂ© dans les stalagmites formĂ©es depuis 5 700 ans dans certaines grottes de la rĂ©gion himalayenne montrent que des changements dans l'importance de la mousson d'Ă©tĂ© en zone semi-aride peuvent bouleverser l'agriculture et par suite toute la sociĂ©tĂ©[10]. De tels changements auraient ainsi bouleversĂ© la civilisation de la vallĂ©e de l'Indus (qui a prospĂ©rĂ© d'environ 5 350 ans Ă  environ 4 600 ans) et la civilisation vĂ©dique (qui s'est Ă©tendue d'environ 3 450 Ă  environ 3 100 ans) ; elles ont prospĂ©rĂ© quand le climat Ă©tait relativement stable, chaud et humide et semblent avoir commencĂ© Ă  se dĂ©sintĂ©grer quand le climat s'est refroidi, ce qui se traduit aussi dans cette rĂ©gion par un recul des moussons d'Ă©tĂ© et un assĂšchement[10].
    L'effondrement soudain du royaume Guge du Tibet occidental vers 1620 (antĂ©rieurement attribuĂ© Ă  des conflits militaires) s'est produit Ă  un moment oĂč la rĂ©gion a subi ses trois dĂ©cennies les plus sĂšches parmi les 5700 derniĂšres annĂ©es documentĂ©es via l'Ă©tude des stalagmites[11] - [10].

Site archéologique

Statue bouddhiste détruite durant la révolution culturelle au monastÚre de Tholing, royaume de Gugé.

Les missions jĂ©suites oubliĂ©es, GugĂ© fut redĂ©couvert par le monde archĂ©ologique occidental dans les annĂ©es 1930 grĂące aux expĂ©ditions de l’Italien Giuseppe Tucci. On peut connaĂźtre par ses travaux et ceux de Anagarika Govinda l’aspect qu’avaient les constructions avant la rĂ©volution culturelle, qui occasionna des destructions, en particulier de statues. Inscrit en 1961 sur la liste du patrimoine national important Ă  protĂ©ger, le site fut rĂ©habilitĂ© Ă  partir de 1969.

La topographie du royaume s’organise sur trois niveaux distincts. Les palaces royaux sur le premier, suivis des monastùres sur le second et enfin, les habitations des occupants, au plus bas niveau[12].

De 700 (pendant l'Empire tibĂ©tain Ă  1630 (invasions qoshots), le site archĂ©ologique du royaume de GugĂ©, fait partie d’une citĂ©-Ă©tat, qui abrite une brillante civilisation. C'est une des sources de la renaissance bouddhiste au Tibet. Des statues ont Ă©tĂ© rĂ©cemment retrouvĂ©es, elles sont principalement faites d'argent. 600 bĂątiments ont pu ĂȘtre rĂ©pertoriĂ©s sur le site actuel. On y trouve des maisons, monastĂšres et palaces sur les collines du site. Il reste Ă©galement encore quelques parties de l’ancienne fortification qui l’encerclait. Des forts sont disposĂ©s aux quatre coins, qui assuraient probablement la protection de la citĂ©[12]

Un site archĂ©ologique important de GugĂ© est situĂ© sur le xian de Zanda (vallĂ©e du Zanskar, on y trouve, en particulier, des fresques bouddhistes remarquables sur une surface de 876 m2. Des travaux de restauration des fresques ont Ă©tĂ© entrepris en 2011. D'aprĂšs le restaurateur, Fu Peng, expert en chef du projet de restauration, les fresques contiennent des sujets liĂ©s Ă  la politique, l'Ă©conomie, la technologie et la sociĂ©tĂ© du royaume de GugĂ© dans un style pictural qui combine des Ă©lĂ©ments tibĂ©tains, indiens et nĂ©palais. Les restaurations doivent s'achever en et s'inspirent des techniques acquises par l'Ă©quipe, lors des restaurations du palais du Potala, du palais de Norbulingka et du monastĂšre de Sakya. Les reliques de GugĂ© font partie du premier groupe de reliques historiques Ă  ĂȘtre placĂ© sous la protection de l'État[13] - [12]dans la vallĂ©e de Khyunglung Ă  environ 1100 km Ă  l'ouest de Lhassa, non loin du mont sacrĂ© Kailash.

Notes et références

  1. Snelling, John. (1990). The Sacred Mountain: The Complete Guide to Tibet's Mount Kailas (1983). Nouvelle édition préfacée par le Dalai Lama et Christmas Humphreys, p. 181, East-West Publications, London and The Hague (ISBN 0-85692-173-4)
  2. John Crook, Henry Osmaston Himalayan Buddhist Villages Environment, Resources, Society and Religious Life in Zagskar, Ladakh, Motilal Banarsidass, () p. 443
  3. Les sources s’accordent sur le fait que l’aĂźnĂ© se fit moine, mais pas sur l’attribution des noms ; voir Alex McKay The History of Tibet, Volume 1, Routledge, 17/07/2003p134
  4. Paul Williams Mahāyāna Buddhism: the doctrinal foundations Routledge (juin 1989) p. 190
  5. Helmut Hoffman "Early and Medieval Tibet", in Sinor, David, ed., Cambridge History of Early Inner Asia Cambridge: Cambridge University Press, 1990), 388, 394
  6. A. McKay, ed. (2003), The History of Tibet, Volume II. Abingdon: Routledge, p. 53-66
  7. A. McKay, ed. (2003), The History of Tibet, Volume IIp. 42-45, 68-89
  8. Gugé sur greenwiki
  9. Matthew Kapstein Les Tibétains 2015 pages 148 et suivantes.
  10. Gayatri Kathayat, Hai Cheng, Ashish Sinha, Liang Yi, Xianglei Li, Haiwei Zhang, Hangying Li, Youfeng Ning and R. Lawrence Edwards (2017) The Indian monsoon variability and civilization changes in the Indian subcontinent ; Science Advances 13 décembre: Vol. 3, no. 12, e1701296 | DOI: 10.1126/sciadv.1701296 | résumé
  11. Perkins S (2017) Ancient Asian cultures may have risen and fallen on the strength of monsoons, publié le 13 décembre
  12. « Le site de l'ancien royaume de Gugé », sur Voyage Chine sur mesure
  13. Xinhua, « Restauration d'anciennes fresques à Ngari », sur Beijing Information,

Annexes

MĂ©dias

  • GugĂ©, royaume perdu de l'Himalaya, de Patrick Fleming, 2006, coproduction : France 5, Bang Singapore, Off The Fence, MDA, Discovery Networks Asia. Docu-infos civilisation, durĂ©e : 54 min.

Liens externes

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