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Rites funéraires au Japon

Les rites funéraires au Japon comprennent une crémation du corps puis une mise en terre des cendres dans la tombe familiale. Les pratiques funéraires sont empreintes des croyances religieuses dominantes au Japon : le bouddhisme et le shintoïsme.

Un cimetiĂšre Ă  Tokyo.

Rites post-mortem

Enveloppes pour donner de l'argent.

AprĂšs la mort, les proches procĂšdent au matsugo no mizu (æœ«æœŸăźæ°Ž, « l’eau du dernier moment ») : ils humidifient les lĂšvres du mort dans le but que celui-ci renaisse (rĂ©incarnation). Puis, ils disposent Ă  cĂŽtĂ© du dĂ©funt, une table sur laquelle sont placĂ©s des fleurs, de l’encens et une bougie (respectivement de la gauche vers la droite) : makura-kazari (æž•éŁŸă‚Š, « dĂ©coration de l'oreiller Â»). Ces deux rituels peuvent se dĂ©rouler durant la veillĂ©e funĂ©bre (é€šć€œ, tsuya, ou o-tsuya avec une marque de respect) oĂč les proches du dĂ©funt se rĂ©unissent et « consolent » ce dernier car il est « peu enclin Ă  partir ».

Enfin un juzu (数珠), chapelet bouddhiste composĂ© de 108 perles reprĂ©sentant les 108 karmas, est placĂ© entre les mains du dĂ©funt : ainsi l’ñme du mort va devoir renoncer aux dĂ©sirs humains afin d’atteindre la vertu. Dans certains cas, la famille dispose un couteau sur la poitrine du mort, afin d’éloigner les mauvais esprits. Puis les proches dĂ©posent auprĂšs du corps un sac rempli d’argent afin que l’ñme du dĂ©funt puisse traverser le Sanzu-no-kawa (äž‰é€”ăźć·, « fleuve de la mort »), situĂ© entre le monde des vivants et l’autre monde.

Les autoritĂ©s sont ensuite prĂ©venues du dĂ©cĂšs. C’est le fils aĂźnĂ© qui a la charge de l’organisation des obsĂšques. Il contacte un temple pour procĂ©der aux rites religieux et choisir la date des obsĂšques. Le corps est lavĂ©, puis habillĂ© avec le shinishƍzoku (æ­»èŁ…æŸ) dont la traduction serait : un « habit pour le voyage vers l’éternitĂ© ». Il s'agit d'un kimono blanc pour les femmes ; dans ce cas-ci, il est croisĂ© vers la droite, et non vers la gauche comme c'est le cas chez une personne vivante ; pour les hommes, un costume ou Ă©galement un kimono blanc[1]. Des soins de thanatopraxie peuvent ĂȘtre prodiguĂ©s pour amĂ©liorer l’apparence physique du mort.

Veillée funÚbre, cérémonie et crémation

Crémation au Japon, 1867.

La tenue traditionnelle lors de la veillĂ©e funĂšbre est entiĂšrement blanche. Mais depuis l’ouverture du Japon sur le monde occidental, la tendance est Ă  la couleur noire. Les proches du dĂ©funt font appel Ă  un moine bouddhiste appelĂ© sƍryo (ćƒ§äŸ¶), qui va lire un sutra durant la veillĂ©e et donnera un nom posthume au dĂ©funt (æˆ’ć, kaimyƍ), lequel est inscrit sur une petite stĂšle en bois. Durant la cĂ©rĂ©monie, les participants de l’o-tsuya offrent de l’encens (chez les bouddhistes, l’encens est offert pour obtenir l’aide des bons esprits) et de l’argent dans une enveloppe noire et grise appelĂ©e kƍden (驙慾), gĂ©nĂ©ralement entre 5 000 et 10 000 yens[2]. Les participants prennent de la poudre d’encens (桗驙, zukƍ) dans leurs mains, les lĂšvent Ă  hauteur des yeux, referment les doigts et prient. Ils laissent ensuite tomber l’encens dans le brĂ»leur. Ce rituel, appelĂ© shƍkƍ (焌銙), est exĂ©cutĂ© une Ă  trois fois selon les Ă©coles bouddhiques[2]. Lorsque le moine bouddhiste termine la lecture du sutra, le cercueil est refermĂ© et la veillĂ©e funĂšbre prend fin. En partant, les personnes ayant participĂ© Ă  l’o-tsuya, s’aspergent de sel purificateur (ăă‚ˆă‚ćĄ©, kiyome-shio) avant de rentrer chez eux, pour conjurer le mauvais sort.

Extraction des os, 1867.

Le lendemain a lieu la cĂ©rĂ©monie officielle et publique, toujours selon un rituel bouddhique, au terme de laquelle des fleurs sont dĂ©posĂ©es dans le cercueil, ouvert une derniĂšre fois. S’ensuit la crĂ©mation, gĂ©nĂ©ralement dans un autre lieu. La tradition veut que les membres de la famille du mort fassent glisser le corps dans la chambre crĂ©matoire. AprĂšs la crĂ©mation (durant laquelle les parents dĂ©jeunent), les os et les cendres sont rĂ©cupĂ©rĂ©s puis placĂ©s dans une urne prĂ©vue Ă  cet effet[2], en commençant par ceux des pieds et en remontant jusqu’au crĂąne. Cette mĂ©thode d’extraction a pour but d’éviter au dĂ©funt de se retrouver « la tĂȘte vers le bas » dans l’urne. Ce sont les membres de la famille du dĂ©funt qui, par deux, avec de longues baguettes, placent les os dans l'urne. C'est la raison pour laquelle, Ă  table, il est interdit de s'Ă©changer la nourriture de baguette Ă  baguette ou de servir ensemble dans le mĂȘme plat[3].

Cette derniĂšre est ensuite ramenĂ©e Ă  la maison familiale, placĂ©e sur un autel bouddhique, et conservĂ©e pendant 49 jours[2]. Pendant cette durĂ©e, le sƍryo prie les 3e, 7e, 21e et le 49e jour pour guider l’ñme du dĂ©funt, car il est important de trancher les derniers liens qui rattachent le dĂ©funt au monde, afin qu'il puisse trouver la paix. Mais les familles peuvent conserver l'urne jusqu'Ă  un an aprĂšs le dĂ©cĂšs, avant la mise au tombeau dans le cimetiĂšre.

À la fin de la cĂ©rĂ©monie, les participants reçoivent un cadeau de remerciement pour s’ĂȘtre dĂ©placĂ© pour les funĂ©railles[2].

La crĂ©mation est trĂšs rĂ©pandue au Japon non seulement parce qu’il s’agit d’une pratique religieuse et que pour un Japonais, c'est une honte d'enterrer un corps et donc de lui imposer la souillure de la putrĂ©faction (dans le Japon fĂ©odal, les seuls qui n'Ă©taient pas incinĂ©rĂ©s Ă©taient les personnes condamnĂ©es Ă  mort), mais aussi parce que, par dĂ©cret, les Japonais doivent incinĂ©rer tous leurs morts. De plus, l’exiguĂŻtĂ© des terres impose cette mesure.

Enterrement

Nom d'Ă©poux Ă  l'encre rouge.

Une fois la pĂ©riode des 49 jours Ă©coulĂ©e, l’urne est portĂ©e au caveau familial oĂč plusieurs membres de la famille reposent. Cette tombe se nomme haka (汓). Elle est constituĂ©e d’un monument en pierre au pied duquel se trouve un bac pour disposer des fleurs (et de l’eau) ainsi que de l’encens. Tout ceci surplombe une crypte oĂč sont entreposĂ©es les urnes funĂ©raires de la mĂȘme famille.

Sur le cĂŽtĂ© du monument en pierre, est gravĂ© le nom de la personne qui a fait l’acquisition du caveau. Les noms des dĂ©funts sont gravĂ©s sur la face de la pierre. Mais il est de plus en plus frĂ©quent que le nom du dĂ©funt soit aussi Ă©crit sur une piĂšce en bois placĂ©e Ă  cĂŽtĂ© du caveau : un sotoba (ć’ćĄ”ć©†). Il est possible, en se rendant dans un cimetiĂšre japonais, de voir sur certains monuments en pierre, surplombant les caveaux, des caractĂšres peints en rouge. En effet, lorsqu’une personne mariĂ©e dĂ©cĂšde, homme ou femme, le nom de son conjoint est gravĂ© sur la pierre et peint en rouge. Cette peinture symbolise la volontĂ© des Ă©poux de se rejoindre dans la tombe. Ainsi, lorsque le second membre du couple dĂ©cĂšde, la peinture est alors effacĂ©e. Notons tout de mĂȘme que cette pratique est de moins en moins suivie de nos jours.

Coût

Le coĂ»t moyen des obsĂšques est de deux millions de yens en 2015, ce qui reprĂ©sente environ 15 000 euros[2], et place le Japon au premier rang mondial pour les dĂ©penses, par famille, allouĂ©es aux obsĂšques. À titre comparatif, en France, le coĂ»t moyen des obsĂšques est Ă©valuĂ© aux alentours de 4 000 euros en 2008[4]. En 2020, le coĂ»t moyen est d'1,8 million de yens (environ 15 000 euros), mais il tombe Ă  1,1 million de yens (8 000 euros) en 2022 avec la pandĂ©mie de Covid-19 et l'augmentation du nombre de cĂ©rĂ©monies funĂ©raires de petite envergure[5].

Les dons des participants (kƍden) Ă©taient en moyenne de 711 000 yens en 2020 (5 800 euros), et sont tombĂ©es Ă  472 000 yens en 2022 (3 400 euros)[5].

Notes et références

  1. Jean-Pierre Berthon, « ActivitĂ©s rituelles autour de la vie et de la mort au Japon », in Rites de vies, rites de mort : les pratiques rituelles et leurs pouvoirs, sous la direction de Marion PĂ©ruchon, Paris, ESF Éditeur, 1997, p. 98.
  2. « Les rites funéraires au Japon », nippon.com, le 1er novembre 2015.
  3. Dictionnaire de la mort, sous la direction de Philippe Di Folco, Paris, Larousse, coll. « in extenso », 2010, p. 584.
  4. Le Figaro, le 31 octobre 2008.
  5. « Les cérémonies funéraires au Japon réduites pendant la pandémie », sur Nippon.com, (consulté le ).

Sources

  • RenĂ© Sieffert, Les Religions du Japon, Paris, P.U.F., coll. « Mythes et Religions », 1968.
  • Jean-Pierre Berthon, « ActivitĂ©s rituelles autour de la vie et de la mort au Japon », in Rites de vies, rites de mort : les pratiques rituelles et leurs pouvoirs, sous la direction de Marion PĂ©ruchon, Paris, ESF Éditeur, 1997, p. 89-116.
  • Jean-Pierre Berthon, « Chronique d’un enterrement ordinaire au Japon », Cahiers d’études et de documents sur les religions du Japon, vol. 9, Paris, Centre d’études sur les religions et traditions populaires du Japon / Atelier Alpha Bleue, 1997, p. 5-18.
  • Religions, croyances et traditions populaires du Japon, sous la direction de Hartmut O. Rotermund, Paris, Maisonneuve & Larose, 2000, 540 p.
  • « Japon », in Dictionnaire de la mort, sous la direction de Philippe Di Folco, Paris, Larousse, coll. « in extenso », 2010, p. 583-586.

Articles connexes

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