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Retable de Nailloux

Le retable de Nailloux, consacré à la Passion du Christ, est un ensemble de cinq panneaux d'albâtres sculptés en haut-relief qui orne une chapelle de l'église Saint-Martin de Nailloux.

Retable de Nailloux
Artiste
Inconnu
Date
Deuxième moitié du XVe siècle
Type
Technique
Dimensions (H Ă— L)
50 Ă— 146 cm
Mouvement
Localisation
Église Saint-Martin, Nailloux (France)

Correspondant parfaitement Ă  la typologie des albâtres de Nottingham, le retable de Nailloux a probablement Ă©tĂ© sculptĂ© au cours de la deuxième moitiĂ© du XVe siècle dans un atelier des Midlands. MĂŞme s’il est pour le moment impossible de reconnaĂ®tre l’éventuel financeur/commanditaire Ă  la source de l’apparition de cette Ĺ“uvre d’origine Ă©trangère Ă  Nailloux, il est intĂ©ressant de constater qu’elle est contemporaine d’une pĂ©riode d’essor Ă©conomique pour la rĂ©gion : l’âge d’or de la culture du pastel dans le Lauragais.

D’une longueur totale de 1,46 m, ce retable est composĂ© de quatre panneaux latĂ©raux de 43 Ă— 25 cm et d’un panneau central de 50 Ă— 25 cm. Cette Ĺ“uvre devait servir de support Ă  la dĂ©votion des fidèles en tant qu’élĂ©ment de dĂ©cor pour un autel, utilisation qu’elle conserve jusqu’à nos jours dans une chapelle latĂ©rale de l'Ă©glise Saint-Martin.

L'église du village voisin de Montgeard abrite les éléments démembrés d'un autre retable en albâtre de Nottingham, probablement dédié à la Vie de la Vierge. La présence de ces deux ensembles de même provenance dans deux églises si proches l'une de l'autre n'est pour l'instant pas expliquée.

Le retable de Nailloux a été classé Monument Historique au titre d’objet le . Après la réfection de l’église, terminée en 2011, la restauration du retable a été réalisée en 2013 à la suite d'une souscription auprès de la Fondation du Patrimoine.

Un retable en albâtre anglais dit de Nottingham

Les albâtres de Nottingham sont un type de production industrielle de sculpture qui s’est dĂ©veloppĂ©e du XIVe siècle au dĂ©but du XVIe siècle dans le centre de l’Angleterre, rĂ©gion riche en carrières d’albâtre. La plupart des sculptures Ă©taient de petite taille et facilement transportables. La production Ă©tait destinĂ©e au marchĂ© local et Ă  l’exportation : de nombreux exemples sont connus en Bretagne, Normandie et dans le Sud-Ouest de la France (ancienne Guyenne), rĂ©gions oĂą les liens politiques et commerciaux avec l’Angleterre Ă©taient importants.

La tendresse et la finesse de l’albâtre, plus facile à sculpter que le marbre, permettait de réaliser rapidement des œuvres caractérisées par une grande variété de détails. Les sujets les plus souvent représentés étaient des scènes de la Vie du Christ (en particulier la Passion) et de la Vie de la Vierge. Ces scènes étaient représentées en haut relief, rehaussées de couleurs vives voire de dorures. Elles étaient généralement surmontées de dais finement sculptés en albâtre et/ou encadrées d’hucherie, ces éléments servant de cadre pour unifier la composition. À Nailloux, en supposant qu’il en possédait à l’origine, le retable de la Passion a perdu tous les éléments d’un éventuel cadre architectonique.

Une représentation de la Passion du Christ

La Passion du Christ est un thème souvent privilĂ©giĂ© dans les retables mĂ©diĂ©vaux car il met en relation le souvenir du sacrifice du Christ avec celui de la messe. Ces retables Ă©tant souvent utilisĂ©s comme dĂ©coration d’autel, le lien avec l’eucharistie Ă©tant d’autant plus fort. Dans le retable de Nailloux, sont reprĂ©sentĂ©es, de gauche Ă  droite : l’Arrestation, la Flagellation, la Crucifixion (panneau principal), la Mise au Tombeau et la RĂ©surrection du Christ.

Suivant la tradition iconographique en vigueur, les soldats et les Juifs sont représentés avec des vêtements et des accessoires contemporains de la réalisation de l’œuvre. Armes et armures des soldats et vêtements des Pharisiens permettent donc de confirmer la datation de l’œuvre autour de la deuxième moitié du XVe siècle.

D’un point de vue stylistique, le retable de Nailloux est aussi caractĂ©ristique de l’art des albâtres anglais de la deuxième moitiĂ© du XVe siècle. La rapiditĂ© d’exĂ©cution des sculpteurs les a conduit Ă  privilĂ©gier des compositions stĂ©rĂ©otypĂ©es et des descriptions synthĂ©tiques des scènes figurĂ©es. Ă€ Nailloux, les dĂ©tails de l’environnement sont pratiquement absents (un arbre dans l’angle supĂ©rieur gauche du dernier panneau), de mĂŞme que les attributs des personnages qui sont rĂ©duits Ă  leur plus simple expression (livre pour Jean, pot Ă  onguents pour Marie-Madeleine). Les personnages ont des corps allongĂ©s avec des grosses tĂŞtes aux yeux globuleux, leurs traits sont semblables. Les schĂ©mas de composition sont Ă©galement conventionnels : centrĂ© autour de l’axe vertical du Christ dans l’Arrestation, la Flagellation et la Crucifixion, organisĂ© autour de la ligne oblique du tombeau pour la Mise au tombeau et la RĂ©surrection.

Des traces de polychromie sont visibles sur le retable de Nailloux et il paraît certain qu’il ait été vivement coloré à l’origine. Il semble que les fonds étaient largement colorés, alors que les parties en relief l’étaient moins, sans doute pour exploiter le blanc laiteux de l’albâtre. Sur les quatre panneaux latéraux, la partie basse de la composition présente des traces de couleur verte, suggérant la représentation sommaire d’une scène en extérieur (en l’occurrence, à Gethsémani, ce jardin au pied du Mont des Oliviers où Jésus et ses disciples auraient prié avant la Crucifixion). Les restes de peinture rouge (ailes des anges, revers des manteaux du Christ et des disciples, nimbe de la Vierge) pourraient témoigner de parties originellement dorées puisque la dorure à la feuille d’or, aujourd’hui disparue, était habituellement appliquée sur une préparation rouge.

La présence de cette polychromie ainsi que le caractère synthétique de la sculpture devait faciliter la lecture globale du retable, conçu formellement comme un ensemble homogène. La compréhension directe et complète du cycle était plus importante que sa description, d’où les raccourcis et les imprécisions nombreuses dans l’exécution (par ex. les pieds). L’impression de profondeur n’a ainsi pas été rendue par juxtaposition des plans mais par superposition des personnages, suivant les conventions de la représentation médiévale de l’espace.

Les reliefs de Montgeard

L’église Notre-Dame de Montgeard, distante d’à peine 2 km de celle de Nailloux possède aussi de beaux spĂ©cimens d’albâtre de Nottingham. DatĂ©s des annĂ©es 1420-1460, ils seraient lĂ©gèrement plus anciens que ceux de Nailloux[1]. MĂŞme si le commerce des albâtres de Nottingham Ă©tait bien implantĂ© en France et dans le Sud-ouest en particulier, la prĂ©sence de ces panneaux dans deux Ă©glises si proches l’une de l’autre est singulière. Une rivalitĂ© entre les deux villages s’est peut-ĂŞtre traduite Ă  l’époque de l’âge d’or du pastel par une compĂ©tition dans la dĂ©coration intĂ©rieure de leurs Ă©glises respectives. D’autant que les riches marchands de pastel, en contact avec les canaux du commerce international, ont pu faciliter l’importation de ces Ĺ“uvres.

Les reliefs de Montgeard sont au nombre de cinq. Une Assomption, un Couronnement de la Vierge et une sainte Catherine sont maçonnés dans les murs de l’église, une Trinité a été intégrée à la structure de la chaire à prêcher et un fragment d’Adoration des Mages est conservé à la mairie du Village[2]. Ces sujets indiquent donc un retable dédié à la Vie de la Vierge, qui prenait place selon les sources jusqu’au début du XVIIIe siècle dans le cœur de l’église[3].

Les reliefs de Montgeard ont été classés Monument Historique au titre d’objet le et le .

  • Retable dĂ©membrĂ© de Montgeard

Notes et références

  1. Nicole Andrieu, « Éléments du retable en albâtre de Montgeard récemment classés au titre des Monuments historiques », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, no LXIII,‎ , p. 251
  2. Pascal Julien, « L'église de Montgeard », Congrès archéologique de France, no 154,‎ , p. 55-56
  3. L’hypothèse d’un retable dĂ©membrĂ© originellement dĂ©diĂ© Ă  la Vie de la Vierge est confortĂ©e par le compte-rendu de la visite de l’archevĂŞque de Toulouse, Charles de Montchal (1628-1651) qui mentionne en 1640 "un retable de bois de chaise faict en arceau avec trois degrĂ©s au pied d' Iceluy, le tout peinct et six mystères de la Vierge gravĂ©s sur des pierres de marbre qui sont enchâssĂ©es dans ledit retable". Archives dĂ©partementales, 1 G 564, citĂ© par la base de donnĂ©es des « Monuments Historiques Â».

Voir aussi

Bibliographie

Andrieu Nicole, "Éléments du retable en albâtre de Montgeard récemment classés au titre des Monuments historiques", Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, Tome LXIII, 2003, p. 250-251.

Cheetham Francis, English medieval alabaster: with a catalogue of the collection in the Victoria and Albert Museum, Woodbridge, UK New York, Boydell Press in association with the Association for Cultural Exchange, 2005, 2e Ă©dition

Gorguet Pascale, Répertoire des albâtres anglais du XIVe au XVe siècle dans le Sud-Ouest, mémoire de maîtrise présenté sous la direction des professeurs Yves Bruand et Michèle Pradalier, Université Toulouse Le Mirail, 1984.

Prigent Christiane, Les sculptures anglaises d’albâtre, Musée national du Moyen Âge, éditions RMN, Paris, 1998.

Liens externes

Articles connexes

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