Accueil🇫🇷Chercher

Recours aux sources

Recours aux sources – Essais sur notre rapport au passé est un recueil de 11 essais (plus une « Ouverture » et un « Épilogue ») de l'historien Éric Bédard paru en 2011 chez Boréal. Dix des onze textes sont des reprises plus ou moins remaniées de textes parus antérieurement dans des revues ou des œuvres collectives.

Recours aux sources
Essais sur notre rapport au passé
Auteur Éric Bédard
Pays Canada
Genre Recueil d'essais
Éditeur Boréal
Lieu de parution Montréal
Date de parution 2011
Nombre de pages 274
ISBN 978-2-7646-2109-7

Propos

Dans l'ensemble de ces textes, l'auteur constate la tendance actuelle, au Québec, à considérer le passé d'avant la Révolution tranquille comme une période sombre, dépassée, dont nous n'aurions rien à apprendre et dont il faut même surtout se distancer, pour remettre en question certains axes de la foi inébranlable en la modernité – voire l'« hypermodernité » – qui en découle. Pour lui, il faut éviter une vision exclusivement téléologique de l'histoire (qui consiste à réinterpréter celle-ci en fonction du présent et d'un supposé « sens de l'histoire ») pour faire l'effort de se plonger dans les sources afin de voir ce qu'ont elles-mêmes à nous dire les personnes qui nous ont précédés et dont nous sommes les « héritiers ». « C'est un travail solitaire, souvent long et fastidieux, mais essentiel. » (p. 229).

Résumés des essais

  • Dans DĂ©gĂ©nĂ©rations ? (I), il s'interroge sur le succès de la cĂ©lèbre chanson de Mes AĂŻeux, laquelle tranche, justement, avec le discours dominant de mĂ©pris envers les gĂ©nĂ©rations passĂ©es. « Le registre identitaire n'est pas ici celui du combat militant mais davantage celui de la survivance, ce qui n'est pas sans rappeler le passage du politique au culturel qui se produisit au QuĂ©bec après la dĂ©faite des RĂ©bellions de 1837-1838. » (p. 29)
  • Dans PassĂ© dĂ©nationalisĂ©, avenir incertain (II), il critique le nouveau programme d'histoire proposĂ© par le ministère de l'Éducation en 2006, qui passe sous silence plusieurs moments-clĂ©s de l'histoire des Canadiens français (notamment l'Ă©pisode des Patriotes) et qui semble surtout animĂ© par le souci quasi obsessif de prĂ©senter le QuĂ©bec comme une terre « moderne, ouverte sur le monde ». « Cette histoire de la modernitĂ©, rĂ©sumons-la. Il y eut d'abord la prĂ©histoire autochtone, beau moment d'innocence d'une humanitĂ© qui ne connaissait pas la concurrence et qui vivait dans un temps de lĂ©gendes et de mythes. Il y eut ensuite le Moyen Ă‚ge français, avec son colonialisme et sa tyrannie. Cet absolutisme rĂ©trograde fut renversĂ© par les rĂ©volutions libĂ©rale et capitaliste, qui se heurtèrent toutefois Ă  la Grande DĂ©pression des annĂ©es 1930, d'oĂą l'avènement de l'État-providence. Mais cela va-t-il durer? OĂą va notre modernitĂ©? Lourdes questions posĂ©es dans le dernier chapitre. » (p. 41–42)
  • Dans L'hĂ©ritage impossible (III), l'auteur parle des tendances actuelles, dans le milieu quĂ©bĂ©cois de l'histoire, Ă  s'attarder aux grands courants de sociĂ©tĂ©s et aux interprĂ©tations du sens de l'histoire plus qu'aux individus et Ă  une simple recherche des faits bruts. Il traite notamment de la grande influence du professeur Maurice SĂ©guin (1918-1984) Ă  cet Ă©gard.
  • Dans Pierre Falardeau et Denys Arcand, lecteurs de Maurice SĂ©guin (IV), l'auteur prĂ©sente les Ĺ“uvres de ces deux cinĂ©astes quĂ©bĂ©cois, qui admiraient tous les deux l'Ĺ“uvre et la pensĂ©e de l'historien Maurice SĂ©guin. Les deux cinĂ©astes ont en effet tournĂ© plusieurs films historiques ou traitant directement ou indirectement de la situation des QuĂ©bĂ©cois comme peuple minoritaire aux prises avec le problème de la modernitĂ©. « Chez SĂ©guin comme chez Arcand, il n'y a ni idĂ©es, ni hĂ©ros, ni volontĂ©s assez fortes pour renverser le cours de l'histoire. » (p. 75)
  • Dans La trudeauisation des esprits (IV), l'auteur dĂ©crit en dĂ©tail la vision de l'histoire de Pierre Elliott Trudeau (1919-2000) et la façon dont celle-ci s'est incarnĂ©e dans sa politique, avec pour rĂ©sultat une vision du Canada tournĂ©e vers l'avenir oĂą les querelles nationalistes ont laissĂ© place Ă  une coexistence universaliste et post-nationaliste rendue possible non pas par la reconnaissance des droits des peuples mais par la reconnaissance des droits individuels. Il expose le fait que cette vision n'avait pas touchĂ© la mouvance souverainiste avant la dĂ©claration de Jacques Parizeau sur « les votes ethniques » en 1995, et que dès lors, au contraire, mĂŞme les souverainistes se sont Ă©vertuĂ©s Ă  sĂ©parer le « nationalisme ethnique » du « nationalisme civique ». « Il m'arrive souvent de me demander comment des militants souverainistes intelligents et sincères en sont venus Ă  proposer un idĂ©al de sociĂ©tĂ© aussi proche de celui de l'ancien premier ministre canadien. » (p. 102–103)
  • Dans Duplessis ressuscitĂ© au petit Ă©cran (V), l'auteur traite de l'Ă©laboration, de la rĂ©ception et du sens de la sĂ©rie Duplessis de Denys Arcand, qui a connu un grand succès en 1978 et a ranimĂ© le dĂ©bat sur ce personnage controversĂ© de l'histoire du QuĂ©bec et sur notre rapport au passĂ©. « Il y a tout lieu de croire que cette dramatique de Mark Blandford arrivait au bon moment : aux yeux de plusieurs, dont le premier ministre RenĂ© LĂ©vesque, il fallait sortir Maurice Duplessis du purgatoire dans lequel les rĂ©volutionnaires tranquilles l'avaient trop longtemps tenu et ainsi reprendre contact avec une autre histoire du QuĂ©bec. » (p. 128)
  • Dans RenĂ© LĂ©vesque et l'alliance avec les bleus (VII), l'auteur traite des origines du Parti quĂ©bĂ©cois et de la façon dont il a rĂ©cupĂ©rĂ©, en quelque sorte, les anciens partisans de l'Union nationale. « Une lecture le moindrement attentive des Ă©crits laissĂ©s par RenĂ© LĂ©vesque nous le montre rĂ©fractaire aux idĂ©es vĂ©hiculĂ©es par le RIN, et beaucoup plus proche, dans les faits, de la vision pondĂ©rĂ©e et rĂ©aliste des fondateurs du Regroupement national, dont certains chefs de file allaient devenir des collaborateurs de premier plan. » (p. 138–139)
  • Dans Octobre ou la thĂ©rapie de choc (VIII), l'auteur analyse les deux grands courants qui ont animĂ© le Front de libĂ©ration du QuĂ©bec (FLQ) dans les annĂ©es 1960, soit la « veine millĂ©nariste » et sa foi dans un monde meilleur après la RĂ©volution s'inscrivant dans l'« histoire longue », et la « veine spontanĂ©iste », moins portĂ©e sur les discours et plus axĂ©e sur l'action directe et rapide, voire irrĂ©flĂ©chie. « La dĂ©couverte du cadavre de Pierre Laporte aura un retentissement extraordinaire. Les imaginations en seront saisies, mais l'Ă©vĂ©nement n'aura pas l'effet escomptĂ©. Il marquera au contraire la fin du spontanĂ©isme et d'un certain romantisme rĂ©volutionnaire quĂ©bĂ©cois. » (p. 158)
  • Dans Ethnie : terme fâcheux... (IX), l'auteur traite du problème qui se pose aux souverainistes qui veulent militer pour leur idĂ©al tout en Ă©vacuant la notion de « nation » ou d'« ethnie ». « L'un de ces jugements consiste Ă  affirmer que ce qui ne communie pas explicitement au libĂ©ralisme moderniste ou Ă  un universalisme dĂ©sincarnĂ© penche Ă  coup sĂ»r du cĂ´tĂ© d'un ethnicisme rĂ©trograde. » (p. 170)
  • Dans Un jĂ©suite au ministère de l'Éducation (X), l'auteur dĂ©crit la pensĂ©e de Pierre Angers (1912-2005), « qui inspira une nouvelle conception de la pĂ©dagogie dite active et fut l'une des premières tĂŞtes pensantes du Conseil supĂ©rieur de l'Ă©ducation, instituĂ© en 1964 ». Il en profite pour faire valoir le fait que malgrĂ© des idĂ©es très rĂ©pandues, les hommes d'Église des annĂ©es 1950 et 1960 pouvaient aussi avoir une pensĂ©e très moderne, voire avant-gardiste, et il conclut en Ă©nonçant des rĂ©serves Ă  l'Ă©gard de la doctrine de cet homme qui, après avoir fustigĂ© une pĂ©dagogie non ancrĂ©e dans la rĂ©alitĂ©, en prĂ´nait une autre qui relève en fait d'une autre utopie. « Penser qu'on augmentera la rĂ©ussite scolaire en transformant radicalement l'Ă©valuation, en Ă©vitant le stigmate du redoublement et, surtout, en rĂ©volutionnant la pĂ©dagogie; croire qu'on pourra freiner le dĂ©crochage scolaire sans toucher au ratio maĂ®tre/Ă©lèves, sans valoriser l'effort, le mĂ©rite et le travail, sans interpeller en premier lieu les Ă©lèves et leurs parents; se persuader que l'Ă©chec scolaire rĂ©sulte de l'Ă©cole elle-mĂŞme [...], telle fut la grande utopie Ă  laquelle souscrivit Pierre Angers, qui aurait pu faire sien le slogan rĂ©volutionnaire par excellence d'une Ă©poque : “Du passĂ©, faisons table rase!” » (pp. 202-203)
  • Dans Penser le conservatisme canadien-français (XI), l'auteur reprend des idĂ©es qu'il dĂ©veloppe dans Les RĂ©formistes en invitant le lecteur Ă  se sortir des grilles d'analyse courantes de l'histoire du XIXe siècle axĂ©es soit sur le progrès du libĂ©ralisme, soit sur le progrès industriel, afin d'essayer de comprendre « le conservatisme canadien comme doctrine politique et sensibilitĂ© philosophique, [qui] se situe dans un angle mort de notre historiographie. “Victime” du tĂ©lĂ©ologisme moderniste libĂ©ral ou marxien, la sensibilitĂ© conservatrice trouve très peu de commentateurs attentifs qui chercheraient Ă  la comprendre en elle-mĂŞme et pour elle-mĂŞme. La lecture hypermoderniste du passĂ© qui façonne les reprĂ©sentations historiques depuis les annĂ©es 1960 fait souvent du conservatisme l'Autre de la bonne pensĂ©e moderne – pour reprendre un concept Ă  la mode. » (p. 206)
  • Enfin, dans La question de Dany Laferrière (Ă©pilogue), l'auteur raconte avec humilitĂ© une anecdote s'Ă©tant dĂ©roulĂ©e lors d'une Ă©mission de radio Ă  laquelle participait aussi cet autre auteur quĂ©bĂ©cois, pour enchaĂ®ner avec une rĂ©flexion sur le rĂ´le spĂ©cifique des historiens qui se sont peut-ĂŞtre trop laissĂ©s emporter, depuis deux gĂ©nĂ©rations, vers une vision exclusivement sociologique ou anthropologique de leur mĂ©tier. « Aux profanes, c'est-Ă -dire Ă  ceux pour qui l'histoire n'est pas une profession, il paraĂ®tra Ă©lĂ©mentaire de le rappeler : avant de savoir ce que l'on doit penser du passĂ©, ce qui est davantage le rĂ´le des philosophes, des sociologues ou des politologues, il faut des spĂ©cialistes pour donner Ă  voir Ă  leurs contemporains, avec le plus de rigueur et de prĂ©cision possible, ce qui s'est passĂ©. Ce que le grand public attend de nous, ce n'est pas de rĂ©pĂ©ter ce que d'autres historiens ont pu penser de tel ou tel Ă©pisode, mais, plus simplement, de rendre compte du contexte, des Ă©vĂ©nements et des acteurs qui ont orientĂ© le destin d'une collectivitĂ©. Cette attente me semble lĂ©gitime. » (p. 228–229)
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.