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Rabah Kheliff

Rabah Kheliff est un officier français, né le à Rébeval, aujourd'hui Baghlia (Algérie), mort le à Caluire-et-Cuire[1]. Il est connu pour avoir enfreint les ordres[2], le , lors du massacre d’Oran. Il est connu également pour son engagement en faveur des anciens combattants musulmans et pour sa lutte dans la fondation de la Grande mosquée de Lyon.

Biographie

Rabah Khelif naĂ®t en Kabylie, en 1933. Fils d’officier, il est enfant de troupe Ă  l’école de Kolea, près d’Alger. En 1951, Ă  18 ans, il s’engage et part combattre en Indochine. BlessĂ© et fait prisonnier Ă  Dien Bien Phu[3], il est portĂ© disparu durant six mois avant d’être retrouvĂ©, entre la vie et la mort, par la Croix-Rouge. Il est rapatriĂ© sur la mĂ©tropole. Il part bientĂ´t pour l'AlgĂ©rie, oĂą il sert comme officier jusqu'en 1962[3].

Le massacre du 5 juillet 1962

Témoignage de Rabah Kléliff à Mohand Hamoumou[4].

Rabah KhĂ©liff est dans une unitĂ© de la Force locale de l'Ordre AlgĂ©rienne jusqu'au : la 430e UFO[5], crĂ©Ă©e avec des Ă©lĂ©ments de la 4e compagnie du 30e BCP (30e Bataillon de Chasseurs PortĂ©s[6]) commandĂ©e par le lieutenant KhĂ©liff. Le , il apprend que des civils europĂ©ens sont regroupĂ©s en divers points de la ville d’Oran, dans l’attente d’être exĂ©cutĂ©s, sans que l’armĂ©e française n'intervienne[7]. Il dĂ©cide de passer outre les ordres. Il prĂ©vient par tĂ©lĂ©phone son colonel, qui rĂ©pond : « Faites selon votre conscience, quant Ă  moi je ne vous ai rien dit[8]. »

À la tête de la moitié de sa compagnie, le lieutenant Kheliff gagne un des points de regroupement, devant la préfecture. « Il y avait là une section de l’ALN, des camions de l’ALN et des colonnes de femmes, d’enfants et de vieillards dont je ne voyais pas le bout. Plusieurs centaines, en colonnes par trois ou quatre, qui attendaient là avant de se faire zigouiller[8] - [9]. » Le lieutenant Kheliff exige et obtient du préfet, Souiyah El Houari[10], leur libération[8]. S’étant quelque peu éloigné de son détachement, il est lui-même pris à partie et blessé par des civils algériens, puis dégagé par ses hommes, à qui il interdit d’ouvrir le feu[11]. Après quoi, il établit des patrouilles sur les axes routiers menant à l’aérodrome et au port[12] pour « arracher littéralement » des malheureux des mains de leurs agresseurs[13].

Il est mis aux arrêts de rigueur, et convoqué par le général Katz qui l’admoneste sévèrement : « Si vous n'étiez pas arabe, je vous casserais[14] - [13]. »

L’armĂ©e rendra nĂ©anmoins hommage au lieutenant Kheliff[15], le , sous la plume du colonel Nicolas, commandant le sous-secteur est d’Oran et le 67e RĂ©giment d’Infanterie :

« Calme, Ă©nergique et disciplinĂ©, a fait preuve des plus belles qualitĂ©s de chef et d’homme en s’exposant, personnellement, au cours d’une manifestation, le 5 juillet, pour sauver plusieurs EuropĂ©ens dont la vie Ă©tait menacĂ©e. A Ă©tĂ© molestĂ© en transportant des blessĂ©s en lieu sĂ»r, mais gardant un remarquable sang-froid, a contribuĂ© Ă  rĂ©tablir le calme sans effusion de sang[16]. »

L’engagement associatif

Il doit être ramené d'urgence en France pour éviter des représailles. Bien que sa carrière soit alors freinée, il parvient au grade de capitaine. En 1967, il quitte l’armée pour raisons de santé.

Il se consacre alors à la défense des droits de ses camarades de combat musulmans, souvent désarmés face à l’administration[17]. Il fonde l'Union Nationale des Anciens Combattants Français Musulmans (UNACFM), dont il est le président[18]. Il obtient, pour les harkis, le statut d’ancien combattant, ainsi que pour les harkis et combattants ayant connu la captivité en Algérie le statut de prisonnier de guerre.

Il est président de l’Association culturelle lyonnaise islamo-française (ACLIF) et du Comité pour la construction de la Grande mosquée de Lyon[19].

Il meurt le [3] Ă  Lyon.

Distinctions

Références

  1. État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
  2. « Le 5 juillet 1962 Ă  Oran, seul officier français Ă  enfreindre les ordres prescrits, il fit face Ă  l'A.L.N. [...] arrachant des centaines de ses compatriotes pieds-noirs Ă  une mort certaine, s'exposant ainsi aux foudres du gĂ©nĂ©ral Katz. » Boris Khan, L’AlgĂ©rianiste, n° 104, janvier 2004. Rabah Kheliff ne fut pas le seul Ă  enfreindre les ordres. Le capitaine Croguennec, du 2e Zouaves, a arrachĂ© 400 EuropĂ©ens du commissariat central d’Oran, et les a mis en sĂ©curitĂ© dans son cantonnement. TĂ©moignage du commandant BrĂ©nugat, in Geneviève de Ternant, L’Agonie d’Oran, t. 2, p. 77-78. RĂ©cit du capitaine Croguennec sur Le 5 juillet 1962 Ă  Oran. TĂ©moignage de Serge Lentz, Paris-Match, no 692, 14 juillet 1962.
  3. Michel de Muizon, La voix du Combattant, n° 1690, dĂ©cembre 2003.
  4. Témoignage confirmé par Raphaël Delpard : 5 juillet 1962, le massacre d’Oran, Metula News Agency, 12 juillet 2017.
  5. Soraya Laribi, « La force locale après les accords d’Évian (mars-juillet 1962) », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 259, no 3,‎ , p. 77 (ISSN 0984-2292 et 2101-0137, DOI 10.3917/gmcc.259.0077, lire en ligne, consulté le )
  6. Ainsi appelĂ© de 1945 Ă  1968. Il reprend en 1990 son appellation originelle (1871) de 30e Bataillon de Chasseurs Ă  Pied. Il est dissous en 1998.
  7. Georges-Marc Benamou, Un mensonge français : retours sur la guerre d’AlgĂ©rie, Robert Laffont, 2003, p. 255-257.
  8. Mohand Hamoumou, Et ils sont devenus harkis, Fayard, 1993, p. 275.
  9. Sur le sort rĂ©servĂ© aux personnes enlevĂ©es, voir les tĂ©moignages d'auteurs du massacre, rapportĂ©s par Miloud Karim Rouina dans sa thèse de IIIe cycle : Essai d'Ă©tude comparative de la Guerre d'indĂ©pendance de l'AlgĂ©rie de 1954-1962 Ă  travers deux villes : Oran - Sidi Bel Abbès, universitĂ© de Montpellier III, juin 1980. Le tĂ©moin 10 est nĂ© Ă  AĂŻn TĂ©mouchent en 1928, membre du FLN depuis 1955, ancien maçon Ă  Oran, policier depuis mars 1962 : « Nous avons remontĂ© environ 800 personnes au commissariat central [...] nous emmenions les prisonniers Ă  la Sebkha près du Petit-Lac pour les tirer Ă  la mitraillette. En fait, nous n'avions mĂŞme pas le temps de les tuer car dès que les EuropĂ©ens, harkis, militaires de Djibouti descendaient de la fourgonnette, le peuple s'en emparait et les achevait, qui au couteau, qui Ă  la hache, qui par le feu... » CitĂ© par Jean-Jacques Jordi, Un silence d'État : les disparus civils europĂ©ens de la guerre d'AlgĂ©rie, Soteca, 2011, p. 90.
  10. Jean Monneret, La TragĂ©die dissimulĂ©e : Oran, 5 juillet 1962, Michalon, 2006, p. 136. D'autres sources disent Salah Abdelkader .
  11. « Kheliff Rabah », Bab el Oued Story.
  12. Ces deux axes, solutions de fuite pour les Européens, étaient particulièrement visés par les auteurs du massacre.
  13. Mohand Hamoumou, op. cit., p. 276.
  14. « Un juste nommé Rabah Kheliff »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  15. La contradiction peut s’expliquer. Contraint par le pouvoir politique d’endosser la responsabilité du massacre, le général Katz se défendra de son mieux, évoquant les interventions ponctuelles ayant permis de sauver des Européens le 5 juillet. Joseph Katz, L’Honneur d’un général : Oran, 1962, L'Harmattan, 1993. Le général Katz récupérait ainsi les actes de désobéissance isolés, comme celui du lieutenant Kheliff.
  16. Copie certifiĂ©e conforme Ă©tablie le 21 mai 1971 par le gĂ©nĂ©ral Vaudable, commandant la 43e Division militaire, d’une Lettre de fĂ©licitations au lieutenant Kheliff Rabah en date du 11 juillet 1962, signĂ©e Nicolas. Reproduite in Jean Monneret, op. cit., p. 182.
  17. « Rabah Kheliff : mort d’un patriote », AJIR pour les Harkis.
  18. « Il fonde initialement l'Union Nationale des Anciens Combattants Français de Confession Islamique qu'il transforme, en 1996, en Association des Anciens Combattants Français Musulmans. » Michel de Muizon, ibid..
  19. Compte-rendu de Commission gĂ©nĂ©rale du 10 novembre 1983 du Conseil municipal de Lyon, concernant le Centre franco-islamique de Lyon. Journal officiel du 10 octobre 1994, p. 5054, rĂ©ponse Ă  la question Ă©crite n° 17130 du 25 juillet 1994. « ProfondĂ©ment croyant, il avait Ă©tĂ© un des fondateurs de la grande mosquĂ©e de Lyon dont il assurait la prĂ©sidence. » Boris Khan, ibid.
  20. Boris Khan, ibid.

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