RĂ©volte en Amdo en 1958
La rĂ©volte en Amdo en 1958, Ă©galement connu sous le nom d '« incident de Xunhua » (en chinois: ćŸȘćäș件), est une rĂ©bellion anti-communiste durement rĂ©primĂ©e par lâarmĂ©e chinoise[1]. Cela s'est produit Ă Xunhua dans la province du Qinghai. Cette rĂ©volte prĂ©cĂšde le soulĂšvement tibĂ©tain de 1959 et le dĂ©part du dalaĂŻ-lama Ă lâĂ©tranger. L'incident s'est terminĂ© par la rĂ©pression et un massacre par l'ArmĂ©e populaire de libĂ©ration, qui a tuĂ© 435 personnes en quatre heures le , dont la plupart Ă©taient des civils non armĂ©s[1] - [2] - [3].
Contexte
L'Amdo (tibĂ©tain : àœšàŒàœàœàœŒàŒ, Wylie : a mdo, chinois: ćźć€, pinyin: ÄnduĆ) est l'une des trois anciennes provinces ou rĂ©gions du Tibet, les autres Ă©tant l'Ă-Tsang et le Kham. LâAmdo, en chinois Anduo ćźć€, concerne des provinces chinoises actuelles du Qinghai, du sud du Gansu, et du nord du Sichuan (district de rNga-ba éżć).
LâAmdo nâest pas concernĂ© par lâAccord en 17 points sur la libĂ©ration pacifique du Tibet signĂ© entre les autoritĂ©s chinoises et les reprĂ©sentants du dalaĂŻ-lama. En effet le territoire de lâAmdo nâest pas sous le contrĂŽle politique de Lhassa, aussi les « rĂ©formes dĂ©mocratiques », qui se traduisent par la mise en place des coopĂ©ratives agricoles et pastorales, sont engagĂ©es par les autoritĂ©s communistes Ă partir de 1955[4].
Historique
En 1958, une importante rĂ©volte est mise au pas par lâarmĂ©e chinoise. Ă la suite de lâinstauration des communes dans le cadre du Grand Bond en avant, les habitants souffrent de la famine[5]. La rĂ©volte se situe deux ans aprĂšs celle du Kham en 1956 et prĂ©cĂšde le soulĂšvement tibĂ©tain de 1959 Ă Lhassa[6].
MonastĂšre
Selon une Ă©tude chinoise sur les 722 monastĂšres rĂ©pertoriĂ©s au Qinghai avant 1958, onze Ă©taient encore intacts aprĂšs 1958[5]. Ainsi, lâanthropologue amĂ©ricaine C. Makley indique que 90 % des moines du monastĂšre de Labrang sont portĂ©s disparus aprĂšs 1958, victimes des tortures, de la prison ou des camps de rĂ©Ă©ducation par le travail [7].
Le massacre
Le matin du , l'ArmĂ©e populaire de libĂ©ration (APL) a envoyĂ© deux rĂ©giments pour rĂ©primer le soulĂšvement. Ă leur arrivĂ©e, les troupes de l'APL ont commencĂ© Ă ouvrir le feu sur les civils qui ont demandĂ© la libĂ©ration de Jnana Pal RinpochĂ© (ć äčćä»æłąć)[1] - [2] - [3] - [8]. En quatre heures, les troupes ont rĂ©alisĂ© que les civils n'Ă©taient pour la plupart pas armĂ©s, mais avaient dĂ©jĂ tuĂ© 435 personnes, avec un total de 719 morts[1] - [2] - [3] - [8].
Dans l'aprĂšs-midi du , 2 499 personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es, dont 1 581 Salars, 537 TibĂ©tains, 343 Hui et 38 Han[1] - [2] - [3]. Le bilan officiel des dĂ©cĂšs de APL Ă©tait de 17, avec une perte de propriĂ©tĂ©s estimĂ©e Ă 0,9 million de RMB Ă l'Ă©poque[1] - [2] - [3].
TĂ©moignages et bibliographie
En 2012, la sinologue Katia Buffetrille indique que cette pĂ©riode de lâhistoire tibĂ©taine est peu connue. Les jeunes Amdowas Ă©voquent cette rĂ©volte et ses consĂ©quences Ă partir des rĂ©cits de leurs parents [9].
En 2012, Thakgyam, un TibĂ©tain de 77 ans, tĂ©moigne, « avant de mourir », de la rĂ©volte en Amdo en 1958 Ă laquelle il a participĂ© et de la rĂ©pression de lâArmĂ©e populaire de libĂ©ration[10].
Dans son ouvrage Le chef des perles en argent, lâĂ©crivaine tibĂ©taine Yangtsokyi Ă©voque cette rĂ©volte, oĂč son grand-pĂšre est tuĂ©, et les consĂ©quences de celle-ci pour elle-mĂȘme et sa famille[11].
Dans Joies et peines de lâenfant Naktsang de Naktsang NĂŒlo, parue en 2007, une autobiographie qui couvre les annĂ©es 1948-1959, lâauteur dĂ©crit en dĂ©tail les Ă©volutions radicales et la rĂ©pression des rĂ©voltes par lâarmĂ©e chinoise[12]. Pour la sinologue Françoise Robin, « ce livre a eu un succĂšs phĂ©nomĂ©nal, surtout dans l'Amdo, car il a Ă©tĂ© Ă©crit dans le dialecte de la rĂ©gion, ce qui Ă©tait nouveau » [13].
TempĂȘte rouge, un roman du tibĂ©tain Tsering Döndrub, publiĂ© en 2019 et traduit par Françoise Robin, il aborde aussi cette « mĂ©moire tabou »[13]. Ă la suite de cette publication Tsering Döndrub est renvoyĂ© de son emploi de fonctionnaire [14].
Analyses
La sinologue Katia Buffetrille indique, en 2012, que la rĂ©volte en Amdo en 1958 a fait lâobjet dâune « terrible rĂ©pression » [9]. Warren W. Smith Jr mentionne quâen 1958 dans certaines rĂ©gions de lâAmdo, les hommes tibĂ©tains sont complĂštement absents[15].
Article connexe
Références
- (en) Jianglin Li (trad. du chinois), Tibet in Agony : Lhasa 1959, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, , 410 p. (ISBN 978-0-674-08889-4, lire en ligne)
- (zh) Jianglin Li, « éæ”·âćŸȘćäș件âć§æ« », sur biweeklyarchive.hrichina.org (consultĂ© le )
- (en) Alexander Norman, The Dalai Lama : An Extraordinary Life, Houghton Mifflin Harcourt, , 432 p. (ISBN 978-0-544-41688-8, lire en ligne)
- Françoise Robin Clichés tibétains: idées reçues sur le Tibet
- Françoise Robin La rĂ©volte en Amdo en 1958 Compte rendu de la journĂ©e de confĂ©rences au SĂ©nat le 3 mars 2012, Rapport de groupe interparlementaire dâamitiĂ© n° 104, 18 juin 2012, Site du SĂ©nat
- TempĂȘte Rouge de Tsering Dondrup
- voir Makley Charlene, 2005, «`Speaking Bitterness': Autobiography, History, and Mnemonic Politics on the Sino-Tibetan Frontier», in Comparative studies in society and history, 2005, 47(1) : 49, note 18.
- (zh) Anna Wang, « çćźćšïŒçșȘćż”1958ćčŽèæè”·äčâćŸȘćäș件â62ćšćčŽ ââćœä»Łéæ”·âäș性ćèâ », sur Ipkmedia (ć äŒ ćȘ) (consultĂ© le )
- Katia Buffetrille Se sacrifier par le feu pour que le Tibet reste tibĂ©tain LâExpress, 29 mars 2012
- Le vieil homme qui voulait âparler avant de mourirâ Courrier International, 22 mai 2012
- Le chef des perles en argent Note de lecture
- XĂ©nia de Heering Joies et peines de lâenfant Naktsang de Naktsang NĂŒlo Impressions dâExtrĂȘme-Orient, 2016
- François Bougon Mourir pour que sa langue vive Le Monde, 27 décembre 2012
- Martine Bulard, « Au Tibet, une visite trÚs guidée », sur Le Monde diplomatique,
- Tibetan Nation: A History Of Tibetan Nationalism And Sino-tibetan Relations