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RĂ©publique de Koritza

La république de Korça, de Koritsa, ou de Kortcha est une région autonome mise en place par la France dans le district de l’actuelle Korçë, dans le sud de l'Albanie, durant la Première Guerre mondiale.

République de Korça

1916–1920

Drapeau Blason
Description de cette image, également commentée ci-après
La république de Korça, en mauve
Préfet de police
1916-1917 Themistokli Gërmënji

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Entités suivantes :

Territoire et population

Le territoire de la rĂ©publique de Koritsa recouvre approximativement le district de l’actuelle Korçë, avec ses dĂ©pendances de Bilisht, KolonjĂ«, Opar (en) et GorĂ« (en)[1]. Il s'Ă©tend sur 60 km d’Est en Ouest et sur 100 km du Nord au Sud. Sa frontière avec le territoire albanais administrĂ© par l’Italie (Ă  l’Ouest) se situe Ă  mi-chemin entre les actuelles Selenitza et ErsekĂ«[2]. Au Sud, le territoire de la rĂ©publique autonome borde le royaume de Grèce.

La population du territoire atteint les 122 315 habitants et est majoritairement composĂ©e d’Albanais musulmans (82 245 habitants). Quelques localitĂ©s de la rĂ©publique sont cependant majoritairement aroumaines (Moscopoli, Plasa, Nicea, Frasari, etc.) et d’autres, moins importantes, sont grecques ou bulgares[3].

Au sein de ce territoire, la cohabitation entre les différentes communautés n’est pas toujours facile[4] et, si les musulmans sont depuis longtemps acquis à la cause nationale albanaise, les choses ne sont pas aussi claires du côté des orthodoxes. Il semble cependant que les chrétiens de la région ont été déçus par l’attitude d’Athènes lors de l’annexion de l’Épire du Nord par la Grèce et qu’ils se montrent plutôt méfiants vis-à-vis de l’armée hellène[5].

Histoire

L'arrivée des Français et la naissance de la république

En , la France, en froid avec le royaume de Grèce et désireuse de saper l'influence de l'Autriche-Hongrie en Albanie, fait occuper la région nord épirote de Koritsa. Paris établit ainsi une liaison entre Valona, alors occupée par l’Italie, et le Camp de Salonique, où est stationnée l'Armée d'Orient[6] - [7]. Le , le 1er régiment de chasseurs d’Afrique, commandé par le colonel de Fortou, prend officiellement possession de la ville. Il expulse alors le 46e régiment d’infanterie grec (qui occupait la région depuis octobre 1914) et fait emprisonner les fonctionnaires royalistes grecs à Thessalonique[8].

Le , le colonel Descoins, ancien chef d’État-major de l’expédition des Dardanelles, est envoyé dans la région pour l’administrer au nom de la France et remplacer le représentant des Grecs vénizélistes, Périclès Argyropoulos[3] - [9] - [10]. Le , la région de Koritsa, séparée du reste de l’Albanie par la guerre, se déclare autonome. Un protocole est alors signé, entre les autorités militaires françaises, le chef de bande chrétien Themistokli Gërmënji et les notables de la région pour y organiser la collaboration entre les pouvoirs locaux et les forces d’occupation[11] - [12].

En fait, seul le patriote musulman Salih Budka, qui continue à voir dans les agents de Paris un appui du panhellénisme, poursuit sa lutte contre les Français et soutient activement les armées austro-hongroises[13].

La limitation progressive de l'autonomie

Mais la signature de ce Protocole contrevient au Pacte de Londres, conclu avec l’Italie le , qui prévoit la mise sous-tutelle du Sud de l'Albanie par Rome. Il déplaît également au chef du gouvernement provisoire grec Elefthérios Venizélos et au dictateur albanais Essad Pacha, qui convoitent tous deux la région. Face à ses alliés, la France doit donc changer de politique et, malgré le soutien du général Maurice Sarrail, le colonel Descoins est démis de ses fonctions dans la région le [14] - [15]. L’autonomie de la région est réduite peu de temps après avant d’être totalement supprimée le [16].

La France abandonne par ailleurs en partie sa politique de collaboration avec les habitants du territoire. Longtemps nommé préfet de police, l'ancien chef de bande Themistokli Gërmënji est ainsi arrêté et envoyé à Salonique, où il est exécuté par un tribunal militaire[17].

À l’inverse, dans les mêmes moments, l’Autriche-Hongrie proclame l’autonomie de l’Albanie sous son égide () tandis que l’Italie déclare l’indépendance complète du territoire sous sa propre protection ()[18].

Entre départ des Français et héritage culturel

Dès la Première Guerre mondiale terminée, la France et l’Italie continuent à occuper et administrer l’Épire du Nord, et cela jusqu’à ce que la Conférence de la paix de Paris règle la question des frontières de l’Albanie. Après avoir un moment cherché à faire de la région une zone d'influence française, Paris quitte finalement la région le [19] - [20].

Malgré tout, la présence française dans la république de Koritsa n'est pas sans laisser des traces. Créé en 1917 par le conseil des notables de la république autonome, le lycée français de Koritza joue, durant tout l’Entre-deux-guerres et jusqu’en 1942, un rôle de premier plan dans la diffusion de la culture française, mais aussi albanaise[21]. Pendant longtemps, le lycée est en effet perçu comme un établissement d’élites et 80 % de ses élèves entrent dans la haute ou la moyenne administration après la fin de leur cursus. Il faut dire que le lycée est le premier établissement secondaire où l’enseignement est donné en albanais et qu’il est ouvert à toutes les confessions[22]. Pourtant, Paris interdit tout d’abord la création de l’établissement, par crainte de mécontenter Venizélos et ses partisans, qui convoitent la ville et sa région. C’est donc grâce au soutien des militaires français que l’école a finalement pu voir le jour[23].

Organisation du territoire

Institutions

Selon le protocole du , qui fait office de constitution de la région jusqu’au , l’administration de la Krahina autonome (appelée Shqipëria Vetqeveritare, c’est-à-dire « Albanie autonome », à partir de ) est confiée à un Conseil de 14 membres, composé de 7 notables musulmans et de 7 autres chrétiens[24].

Un officier français fait office de délégué du commandant militaire auprès du Conseil : c’est le lieutenant de réserve Bargeton (jusqu’au milieu du mois de ), puis le lieutenant Siegfried. L’autorité militaire française nomme les fonctionnaires des services publics. Les forces de police et la gendarmerie albanaises, chargées de maintenir l’ordre public, sont également placées sous l’autorité du commandant militaire français[1].

Après le , et jusqu’au , l’administration de la région est confiée au commandant du Groupement de Malik. Le Conseil d’administration est remplacé par un Conseil consultatif réduit à 12 membres, toujours composés pour moitié de chrétiens et pour l’autre de musulmans. La zone d’occupation française est désormais divisée en deux, au nord et au sud de Devolli : la région sud forme la république de Koritsa et la région nord le territoire de Pogradetz. Le , la France supprime finalement l’autonomie du territoire[16].

Symboles

Le drapeau de la république de Koritsa est le drapeau albanais (avec l’aigle noir à deux têtes de Gjergj Kastriot Skanderbeg) cravaté aux couleurs de la France[1].

Sa langue officielle est l'albanais[25]. Cependant, le français est également enseigné dans toutes les écoles du territoire[26].

À partir du , la république imprime sa propre monnaie : le franc albanais. Des timbres-poste sont par ailleurs émis par l'administration française sur place[16].

Lieu de mémoire

La ville de Koritza abrite un cimetière militaire français datant de la Première Guerre mondiale. Les dépouilles de 640 soldats, dont beaucoup sont issus de l’Empire colonial, y reposent toujours[27].

Annexes

Bibliographie

  • (fr) Étienne Augris, « Korçë dans la Grande Guerre, Le sud-est albanais sous administration française (1916-1918) Â» dans Balkanologie, Vol. IV, no 2, (Lire en ligne)
  • (fr) GĂ©nĂ©ral Descoins, « Six mois d’histoire de l’Albanie » dans Revue d’histoire de la guerre mondiale, 7 (4), , et 8 (1), .
  • (fr) Stefan Popescu, « Les Français et la rĂ©publique de Kortcha » dans Guerres mondiales et conflits contemporains, 2004/1, no 213, Presses Universitaires de France, p. 77-87 (ISBN 9782130556572)
  • (fr) Guillaume Robert, « L’Albanie et la France dans l’entre-deux-guerres : une relation privilĂ©giĂ©e ? » dans Balkanologie, Volume II, no 2, (Lire en ligne).

Liens internes

Liens externes

Références

  1. Stefan Popescu, « Les Français et la république de Kortcha » dans Guerres mondiales et conflits contemporains, 2004/1, no 213, Presses Universitaires de France, p. 81.
  2. Stefan Popescu, op. cit., p. 79-80.
  3. Stefan Popescu, op. cit., p. 80.
  4. Étienne Augris, « Korçë dans la Grande Guerre, Le sud-est albanais sous administration française (1916-1918) » dans Balkanologie, Vol. IV, no 2, décembre 2000, § 17.
  5. Étienne Augris, op. cit., § 18.
  6. Stefan Popescu, op. cit., p. 78-79.
  7. Étienne Augris, op. cit., § 4-6.
  8. Stefan Popescu, op. cit., p. 79.
  9. Étienne Augris, op. cit., § 7.
  10. Owen Pearson, Albania and King Zog: independence, republic and monarchy 1908-1939, I. B. Tauris, 2005, p. 101.
  11. Stefan Popescu, op. cit., p. 80-81.
  12. Étienne Augris, op. cit., § 11 et 14.
  13. Robert Vaucher, « La République Albanaise de Koritza » dans L'Illustration no 3866 du 7 avril 1917 (Lire en ligne)
  14. Stefan Popescu, op. cit., p. 82.
  15. Étienne Augris, op. cit., § 8 et 20.
  16. Stefan Popescu, op. cit., p. 83.
  17. Étienne Augris, op. cit., § 16 et 24.
  18. Étienne Augris, op. cit., § 22.
  19. Stefan Popescu, op. cit., p. 85.
  20. Étienne Augris, op. cit., § 24-38.
  21. Guillaume Robert, « L’Albanie et la France dans l’entre-deux-guerres : une relation privilégiée ? » dans Balkanologie, Volume II, no 2, décembre 1998, § 37.
  22. Guillaume Robert, op. cit., § 47.
  23. Guillaume Robert, op. cit., § 38.
  24. Stefan Popescu, op. cit., p. 81 et 83.
  25. Article VIII du Protocole du 10 décembre 1916.
  26. Étienne Augris, op. cit., § 32.
  27. Voir le site de l’ambassade de France en Albanie.
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