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Régime d'historicité

Le concept de régime d'historicité est un outil heuristique, conçu par l'historien François Hartog, et désignant les « modes d’articulation des trois catégories du passé, du présent et du futur »[1]. Il pose la question de la manière dont les sociétés, ou les individus, pensent leur rapport au temps, notamment « les moments de crises de temps » qu'Hannah Arendt qualifie de « brèches »[1] - [2]. Le terme seul d'historicité renvoie pour sa part à différentes définitions ; Marcel Gauchet y voit la façon dont un individu (ou une collectivité) « s'installe et se déploie dans le temps »[2].

Hartog n'a pas forgé l'expression, déjà utilisée par Marc Augé[3], entre autres, mais l'a défini et conceptualisé. Elle ne correspond pas seulement à une périodisation du temps mais plutôt aux rapports du présent avec le passé et le futur[4]. La notion de régime d'historicité permet de comprendre les moments de rupture dans une société, qui font basculer le rapport au passé et au futur[5]. Selon Hartog, ce régime d'historicité (rapport qu'une société a au passé, au présent et à l'avenir) est marqué actuellement en Occident par le présentisme qui privilégie la mémoire (traces laissées dans le présent par des passés successifs) à l'histoire (reconstruction et mise à distance de ces passés)[6].

La diversité des rapports au temps

Dans le cas français et occidental, François Hartog met en avant deux moments de crise : la Révolution française de 1789 et la chute du mur de Berlin en 1989. Ainsi, les moments de rupture peuvent différer selon les sociétés : en Palestine par exemple, un moment de rupture serait la création de l'Etat d'Israël en 1948. Les sociétés et les individus ont donc des rapports aux temps qui changent.

Dans son ouvrage L'Histoire à parts égales[7], Romain Bertrand s'intéresse à la colonisation de l'Indonésie par les Hollandais du point de vue des colonisés. Il montre alors que l'arrivée des Hollandais n'a pas du tout été perçue de la même manière chez les Javanais que chez les Hollandais, au point que des événements marquants pour les Hollandais, comme la rencontre, vers 1600, des marins de la première expédition maritime néerlandaise avec les habitants des « Indes » javanaises, sont des « non-événements » pour les Javanais[8]. Il y a bien ici des régimes d'historicité différents, des manières d'articuler passé, présent et futur qui changent selon les deux sociétés.

Notes et références

  1. Lessault, Bertrand, « F. Hartog. Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps. Paris : Le Seuil, 2003 », L'orientation scolaire et professionnelle, nos 33/3, (ISSN 0249-6739, lire en ligne, consulté le )
  2. Delacroix C., Dosse F., Garcia P., Offenstadt N., Historiographies II, Paris, Folio, , 1285 p., p. 766
  3. Marc Abélès, « M. Augé, Pour une anthropologie des mondes contemporains », Homme, vol. 36, no 138, , p. 151–153 (lire en ligne, consulté le )
  4. François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, Coll. « La Librairie du XXIe siècle », , 262 p. (lire en ligne), p. 208-209
  5. Payen, Pascal, « François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps », Anabases. Traditions et réceptions de l’Antiquité, no 1, (ISSN 1774-4296, lire en ligne, consulté le )
  6. Claire Richard, Politiques de la littérature, politiques du lien, Archives contemporaines, , p. 67
  7. L'Histoire à parts égales. Récits d'une rencontre Orient-Occident (XVIe – XVIIe siècles), Paris, Le Seuil, 2011 (réed. « Points Histoire », 2014).
  8. Laurent Testot, « L'histoire à parts égales », sur Sciences Humaines (consulté le )

Voir aussi

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