Quasi-catégorie
En mathématiques, plus précisément en théorie des catégories, une quasi-catégorie est une généralisation de la notion de catégorie. L'étude de telles généralisations est connue sous le nom de théorie des catégories supérieures.
Les quasi-catĂ©gories ont Ă©tĂ© introduites par Boardman (de) et Vogt en 1973[1]. AndrĂ© Joyal a fait beaucoup progresser l'Ă©tude des quasi-catĂ©gories en montrant quâil existe un analogue pour les quasi-catĂ©gories de la plupart des notions de base de la thĂ©orie des catĂ©gories et mĂȘme de certaines notions et thĂ©orĂšmes dâun niveau plus avancĂ©. Jacob Lurie a Ă©crit un traitĂ© dĂ©taillĂ© sur cette thĂ©orie en 2009[2].
Les quasi-catĂ©gories sont des ensembles simpliciaux dâun type particulier. Comme les catĂ©gories ordinaires, elles contiennent des objets, les 0-simplexes de l'ensemble simplicial et des morphismes entre ces objets, les 1-simplexes. Mais contrairement aux catĂ©gories standard, la composition de deux morphismes n'est pas dĂ©finie de maniĂšre unique. Tous les morphismes qui peuvent servir de composition entre deux morphismes donnĂ©s sont reliĂ©s entre eux par des morphismes inversibles d'ordre supĂ©rieur (2-simplexes considĂ©rĂ©s comme « homotopies »). Ces morphismes d'ordre supĂ©rieur peuvent Ă©galement ĂȘtre composĂ©s, mais encore une fois la composition n'est bien dĂ©finie qu'Ă des morphismes inversibles dâordre encore plus Ă©levĂ© prĂšs, etc.
L'idĂ©e sous-jacente de la thĂ©orie des catĂ©gories supĂ©rieures (du moins lorsque les morphismes supĂ©rieurs sont inversibles) est de munir, contrairement Ă ce que lâon fait en thĂ©orie des catĂ©gories standard, lâensemble des morphismes entre deux objets dâune structure dâespace topologique. Cela suggĂšre qu'une catĂ©gorie supĂ©rieure devrait simplement ĂȘtre une catĂ©gorie topologiquement enrichie. Le modĂšle des quasi-catĂ©gories est toutefois mieux adaptĂ© aux applications que celui des catĂ©gories topologiquement enrichies, bien que Lurie ait prouvĂ© que les deux ont des modĂšles naturels Quillen-Ă©quivalents (en).
DĂ©finition
Par définition, une quasi-catégorie C est un ensemble simplicial satisfaisant les conditions internes de Kan : toute « corne de C » (application simpliciale de dans C avec ) possÚde un prolongement de dans C. (Voir Fibration de Kan (en) pour une définition des ensembles simpliciaux et .)
L'idĂ©e est que les 2-simplexes sont censĂ©s reprĂ©senter des triangles commutatifs (au moins Ă homotopie prĂšs). Une application reprĂ©sente une paire composable. Ainsi, dans une quasi-catĂ©gorie, on ne peut pas dĂ©finir de loi de composition sur les morphismes, puisquâil existe diffĂ©rentes façons de composer les applications.
Il résulte de cette définition que est une fibration de Kan triviale. En d'autres termes, bien que la loi de composition ne soit pas définie de maniÚre unique, elle est unique à un choix contractile prÚs.
La catégorie homotopique
Ă toute quasi-catĂ©gorie C, on peut associer une catĂ©gorie usuelle hC, appelĂ©e la catĂ©gorie homotopique (en) de C. Les objets de la catĂ©gorie homotopique sont les sommets de C. Les morphismes sont donnĂ©s par les classes d'homotopie d'arĂȘtes entre sommets. La composition est donnĂ©e en utilisant la condition de « remplissage de corne » pour n = 2.
Pour un ensemble simplicial général, il existe un foncteur de sSet dans Cat, appelé foncteur fondamental et, pour une quasi-catégorie C, la catégorie fondamentale et la catégorie homotopique sont identiques ; c'est-à -dire .
Exemples
- Le nerf d'une catĂ©gorie est une quasi-catĂ©gorie vĂ©rifiant la propriĂ©tĂ© supplĂ©mentaire que le remplissage de toute corne intĂ©rieure est unique. Inversement, une quasi-catĂ©gorie telle que tout corne intĂ©rieure possĂšde un remplissage unique est isomorphe au nerf dâune catĂ©gorie. La catĂ©gorie homotopique du nerf de C est isomorphe Ă C.
- Ătant donnĂ© un espace topologique X, on dĂ©finit son ensemble singulier S(X). C'est un ensemble simplicial Ă©galement connu sous le nom â-groupoĂŻde fondamental de X. S(X) est une quasi-catĂ©gorie dans laquelle chaque morphisme est inversible. La catĂ©gorie homotopique de S(X) est le groupoĂŻde fondamental de X.
- Dâune façon plus gĂ©nĂ©rale, tout complexe de Kan (en) est un exemple de quasi-catĂ©gorie. Dans un complexe de Kan, les applications de toutes les cornes, pas uniquement celles des cornes intĂ©rieures, peuvent toutes ĂȘtre remplies, ce qui a pour consĂ©quence que tous les morphismes d'un complexe de Kan sont inversibles. Les complexes de Kan sont donc analogues aux groupoĂŻdes en ce sens que le nerf d'une catĂ©gorie est un complexe de Kan si et seulement si la catĂ©gorie est un groupoĂŻde.
Notes et références
- (en) J. M. Boardman et R. M. Vogt, Homotopy Invariant Algebraic Structures on Topological Spaces, Springer-Verlag, coll. « Lecture Notes in Mathematics » (no 347), (DOI 10.1007/BFb0068547, MR 0420609).
- (en) Jacob Lurie, Higher Topos Theory, Princeton University Press, coll. « Annals of Mathematics Studies » (no 170), , 925 p. (ISBN 978-0-691-14049-0, MR 2522659, arXiv math.CT/0608040, lire en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
- (en) AndrĂ© Joyal, « Quasi-categories and Kan complexes », J. Pure Appl. Algebr., vol. 175, no 1,â , p. 207-222 (DOI 10.1016/S0022-4049(02)00135-4, MR 1935979)
- (en) André Joyal et Myles Tierney, « Quasi-categories vs Segal spaces », dans Categories in Algebra, Geometry and Mathematical Physics, AMS, coll. « Contemp. Math. » (no 431), , 277-326 p. (MR 2342834, arXiv math.AT/0607820)
Liens externes
- (en) Moritz Groth, A short course on infinity-categories
- (en) André Joyal, Notes on quasicategories
- (en) Joyal Ă Catlab : The theory of quasi-categories
- (en) Workshop of homotopy theory of homotopy theories