Provocation policière
En droit pénal, la provocation policière est une pratique où un policier entraîne une personne à commettre un acte criminel que cette dernière n’aurait probablement pas commis. Ce procédé est découragé dans plusieurs pays et peut conduire, dans certains d'entre eux, à des sanctions pénales.
En histoire, la provocation policière consiste, pour la police chargée des affaires politiques, en un ensemble de pratiques d'infiltrations d'agents de police, appelés « agents provocateurs » dans des groupes d'opposants, les infiltrés poussant les opposants à agir plus tôt ou d'une manière différente, ce qui permet au régime de déconsidérer l'opposition. On parle aussi de provocations policières lors de manifestations.
Provocation policière en droit
Canada
En droit pénal canadien, l'arrêt R. c. Mack[1] de la Cour suprême du Canada définit la provocation policière de la façon suivante : « Il y a provocation policière lorsque a) les autorités fournissent à une personne l'occasion de commettre une infraction sans pouvoir raisonnablement soupçonner que cette personne est déjà engagée dans une activité criminelle, ni se fonder sur une véritable enquête, et b) quoiqu'elles aient ce doute raisonnable ou qu'elles agissent au cours d'une véritable enquête, les autorités font plus que fournir une occasion et incitent à perpétrer une infraction».
France
En 1906, 26 sages-femmes de Tourcoing sont jugées en cour d’assises pour avoir accepté le principe de procéder à un avortement. Elles sont acquittées. Les demandes étaient toutes des provocations policières[2].
L'affaire Schuller-Maréchal fut causée par une machination montée contre le juge Éric Halphen, laquelle consistait à faire accuser son beau-père le Dr Jean-Pierre Maréchal de trafic d'influence. En 1996, la Cour de cassation déclara nulle la procédure menée contre lui, les écoutes téléphoniques utilisées pour le surveiller ayant été faites sans autorisation légale et les faits en eux-mêmes ayant été fondés sur une machination, en violation du principe de loyauté de la preuve[3] - [4].
Agents provocateurs
Le terme est passé dans le langage courant à partir du jargon des révolutionnaires russes, qui l'utilisaient couramment. Il est aussi utilisé par les historiens, à partir des listes de « traîtres, espions et provocateurs » publiées par les bolcheviques et les anarchistes russes. Tout cela alors que l'Okhrana utilisait assez rarement de véritables agents provocateurs, et beaucoup plus d'indicateurs et d'espions[5], les agents provocateurs faisant plus partie du mythe révolutionnaire que de la réalité elle-même[6].
Dans le domaine russe, on nomme le type du provocateur nečaevščina, d'après le personnage historique de Netchaïev[6].
Du parti communiste de l'Union soviétique, la pratique de la traque des traîtres et agents provocateurs est passée au parti communiste français, qui confectionne tous les 7 à 8 mois des listes noires dans les années 1930[7]
Selon l'historien Jean-Paul Brunet, dans le domaine français, la provocation policière existe bien à l'époque contemporaine à des degrés divers : courante sous la Restauration et le Second Empire, passive sous les différentes Républiques (abstention d'agir ou retard à agir). Il démontre cependant que là où on a souvent lu des provocations policières (comme pour la journée du ou celle du ), il y a en fait de la désorganisation ou de la paralysie des forces de police[8]. Jean Pradel relève également que ce fut une pratique courante pour lutter contre le marché noir de 1940 à 1945[9].
Provocations en manifestation
Les provocations se déclinent en deux types, les provocations résultant d'actes volontaires de la police, ou d'un retard ou une abstention à agir ; et la perception qu'ont les manifestants d'actes qui ne sont pas des provocations.
Selon le sociologue Tony Jefferson, le mode de fonctionnement même des forces de polices militarisées chargées du maintien de l'ordre, qui se préparent toujours au pire, et donc sont toujours trop nombreux et trop équipés, fait qu'ils apparaissent en eux-mêmes comme une provocation. Un rang de policiers en armure anti-émeute ignifugée avançant derrière un mur de boucliers est à la fois intimidant et provocateur (et incite au jet de pierre selon certains policiers)[10].
Bibliographie
- Jean-Paul Brunet, La police de l'ombre. Indicateurs et provocateurs dans la France contemporaine, Paris : Le Seuil, 1990
Notes et références
- [1988] 2 RCS 903
- Jacques Dupâquier, « Combien d'avortements en France avant 1914 ? », Communications, no 44, 1986. Dénatalité : l'antériorité française, 1800-1914. p. 95.
- « La Cour de cassation met un terme définitif à la procédure Schuller-Maréchal », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Patricia Tourancheau, « Ecoutes Schuller-Maréchal: définitivement annulées. Schuller avait voulu piéger le beau-père du juge Halphen. », sur Libération (consulté le )
- Michaël Confino, « Pierre Kropotkine et les agents de l'Ohrana [Étude suivie de treize lettres inédites de P. Kropotkine à M. Goldsmith et à un groupe anarchiste russe », Cahiers du monde russe et soviétique, vol. 24, no 1-2, janvier-juin 1983. p. 102.
- Confino, op. cit., p. 103.
- Claude Pennetier, Bernard Pudal, « La "vérification" (l'encadrement biographique communiste dans l'entre-deux-guerres) », Genèses, 23, 1996. Histoire politique, histoire du politique II. p. 162.
- Nicole Racine-Furlaud, « Brunet (Jean-Paul) - La police de l'ombre. Indicateurs et provocateurs dans la France contemporaine », Revue française de science politique, année 1992, volume 42, no 5, p. 890-891.
- Jean Pradel, « Tentative et abandon en cas de participation de plusieurs personnes à une infraction », Revue internationale de droit comparé, Vol. 38, no 2, avril-juin 1986. Études de droit contemporain. Contributions françaises au 12e Congrès international de droit comparé (Sydney-Melbourne, 18-26 août 1986), p. 738.
- Tony Jefferson, « Le contrôle de la culture policière : le cas des forces militarisées de maintien de l'ordre », Déviance et société. 1992 - vol. 16 - no 4. p. 384 et 389.