Projet de réforme de l'État de Gaston Doumergue
Le projet de réforme de l'État de Gaston Doumergue est une tentative avortée de révision des lois constitutionnelles de 1875 au cours de l'année 1934.
Portée par le président du Conseil en ancien président de la République Gaston Doumergue, rendue publique en septembre et , la réforme ne dépasse pas le stade d'une ébauche[N 1] en raison de la chute du gouvernement, le .
Contexte
Malgré le contexte politique favorable après la crise du 6 février 1934, Gaston Doumergue ne parvient pas à mettre en œuvre une réforme jugée impérieusement nécessaire[1]. Celle-ci visait à la fois à mettre fin à l'instabilité ministérielle que connaissait la Troisième République, et à résoudre, en partie, les difficultés économiques sévères qui affectaient le pays depuis la crise de 1929. Les mesures proposées s'inscrivaient dans la pensée réformiste française du XXe siècle, née face aux problèmes chroniques du régime, et à laquelle André Tardieu, membre du gouvernement Doumergue, et Paul Reynaud, appartenaient.
Ces réformes prévoyaient la création de la fonction de Premier ministre, proposée par le ministre d’État André Tardieu, et la possibilité pour le président de la République de dissoudre la Chambre des députés sans l'accord du Sénat, un an après les élections parlementaires. En effet, le titre de président du Conseil n'était pas défini par la Constitution et un simple ministre, titulaire d'un ministère, exerçait cette fonction. Le but de la réforme était d'accroître ses pouvoirs.
Réformes projetées
Texte en vigueur | Modification proposée en italique et en retrait |
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Article 6 de la loi du 25 février 1875 | |
Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison. |
Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison. |
Article 5 de la loi du 25 février 1875 | |
Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat. En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois. |
En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois. |
Article 4 de la loi du 25 février 1875 | |
Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir de la promulgation de la présente loi, le Président de la République nomme, en Conseil des ministres, les conseillers d'État en service ordinaire. Les conseillers d'État ainsi nommés ne pourront être révoqués que par décret rendu en Conseil des ministres. Les conseillers d'État nommés en vertu de la loi du ne pourront, jusqu'à l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans la forme déterminée par cette loi. Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation ne pourra être prononcée que par une résolution du Sénat. |
Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir de la promulgation de la présente loi, le Président de la République nomme, en Conseil des ministres, les conseillers d'État en service ordinaire. Les conseillers d'État ainsi nommés ne pourront être révoqués que par décret rendu en Conseil des ministres. Les conseillers d'État nommés en vertu de la loi du ne pourront, jusqu'à l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans la forme déterminée par cette loi. Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation ne pourra être prononcée que par une résolution du Sénat.
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Article 8 de la loi du 24 février 1875 | |
Le Sénat a concurremment avec la Chambre des députés, l'initiative et la confection des lois. Toutefois, les lois de finances doivent être, en premier lieu, déposées à la Chambre des députés et votées par elle. |
Le Sénat a concurremment avec la Chambre des députés, l'initiative et la confection des lois. Toutefois, les lois de finances doivent être, en premier lieu, déposées à la Chambre des députés et votées par elle.
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Suites
Si le projet de réforme est un échec, imputable en partie aux circonstances, à l'hostilité des Radicaux et en partie à Gaston Doumergue lui-même[2], il n'en demeure pas moins que la doctrine constitutionnelle française va continuer, après lui, à s'enrichir, en recherchant des solutions pour enrayer l'instabilité et l'inefficacité de la Troisième République.
À cet égard, la constitution de 1946 et surtout la constitution de 1958[N 2] s'inscrivent dans la même pensée réformiste que le projet de 1934 — et il est d'ailleurs significatif que certaines dispositions du projet Doumergue soient reprises par ces constitutions[N 3].
Notes et références
Notes
- Elle ne fut même pas soumis aux chambres du Parlement.
- Article 12 de la Constitution de 1958 : « Le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale ».
- Par exemple, l'impossibilité, pour les parlementaires, de proposer de nouvelles dépenses dans les lois de finances (art. 14 et 16 de la constitution de 1946), ou l'exercice absolument discrétionnaire du pouvoir de dissolution (art. 11 de la constitution de 1958).
Références
- Morabito 2004, p. 344
- Charles 2005, p. 686
Bibliographie
- Christopher Charles, « Héros de la normalité et circonstances inhabituelles : l'incapacité de Gaston Doumergue à réformer l'État à la suite du 6 février 1934 », Revue française de droit constitutionnel, Paris, Presses universitaires de France, vol. 4, no 64, , p. 685-702 (DOI 10.3917/rfdc.064.0685, lire en ligne)
- Marcel Morabito, Histoire constitutionnelle de la France (1789-1958), Paris, Montchrestien, coll. « Domat / Droit public », , 8e éd., 431 p. (ISBN 2-7076-1389-4, BNF 39192374)