Princesses d'ivoire et d'ivresse
Princesses d’ivoire et d’ivresse est un recueil de contes écrit par Jean Lorrain, et publié en 1902, quatre ans avant sa mort. Appartenant à la mouvance fin de siècle, ces contes sont en fait des « contes cruels » présentant le monde de l'enfance perverti par un immoralisme triomphant.
Princesses d'ivoire et d'ivresse | |
Librairie Paul Ollendorff, 1902. | |
Auteur | Jean Lorrain |
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Pays | France |
Genre | Contes |
Éditeur | Paul Ollendorff |
Date de parution | 1902 |
Couverture | Manuel Orazi |
Caractéristiques de l'œuvre
- Caractéristiques traditionnelles du conte
Dès sa préface, l’auteur évoque des personnages à la beauté de « madones avec leur blancheur immaculée aux vêtements de brocarts d’argent et de satins luisants bossués de perles ». Ainsi, une certaine esthétique de la femme est mise en valeur, les princesses sont de belles jeunes femmes pourvues de qualités enchanteresses, dévoilant leur chevelure de ténèbres « blondes » ou « rousses ». Lorrain plonge le lecteur dans une atmosphère de volupté, de richesses et de sensualité.
Puisant son inspiration à travers les âges et les époques, tels le Moyen Âge, l’Italie et le Danemark, avec des personnages comme Illys, Mandosiane, Oriane, ou encore Mélusine, Lorrain nous plonge dans des univers merveilleux et fantastique.
- L'inversion du conte
Cependant, l’atmosphère féerique se trouve retournée, la beauté surnaturelle des fées laisse place à la laideur et la corruption ; l’auteur s’inscrit parfaitement dans la lignée des décadents, inversant la fin heureuse traditionnelle du conte en obscurcissant les miroirs et travestissant le genre en intégrant une atmosphère de morbide et mélancolique dans ce monde féerique.
La cruauté, thème décadent par excellence, illustre bien ce retournement. Dans le monde de Jean Lorrain, elle tient une place prépondérante, et l’ivresse provient du sang et de la mort. La femme cruelle s’allie à la luxure, Audovère et Imogine sont perverses et sanguinaires. Au moment où l’on s’attend à voir apparaître un prince charmant venant délivrer son aimée, arrive un homme qui punit : Andovère est châtiée par le Christ, Simonetta par son mari et Oriane par Amadis. Aussi, dans cette œuvre, les registres s’entrecroisent, on trouve un univers dans lequel se mêlent un climat d’épouvante et l’épanouissement du bonheur. Lorrain se rapproche beaucoup plus d’Andersen que de Perrault.
Structure du recueil
Le recueil se divise en cinq grandes parties :
- Princesses d’ivoire et d’ivresse
- Princes de nacre et de caresse
- Princesses d’ambre et d’Italie
- Masques dans la tapisserie
- Contes de givre et de sommeil
Ce recueil reprend deux récits précédemment publiés par l'auteur : La Princesse sous verre chez Jules Tallandier en 1896 et Princesse d'Italie chez Borel en 1898.
Ce recueil a été réédité plusieurs fois par Ollendorff, puis partiellement en 1980 dans la collection les Maîtres de l'étrange et de la peur (choix et bibliographie par Francis Lacassin), et enfin en 1993 chez Séguier, dans la « Bibliothèque Décadente », avec une présentation de Jean de Palacio (ISBN 2-84049-002-1).
Voir aussi
Bibliographie
- Cyril Barde, « Poète, même en verre : poésie et poétique du conte-bibelot autour de 1900 », Fééries. Études sur le conte merveilleux XVIIe – XIXe siècle, Grenoble, Éditions littéraires et linguistiques de l'Université de Grenoble (ELLUG), no 14 « Conte merveilleux et poésie »,‎ (ISBN 978-2-37747-012-9, DOI 10.4000/feeries.1058, lire en ligne).
- Micheline Besnard, « Portrait de l'artiste en bohémien : quelques contes merveilleux de Jean Lorrain », French Forum, University of Pennsylvania Press, vol. 20, no 1,‎ , p. 65-75 (JSTOR 40551884).
- Mireille Dottin-Orsini, « Problèmes littéraires et iconographiques du Mythe de Salomé : le cas de Jean Lorrain », Littératures, Presses Universitaires du Mirail – Toulouse, no 34,‎ , p. 85-100 (lire en ligne).
- Liana Nissim, « Fées, sorciers, princesses : figures mythiques médiévales dans la poésie de Jean Lorrain », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, no 11 « Figures mythiques médiévales aux XIXe et XXe siècles »,‎ , p. 165-180 (DOI 10.4000/crm.1823, lire en ligne).
- (en) Ana Oancea, « The Temptation of the Material in Jean Lorrain's Fairy Tales : La Princesse sous verre and La Princesse Neigefleur », Dix-Neuf. Journal of the Society of Dix-Neuvièmistes, University of Pennsylvania Press, vol. 21, nos 2-3 « “Matter Pools” : Fluidity and Containment in French Decadent Literature (Essays in Honour of Robert E. Ziegler) »,‎ , p. 178-191 (DOI 10.1080/14787318.2017.1386883).
- Nathalie Prince, « Le merveilleux à la renverse : de Schneewittchen des Grimm à Neigefleur de Jean Lorrain », Fééries. Études sur le conte merveilleux XVIIe – XIXe siècle, Grenoble, Éditions littéraires et linguistiques de l'Université de Grenoble (ELLUG), no 9 « Le dialogisme intertextuel des contes des Grimm »,‎ , p. 85-106 (ISBN 978-2-84310-233-2, DOI 10.4000/feeries.821, lire en ligne).
- Evanghélia Stead, « De la revue au livre : Jean Lorrain et ses illustrateurs dans la Revue Illustrée (autour des contes de Princesses d'ivoire et d'ivresse) », dans Philippe Kaenel (dir.), Les périodiques illustrés (1890-1940) : écrivains, artistes, photographes, Gollion, Infolio, coll. « Archigraphy. Poche », , 251 p. (ISBN 978-2-88474-498-0).
- (ja) Masako Tsuji, « Le motif du “masque” chez Jean Lorrain : Princesses d'ivoire et d'ivresse », Lutece, Osaka, Société de littérature française de l'Université de la ville d'Osaka, no 35,‎ , p. 59-70 (ISSN 0285-9629).
- Michel Viegnes, « La force au féminin dans le conte merveilleux fin-de-siècle », Études de lettres, nos 3-4 « Des Fata aux fées. Regards croisés de l'Antiquité à nos jours »,‎ , p. 321-336 (ISBN 978-2-940331-26-0, DOI 10.4000/edl.214, lire en ligne).
- (en) Robert Ziegler, « Told in the Mother's Voice : Jean Lorrain's Fairy Tales as Oral Narrative », Rocky Mountain Review of Language and Literature, vol. 48, no 2,‎ , p. 165-176 (ISSN 1948-2825, DOI 10.2307/1347907, JSTOR 1347907).