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Pratique du secret

La pratique du secret, associée au faiseur de secret, est une forme de médecine traditionnelle diffusée en Europe.

La décompteuse de Kergornet à Gestel (carte postale, vers 1900).
La décompteuse du Pouldu en Bretagne (carte postale, vers 1900).

Description

SupposĂ©e remonter Ă  l’AntiquitĂ© chrĂ©tienne, voire au-delĂ , elle consiste Ă  soigner certaines affections par une formule, gĂ©nĂ©ralement une courte priĂšre[1], souvent associĂ©e Ă  quelques gestes de la main ou des doigts en direction du corps du patient, par exemple un signe de croix. Le procĂ©dĂ© dans son ensemble est appelĂ© un secret parce qu’il ne doit ĂȘtre connu que de son auteur et que sa rĂ©vĂ©lation Ă  un tiers est rĂ©putĂ©e lui faire perdre son efficacitĂ©[1].

Ce n'est que peu avant son décÚs que le faiseur de secret est censé transmettre ce dernier. La transmission se fait traditionnellement à un des descendants ou un autre membre de la famille, mais pas systématiquement[2].

On qualifie les pratiquants de faiseurs de secrets, panseurs de secrets ou encore leveurs de maux. Beaucoup d'entre eux ne se considÚrent pas comme des thérapeutes et certains ne guérissent qu'un type de maladie en fonction du secret qu'ils connaissent. C'est notamment le cas des passeurs de feu, coupeurs de feu ou encore barreur de feu dont l'action se limite aux brûlures[1].

Une faiseuse de secret habitant Ă  Kergornet en Gestel a connu une certaine notoriĂ©tĂ© aux alentours de 1900. On trouve sa reprĂ©sentation sur plusieurs cartes postales sur lesquelles elle Ă©tait surnommĂ©e la « dĂ©compteuse Â». Elle prononçait sa formule rapidement, Ă  neuf reprises et sans reprendre haleine, aprĂšs avoir tracĂ© une croix sur la zone malade avec son pouce gauche prĂ©alablement noirci en le frottant contre un trĂ©pied ou un chaudron[1].

Distribution

La prĂ©sence de faiseurs de secrets est attestĂ©e dans diverses rĂ©gions de France, notamment dans le Jura[3] et en Bretagne ; dans de nombreux cantons suisses, en particulier dans le Jura, Ă  Fribourg, en Valais, en Appenzell Rhodes-IntĂ©rieures et en Suisse centrale[1] ; ainsi qu'en Italie, en VallĂ©e d'Aoste[4]. Dans son ouvrage Coupeurs de feu et panseurs de secrets, Jean-Luc Caradeau affirme qu’en 2015, il y aurait environ 6 000 faiseurs de secrets en France[5].

En milieu hospitalier

Dans les annĂ©es 2010, en France, des hĂŽpitaux travaillent en relation avec des coupeurs de feu afin d'apaiser les douleurs dans des cas de brĂ»lures par le feu et le froid ou de zona, que ce soit dans le cadre des urgences ou de soins de plus longue durĂ©e. Ils peuvent aussi accompagner les patients dans la lutte contre le cancer, lors de la radiothĂ©rapie et de la chimiothĂ©rapie. Lors de ces thĂ©rapies, le suivi est quotidien, avec apposition des mains ou par tĂ©lĂ©phone, et dure gĂ©nĂ©ralement un mois[6] - [7] - [8] - [9] - [10]. Ce phĂ©nomĂšne est Ă©galement rĂ©pandu en Suisse romande[11]. La prĂ©sence de ces praticiens reste cependant officieuse, possible seulement dans la mesure oĂč ils ne rĂ©clament pas de rĂ©munĂ©ration[12].

Selon une Ă©tude rĂ©alisĂ©e au sein du service d'urgence du CHU de Grenoble, les soignants ont gĂ©nĂ©ralement une bonne opinion de l’action des coupeurs de feu, proposent souvent leurs services aux patients et souhaitent une plus grande collaboration avec l'hĂŽpital, alors que l'opinion des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes est globalement plus modĂ©rĂ©e[13]. Des diffĂ©rences analogues se constatent entre les mĂ©decins et les autres professionnels de santĂ© du CHU de Lausanne[14]. Certains services, comme celui des grands brĂ»lĂ©s du CHU de Grenoble, refusent une technique dont aucune Ă©tude scientifique ne valide l'efficacitĂ©, tout en admettant des effets surprenants attribuĂ©s aux effets placebos[12]. En effet, la pratique des leveurs de feu est gĂ©nĂ©ralement crĂ©ditĂ©e de « rĂ©intĂ©grer du sens » dans la relation entre patient et soignant et son effet symbolique[13], dont la consĂ©quence directe serait la rĂ©duction du stress[14], pourrait ĂȘtre une des explications de son efficacitĂ©.

Références

  1. Roger Monnat, « Secret » [PDF], sur lebendigetraditionen.ch, Office fédéral de la culture (Suisse),
  2. Dominique Camus, Le livre des secrets : les mots et les gestes qui guérissent, Paris, Dervy, , 211 p. (ISBN 978-2-84454-122-2)
  3. Mouchet 2010.
  4. Cout 2010.
  5. Jean-Luc Caradeau, Coupeurs de feu et panseurs de secrets : techniques, secrets et priùres, Escalquens, Éditions Trajectoire, , 204 p. (ISBN 978-2-84197-690-4)
  6. Karine Roye & Serge Carbonell, « Les coupeurs de feu font leur entrĂ©e dans les hĂŽpitaux ! Florent Servonnat, coupeur de feu », France-Bleu, Ă©mission Circuit Bleu, cĂŽtĂ© experts en Pays de Savoie,‎ 22 fĂ©vrier 2021 (27 minutes) (lire en ligne)
  7. CĂ©cile Thibert, « «Coupeurs de feu»: vrai pouvoir ou fausse croyance? », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  8. Alexandre Coste, « Coupeuse de feu » dans le DevĂšs, elle soigne aussi zonas et eczĂ©mas », Le ProgrĂšs,‎ (lire en ligne)
  9. Karen IsĂšre, « Dans le secret des coupeurs de feu », Paris-Match,‎ (lire en ligne)
  10. Joce Hue, « GuĂ©risseurs, magnĂ©tiseurs, coupeurs de feu, rebouteux : croyants et libres-panseurs », Paris-Normandie,‎ (lire en ligne)
  11. Emilie Bourgeois, Daniela Da Costa, Diana Marsovszki, Sarah Pralong, « Les guĂ©risseurs en Suisse romande : Relation avec le milieu mĂ©dical », Travaux d'Ă©tudiants de la FacultĂ© de MĂ©decine de GenĂšve & Haute Ă©cole de santĂ© GenĂšve (module : unitĂ© Immersion en communautĂ© ),‎ 2010‐2011, p. 53 (lire en ligne)
  12. « ZĂ©tĂ©tique & AutodĂ©fense Intellectuelle Barreurs / Coupeurs de feu – CritĂšres de sĂ©lection Ă  l’hĂŽpital de Grenoble ? », sur cortecs.org,
  13. Nicolas Perret, « Place des coupeurs de feu dans la prise en charge ambulatoire et hospitaliĂšre des brĂ»lures en Haute-Savoie en 2007 – Evaluation des pratiques au niveau dĂ©partemental », ThĂšse de la FacultĂ© de MĂ©decine de l'universitĂ© Joseph Fourier,‎ (lire en ligne)
  14. Sophie Kasser, « Place des faiseurs de secret au Centre des BrĂ»lĂ©s du CHUV », Travail de Master pour l’École de mĂ©decine de l'UniversitĂ© de Lausanne,‎ 2012-2014, p. 12 (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Claude-Anne Balmer, Vanessa Borghini, StĂ©phanie Peçon, DĂ©livrez-nous du mal
 La pratique du « secret » en terre jurassienne, Dossier Ă©tabli dans le cadre de la Haute École de Gestion de GenĂšve, DĂ©partement information et documentation. DelĂ©mont, 2001
  • Florence Cout, Secret : Formules de guĂ©rison utilisĂ©es en VallĂ©e d'Aoste, Priuli & Verlucca,
  • Fabienne Boillat, Traitement par le secret, Travail de diplĂŽme, École de culture gĂ©nĂ©rale de DelĂ©mont. DelĂ©mont, 1992
  • Myriam Boillat, Isabelle Fleury, Les faiseurs de secret dans le Jura, Travail de diplĂŽme, Haute Ă©cole de travail social et de la santĂ© (EESP). Lausanne, 1987
  • Nathalie Fleury, Aperçu d'une pratique de guĂ©rison. Le « secret » jurassien, dans Actes de la SociĂ©tĂ© jurassienne d'Émulation. Porrentruy, 1995, p. 79-108
  • Magali Jenny, GuĂ©risseurs, rebouteux et faiseurs de secret en Suisse romande. Avec rĂ©pertoire d'adresses, Lausanne, 2008
  • Louis Mouchet, Le Secret du secret, GenĂšve, coll. « Docuvisions », (DVD-vidĂ©o)
  • TĂ©lĂ©vision Suisse Romande (Éd.), Le secret du secret, les coupeurs de feu du Jura (VidĂ©ocassette). GenĂšve, 2002
  • TĂ©lĂ©vision Suisse Romande (Éd.), Mon docteur a « le secret » (DVD-vidĂ©o). GenĂšve, 2004
  • Miviludes: SantĂ© et dĂ©rives sectaires

Liens externes

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