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Pont de Medjez el-Bab

Le pont de Medjez el-Bab est un pont historique toujours en utilisation[1], situé dans la ville tunisienne de Medjez el-Bab dans le gouvernorat de Béja, et permettant le passage au point kilométrique 57,379 de la route nationale 5 reliant Tunis au Kef[2].

Pont de Medjez el-Bab
Vue du pont en 2013.
Vue du pont en 2013.
GĂ©ographie
Pays Drapeau de la Tunisie Tunisie
Gouvernorat BĂ©ja
Commune Medjez el-Bab
CoordonnĂ©es gĂ©ographiques 36° 38′ 59″ N, 9° 36′ 44″ E
Fonction
Franchit Medjerda
Fonction Pont routier
Caractéristiques techniques
Type Arc en plein cintre
Matériau(x) Maçonnerie
Construction
Inauguration
Maître d'ouvrage Mourad II Bey (et successeur)
Historique
Protection Monument historique classé et protégé en Tunisie (1920)

Historique

Prélude au pont moderne

À environ 120 mètres à l'est du pont actuel, sur la rive droite de l'ancien cours de la Medjerda (qui a changé de lit avant l'époque médiévale), se distinguent clairement les ruines d'un pont antique restauré à plusieurs reprises à l'époque romaine, le pont maçonné initial existant probablement dès l'époque carthaginoise. Celles-ci sont notamment constituées d'une arche bien conservée, d'une autre pile de quatre mètres, du tablier et des becs en éperon et d'un mur d'aile en pierres de taille bossées. Ce premier pont, à l'entrée ouest de la ville antique (appelée à l'époque Membressa), reliait Carthage à Tébessa[3].

Le pont actuel est construit sur ordre de Mourad II Bey en remployant des blocs antiques des vestiges de la ville de Membressa, et en particulier du pont de l'époque romaine[3]. Ce pont mouradite fait partie des nombreuses réalisations architecturales commandées par Mourad II qui fait construire à la même époque, plus en aval sur la Medjerda, le pont-barrage d'El Batan sur les ruines d'un autre pont romain préexistant[4].

Témoin des instabilités mouradites

Mourad II sillonne beaucoup le pays durant son règne, en particulier la riche région agricole de la vallée de la Medjerda, pour lever l'impôt, mais aussi pour combattre l'intrusion de la milice d'Alger et certaines tribus du Nord-Ouest de la Tunisie qui s'étaient alliées avec elle. L'objectif principal du pont de Medjez el-Bab est donc de permettre les déplacements rapides de l'armée vers la frontière[5] et la province rétive, et ceux de la colonne armée du bey chargée d'assurer l'ordre intérieur et de lever les impôts[6].

Le pont mouradite de Medjez el-Bab n'est achevé qu'en 1677 (1088 de l'hégire), c'est-à-dire deux ans après la mort de Mourad II (1675), qui ouvre une période de guerre civile dite des révolutions de Tunis qui ne se conclue qu'en 1702, une fois tous les princes mouradites assassinés par Ibrahim Cherif.

Plaque apposée en 1702.

Une plaque apposée sur le pont[7], encore bien lisible de nos jours, indique une date de dédicace en l'an 1088 de l'hégire, c'est-à-dire dans la première partie de l'année 1702, avant la chute de la dynastie mouradite. Elle témoigne de la complexité de la famille régnante en attribuant l'apposition de la plaque à « Amir Mourad Ibn Amir Mohamed Ibn Mourad », soit Mourad III Bey (règne de 1699 à 1702), petit-fils de Mourad II, le commanditaire initial du pont. Mourad II a eu trois fils : Mohamed Bey El Mouradi, lui-même grand bâtisseur, Ali et Romdhane. Mourad III est le fils biologique d'Ali Bey mais, quand son oncle Mohamed fait assassiner son père, il est tour à tour adopté par Mohamed puis, dans la période d'instabilité qui suit, par son autre oncle Romdhane qui l'accuse de comploter et tente de lui crever les yeux. Mourad III lui échappe de justesse, puis le fait tuer en 1699[8].

Mourad III, sur cette plaque de pont, décide donc d'une filiation symbolique par son oncle Mohamed et y est ainsi inscrit comme le fils du prince (ibn Amir) Mohamed, [petit]-fils de Mourad [II]. Les chroniqueurs de l'époque, comme l'historien Ibn Abi Dhiaf, indiquent que ce choix est effectué par défaut et non une preuve de respect ni d'affection car ils rapportent que Mourad III a fait déterrer les cadavres de ses deux oncles pour leur tirer dessus avec un mousquet et désacraliser ainsi leur sépulture[9].

Seconde Guerre mondiale

Pendant la campagne de Tunisie en 1942, le gĂ©nĂ©ral Georges BarrĂ© et les troupes françaises empĂŞchent les forces de l'Axe de passer par Medjez el-Bab. Le gĂ©nĂ©ral allemand Walther Nehring lance, le , un ultimatum pour passer, que les officiers français libres rejettent. MalgrĂ© de lourdes pertes françaises, les attaques allemandes sont toutes repoussĂ©es pendant la journĂ©e jusqu'Ă  quasi Ă©puisement des munitions cĂ´tĂ© français. Ă€ la nuit tombĂ©e, les Français en se retirant tentent de faire sauter le pont prĂ©alablement minĂ© pour ralentir l'avancĂ©e allemande et permettre aux dĂ©tachements alliĂ©s d'arriver[10]. Une seule mine explose[11] et deux arches sont endommagĂ©es[1].

Utilisation contemporaine

Le pont à huit arches est inscrit le sur la liste des monuments classés du gouvernorat de Béja par l'Institut national du patrimoine[12].

Ayant résisté à toutes les crues de la Medjerda[2], il est toujours ouvert à la circulation automobile sur le tracé de la route nationale 5.

Références

  1. « Pont de Medjez-el-Bab », sur structurae.net (consulté le ).
  2. Khadija Ayari, Mohamed Djebbi et Hedia Chakroun, « Cartographie du risque d'inondation de la ville de Medjez el Bab par debordement de la Medjerda », Larhyss Journal, no 25,‎ , p. 285-307 (ISSN 1112-3680, lire en ligne, consulté le ).
  3. Mohamed Grira, « Le franchissement des cours d'eau en Afrique proconsulaire : notes préliminaires sur les ponts de la voie Carthage- Theveste », dans Le réseau routier dans le Maghreb antique et médiéval, Sousse, Simpact, (ISBN 978-9973-962-46-1, lire en ligne), p. 108.
  4. Ahmed Saadaoui, « Tébourba, Djedeïda et El-Battan, l'établissement des Andalous dans la basse vallée de la Medjerda : mise en valeur des terres, urbanisme et architecture », Al-Sabîl, no 8,‎ (ISSN 1737-9253, lire en ligne, consulté le ).
  5. « Medjez El Bab », sur tunisie.co, (consulté le ).
  6. Azzedine Guellouz, Abdelkader Masmoudi, Mongi Smida et Ahmed Saadaoui, Histoire générale de la Tunisie, t. III : Les Temps modernes (941-1247 H/1534-1881), Tunis, Sud Éditions, , 495 p. (ISBN 978-9973844767), p. 68-80.
  7. Habib Boularès, Histoire de la Tunisie, Tunis, Cérès, , 717 p. (ISBN 978-9973-19-754-2), p. 365.
  8. Mohamed El Aziz Ben Achour, « Aux origines de l'État beylical : la dynastie mouradite », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  9. Ibn Abi Dhiaf, Présent des hommes de notre temps : chroniques des rois de Tunis et du pacte fondamental, vol. II, Tunis, Maison tunisienne de l'édition, , p. 89-90.
  10. (en) « Medjez-el-Bab - An Army at Dawn: The War in North Africa, 1942-1943 », sur erenow.net (consulté le ).
  11. « 19 novembre 1942 : les Français face aux Allemands en Tunisie – Les guerres d'hier au jour le jour », sur lhistoireenrafale.lunion.fr, (consulté le ).
  12. « Décret du 3 mai 1920 (14 chabane 1338) », sur docartis.com (consulté le ).

Liens externes

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