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Plan neige

Les plans neige sont un ensemble de plans dĂ©cidĂ©s de 1964 Ă  1977 en France. Mettant en Ĺ“uvre les principes de la doctrine neige, le but est de crĂ©er et d'amĂ©nager des stations de sports d'hiver de haute montagne. Le premier plan neige, dĂ©cidĂ© en 1964, devait « dĂ©terminer un concept de stations d'altitude très fonctionnelles, au service du ski, fondĂ©es sur un urbanisme vertical, initier un partenariat unique auprès des collectivitĂ©s et faire Ă©merger une nouvelle gĂ©nĂ©ration de stations très performantes susceptibles d'attirer les devises Ă©trangères ». Il Ă©tait en effet lancĂ© dans un contexte oĂą l'essor du ski se heurtait Ă  la possibilitĂ© de l'absence de neige en moyenne montagne. Il comportait des mesures comme l'octroi de prĂŞts Ă  taux rĂ©duits ou l'expropriation des habitants des lieux des futures stations. La première vague de stations concernĂ©es comprenait Flaine, Les Arcs, Tignes, SuperDĂ©voluy, Avoriaz. En 1977, lors du discours de Vallouise, le prĂ©sident de la RĂ©publique, ValĂ©ry Giscard d'Estaing, met fin aux plans neige au profit d'un tourisme plus « respectueux des sites et des paysages ». De 1964 Ă  1977, les plans neige successifs aboutissent Ă  la construction de 150 000 lits (au lieu d'un objectif initial de 350 000) rĂ©partis dans plus de 20 stations nouvelles et 23 stations anciennes.

Contexte et stations de « deuxième génération »

Courchevel en 1911. Le village ne possède que quelques maisons qui seront rasées pour la construction de la station d'hiver.

Ce projet Neige est tout d'abord intimement lié à l'implantation du ski en France et notamment dans les Alpes françaises et les Pyrénées[FD 1]. Après la création du Ski Club français en 1878, les Français aisés vont de plus en plus à la montagne, notamment grâce à l'ouverture de certaines écoles de ski[FD 2]. Les Jeux olympiques d'hiver de 1924 qui se déroulent à Chamonix mettent en lumière la nouvelle activité hivernale[FD 3]. Cependant, les infrastructures de ces petits villages nommés par les historiens les « villages-stations » sont plutôt rudes avec peu de confort, peu de pistes et de remontées mécaniques[FD 1]. C'est pourquoi, à cette même époque, les stations pyrénéennes des Eaux-Bonnes et de Cauterets sont favorisées pour leur confort et leur capacité hôtelière importante et les touristes délaissent peu à peu ces villages-stations[FD 4].

À petite échelle, certaines de ces petites stations vont faire des aménagements, comme l'installation d'une ligne de chemin de fer à Bagnères-de-Luchon par exemple, ou encore la construction de nouveaux chalets pour attirer des skieurs, mais un problème reste présent : la réflexion urbanistique[FD 5]. Ces petits villages n'ont jamais été pensés architecturalement pour devenir des stations et ne sont pas du tout adaptés, manquent d'hôtels, de boutiques, de remontées mécaniques... Les travaux sont trop onéreux pour ces petites communes qui n'ont pas la capacité technique d'accueillir ces touristes fortunés[FD 4].

L'État français commence à voir l'opportunité de gagner de l'argent avec ce nouveau tourisme hivernal et c'est en 1946 que le département de la Savoie rentre dans le nouvel âge des stations avec l'invention de la « station en site vierge »[FD 6]. La première se nomme Courchevel. Moderne et pratique, elle devient un point fort de l'économie du département[FD 4]. C'est avec cet essai concluant de la création d'une nouvelle station que commencent officieusement les plans neige[FD 7].

L’afflux de touristes finit par pousser les promoteurs à proposer aux communes alpines des projets qui trouvent leur origine dans une volonté gouvernementale, parallèlement au développement des stations balnéaires de la côte languedocienne, dans un cadre de « déclaration d'utilité publique » offrant des facilités aux promoteurs privés et la possibilité d’expropriations ou d'usage de sites vierges[1].

Lancement des plans neige

Après sa nomination comme Premier ministre en 1962, Georges Pompidou entame de grands travaux de politique d'aménagement du territoire, dont ceux des plans neige, aidé par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) créé en 1963. Maurice Michaud, ingénieur des ponts et chaussées et homme de main Pompidou pour la réalisation de ce projet faramineux, forme et prend la direction en de la Commission interministérielle d’aménagement de la montagne (CIAM), devenue en 1970 le Service d’étude et d’aménagement touristique de la montagne (SEATM)[2] - [3] - [4]. Créée spécialement pour le projet, cette commission lance des appels à projet pour la construction et la modernisation des stations de ski françaises dans un contrat de promoteur aménageur[5]. L'entreprise voulant construire ces lotissements et le domaine skiable doit à la fois acheter le terrain et bâtir les immeubles et faire construire les pistes et les remontées mécaniques[5]. Certains entrepreneurs se portent tout de suite candidats, comme Roger Godino qui finit par construire la station des Arcs en Savoie[6]. Le lancement de ces plans est particulier du fait qu'aucune planification du nombre de stations modernisée n'est réalisé. Ce chiffre doit dépendre du nombre de promoteurs acceptés pour la construction ou le réaménagement des stations.

Les oppositions des municipalités à céder leurs terrains restent faibles, et certaines villes les plus sceptiques au projet finissent par céder sous la pression politique[7].

Objectifs et enjeux du projet

Plagne Centre, qui ouvre en 1961, fait partie des constructions des plans neige. On y retrouve l'architecture typique avec de grosses barres d'immeubles en béton.

« Le plan neige doit déterminer un concept de stations d’altitude très fonctionnelles, au service du ski, fondées sur un urbanisme vertical, initier un partenariat unique auprès des collectivités et faire émerger une nouvelle génération de stations très performantes susceptibles d’attirer les devises étrangères. »

— Commission interministérielle d’aménagement de la montagne

L'objectif des plans neige était quelque peu différent du résultat présent quelques années plus tard. Cependant, il y avait de nombreux objectifs et attentes vis-à-vis de ce nouveau grand chantier français. Les enjeux sont à la fois économiques, politiques et sportifs.

Tout d'abord, un chantier long de quinze ans de 1964 Ă  1977 avec 350 000 lits d'hĂ´tels et d'immeubles envisagĂ©s, la crĂ©ation de 23 nouvelles stations de ski, des villes nouvelles et stations intĂ©grĂ©es[5], plus modestes et moins luxueuses pour un sport moins Ă©litiste. La rĂ©novation du parc dĂ©jĂ  existant est prĂ©vue pour une vingtaine de stations sur la liste. La France est Ă  l'Ă©poque au plus au pic de l'exode rural et le but est aussi de redynamiser la montagne avec ces nouvelles constructions[8].

Un enjeu sportif est aussi bien présent dans les envies de Georges Pompidou pour que la France devienne une grande destination du tourisme hivernal. La création d'une réelle filière de sports d'hiver en France est importante pour la préparation à l'accueil de nouveaux Jeux d'hivers, ceux de 1968 à Grenoble[8].

Principales stations Ă  construire

Principales stations à rénover

1965 : lancement des travaux et stations de « troisième génération »

La Plagne BellecĂ´te. Le principe des habitations au pied des pistes. Les skieurs descendent la piste et se rend au pied des immeubles.

À partir de début 1965, les travaux commencent[9]. L'État avait demandé une certaine cohérence architecturale entre chaque station, cependant ce n'était pas vraiment du goût des promoteurs. C'est pourquoi un faible nombre d'architectes sont acceptés pour dessiner les stations. Marcel Breuer est retenu pour Flaine, l’Atelier d'architecture en montagne et l'architecte Charlotte Perriand pour les Arcs, Jacques Labro pour la station d'Avoriaz et Michel Bezançon pour La Plagne[FD 5]...

En même temps, une nouvelle façon de bâtir ces stations voit le jour prônant une adaptation à la géographie du lieu [FD 8]. Les habitations de haute altitude doivent répondre à des critères précis, à la fois robustes pour pouvoir lutter face au vent, mais aussi avec un confort permettant d'accueillir des locaux à ski dans l'immeuble. Ces nouvelles stations sont totalement réorganisées sous forme d'un « amphithéâtre », terme utilisé par les architectes. Au niveau de la scène de celui-ci, un grand parking positionné en flanc de montagne. Dans les premiers rangs, des immeubles avec au rez-de-chaussée des boutiques et des cafés ; dans les rangs du fond, le domaine skiable[FD 8]. Cette nouvelle organisation permet aux skieurs de chausser les skis dans leur immeuble au pied des pistes dans une station intégrée. La voiture n'est plus nécessaire, car tous les commerces sont à proximité. Cela permet aussi une vision agréable depuis les immeubles, à la fois sur le flanc de la montagne, mais aussi du côté opposé le front de neige, sur l'arrivée des pistes et le départ des remontées mécaniques[FD 8].

DĂ©but des critiques et fin des plans

Prise de conscience Ă©cologique et critiques du projet

Une prise de conscience écologique apparaît en France au début des années 1970. Certains journalistes dénoncent ces pratiques de constructions à outrance dans ces montagnes, nommées par les opposants à ces plans les « usines à ski ». Deux principaux livres en sortent[10] : La montagne colonisée de Bruno Cognat en 1973 ainsi que La neige empoisonnée de la journaliste Danielle Arnaud en 1975, mettant ce sujet au cœur des débats[10].

Discours de Vallouise

Valéry Giscard d'Estaing en 1978, un an après le discours de Vallouise.

Le discours de Vallouise est considéré comme un tournant en termes de politique environnementale pour l'époque. Le discours est prononcé le à Vallouise, aux portes du parc national des Écrins, dans les Alpes françaises, par le président en fonction, Valéry Giscard d'Estaing[11]. Celui-ci annonce l'arrêt des plans neiges et la protection de la montagne passant par la création de plusieurs parcs.

Giscard d'Estaing déclare : « Trop de résidences secondaires s’éparpillent au gré des ventes de terres agricoles. Trop de stations de ski furent implantées sans tenir compte suffisamment des populations locales et des contraintes de l’environnement. L’effort de l’État portera dorénavant sur un tourisme intégré à d’autres activités, accessible au plus grand nombre, respectueux des sites et des paysages. »

Désormais, une commune est reconnue montagnarde si elle connaît « une limitation des possibilités d’utilisation de la terre en fonction des conditions climatiques ». Les procédures de création de nouvelles stations de ski (unités touristiques nouvelles) interdisent les sites vierges en haute montagne et le long des rivages lacustres.

Notes et références

  • Franck Delorme, « Du village-station Ă  la station-village. Un siècle d’urbanisme en montagne », In Situ Revue des patrimoines, Marseille,‎ (DOI 10.4000/11243, lire en ligne, consultĂ© le )
  • Autres rĂ©fĂ©rences
  1. « La station de ski ou le passé d'une utopie », sur LExpress.fr, (consulté le )
  2. J.-F. Lyon-Caen.
  3. Philippe Révil et Raphaël Helle, Les pionniers de l'or blanc, Glénat, , 199 p. (ISBN 978-2-7234-4566-5), p. 19.
  4. Jean-François Lyon-Caen, « Courchevel 1850 : la « superstation » des Alpes françaises. L'invention d'une pensée nouvelle pour l'urbanisme et l'architecture en montagne », Revue de géographie alpine, vol. 84, no 3,‎ , p. 54 (lire en ligne).
  5. « Plan Neige — Géoconfluences », sur geoconfluences.ens-lyon.fr (consulté le )
  6. « Le plan Neige, ou quand la haute montagne se pare de béton (1964-1977) », sur Franceinfo, (consulté le )
  7. Autopsie de Super-Cervières (extrait de la Paparelle n°11 - juin 2015)
  8. Aurélien ANTOINE, « Le Plan Neige : quand l'État réinventa la station de ski », sur Alti-Mag, (consulté le )
  9. L'héritage du Plan neige. En 1964, la France lançait un grand programme d'aménagement des stations. Avec quelques ratés... sur Libération
  10. « Du Plan Neige à l’écologie. Histoire d’une mutation sur la planète ski », sur www.historia.fr (consulté le )
  11. Institut National de l’Audiovisuel – Ina.fr, « Discours du Président Valéry Giscard d'Estaing à Vallouise », sur Ina.fr, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Franck Delorme, Du village-station Ă  la station-village. Un siècle d’urbanisme en montagne, Marseille, In Situ Revue des patrimoines, (DOI 10.4000/11243, lire en ligne)
  • Daniel Gilbert et Philippe Viguier, La Compagnie des Alpes : dĂ©veloppement, stratĂ©gie et internationalisation d’un acteur majeur du tourisme et des loisirs en France, Geoconfluences, (lire en ligne)
  • Emmanuelle George-Marcelpoil et Hugues François (dir.) et Hugues François, De la construction Ă  la gestion des stations : L’émergence de logiques de groupes dans la vallĂ©e de la Tarentaise, Geoconfluences, (lire en ligne)

Liens externes

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