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Pilon (Ă©dition)

Dans le domaine de l’édition et de la presse, le pilon dĂ©signe Ă  la fois les exemplaires des livres ou des publications sur papier destinĂ©s Ă  ĂŞtre dĂ©truits, et la « machine Â» thĂ©orique destinĂ©e Ă  cet effet. La pratique du pilon, connotĂ©e très nĂ©gativement par une majoritĂ© d’éditeurs et surtout d’auteurs, est nĂ©anmoins une partie de l’économie gĂ©nĂ©rale du livre. Les livres dĂ©truits servent essentiellement Ă  recycler le papier et cette tâche est confiĂ©e Ă  des entreprises spĂ©cialisĂ©es dans le traitement des dĂ©chets.

Origine

Le mot vient du nom de l’outil, généralement manuel, qui a ensuite été adapté aux sortes de marteaux, dans les machines qui assurent la frappe et l’écrasement des matières (bois, chiffons), pour obtenir de la pâte à papier : les moulins à papier, dont certains types sont d’ailleurs appelés piles (pile hollandaise). Le mot évoque aussi la puissance fatidique du marteau-pilon. Mais aucune machine de destruction des livres n’est officiellement appelée pilon. Il s’agit de divers types de broyeurs.

Raisons du pilonnage

Les motifs du pilonnage des livres sont multiples. Ils tiennent Ă  des raisons Ă©conomiques, en premier lieu Ă  la gestion des stocks, aux ventes insuffisantes, ensuite Ă  l’état dĂ©fectueux des livres, depuis le simple « dĂ©fraĂ®chi Â» jusqu’aux erreurs dĂ©celĂ©es trop tard, les changements de programmes pour les livres scolaires, etc. Les destructions de censure sont rares, mais des dĂ©cisions de justice (pour diffamation, pour plagiat etc.) peuvent exiger la destruction de livres.

Le pilonnage peut ĂŞtre partie intĂ©grante d’une politique Ă©ditoriale : un tirage supĂ©rieur aux ventes escomptĂ©es produit un effet de « masse Â», de prĂ©sence dans les rayons, qui a pour effet de susciter des achats suffisants pour dĂ©gager un bĂ©nĂ©fice supplĂ©mentaire et couvrir les frais du pilonnage des exemplaires en surnombre. Le pilonnage en soi n’est pas très coĂ»teux car les livres sont achetĂ©s au poids du papier, au mĂŞme titre que toute matière première. La profession s’organise pour optimiser les transports, notamment par le choix des horaires, et met en avant l’aspect Ă©cologique de l’activitĂ©, ce qui est cependant contredit par les pratiques du pilonnage « stratĂ©gique Â».

Le pilonnage peut également être déterminé par des considérations fiscales, en fonction de la législation du pays, par exemple s’il y a taxation des stocks.

Les archives nationales françaises sont également contraintes de détruire régulièrement des documents de leur fonds. Ils ne peuvent être ni vendus, ni donnés, et, lorsqu'ils manquent d'intérêt, partent au pilon.

Types de pilonnage

Pilon partiel

Le pilon partiel consiste Ă  dĂ©truire une partie du tirage global d’un livre : les exemplaires dĂ©fectueux, les exemplaires dĂ©fraĂ®chis (cas des « retours Â» de libraires), les excĂ©dents de stocks dont la vente Ă  court terme est compromise. Les exemplaires conservĂ©s demeurent dans les circuits de vente habituels.

Pilon total

Le pilon total concerne l’ensemble des exemplaires d’un titre. L’éditeur peut prendre sa décision en fonction de différents éléments : vente impossible, mise en solde estimée peu rentable. Ce cas concerne souvent des ouvrages liés à une actualité immédiate, dont l’intérêt tombe rapidement.

Technique

Les livres destinés au pilon, au départ de l’éditeur ou du distributeur, sont stockés dans des bennes, puis transportés par camions jusqu’à l’usine de traitement. Les chargements et les trajets sont contrôlés rigoureusement afin d’éviter l’ouverture d’un marché parallèle où des livres détournés reviendraient dans le circuit de vente, au profit de fraudeurs. Les mêmes précautions s’appliquent dans les usines. Pendant un temps, les livres étaient aspergés de peinture, ou simplement d’eau, mais cette pratique a été abandonnée[1]. Seuls les éditeurs peuvent décider, avant la mise au pilon, de conserver un petit nombre d’exemplaires pour des dons. Les livres déversés sont poussés dans le broyeur, machine équipée de couteaux rotatifs à grande vitesse, qui déchiquètent le papier en bandes étroites, puis en menus morceaux. Ces papiers, compressés en balles, sont ensuite expédiés vers des usines de pâte à papier pour devenir du papier pour les journaux, ou pour des emballages. Certaines machines, dites pulpeurs, fabriquent directement la pâte à papier en broyant les livres dans de l’eau. La fabrication de pâte à papier recyclé nécessite de nombreuses opérations de filtrage (élimination des corps étrangers, désencrage, blanchiment, etc.) et en général le déchiquetage du papier est opéré séparément.

LĂ©gislation

Les règlementations concernant la destruction des livres varient selon les pays. Aux États-Unis, la pratique d’enlever les couvertures des livres destinés au pilonnage (stripped books) n’empêche pas que ces livres sans couverture soient revendus sur un marché de l’occasion : depuis les années 1980, la plupart des éditeurs font figurer dans leurs livres que tout exemplaire dépourvu de sa couverture peut être considéré comme vendu frauduleusement. Cet avertissement n’a cependant aucune valeur juridique.

Droits des auteurs

L’éditeur est tenu d’informer les auteurs de ses décisions concernant aussi bien les retirages, que les mises en solde ou au pilon. Dans le cas du pilon, il est évident que l’auteur ne touchera pas de droits correspondant aux exemplaires détruits. Il a la possibilité d’acheter lui-même tout ou partie du stock, comme pour la mise en soldes, à un tarif préférentiel qui peut lui permettre d’assurer lui-même la commercialisation de l’ouvrage. En principe, l’auteur d’un livre pilonné récupère la totalité de ses droits sur l’ouvrage : il peut donc en proposer une nouvelle édition à un autre éditeur. Ces conditions sont soumises au contrat initial passé entre l’éditeur et le ou les auteurs.

Le pilon dans les médias

La destruction des livres a suscité une abondante littérature, évidemment pour être dénoncée, lorsqu’elle était autoritaire, publique et spectaculaire, sous la forme de l’autodafé. Le feu en était le seul vecteur, jusqu’à la science-fiction et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Le pilon, utilitaire et pratiqué dans l’ombre, représente une autre forme de l’autodafé. Thème quelque peu maudit des auteurs, qui préfèrent l’oublier, le pilon a cependant suscité quelques romans. Le Tchèque Bohumil Hrabal, qui connaît le sujet pour avoir vu ses livres pilonnés par la censure communiste de son pays, a publié Une trop bruyante solitude (1976), où le héros, ouvrier du pilon, sauve en cachette autant de livres qu’il peut. Dans Le liseur du 6 h 27 (2014), Jean-Paul Didierlaurent traite d’un personnage qui, lui, ne récupère que des feuilles éparses, qu’il lit chaque matin à haute voix pour les passagers de son RER.

En 2012, Bruno Deniel-Laurent réalise un essai-documentaire, On achève bien les livres.

Références

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